Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 2022

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (619242) rendue le 4 octobre 2023 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : John Rattray
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 7 décembre 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 16 décembre 2023
Numéro de dossier : GE-23-2917

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelante.

[2] L’appelante n’a pas démontré qu’un motif valable justifiait le retard de sa demande de prestations. Autrement dit, elle n’a pas fourni une explication acceptable selon la loi. Par conséquent, on ne peut pas traiter sa demande comme si elle l’avait présentée plus tôtNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le 6 mars 2023, l’appelante a demandé des prestations d’assurance-emploi. Elle veut maintenant que sa demande soit traitée comme si elle l’avait présentée plus tôt, soit le 3 avril 2022. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a déjà rejeté cette requête.

[4] Je dois décider si l’appelante a prouvé qu’elle avait un motif valable de ne pas demander des prestations plus tôt.

[5] Selon la Commission, l’appelante n’avait pas de motif valable parce qu’elle n’a pas fait ce qu’une « personne raisonnable » aurait fait dans sa situation pour vérifier ses droits et ses obligations aux termes de la loi. Elle n’a pas communiqué avec Service Canada pendant la période du retard et rien ne l’empêchait de demander des prestations plus tôt.

[6] L’appelante n’est pas d’accord. Elle affirme avoir fait une erreur de bonne foi : elle n’a pas présenté sa demande plus tôt parce qu’elle ignorait qu’elle avait un certain temps pour présenter sa demande et elle ne pensait pas pouvoir recevoir des prestations d’assurance-emploi en même temps qu’une indemnité de départ. Elle pensait aussi qu’elle devait attendre son relevé d’emploi avant de présenter sa demande.

Question en litige

[7] Peut-on traiter la demande de prestations comme si l’appelante l’avait présentée le 3 avril 2022? C’est ce qu’on appelle « antidater » la demande (en avancer la date).

Analyse

[8] Pour faire avancer la date d’une demande de prestations, il faut prouver les deux choses suivantesNote de bas de page 2 :

  1. a) Un motif valable justifiait le retard durant toute la période du retard. Autrement dit, il y a une explication qui est acceptable selon la loi.
  2. b) À la date antérieure (c’est-à-dire la date à laquelle on veut faire avancer la demande), on remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations.

[9] Dans cette affaire-ci, les principaux arguments portent sur la question de savoir si l’appelante avait un motif valable. Je vais donc commencer par là.

[10] Pour démontrer l’existence d’un motif valable, l’appelante doit prouver qu’elle a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 3. Autrement dit, elle doit démontrer qu’elle s’est comportée de façon prudente et raisonnable, comme n’importe qui d’autre l’aurait fait dans une situation semblable.

[11] L’appelante doit démontrer qu’elle a agi ainsi pendant toute la période du retardNote de bas de page 4. Cette période s’étend de la date à laquelle elle veut faire antidater sa demande jusqu’à la date où elle a présenté sa demande. Ainsi, dans le cas de l’appelante, la période du retard va du 3 avril 2022 au 6 mars 2023.

[12] L’appelante doit aussi démontrer qu’elle a vérifié assez rapidement son droit aux prestations et ses obligations légalesNote de bas de page 5. Autrement dit, elle doit démontrer qu’elle a fait de son mieux pour essayer de s’informer dès que possible au sujet de ses droits et de ses responsabilités. Si l’appelante n’a pas fait de démarches en ce sens, elle doit démontrer que des circonstances exceptionnelles expliquent pourquoi elle ne l’a pas faitNote de bas de page 6.

[13] L’appelante doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’un motif valable justifiait son retard.

[14] Selon l’appelante, elle avait un motif valable parce que retarder sa demande était une erreur de bonne foi. Elle croyait devoir attendre, d’une part, parce qu’elle n’avait pas reçu son relevé d’emploi et, d’autre part, parce qu’elle touchait encore une indemnité de départ.

[15] Elle ajoute qu’elle cherchait surtout à trouver un nouvel emploi et qu’elle ne voulait pas être un fardeau pour les programmes d’aide sociale du gouvernement.

[16] Selon la Commission, l’appelante n’a pas démontré qu’un motif valable justifiait son retard parce qu’elle n’a pas prouvé qu’elle avait un motif valable pour toute la période du retard, soit du 3 avril 2022 au 6 mars 2023. Elle dit qu’une personne raisonnable communiquerait assez rapidement avec Service Canada pour se renseigner sur ses droits et ses obligations. Rien n’empêchait l’appelante de demander des prestations d’assurance-emploi. De plus, elle n’a pas communiqué avec Service Canada.

[17] Je juge que l’appelante n’a pas prouvé l’existence d’un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations parce qu’elle n’a pas agi comme une personne raisonnablement prudente l’aurait fait dans la même situation. Elle ne s’est pas informée assez rapidement de ses droits et de ses obligations aux termes de la Loi. Elle n’a pas non plus tenté de communiquer avec Service Canada avant près d’un an.

[18] Je dois aussi vérifier si les autres circonstances auxquelles l’appelante était confrontée sont exceptionnelles et l’exemptent de l’obligation de faire des démarches raisonnables assez rapidement. L’appelante a déclaré qu’aucune circonstance exceptionnelle ne l’a empêchée, que ce soit complètement ou temporairement, de demander des prestations d’assurance-emploi ou de communiquer avec Service Canada pour s’informer de ses droits et de ses obligations. J’accepte son témoignage. Je conclus que les circonstances n’étaient pas exceptionnelles et qu’elles n’excusent pas son retard pour toute la durée du retard.

[25] Par conséquent, je n’ai pas besoin de vérifier si, à la date antérieure, l’appelante remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations. Sans motif valable, on ne peut pas traiter sa demande comme si elle l’avait présentée plus tôt.

Autres questions

[19] Je tire la conclusion ci-dessus malgré moi. Durant toute sa vie, l’appelante a travaillé et contribué à la société. Depuis son arrivée au Canada, il y a 40 ans, elle a toujours eu un emploi, jusqu’à ce que son employeuse la renvoie en avril 2022. Elle ne voulait pas être un fardeau pour les programmes d’aide sociale du gouvernement. Elle pensait que demander des prestations d’assurance-emploi compromettrait son droit à l’indemnité de départ.

[20] Lorsqu’elle a été congédiée, on lui a offert une indemnité de départ. On lui a demandé de la signer et de la retourner aux ressources humaines. L’une des conditions de la cessation d’emploi exigeait qu’elle informe sans délai son employeuse de tout emploi ou travail indépendantNote de bas de page 7. Elle pensait donc que si elle demandait des prestations d’assurance-emploi, tout versement serait considéré comme une rémunération qui risquerait de lui faire perdre son indemnité de départ. Elle avait besoin de l’indemnité pour subvenir à ses besoins.

[21] Son employeuse est une grande entreprise dont la structure est complexe et qui dispose d’un service de ressources humaines. Dans les documents qu’elle a rédigés pour la cessation d’emploi, l’employeuse demandait à l’appelante de garder les modalités de son entente confidentielles et exigeait que l’appelante signe une lettre de garantie en faveur de l’employeuse. Ce que l’employeuse n’a pas fait, c’est de lui dire de communiquer avec Service Canada pour s’informer de son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi.

[22] De plus, l’employeuse n’a pas respecté son obligation légale de produire le relevé d’emploi à temps. Elle a attendu plus d’un an après avoir mis fin à l’emploi de l’appelante pour le faireNote de bas de page 8.

[23] Le relevé d’emploi contient des renseignements sur les demandes de prestations d’assurance-emploi, mais ils ne sont d’aucune utilité pour les personnes qui ne reçoivent pas le document. De plus, le relevé d’emploi ne recommande pas aux personnes qui demanderont peut-être des prestations d’assurance-emploi de communiquer immédiatement avec Service Canada pour savoir si elles y auront droit même si elles reçoivent une indemnité de départ.

[24] Si l’employeuse avait rapidement remis le relevé d’emploi à l’appelante et si le relevé était rédigé en langage clair, cela aurait aidé l’appelante à obtenir les prestations d’assurance-emploi auxquelles elle aurait eu droit.

Conclusion

[26] L’appelante n’a pas prouvé qu’un motif valable justifiait le retard de sa demande de prestations pendant toute la période du retard.

[27] L’appel est rejeté.

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