Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 75

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission d’en appeler

Demanderesse : J. C.
Défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 3 novembre 2023
(GE-23-2705)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 25 janvier 2024
Numéro de dossier : AD-23-1093

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Décision

[1] L’autorisation (permission) de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse, J. C. (prestataire), demande la permission de faire appel de la décision de la division générale. Cette dernière a rejeté son appel visant à ce que sa demande de prestations d’assurance‑emploi soit antidatée du 29 juin 2023 au 15 juillet 2022 afin qu’elle ne soit pas considérée comme étant tardive.

[3] La division générale a conclu que la prestataire n’a pas satisfait aux conditions requises pour faire antidater sa demande. Elle a jugé qu’elle n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable de ne pas demander de prestations plus tôt. La prestataire n’a demandé des prestations d’assurance‑emploi qu’après avoir épuisé son indemnité de départ.

[4] Comme elle n’a pu antidater sa demande, la prestataire n’a pas accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable au cours de sa période de référence pour être admissible à des prestations. Si elle avait pu antidater sa demande, elle aurait accumulé suffisamment d’heures et aurait été admissible à des prestations.

[5] La prestataire soutient que la division générale a agi injustement en rendant une décision injuste. Elle affirme qu’elle avait un motif valable justifiant le retard et que sa demande aurait donc dû être antidatée.

[6] La prestataire fait également valoir que la division générale a commis des erreurs de droit. Premièrement, elle affirme que les affaires sur lesquelles la division générale s’est fondée sont distinctes de son cas sur le plan des faits. Deuxièmement, la division générale a mal interprété les articles 24 et 36 du Règlement sur l’assurance‑emploi (le Règlement) ou elle n’en a pas tenu compte.

[7] Avant que la prestataire puisse aller de l’avant avec son appel, je dois décider si celui‑ci a une chance raisonnable de succès. Autrement dit, il doit y avoir une cause défendable en droitNote de bas de page 1. Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, cela met fin à l’affaireNote de bas de page 2.

[8] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je ne donne pas à la prestataire la permission d’aller de l’avant avec son appel.

Questions en litige

[9] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. a) Peut‑on soutenir que le processus de la division générale était inéquitable?
  2. b) Peut‑on soutenir que la division générale a commis des erreurs de droit?

Je n’accorde pas à la prestataire la permission de faire appel

[10] La division d’appel rejette la demande de permission de faire appel si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Il y a une chance raisonnable de succès si la division générale a pu commettre une erreur de compétence, de procédure, de droit ou un certain type d’erreur de faitNote de bas de page 3.

La prestataire ne peut soutenir que le processus de la division générale était inéquitable

[11] La prestataire ne peut soutenir que le processus de la division générale était inéquitable. L’équité procédurale concerne l’équité du processus. Il ne s’agit pas de savoir si une partie estime que la décision est injuste.

[12] Les parties devant la division générale jouissent de droits à certaines protections procédurales, comme le droit d’être entendues et de connaître la preuve qu’elles doivent réfuter, le droit à un avis d’audience en temps opportun et le droit à un décideur impartial.

[13] Selon ce que je peux établir, la prestataire a reçu tous les documents au dossier. Elle a reçu un préavis adéquat de l’audience. La défenderesse, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada, ayant exposé pleinement sa thèse dans ses observations, la prestataire aurait dû connaître la preuve qu’elle devait réfuter. Rien n’indique non plus que la division générale ne lui a pas donné une audience équitable ou une chance raisonnable de présenter sa preuve. Il n’y a aucun signe de partialité. Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que le processus de la division générale n’était pas équitable.

La prestataire ne peut soutenir que la division générale a commis des erreurs de droit

[14] La prestataire ne peut soutenir que la division générale a commis des erreurs de droit.

La jurisprudence sur laquelle la division générale s’est fondée

[15] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit en s’appuyant sur MauchelNote de bas de page 4et AlbrechtNote de bas de page 5, des affaires qui, affirme‑t‑elle, se distinguent de son cas sur le plan des faits.

[16] La prestataire soutient que la division générale a repris erronément ce que la décision Mauchel dit. Elle affirme que [traduction] « dans cette affaire, on n’a pas dit que les renseignements recueillis en ligne étaient de nature générale, on n’a PAS dit que le fait de s’appuyer sur des renseignements recueillis en ligne n’était pas suffisant »Note de bas de page 6. Dans son cas, elle a fait plus que simplement chercher des renseignements en ligne. Elle a également consulté des billets de blogue sur des sites Web de cabinets d’avocats et a parlé au service des ressources humaines de son ancien employeur. Elle affirme donc que tous ses efforts devraient être suffisants pour démontrer qu’elle avait un motif valable justifiant son retard.

[17] La prestataire affirme également que les décisions Mauchel et Albrecht se distinguent de sa situation sur le plan des faits. M. Mauchel n’a pas reçu d’indemnité de départ. Plus important encore, après avoir quitté son emploi, il n’a pas fait de recherche ni vérifié s’il avait droit à des prestations. Il a attendu deux ans avant de demander des prestations et une antidatation.

La prestataire dit avoir cherché à obtenir des renseignements

[18] Dans son cas, elle a cherché à obtenir des renseignements immédiatement et a demandé une antidatation dans un délai environ deux fois moins long.

[19] Les efforts de la prestataire ont consisté notamment en ce qui suit :

  • Recherches sur Google sur le fonctionnement de l’indemnité de départ – elle a lu sur un site d’information en ligne sur les ressources humaines que [traduction] « des prestations d’assurance‑emploi seront versées lorsque les mois couverts par l’indemnité de départ seront écoulés à titre de soutien pendant que la personne cherche un emploi »Note de bas de page 7.
  • Recherche sur Google – elle a lu sur le site d’un cabinet d’avocats multinational que [traduction] « les prestations d’assurance‑emploi commenceront habituellement après l’expiration de votre période de cessation d’emploi »Note de bas de page 8.
  • Recherche sur Google sur « Que se passe-t-il si je reçois une indemnité de départ pendant que je reçois de l’assurance‑emploi? » – selon un cabinet d’avocats du travail de Toronto [traduction] « les prestataires ne sont pas autorisés à toucher des prestations d’assurance‑emploi pendant qu’ils reçoivent une indemnité de départ »Note de bas de page 9.

[20] La prestataire a compris, à partir de ces renseignements, qu’elle ne pouvait pas toucher une indemnité de départ et des prestations d’assurance‑emploi en même temps. Elle s’est appuyée en partie sur ces renseignements avant de demander des prestations. Toutefois, ces renseignements n’abordaient pas la question de l’antidatation ni ne mentionnaient à quel moment un prestataire devait demander des prestations après avoir cessé de travailler.

[21] Autrement dit, les recherches effectuées par la prestataire semblent avoir été mal orientées. Au lieu de chercher des renseignements sur le moment où une partie prestataire devrait demander des prestations, elle s’est plutôt concentrée sur la question de savoir si elle pouvait toucher des prestations tout en recevant une indemnité de départ.

[22] La prestataire ne soutient pas que le fait de chercher en ligne dans son cas était suffisant. Elle dit plutôt que non seulement elle a cherché en ligne, mais qu’elle a également parlé avec le service des ressources humaines de son ancien employeur. Elle affirme également que tous ces efforts devraient démontrer qu’elle a agi raisonnablement.

La division générale a pris en considération les efforts de la prestataire

[23] La division générale était consciente des efforts de la prestataire. Elle a noté que lorsque la prestataire s’est sentie mieux vers septembre 2022, elle a fait des recherches en ligne et a consulté les sites Web susmentionnésNote de bas de page 10.

[24] La division générale a également noté que la prestataire avait parlé au service des ressources humaines de son employeur au sujet d’une demande de prestations d’assurance‑emploi. Elle a noté qu’on a dit à la prestataire qu’elle obtiendrait des prestations à la fin de la période pour laquelle elle avait reçu une indemnité de départNote de bas de page 11.

[25] Ces renseignements ont confirmé ceux que la prestataire avait obtenus auprès de la Commission environ deux décennies plus tôt. Elle a rappelé que la Commission lui avait dit en 2004 qu’elle ne pouvait demander de prestations qu’après avoir épuisé son indemnité de départ.

Le fait que la division générale s’est fondée sur Mauchel et Albrecht

[26] Il y a souvent des différences factuelles notables entre les cas, mais cela ne signifie pas qu’un décideur ne peut pas se fonder sur des décisions pour en tirer des principes généraux, ce que la division générale a fait dans la présente affaire.

[27] La division générale a cité les décisions Mauchel et Albrecht à l’appui de la proposition selon laquelle agir comme une personne raisonnable dans le contexte d’une demande d’antidatation signifie pour une partie prestataire de prendre rapidement des mesures, après avoir cessé de travailler, pour se renseigner sur ses droits et obligations sous le régime de la Loi sur l’assurance‑emploi. La prestataire ne conteste pas cette proposition générale.

[28] La division générale a également cité la décision Mauchel à l’appui de la proposition selon laquelle on ne peut pas simplement se fier aux renseignements recueillis en ligne parce qu’ils sont de nature générale et qu’ils ne traitent pas de la situation particulière d’une partie prestataire. La prestataire ne semble pas non plus contester cette proposition générale, mais elle affirme que les renseignements qu’elle a recueillis en ligne couvraient expressément son cas. Plus important encore, elle dit avoir cherché à obtenir des renseignements en plus de faire des recherches en ligne.

[29] Dans la décision Mauchel, la Cour d’appel fédérale a statué ce qui suit :

[13] … Une personne raisonnable qui se fie au site Web pour obtenir des renseignements doit faire une recherche plus approfondie que celle à laquelle M. Mauchel semble s’être livré. Une personne raisonnable ne se serait pas laissé induire en erreur par les premières informations générales apparaissant sur le site au sujet de l’admissibilité aux prestations au point d’être dissuadée de chercher des renseignements plus précis concernant sa situation. Ces premières informations selon lesquelles l’assurance‑emploi est destinée aux personnes qui perdent leur emploi sans y être pour quoi que ce soit sont suffisamment générales pour viser les personnes qui sont sans emploi parce qu’elles ont volontairement quitté celui qu’elles avaient pour un motif valable.

[14] À mon avis, le site Web contenait suffisamment de renseignements pour amener une personne raisonnable placée dans une situation semblable à celle de M. Mauchel à se demander si elle pouvait être admissible à des prestations et à communiquer avec la Commission pour obtenir une réponse ou présenter une demande. La question n’est pas de savoir si un prestataire en particulier a trouvé les renseignements clairs et non équivoques et décidé qu’il était inutile de fouiller davantage sur le site Web, mais bien de savoir si une personne raisonnable aurait pensé ainsi. Nul ne prétend que le site Web contenait des renseignements erronés.

[30] La division générale a reformulé avec exactitude les principes énoncés dans les décisions Mauchel et Albrecht. Il est évident qu’une partie prestataire doit faire des recherches plus approfondies que d’examiner des déclarations générales initiales en ligne.

[31] La Cour d’appel a souligné que la question devrait être la suivante : Qu’aurait fait une personne raisonnable?

[32] En fin de compte, la division générale a jugé qu’elle devait examiner ce qu’une personne raisonnable aurait fait dans le cas de la prestataire. La division générale a jugé que les efforts de la prestataire – chercher en ligne et parler avec le service des ressources humaines de son employeur – étaient insuffisants pour satisfaire au critère de la personne raisonnable.

[33] Elle a conclu qu’une personne raisonnable aurait communiqué avec la Commission pour vérifier les renseignements qu’elle avait reçus il y a environ 20 ans, ainsi que les renseignements qu’elle avait recueillis sur les sites Web et auprès de son employeur.

[34] Je ne suis pas convaincue que la prestataire puisse soutenir que la division générale a mal interprété ou mal appliqué les décisions Mauchel et Albrecht. La division générale s’est appuyée sur les principes généraux tirés des deux décisions et les a appliqués aux faits dans le cas de la prestataire.

Articles 24 et 36 du Règlement sur l’assurance-emploi

[35] La division générale n’a pas négligé ou mal interprété les articles 24 et 36 du Règlement. Contrairement à ce que la prestataire soutient, l’article 36 ne contredit pas l’article 24 et l’article 36 ne dit pas que l’indemnité de départ ne constitue pas une rémunération. L’article 36 traite de la façon dont une rémunération doit être répartie.

[36] La prestataire affirme que la division générale a mal interprété les articles 24 et 36 du Règlement ou qu’elle n’en a pas tenu compte. Ces dispositions traitent de la répartition de la rémunération. Elles se contredisent, dit‑elle. Elle affirme que l’article 24 définit l’indemnité de départ comme une rémunération, mais que l’article 36 dit le contraire. Elle soutient que la division générale aurait dû prendre note de cette contradiction, car elle aurait ensuite déclaré que l’indemnité de départ qu’elle a reçue ne constituait pas une rémunération qui devait être répartie aux fins de sa demande.

[37] Toutefois, l’article 36 ne prescrit pas que les indemnités de départ ne constituent pas une rémunération. La disposition décrit comment la rémunération doit être répartie.

[38] La prestataire note que la division générale a souligné que la Loi d’exécution du budget a suspendu temporairement la répartition de toute indemnité de départ pour les demandes présentées entre le 26 septembre 2021 et le 25 septembre 2022.

[39] La prestataire soutient que ces changements contredisaient également les articles 24 et 36 du Règlement. Toutefois, ces dispositions ont été temporairement suspendues, ce qui signifie que les indemnités de départ n’ont pas été réparties pour les demandes présentées pendant cette période. Il n’y avait donc aucune contradiction.

[40] Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale a mal interprété les articles 24 et 36 du Règlement ou qu’elle n’en a pas tenu compte Comme la prestataire n’a pas présenté sa demande entre le 26 septembre 2021 et le 25 septembre 2022, la division générale a conclu que l’article 24 du Règlement s’appliquait. La disposition définit les indemnités de départ comme une rémunération. Par conséquent, les indemnités de départ de la prestataire devaient être réparties de la manière prévue à l’article 36 du Règlement.

Conclusion

[41] L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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