Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : FA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 364

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à la permission de faire
appel

Partie demanderesse : F. A.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 6 novembre 2023
(GE-23-82)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Date de la décision : Le 15 avril 2024
Numéro de dossier : AD-23-1077

Sur cette page

Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] F. A. est le prestataire dans la présente affaire. Il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’il ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi parce qu’il avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 1.

[4] La division générale est arrivée à la même conclusionNote de bas de page 2. Elle a décidé que le prestataire n’avait pas droit aux prestations d’assurance-emploi parce qu’il avait été mis en congé en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Il soutient que la division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher.

[6] Je rejette la demande de permission de faire appel du prestataire parce que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 3.

Questions préliminaires

[7] Le prestataire a présenté une demande à la division d’appel le 27 novembre 2023 en envoyant un courriel au Tribunal de la sécurité sociale. Le prestataire n’a pas rempli les formulaires habituels, mais il a expliqué dans un courriel qu’il avait besoin de plus de temps pour préparer son appel parce qu’il travaillait dans une région éloignéeNote de bas de page 4.

[8] Le 1er mars 2024, j’ai écrit à l’appelant pour lui demander de plus amples renseignements au sujet de son appel. Je lui ai demandé d’indiquer les motifs de son appel en fonction de ce que la division d’appel peut examinerNote de bas de page 5. La date limite pour le faire était le 8 mars 2024.

[9] Le 7 mars 2024, le prestataire a appelé le Tribunal pour demander une prolongation. La personne accompagnatrice assignée au dossier lui a accordé une prolongation de deux semaines. La nouvelle date limite était donc le 22 mars 2024.

[10] Le prestataire a envoyé un courriel au Tribunal le 20 mars 2024Note de bas de page 6. Il a expliqué qu’il avait besoin de plus de temps parce qu’il faisait un quart de nuit. Il a demandé une autre prolongation, soit jusqu’au 15 avril 2024.

[11] J’ai accordé au prestataire une autre prolongation de trois semaines uniquement. La nouvelle date limite était le 12 avril 2024Note de bas de page 7. Le prestataire a répondu que la division générale n’avait pas tranché une question cruciale. Son principal argument est qu’il a été mis en congé en raison d’une inconduite, mais seulement parce que le gouvernement essayait de le forcer à recevoir un vaccin qui aurait pu lui faire du tort ou causer sa mort.

Question en litige

[12] Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence ou une erreur de droit lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite?

Le critère pour obtenir la permission de faire appel

[13] Un appel peut aller de l’avant seulement si la division d’appel donne la permission de faire appelNote de bas de page 8.

[14] Je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 9. Autrement dit, il doit y avoir un moyen défendable qui permettrait d’accueillir l’appelNote de bas de page 10.

[15] Voici les moyens d’appel que la division d’appel peut examinerNote de bas de page 11 :

  • la division générale a agi de façon injuste;
  • la division générale a outrepassé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
  • la division générale a commis une erreur de droit;
  • la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.

[16] Pour que l’appel du prestataire aille de l’avant, je dois conclure qu’au moins l’un des moyens d’appel lui donne une chance raisonnable de succès.

Je n’accorde pas au prestataire la permission de faire appel

[17] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas tranché une question qui était [traduction] « crucialeNote de bas de page 12 ». Voici ce qu’il précise dans sa demande à la division d’appel :

  • La division générale aurait dû décider qu’il avait été forcé et contraint de commettre une inconduite en raison des barrières mises en place par le gouvernement.
  • Le fait de refuser une piqûre [un vaccin contre la COVID-19] qui aurait pu lui faire du tort à long terme ou causer sa mort ne constituait pas une inconduite.
  • Le Tribunal aurait dû examiner ses antécédents de travail pour savoir s’il a déjà été congédié, notamment en raison d’une inconduite.
  • Il a été mis en congé parce qu’il ne voulait pas respecter les barrières imposées par le gouvernement. On ne devrait pas lui refuser des prestations d’assurance‑emploi pour avoir fait ce choix.
  • Sa conduite ne l’a pas empêché d’accomplir ses tâches et il n’était pas au courant des conséquences s’il ne se faisait pas vacciner.

[18] Je comprends que selon le prestataire, la division générale n’a pas exercé sa compétence lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite. De plus, certains de ses arguments donnent à penser que la division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de l’inconduite.

[19] Par conséquent, j’examinerai s’il est possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence ou une erreur de droitNote de bas de page 13.

On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence ou une erreur de droit

[20] Une erreur de compétence signifie que la division générale n’a pas tranché une question qu’elle devait trancher ou a tranché une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancherNote de bas de page 14.

[21] Une erreur de droit survient lorsque la division générale n’applique pas la bonne loi ou lorsqu’elle utilise la bonne loi, mais l’interprète ou l’applique incorrectementNote de bas de page 15.

[22] La division générale devait décider si la Commission avait prouvé que le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 16.

[23] La loi prévoit qu’une partie prestataire suspendue en raison d’une inconduite n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 17.

[24] L’inconduite n’est pas définie dans la Loi sur l’assurance-emploi. Dans la décision Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale définit l’inconduite comme étant une conduite délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 18.

[25] La Cour affirme qu’il y a inconduite si la partie prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers l’employeur et que le congédiement (ou la suspension dans ce cas-ci) était réellement possibleNote de bas de page 19.

[26] Dans sa décision, la division générale a énoncé la loi pertinente et les questions à trancherNote de bas de page 20.

[27] La division générale a conclu que le prestataire avait été mis en congé en raison d’une inconduite. Elle a dit que le prestataire n’avait pas respecté la politique de l’employeur exigeant la vaccination complète ou l’obtention d’une exemptionNote de bas de page 21.

[28] La division générale a dit que l’employeur avait avisé le prestataire à plusieurs reprises qu’il devait se faire vaccinerNote de bas de page 22. Le prestataire n’avait pas non plus d’exemptionNote de bas de page 23. La division générale a conclu que le prestataire avait choisi de ne pas respecter la politique de vaccination obligatoire de l’employeur. C’est la raison pour laquelle l’employeur a décidé de ne pas le rappeler au travailNote de bas de page 24.

[29] La division générale a finalement décidé que le prestataire avait volontairement enfreint la politique de vaccination de l’employeur, qu’il en connaissait les conséquences et que sa conduite avait mené à sa suspension, ce qui a entraîné son inconduiteNote de bas de page 25. Par conséquent, il n’était pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[30] La division générale a bien concentré son analyse sur la conduite du prestataire, plutôt que sur celle de l’employeurNote de bas de page 26. C’est ce que la jurisprudence précise de faireNote de bas de page 27.

[31] Dans la décision McNamara, la Cour a confirmé qu’il ne faut pas retenir le comportement de l’employeur, mais bien celui de la personne employée. Au paragraphe 23 de la décision McNamara,on peut lire ceci :

[La personne employée] qui fait l’objet d’un congédiement injustifié a, pour sanctionner le comportement de l’employeur, d’autres recours qui permettent d’éviter que par le truchement des prestations d’assurance‑emploi les contribuables [canadiennes et] canadiens fassent les frais du comportement incriminéNote de bas de page 28.

[32] Dans certaines parties de sa décision, la division générale a fait référence à une jurisprudence plus ancienne concernant l’inconduite. Ce n’était pas une erreur parce que bon nombre des principes juridiques généraux utilisés dans ces cas s’appliquent toujours. Toutefois, il y a une jurisprudence plus récente qui s’applique parce qu’elle traite directement de l’inconduite, de la Loi sur l’assurance-emploi, de la vaccination contre la COVID-19 et de la compétence du Tribunal.

[33] La décision Cecchetto confirme notamment la compétence limitée du Tribunal. M. Cecchetto a été suspendu et congédié de son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de l’employeur sur la COVID-19. Voici ce que la Cour a déclaré au paragraphe 32 de sa décision :

Bien que le demandeur soit manifestement frustré du fait qu’aucun des décideurs n’a examiné ce qu’il considère comme étant les questions fondamentales de droit ou de fait qu’il a soulevées – notamment quant à l’intégrité physique, au consentement à des tests médicaux, ainsi qu’à l’efficacité et à l’innocuité des vaccins contre la COVID-19 ou des tests antigéniques – cela ne rend pas pour autant la décision de la division d’appel déraisonnable. Le principal problème avec cet argument du demandeur vient du fait qu’il reproche aux décideurs de ne pas avoir examiné une série de questions qu’ils ne sont pas légalement autorisés à examiner.

[34] Dans la décision Cecchetto, la Cour confirme que le Tribunal a un rôle limité et précis, qui consiste à établir les raisons pour lesquelles une partie prestataire a cessé de travailler et si ces raisons constituaient une inconduiteNote de bas de page 29.

[35] Il y a aussi d’autres décisions récentes de la Cour.

[36] Dans la décision Sullivan, la Cour a dit que le Tribunal n’est pas une tribune pour remettre en question la politique d’un employeur et la validité d’un congédiementNote de bas de page 30. De même, dans la décision Butu, la Cour a dit que le fait de décider si la politique de vaccination d’un employeur est raisonnable ne relève pas de la compétence de la Commission ou du TribunalNote de bas de page 31. Selon la Cour, le fait de savoir si la personne employée a été congédiée de façon injustifiée ne relève pas non plus de la compétence de la Commission ou du Tribunal.

[37] La division générale doit suivre ce que dit la Cour. Compte tenu de la jurisprudence susmentionnée, la division générale a bien souligné sa compétence en jugeant qu’elle pouvait uniquement se concentrer sur la Loi sur l’assurance-emploi et qu’elle ne pouvait pas décider si le prestataire avait d’autres options en vertu d’autres loisNote de bas de page 32.

[38] Certains des arguments que le prestataire a présentés à la division d’appel portent sur la conduite du gouvernement, mais ce n’est pas une question que la division générale (et la division d’appel) a le pouvoir de trancher. De plus, le Tribunal n’a pas le pouvoir d’examiner les antécédents de travail du prestataire pour voir s’il a déjà été congédié auparavant, et cela ne serait pas pertinent de toute façon.

[39] Si le prestataire estime que le gouvernement (et donc son employeur) l’a forcé ou contraint à se faire vacciner contre la COVID-19 et que cela a mené à sa suspension, il existe d’autres tribunes où il peut engager des poursuites. Le Tribunal ne peut pas trancher ces questions particulières.

[40] Pour ces motifs, on ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence parce qu’elle a seulement tranché les questions qu’elle avait le pouvoir de trancher. De plus, il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a décidé que la conduite du prestataire constituait une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi et la jurisprudence applicable. Aucun de ces moyens d’appel ne donne à l’appel une chance raisonnable de succès.

Il n’y a aucune autre raison d’accorder au prestataire la permission de faire appel

[41] J’ai examiné le dossier et la décision de la division généraleNote de bas de page 33. Je n’ai trouvé aucun élément de preuve pertinent que la division générale aurait pu ignorer ou mal interpréter.

Conclusion

[42] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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