Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : GF c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1869

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : G. F.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (621704) datée du 13 octobre 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Paula Turtle
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 24 novembre 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 1er décembre 2023
Numéro de dossier : GE-23-3038

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec l’appelant.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi) à quitter son emploi au moment où il l’a fait. L’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi parce qu’il avait des solutions raisonnables autres que son départ. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

Aperçu

[3] L’appelant a quitté son emploi de camionneur dans un lieu de travail éloigné le 14 juillet 2023 et a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a examiné les raisons du départ de l’appelant. Elle a décidé qu’il avait quitté volontairement son emploi (ou avait choisi de démissionner) sans justification, de sorte qu’elle n’était pas en mesure de lui verser des prestations.

[4] Je dois décider si l’appelant a démontré qu’il n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi.

[5] L’appelant affirme que les règles régissant le milieu de travail changeaient constamment. Et parfois, c’était dangereux. Il a fait l’objet de mesures disciplinaires à deux reprises. Sa superviseure a dit qu’il serait congédié s’il faisait une autre gaffe.

[6] La Commission affirme que l’appelant aurait pu discuter de ses préoccupations avec sa superviseure ou avec son syndicat. Il aurait pu déposer une plainte. Ou il aurait pu trouver un autre emploi avant de démissionner.

[7] L’appelant n’est pas d’accord et affirme qu’il n’avait d’autre choix que de démissionner lorsqu’il l’a fait. Son représentant syndical était absent. Il n’a pas pensé à déposer une plainte. Et c’était difficile de chercher un autre emploi pendant qu’il était sur place.

Question en litige

[8] L’appelant est-il exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification?

[9] Pour répondre à cette question, je dois d’abord examiner la question du départ volontaire de l’appelant. Je dois ensuite décider si l’appelant était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Les parties conviennent que l’appelant a quitté volontairement son emploi

[10] J’admets que l’appelant a quitté volontairement son emploi. L’appelant convient qu’il a démissionné le 14 juillet 2023. Rien ne prouve le contraire.

Les parties ne conviennent pas que l’appelant avait une justification

[11] Les parties ne conviennent pas que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi lorsqu’il l’a fait.

[12] Selon la loi, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Le fait d’avoir une bonne raison de quitter un emploi ne suffit pas à prouver que l’appelant était fondé à le faire.

[13] La loi explique ce qu’elle entend par « justification ». Elle précise qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas. Elle prescrit qu’il faut tenir compte de toutes les circonstancesNote de bas de page 2.

[14] Il appartient à l’appelant de démontrer qu’il était fondé à quitter son emploiNote de bas de page 3. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable que le contraire que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas. Pour décider si l’appelant était fondé à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances qui existaient lorsqu’il a démissionné.

[15] L’appelant affirme qu’il a quitté son emploi parce qu’il allait être congédié de toute façon. Il était trop difficile de suivre les règles. Parfois, on lui disait de faire des choses qui allaient à l’encontre des règles. Il utilisait des radios pour communiquer avec ses superviseurs et les autres travailleurs. Mais ils ne fonctionnaient pas correctement. Il en était à son dernier avertissement. Et ce n’était qu’une question de temps avant qu’il fasse une autre gaffe.

[16] La Commission est d’avis que l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi parce que son départ ne constituait pas la seule solution raisonnable à ce moment-là. Plus précisément, elle indique que l’appelant aurait pu discuter de ses préoccupations au sujet de ce qui se passait au travail avec sa superviseure ou avec son syndicat. Il aurait pu déposer une plainte. Ou il aurait pu trouver un autre emploi avant de démissionner.

[17] Il affirme qu’il n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi à ce moment-là parce que son représentant syndical était absent. Il n’a pas pensé à déposer une plainte. Et il ne pouvait pas chercher du travail pendant qu’il était dans le campement.

Les circonstances présentes lors du départ de l’appelant

[18] L’appelant travaillait dans un endroit éloigné dans le nord de l’Alberta. Il s’agissait d’un site accessible uniquement par avion. Les travailleurs vivaient dans un campement.

[19] L’appelant conduisait un camion. Il devait faire la collecte des déchets et les amener au dépotoir. Selon la règle, pendant le déversement des déchets, il ne faut pas faire marche arrière. Mais il arrivait que les conditions soient mauvaises. Dans ce cas, les opérateurs lui disaient de faire marche arrière.

[20] L’appelant, les opérateurs et les superviseurs communiquaient par radio. Mais souvent, les radios ne fonctionnaient pas. Il était difficile d’entendre les instructions et les directives.

[21] Lorsqu’il a démissionné, l’appelant était encore en période de probation.

[22] L’appelant m’a dit à l’audience qu’il n’était pas certain d’avoir reçu deux avertissements. Mais il a dit à un agent de Service Canada qu’il avait eu deux avertissements. Et, dans sa demande de révision, il a indiqué que son employeur lui avait dit qu’il avait eu deux avertissements.

[23] Je suis d’avis que l’affirmation de l’appelant a l’agent et ce qu’il a indiqué dans sa demande de révision était fiable. Il a eu deux fois l’occasion de réfléchir à la question et il a indiqué les deux fois qu’il avait reçu deux avertissements. Ces affirmations sont plus fiables que ce qu’il a dit à l’audience. Donc, je conclus qu’il a eu deux avertissements.

[24] Les avertissements lui avaient été donnés parce qu’il n’avait pas respecté les procédures et n’avait pas utilisé les bons canaux radio. L’appelant affirme que c’était une question de temps avant qu’il reçoive un autre avertissement. Et puis on le congédierait. Il a donc décidé de démissionner.

[25] L’appelant affirme que les directives étaient incohérentes. Et les radios ne fonctionnaient pas correctement. Il dit donc que les conditions de travail étaient dangereuses.

[26] Lors de son dernier quart de travail, la superviseure de l’appelant lui a dit de stationner son camion. Elle a dit qu’elle viendrait lui parler.

[27] Plus tard pendant ce quart de travail, la superviseure a parlé à l’appelant. Elle lui a dit que ça n’allait pas très bien dans son travail. Elle a demandé si cela l’aiderait d’essayer un autre camion. L’appelant ne pensait pas que cela aiderait. Il en était à son troisième camion. Et il était équipé de la meilleure radio de tous les camions qu’il avait utilisés.

[28] Elle lui a demandé s’il avait des problèmes de santé mentale ou des problèmes à la maison. L’appelant a dit que rien ne le préoccupait. Il a dit que, parfois, les radios ne fonctionnent pas correctement.

[29] La superviseure a dit qu’il avait fait l’objet de deux signalements. Elle a dit qu’il ne devrait pas terminer son quart de travail. Il est retourné au campement.

[30] L’appelant devait travailler le lendemain à partir de 17 h 30. Il a décidé de démissionner avant le début de son quart de travail le lendemain. Il a donc appelé un taxi pour se rendre à l’aéroport.

[31] Il n’a parlé à personne avant de quitter le campement. Sa superviseure lui a envoyé un texto peu après 17 h 30. Elle lui a demandé pourquoi il n’était pas au travail. L’appelant a dit qu’il en avait fini.

Pourquoi l’appelant est-il parti?

[32] L’appelant a dit qu’il ne pouvait pas rester là un jour de plus. Il était contrarié par les directives qu’on lui donnait et l’état des radios. Il avait l’impression que ces choses ne changeraient pas.

[33] L’appelant en était à son dernier avertissement. On allait le congédier la prochaine fois que ça irait mal. Et il était sûr que quelque chose irait mal. Donc, il a démissionné avant d’être congédié.

L’appelant disposait de nombreuses autres solutions raisonnables

[34] L’appelant a quitté le travail sans dire à l’employeur qu’il s’en allait. Cela m’indique qu’il était contrarié. Mais sa frustration ne le dispense pas d’envisager d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait. L’appelant disposait de nombreuses autres solutions raisonnables.

[35] L’appelant avait un syndicat. Il a dit que le syndicat avait été plutôt bon envers lui. Son représentant syndical était absent. L’appelant n’a donc pas pu communiquer avec lui.

[36] L’appelant a dit qu’il ne pouvait pas attendre que le représentant revienne de vacances parce qu’il ne pouvait pas rester dans le campement s’il ne travaillait pas.

[37] Il y avait un autre représentant syndical dans le campement. Il était affecté à l’autre quart. L’appelant ne connaissait pas ce représentant. Il a convenu que le syndicat aurait pu lui dire qui il était. Mais il n’a pas appelé le syndicat pour le demander.

[38] Des discussions sur la sécurité étaient tenues régulièrement sur les lieux, pour chaque quart de travail et chaque semaine. L’appelant n’a pas soulevé ses préoccupations en matière de santé et de sécurité lors de ces réunions.

[39] De plus, il n’a pas fait part de ses préoccupations en matière de santé et de sécurité à un organisme de réglementation provincial.

[40] L’appelant était à la recherche d’autres emplois avant de décider de démissionner. Il m’a dit qu’il ne pouvait pas chercher d’emploi au campement parce qu’il n’y avait pas de réseau Wi-Fi. Par la suite, il a convenu qu’il aurait pu chercher des emplois pendant qu’il était dans le campement, en utilisant des données.

[41] Je conclus que l’appelant avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait. Il aurait pu faire part de ses préoccupations en matière de sécurité lors des réunions sur la sécurité, il aurait pu parler à un représentant syndical, soit en attendant le retour de son représentant, soit en trouvant qui était le représentant pour l’autre quart de travail, ou il aurait pu continuer de travailler jusqu’à ce qu’il trouve un autre emploi.

Conclusion

[42] Je conclus que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations.

[43] Par conséquent, l’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.