Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 237

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à la permission de faire
appel

Partie demanderesse : R. S.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 31 août 2023 (GE-23-1265)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Date de la décision : Le 10 mars 2024
Numéro de dossier : AD-23-833

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur, R. S. (prestataire), a été suspendu, puis congédié de son emploi de pilote. Son employeur a déclaré qu’il avait été congédié parce qu’il n’avait pas respecté sa politique de vaccination contre la COVID-19.

[3] Le prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a conclu que le prestataire avait été suspendu et congédié en raison de sa propre inconduite. Le prestataire a demandé une révision, mais la Commission a maintenu sa décision.

[4] Le prestataire a porté la décision découlant de la révision en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a rejeté l’appel. Elle a conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations d’assurance-emploi.

[5] Le prestataire veut maintenant faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel du Tribunal. Toutefois, il a d’abord besoin de la permission de faire appel. Le prestataire soutient que la division générale a commis de nombreuses erreurs dans sa décision.

[6] Je dois décider si la division générale a commis une erreur révisable qui pourrait permettre d’accueillir l’appel. Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[7] Voici les questions en litige :

  1. a) Peut-on soutenir que la division générale a fait preuve de partialité?
  2. b) Peut-on soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante en ne tenant pas compte du fait que la politique de l’employeur violait le contrat de travail?
  3. c) Peut-on soutenir que la division générale n’a pas tenu compte des actes illégaux de l’employeur dans son analyse de l’inconduite?
  4. d) Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de fait au sujet du témoignage du prestataire?
  5. e) Le prestataire soulève-t-il une autre erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait permettre d’accueillir l’appel?

Je n’accorde pas au prestataire la permission de faire appel

[8] Le critère juridique que le prestataire doit remplir pour demander la permission de faire appel est peu rigoureux : y a-t-il un moyen défendable qui permettrait d’accueillir l’appelNote de bas de page 1?

[9] Pour trancher cette question, je me suis surtout demandé si la division générale avait pu commettre une ou plusieurs des erreurs pertinentes (moyens d’appel) énumérées dans la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement socialNote de bas de page 2.

[10] Un appel n’est pas une nouvelle occasion de débattre de la demande originale. Je dois plutôt décider si la division générale a commis l’une des erreurs suivantes :

  1. a) elle n’a pas offert un processus équitable;
  2. b) elle n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 3;
  4. d) elle a commis une erreur de droitNote de bas de page 4.

[11] Avant que le prestataire puisse passer à l’étape suivante de l’appel, je dois être convaincue qu’au moins un de ces moyens d’appel donne à l’appel une chance raisonnable de succès. Une chance raisonnable de succès signifie que le prestataire pourrait plaider sa cause et possiblement gagner. Je dois aussi tenir compte d’autres moyens d’appel possibles que le prestataire n’a pas cernés avec précisionNote de bas de page 5.

Contexte

[12] L’employeur du prestataire a mis en place une politique de vaccination contre la COVID-19. La politique exigeait que les membres du personnel se fassent vacciner contre la COVID-19 ou bénéficient d’une exemption valide. Les personnes qui ne s'y conformeraient pas seraient passibles de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu'au licenciement motivéNote de bas de page 6. Le prestataire a demandé une mesure d’adaptation religieuse, mais l’employeur a rejeté sa demandeNote de bas de page 7.

[13] Le prestataire a été suspendu, puis congédié. La Commission a conclu que le prestataire avait été congédié en raison d’une inconduite. La division générale a rejeté l’appel du prestataire. Elle a conclu que la Commission avait prouvé que le prestataire avait été suspendu et congédié en raison d’une inconduiteNote de bas de page 8.

On ne peut pas soutenir que la division générale a fait preuve de partialité

[14] Le prestataire soutient que la division générale a fait preuve de partialité et donne deux exemples. Premièrement, il affirme que la partialité est évidente parce que la division générale n’a pas été en mesure de lire les termes de l’arrêté d’urgence qui traitaient des exemptions religieusesNote de bas de page 9. Deuxièmement, le prestataire soutient que la division générale n’a pas été en mesure de voir que la politique de vaccination était une nouvelle condition d’emploiNote de bas de page 10.

[15] Le prestataire soutient aussi que la division générale a reconnu l’enquête de la Commission sur la politique de vaccination de l’employeur plutôt que d’admettre le fait que la Commission n’a pas vérifié si sa demande de mesures d’adaptation avait été traitée correctement par l’employeurNote de bas de page 11.

[16] Il faut faire preuve de rigueur pour conclure à la partialité, et la charge d’établir cette partialité revient à la partie qui en prétend l’existence. Une allégation de partialité ne peut reposer sur des soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou encore de simples impressionsNote de bas de page 12. La Cour suprême du Canada a déclaré que le critère pour établir la présence de partialité est le suivant : « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratiqueNote de bas de page 13? »

[17] La division générale a accepté la preuve du prestataire concernant sa demande d’exemption religieuse, sa suspension et son congédiementNote de bas de page 14. Elle a admis les arguments du prestataire concernant le fait que la Commission n’a pas examiné la conduite de l’employeur et que la politique de vaccination violait sa convention collectiveNote de bas de page 15. La division générale a expliqué que ces arguments ne sont pas pertinents pour l’analyse de l’inconduite dans le contexte de l’assurance-emploiNote de bas de page 16.

[18] La division générale a aussi examiné les arguments du prestataire concernant l’arrêté d’urgence. Elle a expliqué que les termes de l’arrêté d’urgence ne changent rien au fait que l’employeur a informé le prestataire des conséquences s’il ne respectait pas la politique de vaccinationNote de bas de page 17.

[19] On ne peut pas soutenir que la division générale a fait preuve de partialité envers le prestataire. La division générale a examiné les arguments et la preuve du prestataire. Le prestataire n’est pas d’accord avec les conclusions tirées par la division générale, mais cela ne constitue pas une preuve de partialité.

On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte du fait que la politique violait le contrat de travail

[20] Le prestataire affirme que selon la jurisprudence, il doit y avoir un lien entre la conduite et le contrat de travail pour conclure à une inconduite. Il ajoute que la politique de vaccination devait être ajoutée à sa convention collective pour être contraignante. Il souligne que les tentatives de négociation visant à l’ajouter à la convention collective en sont la preuveNote de bas de page 18.

[21] La division générale a reconnu l’argument du prestataire. Elle a expliqué qu’une décision récente de la Cour fédérale indiquait clairement qu’il ne s’agissait pas d’une question qu’elle était tenue d’examinerNote de bas de page 19.

[22] Depuis, la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont rendu un certain nombre de décisions concernant l’inconduite et les politiques de vaccinationNote de bas de page 20. Elles ont réitéré à plusieurs reprises que le Tribunal n’a pas le pouvoir d’évaluer le fond, la légitimité ou la légalité de la politique de vaccination de l’employeur ni de se prononcer sur le sujet.

[23] On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte de la légitimité de la politique de vaccination ou de son lien avec la convention collective du prestataire.

On ne peut pas soutenir que la division générale n’a pas tenu compte des actes de l’employeur

[24] Le prestataire soutient que son employeur avait l’obligation de respecter les lois sur le travail et les droits de la personne. Il affirme qu’il ne l’a pas fait et que la Commission et la division générale appuient ces actes illégaux. Il précise qu’il ne savait pas que l’employeur ne respecterait pas la loi et, par conséquent, qu’il pouvait être congédiéNote de bas de page 21.

[25] La division générale a reconnu ces arguments. Elle a conclu que la politique de vaccination, la lettre de suspension et un courriel de mise à jour que le prestataire a consultés précisaient tous qu’il pouvait être congédiéNote de bas de page 22. La division générale a conclu que même si l’interprétation que le prestataire a faite de l’obligation de l’employeur l’avait amené à croire qu’il ne pouvait pas être congédié, il aurait quand même dû savoir quelles pouvaient être les conséquences de son gesteNote de bas de page 23.

[26] On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de droit ou a fondé sa décision sur une erreur de fait importante. Elle a examiné les arguments et la preuve du prestataire et a expliqué, en faisant référence à la preuve, pourquoi elle n’était pas d’accord avec le prestataire.

On ne peut pas soutenir que la division générale a mal évalué la preuve du prestataire

[27] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur dans sa décision lorsqu’elle a énoncé la raison du prestataire pour son congédiement. Il fait valoir qu’il n’a pas dit que son employeur l’avait suspendu, puis congédié pour avoir insisté sur le consentement éclairé à la vaccination et avoir contesté le droit de l’employeur à ses renseignements personnelsNote de bas de page 24.

[28] J’ai écouté l'enregistrement de l’audience devant la division générale. Vers le début de l’audience, la division générale a demandé au prestataire de confirmer les questions en litige et lui a dit qu’elle avait examiné tous les documents au dossier. Elle a dit qu’elle avait compris, d’après la preuve, que c’était la raison pour laquelle le prestataire avait déjà déclaré qu’il avait été suspendu et congédié. Le prestataire n’était pas en désaccord.

[29] La division générale a peut-être été imprécise lorsqu’elle a déclaré que le prestataire avait témoigné de ce fait, mais on peut déduire cela de la preuve. De plus, pour ce moyen d’appel, la division générale doit avoir fondé sa décision sur une conclusion de fait qu’elle a tirée après avoir ignoré ou mal interprété les éléments de preuve pertinents ou sur une conclusion sans lien rationnel avec la preuveNote de bas de page 25.

[30] Je conclus qu’on ne peut pas soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait. Le prestataire a été cohérent tout au long de l’affaire quant aux événements qui ont mené à son congédiement. En indiquant la raison pour laquelle le prestataire croyait avoir été suspendu et congédié, la division générale a fait référence à la preuve au dossierNote de bas de page 26. La division générale a accepté les éléments de preuve du prestataire, mais elle n’était pas d’accord pour dire que sa conduite ne constituait pas une inconduite.

[31] La division générale a appliqué le bon critère juridique et a suivi la jurisprudence contraignante de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale. Elle a examiné la preuve et les arguments du prestataire et n’a tenu compte d’aucun élément de preuve non pertinent. On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur révisable dans sa décision.

[32] Le prestataire n’a soulevé aucune erreur que la division générale aurait commise et qui pourrait permettre d’accueillir l’appel. Je refuse donc la permission de faire appel.

Conclusion

[33] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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