Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : FA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 2023

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : F. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (557415) datée du 7 décembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : John Noonan
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 24 octobre 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 5 novembre 2023
Numéro de dossier : GE-23-82

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas d’accord avec l’appelant.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a été mis en congé en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui l’a empêché de continuer son travail). Par conséquent, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[4] L’appelant, F. A., a établi une demande de prestations d’assurance-emploi à compter du 31 juillet 2022. La Commission a rejeté sa demande le 2 septembre 2022 après avoir conclu qu’il était exclu du bénéfice des prestations parce qu’il avait perdu son emploi le 15 novembre 2021 en raison de sa propre inconduite. L’appelant a demandé une révision, mais la Commission a maintenu sa décision originale (voir la page GD3‑74 du dossier d’appel). L’appelant a ensuite fait appel au Tribunal. Le Tribunal doit décider si l’appelant a commis l’acte reproché et, si c’est le cas, il doit vérifier s’il constitue une inconduite. Sa décision permettra de déterminer l’admissibilité aux prestations au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

[5] L’employeur de l’appelant dit qu’il a été suspendu ou mis en congé parce qu’il n’a pas respecté sa politique de vaccination. Autrement dit, il a refusé de se faire vacciner.

[6] Même si l’appelant ne conteste pas ce qui s’est passé, il affirme que le fait d’enfreindre la politique de vaccination de son employeur n’est pas une inconduite.

[7] La Commission a accepté la raison du congé fournie par l’employeur. Elle a décidé que l’appelant a été mis en congé en raison de son inconduite. Pour cette raison, la Commission a conclu que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Questions que je dois examiner en premier

[8] Dans la présente affaire, l’appelant n’a pas été congédié pour ne pas s’être fait vacciner conformément à la politique de l’employeur. Il a plutôt été mis en congé, ce qui a eu le même effet qu’une suspension parce qu’il n’était pas autorisé à voyager et qu’il ne pouvait pas se présenter au travail comme il le voulait.

[9] Bon nombre des décisions judiciaires citées dans la présente décision font référence au congédiement, mais je remarque qu’elles ont le même effet en ce qui concerne les congés et les suspensions au titre de la loi.

Questions en litige

[10] Question en litige no 1 : L’appelant a-t-il été mis en congé en raison d’une inconduite?

Question en litige no 2 : Si c’est le cas, l’a-t-il fait volontairement au point où il pouvait raisonnablement s’attendre à être mis en congé ou à être suspendu en raison de ses gestes?

Analyse

[11] Les dispositions législatives pertinentes se trouvent au document GD4.

[12] La loi ne définit pas le terme « inconduite ». Le critère juridique en matière d’inconduite consiste à savoir si l’acte reproché était volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne employée a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail (voir la décision Tucker, A‑381‑85).

[13] Les tribunaux doivent se concentrer sur la conduite de la partie prestataire, et non sur celle de l’employeur. La question n’est pas de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant la partie prestataire de sorte que cela constituerait un congédiement injuste, mais plutôt si la partie prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné la perte de son emploi (voir les décisions McNamara, 2007 CAF 107 et Fleming, 2006 CAF 16).

[14] L’employeur et la Commission doivent démontrer que la partie prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La décision doit tenir compte de la prépondérance des probabilités (voir les décisions Larivee, A‑473‑06 et Falardeau, A‑396‑85).

[15] Il doit y avoir un lien de causalité entre l’inconduite reprochée à la partie prestataire et la perte de son emploi. L’inconduite doit causer la perte de l’emploi et doit en être une cause opérante. En plus du lien de causalité, la partie prestataire doit avoir commis l’inconduite alors qu’elle était à l’emploi de l’employeur. L’inconduite doit aussi constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail (voir les décisions Cartier, 2001 CAF 274; Smith, A‑875‑96; Brissette, A‑1342‑92; et Nolet, A‑517‑91).

[16] Selon la loi, une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi si elle ne peut pas effectuer son travail en raison d’une inconduite. Cela s’applique lorsque l’employeur met en congé ou suspend la personne.

[17] Pour décider si l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois vérifier deux choses. D’abord, je dois savoir pourquoi l’appelant a été mis en congé. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Question en litige no 1 : L’appelant a-t-il été mis en congé en raison d’une inconduite?

[18] Oui.

[19] L’appelant a été mis en congé en raison d’une inconduite. L’employeur de l’appelant a déclaré qu’il a été mis en congé parce qu’il n’a pas respecté sa politique exigeant la vaccination complète ou l’obtention d’une exemption.

[20] L’appelant ne conteste pas que cela s’est produit, mais il soutient qu’il ne faisait pas confiance au vaccin et que, selon lui, il ne s’agissait pas d’un vaccin approuvé.

[21] Son employeur devait respecter la politique de vaccination du ministère de la Défense nationale, car il était une entreprise sous-traitante qui travaillait sur un site fédéral.

[22] Comme il n’a pas fourni la preuve de vaccination exigée par son employeur, l’appelant n’a pas été rappelé au travail. Il a plutôt été mis en congé jusqu’à ce que le contrat de l’employeur prenne fin et que l’appelant reçoive un nouveau relevé d’emploi indiquant un manque de travail à compter du 31 juillet 2022.

[23] La Commission a accepté la raison de la suspension fournie par l’employeur. Elle a conclu que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, la Commission a conclu que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[24] Je conclus que l’appelant a bel et bien enfreint la politique de vaccination de l’employeur, ce qui a entraîné sa suspension.

Question en litige no 2 : L’appelant a-t-il été mis en congé volontairement au point où il pouvait raisonnablement s’attendre à être mis en congé ou à être suspendu en raison de ses gestes?

[25] Oui.

[26] Les tribunaux doivent se concentrer sur la conduite de la partie prestataire, et non sur celle de l’employeur. La question n’est pas de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant la partie prestataire de sorte que cela constituerait un congédiement injuste, mais plutôt si la partie prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné la perte de son emploi (voir les décisions McNamara, 2007 CAF 107 et Fleming, 2006 CAF 16).

[27] La preuve d’un élément psychologique est nécessaire. La partie prestataire doit avoir un comportement délibéré ou à ce point insouciant qu’il frôle le caractère délibéré (voir les décisions McKay-Eden, A‑402‑96; Jewell, A‑236‑94; Brissette, A‑1342‑92; Tucker, A‑381‑85; et Bedell, A‑1716‑83).

[28] Un tribunal doit disposer des faits pertinents avant de pouvoir conclure à une inconduite. Il doit aussi avoir une preuve suffisamment circonstanciée pour lui permettre, d’abord, de savoir comment la partie prestataire a agi et, ensuite, de juger si ce comportement était répréhensible (voir les décisions Meunier, A‑130‑96 et Joseph, A‑636‑85).

[29] Le terme « inconduite » n’est pas défini comme tel dans la jurisprudence. C’est surtout une question de circonstances (voir les décisions Gauthier, A‑6‑98 et Bedell, A‑1716‑83).

[30] Il faut analyser tous les éléments de preuve avant de conclure à une inconduite (voir la décision Ryan, 2005 CAF 320).

[31] L’employeur a avisé l’appelant à plusieurs reprises qu’il devait se faire vacciner.

[32] L’appelant a déclaré qu’il n’a pas été suspendu parce qu’il était en congé, jusqu’à ce que le contrat prenne fin à la fin de juillet 2022. Lorsque le contrat prend fin, il doit y avoir un licenciement ou un manque de travail (voir les pages GD3‑69 et GD3‑70).

[33] L’appelant a choisi de ne pas respecter la politique de vaccination obligatoire de l’employeur. L’employeur a alors exercé son droit de ne pas rappeler l’appelant au travail.

[34] La raison du congé de l’appelant est donc une inconduite au sens de la loi.

[35] À l’audience, l’appelant a livré un témoignage très détaillé sur sa position concernant la politique de vaccination obligatoire.

[36] Il n’avait pas demandé d’exemption.

[37] De plus, il a témoigné au sujet de son métier et de son travail de tuyauteur qu’il exerce depuis longtemps.

[38] L’appelant était au courant de la politique et du fait que tous les déplacements exigeaient la vaccination ou une exemption. Comme il vivait à Terre-Neuve-et-Labrador et travaillait dans le nord du Canada, il devait prendre l’avion. Toutefois, il n’a pas été autorisé à prendre l’avion étant donné qu’il a choisi de ne pas se faire vacciner.

[39] On a longuement discuté du concept d’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi avec l’appelant et il a bien compris que le Tribunal ne faisait que rendre une décision à ce sujet.

[40] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas le terme « inconduite ». Cependant, la jurisprudence (décisions des cours et tribunaux) montre comment savoir si les gestes posés par l’appelant constituent une inconduite au sens de la loi. Elle énonce le critère juridique en matière d’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en considération pour trancher la question de l’inconduite.

[41] Selon la jurisprudence, pour constituer une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelle. L’inconduite doit être une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéré. La partie prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, elle n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loi.

[42] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié.

[43] La loi ne précise pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeur. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait et décider si cela constitue une inconduite au sens de la loi.

[44] Je dois me concentrer uniquement sur la loi. Je ne peux pas décider si l’appelant a différentes options au titre d’autres lois. Je n’ai pas à décider si l’appelant a été mis en congé à tort ou si son employeur aurait dû lui offrir des dispositions raisonnables (mesures d’adaptation). Je peux examiner une seule chose : le fait de savoir si ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait constitue une inconduite au sens de la loi.

[45] La Commission doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le faire selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a été mis en congé en raison d’une inconduite.

[46] L’appelant ne nie pas avoir été mis en congé en raison de la politique de vaccination obligatoire de l’employeur, mais nie que ses gestes constituent une inconduite.

[47] J’estime que l’appelant satisfait à l’élément psychologique du caractère délibéré inhérent à une conclusion d’inconduite. Ses observations montrent clairement qu’il connaissait les conséquences de ne pas se faire vacciner et de ne pas pouvoir prendre l’avion pour se rendre au travail avant la date limite fixée par l’employeur. Toutefois, il a quand même choisi de ne pas se faire vacciner.

[48] La Cour fédérale a conclu que, pour qu’il y ait inconduite, il n’était pas nécessaire qu’il y ait eu rupture du contrat de travail. Une inconduite peut survenir même s’il y a eu manquement à une politique qui ne faisait pas partie du contrat de travail initial.

[49] La Cour fédérale a aussi conclu que l’employeur pouvait mettre en place une politique exigeant la vaccination même si elle ne faisait pas partie du contrat initial. Elle a conclu qu’il y avait inconduite si une personne employée omettait sciemment de se conformer à cette politique tout en connaissant les conséquences qui en découleraient.

[50] Dans la présente affaire, l’appelant était au courant des restrictions de voyage s’il n’était pas vacciné, et donc de son incapacité à retourner au travail.

[51] Les tribunaux ont toujours affirmé que le critère juridique en matière d’inconduite est de savoir si une partie prestataire a intentionnellement commis un acte (ou a omis de commettre un acte) qui est contraire à ses obligations professionnelles. Il s’agit d’un critère très étroit et précis pour décider s’il y a eu inconduite.

[52] L’employeur et la Commission ont démontré que l’appelant a été mis en congé en raison d’une inconduite. La décision a été rendue selon la prépondérance des probabilités (voir les décisions Larivee, A‑473‑06 et Falardeau, A‑396‑85).

[53] Par conséquent, j’estime qu’il serait probable de conclure que l’appelant a commis une inconduite. L’appelant doit donc être exclu du bénéfice des prestations.

Conclusion

[54] Le Tribunal doit évaluer les faits et non pas simplement s’en remettre à la conclusion d’inconduite tirée par l’employeur. Il faut procéder à une appréciation objective suffisante pour dire que l’inconduite a vraiment été la cause de la perte d’emploi (voir la décision Meunier, A‑130‑96).

[55] Après avoir dûment tenu compte de toutes les circonstances, la personne responsable de rendre la décision conclut que les gestes posés par l’appelant dans la présente affaire étaient délibérés et volontaires au point où il savait qu’ils allaient ou pourraient mener à une interdiction de voyager et qu’il serait ainsi incapable d’aller travailler. Par conséquent, ils constituent bel et bien une inconduite au sens de la loi. L’appel est donc rejeté. L’appelant n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.