Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : PB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 372

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : P. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (638114) datée du
11 janvier 2024 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Susan Stapleton
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 12 mars 2024
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 22 mars 2024
Numéro de dossier : GE-24-442

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi pour le faire) quand il l’a fait. L’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi parce que le départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelant a quitté son emploi d’opérateur de machinerie lourde en Alberta le 26 octobre 2023 et est rentré chez lui à Terre-Neuve. Il a demandé des prestations d’assurance-emploi le 30 octobre 2023.

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons du départ de l’appelant. Elle a conclu que ce dernier avait quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il avait choisi de quitter son emploi) sans justification. Par conséquent, elle ne pouvait pas lui verser de prestations.

[5] Je dois décider si l’appelant a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[6] La Commission affirme qu’au lieu de quitter son emploi quand il l’a fait, l’appelant aurait pu continuer à travailler et chercher un emploi plus convenable ou obtenir un certificat médical pour prouver qu’il avait l’obligation de s’occuper d’un proche parent. Il aurait pu parler à son frère du partage de la responsabilité de prendre soin de leur mère ou demander à l’employeur une période de congé pour pouvoir aider son épouse alors qu’elle avait un problème de santé temporaireNote de bas de page 1.

[7] L’appelant n’est pas d’accord. Il dit avoir quitté son emploi en Alberta pour des raisons familialesNote de bas de page 2. Il trouvait difficile de payer des factures à la fois en Alberta et à Terre-Neuve. Il pouvait seulement se permettre de rentrer chez lui toutes les sept ou huit semaines. Son épouse est à Terre-Neuve, et son mariage a été mis à rude épreuveNote de bas de page 3.

Question en litige

[8] L’appelant est-il exclu du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification?

[9] Pour répondre à cette question, je dois d’abord traiter de la question du départ volontaire de l’appelant. Je dois ensuite décider s’il était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Les parties sont d’accord sur le fait que l’appelant a quitté volontairement son emploi

[10] J’accepte le fait que l’appelant a quitté volontairement son emploi. Il reconnaît qu’il a quitté son emploi le 26 octobre 2023. Je n’ai aucune preuve du contraire.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi

[11] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi quand il l’a fait.

[12] La loi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 4. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[13] La loi explique ce que veut dire « être fondé à ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 5.

[14] C’est à l’appelant de prouver que son départ était fondé. Il doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 6.

[15] Pour décider si l’appelant était fondé à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances entourant son départ. La loi énonce certaines des circonstances que je dois examinerNote de bas de page 7.

[16] Après avoir établi les circonstances qui s’appliquent à l’appelant, il doit démontrer que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas à ce moment-làNote de bas de page 8.

Les circonstances entourant la démission de l’appelant

[17] L’appelant affirme que deux des circonstances prévues par la loi s’appliquent. Plus précisément, il affirme qu’il a quitté son emploi notamment pour s’occuper de sa mèreNote de bas de page 9 et de son épouseNote de bas de page 10. Il dit que son emploi était source de stress et d’anxiété pour lui; il a donc démissionné pour raisons de santé mentale égalementNote de bas de page 11.

Obligation de prendre soin d’un proche parent

[18] La loi prévoit qu’une partie prestataire qui a l’obligation de prendre soin d’un proche parent est fondée à quitter son emploi si elle n’avait d’autre solution raisonnable que de démissionnerNote de bas de page 12.

[19] Je suis d’avis que l’appelant n’avait pas l’obligation de prendre soin de sa mère ou de son épouse.

[20] La Commission affirme que l’appelant n’a fourni aucune preuve médicale démontrant qu’il avait l’obligation de prendre soin d’un proche parent. Elle dit que l’intention de l’appelant de subvenir aux besoins de son épouse et d’aider sa mère malade est louable et constitue une bonne raison de vouloir quitter son emploi, mais qu’il ne s’agit pas d’une justification au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 13.

[21] L’appelant a d’abord déclaré ne pas avoir quitté son emploi pour cause de maladie dans la familleNote de bas de page 14.

[22] Dans son formulaire de demande de révision, l’appelant a déclaré que son épouse et sa mère avaient besoin de lui à la maison. Il a affirmé que la distance entre son domicile de Terre-Neuve et son emploi en Alberta était trop grande et qu’il pouvait seulement se permettre de rentrer chez lui une fois tous les deux mois. Sa mère était malade et avait besoin qu’il prenne soin d’elle. Sa femme voyageait pour le travail et elle avait besoin de lui à la maison pour l’aider à accomplir les tâches quotidiennesNote de bas de page 15.

[23] Au cours du processus de révision, l’appelant a déclaré à la Commission que sa mère avait seulement besoin de son aide de temps à autre. Il a dit que son épouse avait un problème de dos temporaire et suivait un traitement de physiothérapieNote de bas de page 16.

[24] L’appelant a déclaré que sa mère a 80 ans et qu’elle vit en face de chez lui à Terre-Neuve. Il y a cinq ans, elle a présenté des signes de pancréatite et elle a besoin de lui à la maison pour l’aider si nécessaire. Par exemple, une semaine avant l’audience, il a dû amener sa mère à l’hôpital. Il est le seul à prendre soin d’elle. Il a dit que sa mère est toujours autonome et qu’elle n’a pas besoin d’un proche aidant, mais il est réconfortant pour elle de savoir qu’il est là quand elle a besoin de lui.

[25] L’appelant a déclaré que son épouse suit un traitement de physiothérapie depuis quelques années en raison de problèmes au dos. Il a dit qu’elle s’était absentée du travail à cause de ce problème et qu’elle était retournée travailler aux environs de novembre 2023. Selon lui, son épouse n’avait pas besoin d’une personne pour l’aider et elle essayait de gérer la situation par elle-même. Il a dit que son épouse trouvait difficile qu’il soit absent pendant deux mois en raison du travail, ajoutant qu’elle voulait qu’il soit à la maison et qu’elle avait besoin de lui. Son éloignement à cause du travail a été source de tension au sein de son mariage après un certain temps.

[26] Je conclus que l’appelant n’a pas quitté son emploi parce qu’il avait l’obligation de prendre soin de sa mère ou de son épouse. Il a confirmé dans son témoignage que ni sa mère ni son épouse n’avaient besoin d’un proche aidant. L’avoir à proximité était un réconfort pour sa mère, et son épouse trouvait difficile de le laisser aller travailler au loin pendant de longues périodes. Cependant, elles n’avaient pas besoin de son aide pour prendre soin d’elles-mêmes.

[27] Je reconnais que l’appelant voulait être chez lui à Terre-Neuve pour être là pour son épouse et sa mère, mais ses sentiments ne sont pas l’équivalent d’une obligation. Comme je n’ai aucune preuve selon laquelle l’appelant avait l’obligation de prendre soin d’un proche parent, je conclus que l’article 29(c)(v) de la Loi sur l’assurance-emploi ne s’applique pas dans la présente affaire.

Conditions de travail qui sont dangereuses pour la santé ou la sécurité

[28] La loi prévoit qu’une partie prestataire dont les conditions de travail posent un risque pour sa santé ou sa sécurité est fondée à quitter son emploi si elle n’avait d’autre solution raisonnable que de démissionnerNote de bas de page 17.

[29] Je considère que les conditions de travail de l’appelant ne constituaient pas un danger pour sa santé ou sa sécurité.

[30] Lorsqu’une partie prestataire affirme avoir quitté son emploi parce que ses conditions de travail posaient un risque pour sa santé ou sa sécurité, elle doit habituellement :

  1. a) fournir des éléments de preuve médicaleNote de bas de page 18;
  2. b) tenter de régler le problème avec l’employeurNote de bas de page 19; et
  3. c) tenter de trouver un autre emploi avant de démissionnerNote de bas de page 20.

[31] L’appelant est responsable d’établir que son travail a eu des effets négatifs sur sa santé.

[32] La Commission affirme que l’appelant n’a pas reçu les conseils d’un médecin qui lui a dit de quitter son emploi parce que ce travail était mauvais pour sa santé mentale; elle ajoute qu’il n’a pas parlé à l’employeur du fait qu’il trouvait son emploi stressantNote de bas de page 21.

[33] Au cours du processus de révision, l’appelant a déclaré à la Commission qu’il avait quitté son emploi notamment en raison de sa santé mentale. Il a dit qu’il était électricien de métier, mais que son travail pour l’employeur consistait à conduire un gros camion lourd. Bien qu’il ait reçu toute la formation nécessaire, il se sentait anxieux et stressé à l’idée d’effectuer le travail certains jours, parce qu’une erreur pouvait causer un décès. Il n’a pas parlé de ses préoccupations à son employeur parce qu’il craignait d’être congédié s’il le faisait. Il a dit avoir commencé à prendre des médicaments pour l’anxiété et le stress au printemps 2023. Il a dit qu’il n’était pas allé voir un médecin avant de démissionner et qu’aucun médecin ne lui avait conseillé de quitter son emploi ou dit que son emploi était mauvais pour sa santé mentaleNote de bas de page 22.

[34] L’appelant a déclaré que la situation chez lui, à Terre-Neuve, concernant son épouse et sa mère, lui causait aussi du stress, parce qu’il travaillait loin d’elles pendant de très longues périodes. Il travaillait selon un régime de rotation de sept jours et il pouvait seulement se permettre de prendre l’avion pour rentrer chez lui toutes les huit à dix semaines. Il était difficile de garder le contrôle des tâches ménagères à la maison.

[35] L’appelant a déclaré avoir travaillé en Alberta pendant de nombreuses années, comme électricien. Cependant, dans le cadre de cet emploi, il travaillait selon un horaire différent et ses vols étaient payés par son employeur, de sorte qu’il pouvait rentrer chez lui régulièrement.

[36] L’appelant a déclaré avoir consulté un médecin en Alberta en septembre ou en octobre 2023 et qu’on lui a prescrit des médicaments pour le stress et l’anxiété, ce qui a aggravé ses symptômes. Pendant qu’il était à Terre-Neuve, il a aussi consulté son médecin de famille, qui lui a prescrit un autre médicament, mais ce médicament ne l’a pas aidé non plus. Il se sent mieux depuis qu’il a laissé derrière lui le stress de son emploi et qu’il est retourné à Terre-Neuve.

[37] Je comprends que l’appelant ressentait du stress au moment où il a démissionné. Il estimait que son travail était dangereux et il était stressé de ne pas pouvoir rendre visite à sa famille assez souvent. La situation mettait son mariage à rude épreuve. Cependant, il n’a fourni aucun certificat médical ni aucune preuve médicale qui confirmait que son emploi mettait sa santé en danger ou qu’il devait quitter son emploi pour des raisons médicales.

[38] Comme je n’ai aucune preuve selon laquelle les conditions de travail de l’appelant constituaient un danger pour sa santé ou sa sécurité, je conclus que l’article 29(c)(iv) de la Loi sur l’assurance-emploi ne s’applique pas dans la présente affaire.

Préoccupations financières

[39] Selon la Commission, l’appelant a quitté son emploi en raison de préoccupations financières. Elle a souligné qu’il a dit avoir démissionné parce qu’il trouvait difficile financièrement de travailler et de payer des factures à Terre-Neuve, tout en payant un loyer, des factures et des vols vers l’Alberta. Elle affirme que l’employeur a confirmé que l’appelant a démissionné à cause de préoccupations financières relatives aux coûts de déplacementsNote de bas de page 23.

[40] L’appelant soutient que même si la Commission affirme qu’il a quitté son emploi pour des raisons financières, en réalité, il l’a quitté pour des raisons familialesNote de bas de page 24.

[41] J’estime que des préoccupations financières ont joué un rôle dans le départ de l’appelant. Dans sa demande de prestations, il a dit qu’il trouvait financièrement difficile de payer des factures à Terre-Neuve et en Alberta. Il a dit qu’il pouvait seulement se permettre de prendre l’avion pour rentrer chez lui toutes les sept ou huit semaines, ce qui causait des tensions dans son mariageNote de bas de page 25. Il a dit à la Commission que son absence mettait son mariage et sa situation financière à rude épreuveNote de bas de page 26. Au cours du processus de révision, il a dit qu’il ne pouvait pas se permettre de prendre l’avion pour rentrer chez lui et voir sa famille régulièrement, ce qui causait du stress pour lui et pour son épouseNote de bas de page 27. Il a déclaré qu’il effectuait une rotation de sept jours, mais qu’il ne pouvait pas prendre l’avion tous les sept jours pour rentrer chez lui parce que cela coûtait trop cher.

[42] L’appelant a déclaré qu’en s’absentant pour travailler de huit à dix semaines de suite, il ne pouvait pas s’occuper adéquatement de ses tâches ménagères ni être présent pour son épouse et sa mère. Il n’avait pas les moyens de rentrer plus souvent en avion pour s’occuper de tout chez lui. L’accumulation a continué, et il devait faire passer son épouse et sa mère en premier; il a donc pris la décision de quitter son emploi et de retourner à Terre-Neuve.

[43] Ainsi, les circonstances entourant la démission de l’appelant résidaient dans le fait qu’il travaillait loin de chez lui. Il n’avait pas les moyens de prendre l’avion régulièrement pour rentrer à la maison et s’occuper de son épouse et de sa mère. Il trouvait que son emploi était stressant certains jours, et le fait d’être parti pendant de longues périodes mettait son mariage à rude épreuve, ce qui lui causait aussi du stress. Il a décidé que son épouse et sa mère passaient en premier. Il a également décidé de quitter son emploi et de retourner à Terre-Neuve.

L’appelant avait d’autres solutions raisonnables

[44] Je dois maintenant décider si l’appelant avait des solutions raisonnables autres que de quitter son emploi quand il l’a fait.

[45] L’appelant affirme qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable, car son épouse et sa mère avaient besoin de lui à la maison et parce que son horaire de travail et les coûts de déplacements l’empêchaient de rentrer régulièrement chez lui en avion. Il était stressé par la pression que ses longues périodes d’absence pour le travail exerçaient sur son mariage. De plus, il trouvait aussi son emploi stressant certains jours.

[46] La Commission n’est pas d’accord et affirme que l’appelant aurait pu continuer à travailler et chercher un autre emploi qui lui convenait mieux, essayer d’obtenir un certificat médical pour prouver qu’il avait l’obligation de prendre soin d’un proche parent, organiser un calendrier avec son frère pour prendre soin de leur mère à tour de rôle ou demander une période de congé à son employeur pour aider son épouse alors qu’elle avait un problème de santé temporaireNote de bas de page 28.

[47] J’estime que demander un certificat médical à un médecin pour appuyer son obligation de prendre soin de sa mère ou de son épouse n’était pas une solution raisonnable pour l’appelant. Il a déclaré que ni sa mère ni son épouse n’avaient besoin d’un proche aidant, et j’accepte ce fait.

[48] À l’audience, j’ai demandé à l’appelant s’il aurait été possible pour lui de parler à son frère, qui vit en Alberta, de prendre soin de leur mère à Terre-Neuve à tour de rôle. Il a dit que son frère touche des prestations d’invalidité et qu’il ne peut pas se rendre à Terre-Neuve en raison d’une chirurgie du dos qui a échoué. Je considère donc que cela n’aurait pas été une solution raisonnable pour l’appelant.

[49] L’appelant a déclaré qu’il s’est cassé le bras et qu’il a été en congé de maladie jusqu’en août 2023. Il a dit qu’il ne voulait pas demander de congé à l’employeur, parce qu’il craignait que cela le fasse mal paraître, après avoir été en arrêt de travail récemment pendant quatre mois.

[50] L’employeur a déclaré à la Commission que rien au dossier d’employé de l’appelant ne démontrait qu’il avait demandé un quelconque type de congé avant de quitter son emploi. L’employeur a précisé qu’une demande de congé personnel pour raisons familiales serait examinée et pouvait être accordée, selon la situation. Selon l’employeur, même si une personne avait pris un congé de maladie récent, un autre certificat médical pouvait lui permettre d’obtenir un congé de maladie. L’employeur a dit ne pas avoir de régime d’invalidité de courte durée, mais a indiqué avoir un régime d’invalidité de longue duréeNote de bas de page 29.

[51] Bien qu’il ait consulté un médecin en Alberta et son médecin de famille à Terre-Neuve, l’appelant a déclaré qu’il n’avait parlé à aucun des deux de quitter son emploi ou de prendre un congé quelconque pour régler ses préoccupations concernant sa santé mentale.

[52] J’estime que parler de ses problèmes de santé mentale à son médecin était une solution raisonnable pour l’appelant, plutôt que de démissionner quand il l’a fait. Il aurait pu demander à son médecin de l’appuyer dans sa demande de congé de maladie pour régler ses problèmes de santé mentale, au lieu de quitter son emploi. S’il estimait devoir quitter son emploi pour raisons de santé mentale, il aurait pu consulter un médecin et obtenir du soutien médical avant de le faire.

[53] L’appelant avait également la solution raisonnable de demander à son employeur s’il pouvait prendre un congé personnel pour régler ses enjeux personnels à Terre-Neuve. Il a déclaré qu’il aimerait peut-être retourner travailler en Alberta, s’il pouvait résoudre ses problèmes familiaux et financiers à la maison.

[54] L’appelant a déclaré à la Commission qu’il avait fait des démarches pour se trouver un autre travail avant de quitter son emploi en AlbertaNote de bas de page 30. Il a dit qu’il n’avait pas pu trouver un emploi à Terre-Neuve avant de démissionnerNote de bas de page 31.

[55] L’appelant a déclaré qu’il avait déjà travaillé comme électricien à Terre-Neuve et en Alberta. Il a dit qu’il s’était informé auprès du syndicat de l’électricité avant de démissionner et qu’il a maintenant réintégré le syndicat. Cependant, il doit suivre certains cours avant de pouvoir refaire des travaux d’électricité, et à l’heure actuelle, il n’a pas les moyens de le faire.

[56] J’ai demandé à l’appelant s’il avait cherché du travail avant de démissionner de son emploi en Alberta. Il a dit qu’il était trop stressé à ce moment-là et qu’il ne pensait même pas à chercher un autre emploi. Il s’était dit qu’il en chercherait une fois qu’il serait rentré à Terre-Neuve. Il n’a pas encore trouvé d’emploi, mais il a l’occasion d’aller à la pêche au homard pendant huit semaines en mai.

[57] Je conclus que l’appelant n’a pas cherché un autre travail avant de quitter son emploi. Je préfère son témoignage, selon lequel il n’a commencé à chercher du travail qu’après avoir quitté son emploi, à sa déclaration à la Commission selon laquelle il l’avait fait. Il n’a fourni aucun détail à la Commission quant au lieu ou au moment où il a cherché du travail avant de quitter son emploi en Alberta. De plus, lorsque je lui ai posé la question à l’audience, il a déclaré solennellement qu’il était [traduction] « dans un état second » et trop stressé pour chercher un autre emploi avant de démissionner. Il a dit qu’il pensait chercher un nouvel emploi une fois qu’il serait rentré à Terre-Neuve, ajoutant [traduction] « où est-ce que j’allais trouver un emploi à Terre-Neuve en octobre dernier? »

[58] J’estime que chercher un emploi à Terre-Neuve avant de démissionner quand il l’a fait de celui qu’il occupait en Alberta aurait été une solution raisonnable. Je considère qu’il s’agissait d’une solution raisonnable parce qu’aucune des circonstances présentes au moment de sa démission ne rendait son départ urgent. Ni son épouse ni sa mère n’avaient besoin d’un proche aidant et la preuve ne permet pas de conclure que son emploi posait un risque pour sa santé. Il n’était donc pas urgent pour l’appelant de démissionner et de retourner à Terre-Neuve quand il l’a fait. La Cour d’appel fédérale a clairement établi qu’il est généralement raisonnable qu’une personne continue de travailler jusqu’à ce qu’elle trouve un nouvel emploi au lieu de prendre la décision de quitter son emploiNote de bas de page 32.

[59] Compte tenu de toutes les circonstances présentes au moment où l’appelant a démissionné, je conclus que les solutions raisonnables suivantes s’offraient à lui : consulter son médecin et obtenir son soutien pour prendre un congé de maladie ou quitter son emploi; demander à son employeur s’il pouvait prendre un congé personnel; et chercher un autre emploi à Terre-Neuve avant de quitter celui qu’il occupait en Alberta. Cela signifie que l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi.

[60] Il ne fait aucun doute que l’appelant avait de bonnes raisons de quitter son emploi. Il voulait être près de sa famille, et son horaire de travail et le coût des vols ne lui permettaient pas de rentrer régulièrement chez lui. Cela mettait son mariage à rude épreuve et lui causait du stress. Il trouvait aussi son emploi stressant certains jours. Cependant, ces motifs, même considérés ensemble, ne représentent pas une justification au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[61] La Cour d’appel fédérale a clairement confirmé qu’avoir un motif valable de quitter un emploi n’équivaut pas à satisfaire à l’exigence légale d’être « fondé » à quitter son emploiNote de bas de page 33 et qu’il peut arriver qu’une partie prestataire ait un motif valable de quitter son emploi sans toutefois que ce soit « justifié » au sens de la loiNote de bas de page 34.

[62] L’assurance-emploi n’est pas une prestation automatique. L’assurance-emploi vise à indemniser les personnes au chômage pour des raisons indépendantes de leur volonté. Comme pour n’importe quel autre régime d’assurance, il faut remplir certaines conditions pour avoir droit aux prestations. Dans la présente affaire, l’appelant ne remplit pas les conditions lui permettant de recevoir des prestations, parce qu’il s’est placé dans une situation de chômage alors que quitter son emploi n’était pas la seule solution raisonnable.

Conclusion

[63] L’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi au moment où il l’a fait, parce que le départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Il est donc exclu du bénéfice des prestations.

[64] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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