Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 282

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permision de faire appel

Partie demanderesse : S. D.
Représentante : B. C.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 16 janvier 2024
(GE-23-3307)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 19 mars 2024
Numéro de dossier : AD-24-72

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Décision

[1] Je refuse la permission de faire appel. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse, S. D. (prestataire), demande la permission de faire appel de la décision de la division générale. La division générale a estimé qu’elle n’était pas fondée à quitter son emploi quand elle l’a fait. Elle a jugé que son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. La division générale a donc conclu que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[3] La prestataire soutient qu’elle était fondée à quitter son emploi parce qu’elle devait accompagner sa conjointe de fait vers un autre lieu de résidence. Elle dit que la division générale avait un parti pris contre elle parce qu’elle était dans une relation homosexuelle.

[4] La prestataire soutient également que le processus de la division générale n’était pas équitable. Elle dit qu’elle [traduction] « n’a pas été entendue et considérée de façon équitableNote de bas de page 1 ». Elle fait valoir que si elle avait su ce qu’elle devait prouver, elle aurait fourni plus d’éléments de preuve à cette fin. Elle soutient également que la division générale n’a pas communiqué avec les témoins.

[5] Avant que l’appel de la prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider s’il a une chance raisonnable de succès. Autrement dit, il doit y avoir une cause défendableNote de bas de page 2. Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, l’affaire est closeNote de bas de page 3.

[6] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je refuse à la prestataire la permission d’aller de l’avant avec l’appel.

Questions en litige

[7] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. a) Est-il possible de soutenir que le membre de la division générale était partial ou qu’il y avait une crainte raisonnable de partialité?
  2. b) Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de procédure?

Analyse

Je refuse à la prestataire la permission de faire appel

[8] La division d’appel rejette la demande de permission de faire appel si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Un appel a une chance raisonnable de succès si la division générale peut avoir commis une erreur de compétence, de procédure, de droit ou un certain type d’erreur de faitNote de bas de page 4.

[9] Pour ce type d’erreur de fait, la division générale doit avoir fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissanceNote de bas de page 5.

La prestataire ne peut pas soutenir que le membre de la division générale était partial ou qu’il y avait une crainte raisonnable de partialité

[10] La prestataire ne peut pas soutenir que le membre de la division générale était partial ou qu’il y avait une crainte raisonnable de partialité. Des suppositions ne suffisent pas à établir que cet argument est défendable.

[11] La Cour suprême du Canada a établi le critère de la crainte raisonnable de partialité. Elle a fait référence à l’opinion dissidente du juge Grandpré dans la décision Committee for Justice and Liberty c L’Office national de l’énergie :

[C]e critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [la personne responsable de rendre la décision], consciemment ou non, ne rendra pas une décision équitableNote de bas de page 6? »

[12] La prestataire met en doute l’impartialité de la division générale. Elle affirme ce qui suit : [traduction] « Je ne sais pas si cela aurait fait une différence dans sa décision si ma [sa] conjointe était un homme, mais c’est ce que je ressensNote de bas de page 7. » À part cela, elle n’a rien d’autre pour appuyer son affirmation selon laquelle le membre de la division générale était partial.

[13] Le simple fait d’alléguer qu’il y a eu partialité ne satisfait pas au critère établi par la Cour suprême du Canada. Sans rien de plus, il est peu probable qu’une personne bien renseignée croirait que le membre de la division générale n’a pas rendu une décision équitable.

[14] La division générale a examiné la preuve de manière exhaustive. Par exemple, elle n’a pas accepté la lettre du propriétaireNote de bas de page 8 comme un élément de preuve montrant que la prestataire vivait en union de fait lorsqu’elle a quitté son emploi.

[15] La division générale a expliqué que les premiers éléments de preuve et les renseignements contradictoires de la prestataire minaient la crédibilité de la lettre de son propriétaire et de son propre dossier dans son ensemble. La division générale était en droit de tirer cette conclusion en se fondant sur la preuve dont elle disposait. Rien n’indique que le membre de la division générale n’a pas accepté la lettre en raison de l’orientation sexuelle de la prestataire ou parce qu’elle est dans une relation homosexuelle.

[16] Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que le membre de la division générale était partial ou qu’il y avait une crainte raisonnable de partialité.

La prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de procédure

[17] La prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de procédure.

[18] Une erreur de procédure concerne l’équité du processus à la division générale. Le fait qu’une partie estime que la décision est injuste n’a pas d’importance. Les parties qui comparaissent la division générale ont droit à certaines protections procédurales, comme le droit d’être entendues, de connaître les arguments avancés contre elles, de recevoir un avis d’audience en temps opportun et d’obtenir une décision rendue par une personne impartiale.

[19] Dans la présente affaire, la prestataire estime que le processus était injuste parce qu’elle ne savait pas ce qu’elle devait prouver. Comme elle ne savait pas exactement ce qu’elle devait prouver, elle n’a pas recueilli d’autres éléments de preuve pour appuyer sa cause. Elle affirme qu’elle avait des éléments de preuve qui auraient pu établir qu’elle vivait en union de fait et qu’elle devait déménager pour accompagner sa conjointe.

[20] De plus, la prestataire affirme qu’elle a fourni les coordonnées de ses témoins et que la division générale aurait donc dû communiquer avec eux. Elle aurait pu vérifier qu’elle avait effectivement déménagé pour accompagner sa conjointe. De cette façon, elle aurait été convaincue qu’elle était fondée à quitter son emploi.

La prestataire aurait dû savoir ce qu’elle devait prouver

[21] La prestataire dit qu’elle ne savait pas ce qu’elle devait prouver. Cependant, à partir du moment où elle a demandé des prestations d’assurance-emploi jusqu’à l’audience de la division générale, elle aurait dû savoir qu’elle devait expliquer pourquoi elle avait quitté son emploi :

  1. i. Le formulaire de demande demandait pourquoi la prestataire ne travaillait plus. La prestataire a coché l’option [traduction] « J’ai quitté mon emploi (ceci inclut une retraite, des raisons de santé, un déménagement pour accompagner un conjoint ou une personne à charge)Note de bas de page 9 ».
  2. ii. Le formulaire de demande demandait aussi à la prestataire quelle raison décrivait le mieux pourquoi elle avait quitté son emploi, puis énumérait plusieurs options. L’une de ces options était [traduction] « Pour accompagner un conjoint, un ou des enfants à charge ou un ou des parents vers un nouveau lieu de résidence. La prestataire n’a pas coché cette option. Elle a plutôt coché [traduction] « J’ai quitté mon emploi pour une autre raisonNote de bas de page 10 » et [traduction] « Pour une raison qui n’est pas mentionnée ci‑dessusNote de bas de page 11 ».
  3. iii. La prestataire a expliqué qu’elle avait quitté son emploi [traduction] « parce que le coût de la vie […] est trop élevé, que mon loyer augmente et que je déménage pour vivre avec ma familleNote de bas de page 12 » et [traduction] « on me propose un emploi dans ma région […]Note de bas de page 13 ».
  4. iv. Lorsque la prestataire s’est entretenue avec la Commission, elle a expliqué qu’elle avait quitté son emploi pour pouvoir aller vivre avec sa famille. Elle a également fait remarquer qu’elle n’était pas en mesure de subvenir à ses besoins et que son loyer aurait augmentéNote de bas de page 14.
  5. v. La prestataire a donné une explication semblable lorsqu’elle a discuté avec la Commission quelques jours plus tard. Elle a expliqué qu’elle avait déménagé pour vivre avec sa famille parce qu’elle n’avait plus les moyens de payer son loyer et qu’il augmentait. Trouver une colocataire n’était pas envisageable, car elle ne connaissait personneNote de bas de page 15.
  6. vi. Après que la Commission a rejeté sa demande, la prestataire lui a demandé de réviser sa décision. Elle a écrit qu’elle n’était pas d’accord avec cette décision. Elle a fait remarquer que le coût de la vie était trop élevé et qu’elle n’était capable de payer son loyer et les services publics qui augmentaient. Elle a écrit ce qui suit : [traduction] « Ma conjointe est repartie […] et je l’ai accompagnée, car la vie à Terre-Neuve en milieu rural est un peu moins chère […]Note de bas de page 16 ».
  7. vii. La prestataire s’est à nouveau entretenue avec la Commission. Elle n’a pas mentionné qu’elle avait quitté son emploi pour accompagner sa conjointe. Elle a expliqué qu’elle avait déménagé en raison du coût de la vie. Elle a déménagé avec sa famille, où elle payait un loyer moins élevéNote de bas de page 17.
  8. viii. La prestataire a fourni à la Commission des preuves de ses dépenses. Cela comprenait l’avis du 7 juillet 2023 que son propriétaire lui a donné l’informant que son loyer allait augmenter à compter du 1er février 2024Note de bas de page 18.
  9. ix. Lorsque la prestataire a parlé à la Commission le 9 novembre 2023, celle-ci lui a demandé si elle avait quitté son emploi pour accompagner sa conjointe. La Commission a consigné la réponse suivante : [traduction] « La cliente a dit qu’elle devait déménager dans une région rurale […] et qu’elle a déménagé chez sa tante […] pour pouvoir payer un loyer de 400 $ et épargnerNote de bas de page 19 ».
  10. x. Au cours de la même conversation, la Commission a demandé à la prestataire si elle vivait avec sa conjointe au moment où elle a quitté son emploi, si elles étaient fiancées, si elles avaient déjà cohabité ou si elles partageaient des responsabilités. La Commission a consigné la réponse suivante : [traduction] « La cliente a dit qu’elles n’ont pas cohabité auparavant […] Elle vivait seule […]. Elle a emménagé avec sa conjointe [..] en septembre 2023 pour la première fois […] elles ne partagent pas de responsabilités […]Note de bas de page 20 ».
  11. xi. Dans son avis d’appel à la division générale, la prestataire a écrit que sa conjointe avait emménagé avec elle en août 2022. Ensuite, son propriétaire lui a annoncé que son loyer allait augmenter. Sa conjointe a obtenu un poste à temps plein et elles pouvaient déménager dans l’appartement d’un parent dont le loyer était moins élevé. Elles ont donc décidé de déménager ensemble. La prestataire avait déjà trouvé un emploi à temps partiel où elles allaient déménagerNote de bas de page 21.
  12. xii. La Commission a présenté ses arguments à la division générale. Ceux-ci portaient sur les arguments de la prestataire selon lesquels elle avait déménagé pour accompagner sa conjointe. La Commission a soutenu que la prestataire avait fourni des renseignements contradictoires et qu’elle n’avait pas réussi à prouver qu’elle vivait avec sa conjointe avant de quitter son emploi. La Commission a fait valoir que la prestataire n’avait donc pas prouvé qu’elle avait l’obligation d’accompagner sa conjointe vers un autre lieu de résidenceNote de bas de page 22.
  13. xiii. La prestataire a fourni une lettre non datée de son propriétaire indiquant qu’elle et S. M. ont loué son appartement du 1er septembre 2022 au 31 août 2023Note de bas de page 23.

[22] Compte tenu du formulaire de demande, des discussions de la prestataire avec la Commission et des arguments de celle-ci, la prestataire aurait dû savoir qu’elle devait prouver qu’elle vivait avec sa conjointe lorsqu’elle a quitté son emploi. La Commission a clairement exposé cette question dans ses observationsNote de bas de page 24. La prestataire a ainsi eu assez de temps avant l’audience de la division générale pour rassembler les éléments de preuve nécessaire pour démontrer qu’elle vivait en union de fait avec sa conjointe.

[23] La prestataire a déposé une lettre de son propriétaire. Cette lettre indique qu’elle et S. M. ont loué son appartement du 1er septembre 2022 au 31 août 2023. C’était la seule information contenue dans la lettre. Le fait que la prestataire ait demandé à son propriétaire de rédiger cette lettre montre qu’elle savait que la question en litige était de savoir si elle vivait en union de fait et si elle avait quitté son emploi pour accompagner sa conjointe.

[24] Je ne suis pas convaincue qu’il soit possible de soutenir que la division générale a agi de façon inéquitable en ne s’assurant pas que la prestataire était consciente de ce qu’elle devait prouver.

La division générale ne communique pas avec les témoins et ne recueille pas d’éléments de preuve

[25] La division générale a noté que la prestataire n’avait invité personne, y compris son ancien propriétaire ou sa conjointe, à témoigner à l’audience. Ces témoins auraient pu s’exprimer sur la question de savoir si elle et sa conjointe avaient cohabité avant de déménager.

[26] La prestataire soutient que la division générale aurait dû communiquer avec ses témoins, y compris son propriétaire et sa conjointe.

[27] Je ne suis pas convaincue du bien-fondé de cet argument. La division générale rend des décisions de façon indépendante et impartiale. Elle n’a aucun lien de dépendance avec les parties. Elle n’a pas de communication externe avec les parties ou les témoins. Elle ne recueille aucune preuve. Il aurait été tout à fait inapproprié que la division générale communique avec des témoins. La responsabilité de convoquer des témoins incombe aux parties.

[28] Je ne suis pas convaincue qu’il soit possible de soutenir que la division générale n’a pas communiqué avec les témoins.

Conclusion

[29] L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Je refuse la permission de faire appel. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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