Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : HL c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2023 TSS 1943

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance‑emploi

Décision

Appelante : H. L.
Intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (553470) datée du 31 octobre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Jean-Yves Bastien
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 9 novembre 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 27 novembre 2023
Numéro de dossier : GE-22-3973

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelante.

[2] L’appelante n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler. Par conséquent, elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelante a été suspendue de son emploi entre le 5 avril 2022 et le 20 juin 2022 parce qu’elle a refusé de se faire vacciner contre la COVID-19. Cette suspension fait l’objet d’un appel distinct (GE-22-3971).

[4] L’appelante a établi une demande de prestations régulières d’assurance-emploi prenant effet le 12 juin 2022.

[5] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que l’appelante était inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi du 13 juin 2022 au 24 juin 2022 parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler. Pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi, la partie prestataire doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie qu’une partie appelante doit chercher activement un emploi même si elle n’a été que suspendue.

[6] Je dois décider si l’appelante a prouvé qu’elle était disponible pour travailler. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Par conséquent, elle doit démontrer qu’il est plus probable que le contraire qu’elle était disponible pour travailler.

[7] La Commission affirme que l’appelante n’était pas disponible parce qu’elle n’a fait aucune démarche pour chercher un autre emploi. Elle a attendu deux mois et demi, c’est-à-dire jusqu’à ce que l’obligation de se faire vacciner contre la COVID-19 soit levée et qu’elle puisse reprendre son emploi.

[8] L’appelante n’est pas d’accord et affirme qu’elle s’est battue pour récupérer son emploi depuis sa suspension. Elle soutient qu’elle a été rappelée au travail et qu’on lui a redonné son emploi dès que l’obligation de vaccination a été levée, ce qui prouve qu’elle était disponible pour travailler.

Questions que je dois examiner en premier

L’audience a été reportée à plusieurs reprises

[9] Le personnel du Tribunal a communiqué avec l’appelante pour la première fois le 7 mars 2023 pour lui demander si elle pouvait assister à une audience le 10 ou le 16 mars 2023. L’appelante, prise de court, a affirmé qu’elle était étonnée qu’une audience ait lieu si tôt. Elle a ajouté qu’elle ne pensait pas être libre avant août ou septembre 2023.

[10] Une conférence préparatoire a eu lieu le 17 mars 2023. L’un des objectifs de la conférence était de discuter des dates d’audience possibles. L’appelante a demandé que son audience soit reportée [traduction] « [jusqu’]après la troisième semaine de septembre ». J’ai noté qu’il s’agissait d’un délai anormalement long, mais comme la Commission, qui a assisté à la conférence, n’avait pas d’objection, l’audience a été reportée au 26 septembre 2023.

[11] L’audience a commencé comme prévu le 26 septembre 2023, mais l’appelante a soulevé une allégation de partialité. L’audience a alors été interrompue pour permettre au Tribunal d’examiner cette question et de la trancher. Dans une décision interlocutoire rendue le 31 octobre 2023, le Tribunal a conclu que l’appelante n’avait pas prouvé qu’il y avait une crainte raisonnable de partialité, et il a fixé au 9 novembre la date de reprise de l’audience.

[12] L’audience a repris et s’est terminée le 9 novembre 2023.

Question en litige

[13] L’appelante était-elle disponible pour travailler au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi)?

Analyse

[14] Deux dispositions différentes de la loi exigent qu’une partie appelante démontre qu’elle est disponible pour travailler. La Commission a décidé que l’appelante était inadmissible conformément à ces deux dispositions. Elle doit donc satisfaire aux critères des deux dispositions pour obtenir des prestations.

[15] Premièrement, la Loi prévoit qu’une partie appelante doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 1. Le Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement) énonce des critères qui contribuent à expliquer ce que sont des « démarches habituelles et raisonnables »Note de bas de page 2. Je vais examiner ces critères plus loin.

[16] Deuxièmement, la Loi dispose qu’une partie appelante doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle est incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 3. La jurisprudence énumère trois éléments qu’une partie appelante doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 4. Je vais examiner ces éléments plus loin.

[17] La Commission a décidé que l’appelante était inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler selon ces deux dispositions de la loi.

[18] Je vais maintenant examiner ces deux dispositions moi-même pour décider si l’appelante était disponible pour travailler.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[19] La loi énonce les critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches de l’appelante étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 5. Je dois déterminer si ses démarches étaient soutenues et si elles étaient orientées vers l’obtention d’un emploi convenable. Autrement dit, l’appelante doit avoir continué de chercher un emploi convenable.

[20] Je dois également tenir compte des démarches effectuées par l’appelante pour trouver un emploi convenable. Le Règlement dresse une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. Voici quelques-unes de ces activitésNote de bas de page 6 :

  • l’évaluation des possibilités d’emploi;
  • la rédaction d’un curriculum vitae ou d’une lettre de présentation;
  • la présentation de demandes d’emploi.

[21] La Commission affirme que l’appelante n’a pas fait assez de démarches pour tenter de trouver un emploi. [Traduction] « En l’espèce, même si la prestataire a manifesté le désir de retourner sur le marché du travail, elle s’est limitée à un seul employeur, soit celui qui l’avait suspendue. Par conséquent, nous ne pouvons pas dire qu’elle était prête et disposée à retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert. Comme la prestataire a limité sa disponibilité à son employeur, la seule démarche qu’elle a faite pour trouver un emploi convenable a été celle de tenter de récupérer son emploi auprès de son employeur. Elle n’a fait aucune démarche pour trouver un emploi convenable ailleurs. »Note de bas de page 7

[22] L’appelante n’est pas d’accord. Elle a dit à la Commission qu’[traduction] « après avoir été suspendue, elle n’a pas cherché d’autres emplois. Elle a dit que c’était parce qu’elle essayait de récupérer son emploi chez [son employeur]. » L’appelante a fait valoir qu’elle [traduction] « était qualifiée pour occuper un poste de caissière et de main-d’œuvre, mais qu’elle préférerait beaucoup travailler pour [son employeur] » et occuper l’emploi qu’elle avait avant d’être suspendueNote de bas de page 8.

[23] L’appelante soutient que, parce qu’elle avait signé une entente sur les conflits d’intérêts avec son employeur, il lui était interdit d’occuper un emploi semblable à l’extérieur du gouvernement [fédéral]Note de bas de page 9.

[24] L’appelante a affirmé qu’elle n’avait postulé aucun [traduction] « emploi peu spécialisé » parce qu’elle n’en trouvait aucun qui soit stable et qui ne l’oblige pas à se faire vacciner [contre la COVID-19]Note de bas de page 10.

[25] L’appelante a ajouté ce qui suit :

[Traduction]

Par conséquent. Au lieu de consacrer du temps à un travail mal rémunéré qui ne peut m’assurer ma sécurité d’emploi ni me permettre de joindre les deux bouts, j’ai fait les deux choses suivantes.

J’ai déposé quelques griefs et communiqué avec l’IPFPC, recueillant des renseignements à l’appui de mes arguments et luttant pour récupérer mon emploi. La réalité montre que le problème ne venait pas de moi. J’étais toujours disponible pour travailler et je veux récupérer mon emploi. Le problème, c’est que la direction [de l’employeur] ne m’a pas permis de travailler en raison de son abus de pouvoir et de son inconduite.

En même temps, j’envisageais d’avoir une carrière secondaire, où je ne perdrais pas mon emploi en raison de mon statut vaccinal et où je souhaiterais travailler pendant longtemps et serais heureuse de le faire. Finalement, je pense qu’un emploi de nutritionniste me conviendrait bien. J’ai trouvé l’école et le programme qui me conviennent. […]Note de bas de page 11

[26] L’appelante affirme que ses démarches étaient suffisantes pour prouver qu’elle était disponible pour travailler. Elle a dit à la Commission : [traduction] « Par conséquent, j’étais disponible pour travailler. Je me battais pour récupérer mon ancien emploi et je me tournais vers une deuxième carrière à long terme. La décision selon laquelle je n’ai pas prouvé ma disponibilité pour travailler n’a aucun fondement et ne tient pas compte non plus de la situation dans laquelle je me trouvais à ce moment-là. »Note de bas de page 12

[27] J’estime que l’appelante n’a pas fait de démarches habituelles ou raisonnables pour trouver un emploi au sens de la Loi et du Règlement. Essentiellement, elle est demeurée passive et a attendu que l’obligation de se faire vacciner contre la COVID-19 de l’employeur soit finalement levée et qu’elle puisse reprendre son ancien emploi. L’appelante n’a fait presque aucune démarche pour trouver un autre emploi et, par conséquent, sa recherche d’emploi n’a pas été « soutenue ».

[28] Outre la possibilité qu’elle ait « évalué des possibilités d’emploi », l’appelante n’a fait aucune des autres « démarches habituelles et raisonnables » énoncées à l’article 9.001 du Règlement.

[29] Je conclus donc que l’appelante n’a pas prouvé que ses démarches de recherche d’emploi étaient raisonnables et habituelles.

Capable de travailler et disponible à cette fin

[30] La jurisprudence énonce trois éléments que je dois prendre en considération pour décider si l’appelante était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable d’obtenir un emploi convenable. L’appelante doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 13 :

  • elle voulait retourner au travail aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert;
  • elle a fait des démarches pour trouver un emploi convenable;
  • elle n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire trop) ses chances de retourner au travail.

[31] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois me pencher sur l’attitude et la conduite de l’appelanteNote de bas de page 14.

Désir de retourner sur le marché du travail

[32] Je conclus que l’appelante n’a pas démontré qu’elle voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert.

[33] L’appelante a choisi de demeurer essentiellement passive et d’attendre que l’obligation vaccinale de son employeur soit annulée et qu’elle puisse reprendre son ancien emploi. L’appelante est d’avis qu’il n’y avait pas d’emplois disponibles parce que les « bons » emplois qui étaient annoncés exigeaient tous que les candidats soient vaccinés contre la COVID-19. Elle a déclaré qu’elle ne s’intéressait pas aux emplois de « main-d’œuvre » ni au travail de caissière.

Démarches pour trouver un emploi convenable

[34] L’appelante n’a pas fait assez de démarches pour trouver un emploi convenable.

[35] J’ai tenu compte de la liste des activités de recherche d’emploi susmentionnée pour statuer sur ce deuxième élément. Pour cet élément, la liste en question est fournie à titre indicatif seulementNote de bas de page 15.

[36] Les démarches déployées par l’appelante pour trouver un nouvel emploi étaient très limitées et ont consisté essentiellement à « évaluer des possibilités d’emploi ». J’ai expliqué ces motifs précédemment lorsque j’ai examiné la question de savoir si l’appelante a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi.

[37] Ces démarches n’étaient pas suffisantes pour satisfaire aux exigences de ce deuxième élément parce que l’appelante n’a rien fait d’autre que d’évaluer des possibilités d’emploi, après quoi elle a décidé qu’elle ne voulait pas occuper d’emplois « de main-d’œuvre » qui n’exigeaient peut-être pas la vaccination. Elle a constaté que ces emplois étaient peu rémunérés, et comme à son avis elle ne pourrait pas joindre les deux bouts si elle occupait l’un ou l’autre de ces emplois, elle a décidé de n’en occuper aucun.

[38] L’appelante a conclu que tous les bons emplois pour lesquels elle était qualifiée exigeaient la vaccination contre la COVID-19; elle les a donc écartés.

Conditions pouvant limiter indûment les chances de retourner au travail

[39] L’appelante a-t-elle établi des conditions personnelles qui pourraient avoir limité indûment ses chances de retourner au travail?

[40] La Commission affirme qu’[traduction] « en se limitant à un seul employeur, « X », où elle ne pouvait pas retourner tant qu’elle refusait de se faire vacciner contre la COVID-19, ou tant que l’employeur ne levait pas l’obligation de se faire vacciner, la prestataire établissait des conditions personnelles qui limitaient indûment ses chances de retourner sur le marché du travail »Note de bas de page 16.

[41] La Commission soutient aussi que la prestataire a imposé des conditions personnelles limitant indûment ses chances de retourner sur le marché du travail également [traduction] « lorsqu’elle a dit qu’elle ne pouvait pas travailler pour un autre employeur que « X » parce qu’elle se serait alors retrouvée en situation de conflit d’intérêts ou encore qu’il lui aurait été difficile de trouver un autre emploi, puisque la plupart des employeurs exigeaient la vaccination contre la COVID-19 et qu’elle refusait de se faire vacciner (GD3-16) »Note de bas de page 17.

[42] L’appelante affirme qu’elle n’a pas fait cela parce qu’elle se battait pour récupérer son emploi pendant toute la période en cause. Elle a témoigné que c’est le [traduction] « niveau social de coercition » qui a limité sa recherche d’emploi. L’appelante a déclaré qu’elle n’avait pas les mêmes droits que les personnes vaccinées. Elle a fait valoir que [traduction] « mes compétences consistent à faire les grands dossiers de cabinets comptables. Toutes les grandes entreprises avaient mis en place des obligations de se faire vacciner. C’est la même chose [que chez mon employeur] alors ça ne vaut pas la peine d’y aller. Travailler pour de petites entreprises ne convenait pas. »

[43] Je souscris aux arguments de la Commission selon lesquels l’appelante a limité ses options en :

  • ne se faisant pas vacciner;
  • en considérant uniquement les emplois qui ne l’obligeaient pas à se faire vacciner contre la COVID-19, puis en les écartant parce qu’ils ne payaient pas assez;
  • en attendant que son employeur lève son obligation de vaccination, à une date ultérieure indéterminée à laquelle elle pourrait reprendre son emploi.

[44] Je conclus par conséquent que l’appelante a effectivement établi des conditions personnelles qui ont limité indûment ses chances de retourner au travail.

Donc, l’appelante est-elle capable de travailler et disponible à cette fin?

[45] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées sur les trois éléments, j’estime que l’appelante n’a pas démontré qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[46] L’appelante n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi. Pour cette raison, je conclus qu’elle ne peut pas toucher de prestations d’assurance-emploi du 13 juin 2022 au 24 juin 2022.

[47] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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