Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 362

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : T. N.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (479902) rendue le 24 juin 2022 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Nathalie Léger
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 4 avril 2024
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 10 avril 2024
Numéro de dossier : GE-23-1641

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a été suspendu sans solde en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant a perdu son emploi. Son employeur affirme qu’il a été suspendu parce qu’il n’a pas respecté sa politique de vaccination : l’appelant n’a pas dit s’il s’était fait vacciner ou non.

[4] Même si l’appelant ne conteste pas ces faits, il dit que contrevenir à la politique de vaccination de son employeur n’est pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison fournie par l’employeur pour expliquer la suspension. Elle a décidé que l’appelant avait été suspendu en raison d’une inconduite. Elle a donc conclu qu’il était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Remarque

[6] Tout au long de la présente affaire, il a été difficile d’avoir la participation pleine et entière de l’appelant. Souvent, il ne répondait pas aux questions ou bien il y répondait avec réticenceNote de bas de page 2. Il y a eu de nombreuses demandes de report, qui ont été acceptées.

[7] C’est la deuxième fois que la cause est entendue. Cette fois-ci, l’appelant a lu une déclaration préparée d’avance. C’est avec hésitation qu’il a accepté de répondre aux questions découlant de cette déclaration.

[8] Cela rend mon travail de membre du Tribunal beaucoup plus difficile. L’affaire qui nous occupe dépend beaucoup des faits qui lui sont propres, et les détails sont importants. Mon rôle est d’évaluer les éléments de preuve qui me sont présentés. C’est donc ce que je vais faire dans le reste de la présente décision.

Question en litige

[9] L’appelant a-t-il été suspendu sans solde en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] La loi dit qu’on ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi en cas de perte d’emploi ou de suspension sans solde à la suite d’une inconduiteNote de bas de page 3.

[11] Pour trancher la question en litige, je dois décider deux choses. D’abord, je dois déterminer la raison pour laquelle l’appelant a été suspendu. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il été suspendu sans solde?

[12] Je conclus que l’appelant a été suspendu sans solde parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur. En refusant de divulguer son statut vaccinal, il a enfreint la politique.

[13] L’appelant ne précise pas pourquoi il a été placé en congé administratif. Il se contente de dire que c’est parce qu’il n’a pas suivi à 100 % la politique de son employeur. Il ajoute qu’on lui a demandé à deux reprises des renseignements médicaux personnels, notamment son statut vaccinal. Il a refusé de divulguer les renseignements demandés par son employeur parce que, selon lui, ce sont des renseignements confidentiels et protégés par la loi relative à la vie privée.

[14] À l’audience, il a déclaré qu’il avait eu de la difficulté à saisir les renseignements dans le système électronique, comme l’employeur l’avait demandé. Il a ajouté qu’il avait envoyé à son employeur un courriel indiquant son statut vaccinal. Il a refusé de dire si cela voulait dire qu’il n’était pas vacciné. De plus, il ne se rappelait pas quand il avait envoyé le courriel ni quand il avait essayé d’entrer les renseignements dans le système. Ainsi, rien ne prouve qu’il ait tenté de le faire avant la date limite. Le fait que l’appelant ait envoyé un courriel à son directeur au sujet de son statut ne change rien à la raison de sa suspension.

[15] Selon la Commission, l’appelant a été placé en congé sans solde (suspendu) parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination.

[16] Tous les renseignements au dossier me portent à croire que l’appelant a été suspendu parce qu’il a refusé de divulguer son statut vaccinal et, ce faisant, il a enfreint la politique de vaccination de son employeur.

La raison du congédiement est-elle une inconduite au sens de la loi?

[17] La raison pour laquelle l’appelant a été congédié est une inconduite au sens de la loi.

[18] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Mais la jurisprudence (les décisions des cours et tribunaux) nous montre comment savoir si le renvoi de l’appelant constitue une inconduite au sens de la Loi. Elle établit le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les points et les critères à prendre en considération lorsqu’on examine la question de l’inconduite.

[19] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. En d’autres termes, elle doit avoir été consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 4. L’inconduite désigne aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 5. Il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 6.

[20] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et que la possibilité de se faire renvoyer pour cette raison était bien réelleNote de bas de page 7.

[21] La loi ne m’oblige pas à tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 8. Récemment, la Cour d’appel fédérale a affirmé une nouvelle fois que [traduction] « le critère de l’inconduite cible les connaissances et les gestes de la personne employée, et non le comportement de l’employeuse ou de l’employeur ni le caractère raisonnable de ses politiques au travailNote de bas de page 9 ». Je dois plutôt me pencher sur ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait, puis voir si cela constitue une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 10.

[22] Je dois tenir compte d’abord et avant tout de la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si d’autres lois donnent d’autres options à l’appelant. Il ne m’appartient pas de décider si le congédiement de l’appelant est injuste ou si l’employeur aurait dû mettre en place des mesures d’adaptation raisonnables pour luiNote de bas de page 11. Je peux me pencher sur une seule question : ce que l’appelant a fait ou omis de faire est-il une inconduite au sens de la Loi?

[23] La Commission doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 12.

[24] Selon la Commission, il y a eu inconduite parce que l’employeur a adopté une politique de vaccination qui a été communiquée à tout le personnel. La politique fixait une date limite pour la divulgation du statut. Elle prévoyait que les membres du personnel qui ne la respectaient pas tomberaient en congé administratif sans soldeNote de bas de page 13.

[25] L’appelant reconnaît avoir eu de nombreuses conversations avec son directeur au sujet de l’obligation de suivre la politique. Il était donc conscient de ses obligations et des conséquences s’il ne les respectait pas.

[26] Selon l’appelant, il n’y a pas eu d’inconduite parce que la politique violait son droit à la vie privée. De plus, l’obligation de dire à son employeur s’il était vacciné n’a jamais fait partie de son contrat de travail.

[27] L’appelant a ajouté qu’il avait dit à son employeur qu’il devait parler à son médecin avant de décider ce qu’il considérait comme un traitement médical. Il explique avoir appelé son médecin [traduction] « probablement » au début du processus, mais il y avait un délai de 90 jours pour obtenir un rendez-vousNote de bas de page 14. Par conséquent, il ne pouvait pas voir son médecin avant la date limite inscrite dans la politique.

[28] Lorsque je lui ai demandé s’il avait informé son gestionnaire de ce fait, il m’a demandé de consulter ses arguments écrits. La réponse qui s’y trouve est oui, il l’a dit à son gestionnaire. Cependant, à la question sur la réaction de son gestionnaire ou sur le moment où il avait donné l’information à son gestionnaire, l’appelant a répondu qu’il ne s’en souvenait plus puisque les événements dataient d’il y a deux ans déjà.

[29] De toute évidence, je peux difficilement évaluer l’incidence de ces éléments de preuve sur la conclusion d’inconduite, car une bonne partie du contexte est inconnue. Quand l’appelant a-t-il tenté de prendre rendez-vous avec son médecin? A-t-il dit à son médecin quelle était la date limite que lui imposait la politique? Quand a-t-il informé son gestionnaire de la longueur du délai pour voir son médecin? Quelle a été la réaction de son gestionnaire? A-t-il essayé de voir une ou un autre médecin?

[30] Par ailleurs, comme je l’ai mentionné plus haut, je dois d’abord me pencher sur la conduite de l’appelant, et non sur celle de l’employeurNote de bas de page 15. Par conséquent, il ne m’appartient pas de décider si l’employeur aurait dû donner à l’appelant plus de temps pour se conformer à la politique. Cet élément n’a aucune répercussion sur la question de l’inconduite.

[31] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur a adopté une politique de vaccination qui fixait la date limite pour la vaccination au 29 octobre 2021. Elle précisait aussi que, dès le 15 novembre 2021, les fonctionnaires qui refusaient de divulguer leur statut tomberaient en congé administratif sans solde.
  • L’employeur a clairement avisé l’appelant de ses attentes en ce qui concerne la vaccination du personnel.
  • L’employeur a discuté plusieurs fois avec l’appelant pour lui faire part de ses attentes.
  • L’appelant connaissait ou aurait dû connaître les conséquences du non-respect de la politique de vaccination de l’employeur.

Somme toute, l’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[32] Compte tenu des conclusions que je viens de tirer, je juge que l’appelant a été suspendu pour inconduite.

[33] En effet, la suspension découle de ses faits et gestes. Il a agi de façon délibérée. Il savait que refuser de dire s’il s’était fait vacciner entraînerait une suspension.

Conclusion

[34] La Commission a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Il est donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[35] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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