Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : AE c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 270

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une prolongation du délai et à
une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : A. E.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du
28 décembre 2023
(GE-23-571)

Membre du Tribunal : Stephen Bergen
Date de la décision : Le 15 mars 2024
Numéro de dossier : AD-24-108

Sur cette page

Décision

[1] J’accueille la demande du prestataire visant à prolonger le délai pour présenter une demande à la division d’appel. Cependant, je refuse la permission de faire appel.

Aperçu

[2] A. E. est le demandeur. Je l’appellerai le « prestataire » parce que le présent appel concerne sa demande de prestations d’assurance-emploi.

[3] Le prestataire était à l’étranger du 4 août au 2 octobre 2019. Il recevait des prestations d’assurance-emploi à ce moment-là, mais il n’a pas déclaré à la Commission qu’il était à l’étranger. Lorsque la Commission a appris qu’il avait été à l’étranger, elle a imposé une inadmissibilité rétroactive. Elle a accepté qu’il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations pendant les sept premiers jours de son absence parce qu’il rendait visite à un proche parent malade, mais elle a conclu qu’il était inadmissible pour la période allant du 12 août au 2 octobre 2019. Par conséquent, le prestataire n’aurait pas dû recevoir de prestations pour ces semaines et il a reçu un trop-payé.

[4] La Commission a refusé de modifier sa décision lorsque le prestataire lui a demandé de la réviser. Le prestataire a donc fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Celle-ci a rejeté son appel. Il demande donc la permission de faire appel à la division d’appel. Sa demande est en retard.

[5] Je prolonge le délai permettant au prestataire de présenter une demande à la division d’appel, mais je ne lui donne pas la permission de faire appel. Le prestataire n’a pas démontré qu’il était possible de soutenir que la division générale a commis une erreur d’équité procédurale ou une erreur de fait importante.

Questions en litige

[6] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) La demande à la division d’appel était-elle en retard?
  2. b) Est-ce que je dois prolonger le délai de présentation de la demande?
  3. c) Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur d’équité procédurale?
  4. d) Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante en omettant de tenir compte des circonstances atténuantes que vit le prestataire?

Analyse

La demande était en retard

[7] Cependant, dans son avis d’appel à la division générale, le prestataire a autorisé le Tribunal à lui envoyer des documents par courriel. La division générale a rendu sa décision le 28 décembre 2023 et l’a envoyée par courriel au prestataire le 29 décembre 2023.

[8] Lorsque le Tribunal envoie un document à une partie par courriel, les Règles de procédure du Tribunal de la sécurité sociale précisent qu’il considère que la ou le destinataire a reçu le document le jour ouvrable suivant la date où il l’a envoyéNote de bas de page 1. Les Règles permettent également à une partie de démontrer que cette règle ne devrait pas s’appliquer à elleNote de bas de page 2.

[9] Le prestataire a dit avoir reçu la [traduction] « lettre » en retard parce qu’elle a été envoyée à l’adresse de son voisin. Toutefois, rien ne montre quand il a reçu la copie de la décision qui a été envoyée par courriel le 29 décembre 2023. Il n’a donc pas démontré pourquoi cette règle ne devrait pas s’appliquer à lui.

[10] Comme le Tribunal a envoyé la décision par courriel au prestataire le 29 décembre 2023, il serait considéré comme l’ayant reçue le 2 janvier 2024, soit le jour ouvrable suivant. Cela signifie qu’il lui fallait déposer son appel au plus tard le 1er février 2024 pour être à temps.

[11] Le Tribunal a reçu son appel seulement le 5 février 2024. L’appel est donc en retard.

Je prolonge le délai pour le dépôt de la demande

[12] Pour décider s’il y a lieu d’accorder une prolongation du délai, je dois vérifier si le prestataire a une explication raisonnable justifiant le retard de sa demandeNote de bas de page 3.

[13] J’admets que le prestataire avait une explication raisonnable justifiant le retard de son appel.

[14] Même si le prestataire est réputé avoir reçu la décision le 2 janvier, il a expliqué qu’il a reçu la lettre de décision en retard [traduction] « de plus de 10 jours », parce qu’elle a été livrée à son voisin.

[15] S’il n’avait pas indiqué que le Tribunal pouvait communiquer avec lui par courriel, on aurait traité la décision comme [traduction] « communiquée » lorsque le prestataire a reçu la copie écrite. Le prestataire affirme qu’il a fallu plus de 10 jours, parce que la lettre a été envoyée chez son voisin. Cependant, même sans cette preuve, son appel n’aurait pas été en retard. Selon les Règles, on aurait considéré qu’il a reçu la décision écrite 10 jours après son envoi, soit le 8 janvier 2024; il aurait donc respecté les délais s’il avait déposé sa demande avant le 7 février 2024.

[16] Pour une raison quelconque, le prestataire attendait apparemment la décision écrite par la poste. Il a 67 ans et il a de graves problèmes de santé. Comme son appel est en retard de quatre jours seulement, je reconnais qu’il a fourni une explication raisonnable justifiant son retard.

Je ne donne pas au prestataire la permission de faire appel

Principes généraux

[17] Pour que la demande de permission de faire appel du prestataire soit accueillie, ses motifs d’appel doivent correspondre aux « moyens d’appel ». Les moyens d’appel ciblent les types d’erreurs dont je peux tenir compte.

[18] Je peux seulement tenir compte des erreurs suivantes :

  1. a) Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une quelconque façon.
  2. b) La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a décidé d’une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher (erreur de compétence).
  3. c) La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. d) La division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décisionNote de bas de page 4.

[19] Pour accueillir la demande de permission de faire appel et permettre au processus d’appel d’aller de l’avant, je dois conclure qu’au moins un des moyens d’appel confère à l’appel une chance raisonnable de succès. Dans d’autres décisions qu’ils ont rendues, les tribunaux ont assimilé une chance raisonnable de succès à une « cause défendableNote de bas de page 5 ».

Équité procédurale

[20] L’un des moyens d’appel du prestataire était celui qui porte sur l’équité procédurale.

[21] Toutefois, il n’a pas démontré que la division générale a agi d’une manière inéquitable sur le plan procédural.

[22] L’équité procédurale concerne l’équité du processus. Il ne s’agit pas de savoir si une partie estime que le résultat de la décision est équitable.

[23] Les parties devant la division générale ont droit à certaines protections procédurales, comme le droit d’être entendues, le droit de connaître les arguments avancés contre elles et le droit à un décideur impartial.

[24] Le prestataire n’a pas soutenu qu’il n’avait pas eu une chance équitable de se préparer à l’audience ou qu’il ne savait pas ce qui se passait lors de celle-ci. Il n’a pas avancé qu’il n’avait pas eu une chance équitable de présenter ses arguments à l’audience ni de répondre à ceux de la Commission. Il ne s’est pas plaint que le membre de la division générale était partial ou qu’il avait préjugé l’affaire avant de l’instruire.

[25] Après avoir lu la décision et examiné le dossier d’appel, je ne vois rien que la division générale ait fait ou omis de faire qui peut me faire douter de l’équité du processus.

Erreur de fait importante

[26] Le prestataire a également affirmé que la division générale avait commis une erreur de fait importante, mais dans sa demande à la division d’appel, il n’a pas expliqué pourquoi il croyait que c’était le cas.

[27] Le 12 février 2024, le Tribunal a écrit au prestataire pour lui demander d’expliquer plus en détail les motifs de son appel. Dans sa réponse, le prestataire a dit que sa demande était une [traduction] « affaire humanitaire ». Il a expliqué que son épouse et lui vivent de sa pension de vieillesse et qu’il était traité pour un cancer. Le prestataire a demandé que son trop-payé soit réduit afin de pouvoir faire des paiements mensuels.

[28] Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante.

[29] Une personne est inadmissible au bénéfice des prestations pendant qu’elle est à l’étrangerNote de bas de page 6. La loi prévoit des exceptions limitées pour les prestataires qui se trouvent à l’étranger à certaines finsNote de bas de page 7. En fait, le prestataire a bénéficié de l’une de ces exceptions. La Commission avait admis qu’il n’était pas inadmissible pendant sept jours alors qu’il visitait un proche parent gravement malade. Selon la loi, une période de sept jours est le maximum permis pour cette raisonNote de bas de page 8.

[30] Devant la division générale, le prestataire a fait valoir qu’il devrait être visé par l’exception pour les parties prestataires qui veulent obtenir des soins médicauxNote de bas de page 9. Cependant, la division générale n’a pas accepté que les soins que le prestataire cherchait à obtenir n’étaient pas disponibles dans sa région de résidence au Canada.

[31] Je n’ai pas le pouvoir d’intervenir dans les conclusions de la division générale à moins qu’elle ait commis le type d’erreur de fait décrit dans les moyens d’appel.

[32] Selon la loi, la division générale commet une erreur de fait importante quand elle fonde sa décision sur une conclusion qu’elle a tirée après avoir ignoré ou mal interprété les éléments de preuve pertinents ou sur une conclusion sans lien rationnel avec la preuveNote de bas de page 10.

[33] La preuve qui aurait été pertinente pour la décision de la division générale est toute preuve qu’il n’était pas à l’étranger lorsque la Commission l’a dit, ou toute preuve pour appuyer son argument selon lequel il faisait partie de l’une des exceptions. Cela comprendrait tout élément de preuve laissant croire que le type de soins dont il avait besoin n’était pas immédiatement ou promptement disponible dans sa région de résidence.

[34] Le prestataire n’a signalé aucun élément de preuve pertinent que la division générale a ignoré ou mal compris.

[35] Je suis sensible à la situation du prestataire, mais les circonstances atténuantes qu’il vit ne sont pertinentes à aucune des conclusions sur lesquelles la division générale s’est fondée. L’inadmissibilité au sens de la loi ne dépend pas des difficultés personnelles ou financières du prestataire. Ces circonstances ne changent pas le montant du trop-payé qui doit être remboursé.

[36] Cela signifie que la division générale ne peut pas avoir commis une erreur de fait si elle n’a pas tenu compte de ces circonstances.

[37] L’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[38] J’ai accordé une prorogation de délai, mais je refuse la permission de faire appel. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

[39] Comme la division générale l’a souligné, le Tribunal n’a pas compétence pour annuler la dette du prestataire. Il peut quand même demander à la Commission d’annuler la dette s’il ne l’a pas déjà fait. Je ne peux pas dire si elle acceptera de le faire. Il peut aussi communiquer avec l’Agence du revenu du Canada pour voir ce qui peut être fait au sujet d’un calendrier de remboursement.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.