Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : BA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 387

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance‑emploi

Décision

Partie appelante : B. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (0) datée du 14 décembre 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Teresa Day
Mode d’audience : Vidéoconférence
Dates de l’audience : Le 28 février 2024 et le 11 mars 2024
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 17 avril 2024
Numéro de dossier : GE-23-3558

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant est exclu du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi parce qu’il a été licencié à cause d’une inconduiteNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant travaille comme infirmier et travaillait pour l’Interior Health Authority en Colombie-Britannique (l’employeur).

[4] L’employeur a instauré une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 obligeant tout le personnel à se faire entièrement vacciner au plus tard le 26 octobre 2021 (la politique). Les personnes qui n’étaient pas vaccinées (ou qui ne fournissaient pas de preuve de vaccination) et qui n’avaient pas obtenu d’exemption approuvée avant cette date limite s’exposeraient à des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement.

[5] L’appelant ne voulait pas se conformer à la politique en se faisant vacciner. Cependant, il n’avait pas d’exemption approuvée qui soit fondée sur des raisons médicales ou sur les droits de la personne.

[6] Son dernier jour de travail a été le 24 octobre 2021. Le 25 octobre 2021, il a été suspendu de son emploi et mis en congé sans solde pour non-respect de la politiqueNote de bas de page 2.

[7] De plus, le 25 octobre 2021, l’appelant a envoyé un courriel à son gestionnaire accompagné d’une note de son médecin indiquant qu’il était [traduction] « incapable de se présenter au travail en raison d’une [traduction] “ maladie/blessure ” pendant deux semaines »Note de bas de page 3. Deux semaines plus tard, le 8 novembre 2021, il a envoyé une deuxième note de son médecin indiquant qu’il était incapable de travailler pendant un moisNote de bas de page 4; et un mois plus tard, le 8 décembre 2021, il a envoyé une troisième note de son médecin indiquant qu’il était incapable de travailler pendant 6 autres semainesNote de bas de page 5.

[8] Le 10 décembre 2021, il a été licencié pour non-respect de la politiqueNote de bas de page 6.

[9] Le même jour, l’appelant a demandé des prestations de maladie de l’assurance-emploiNote de bas de page 7.

[10] Il a reçu 15 semaines de prestations de maladieNote de bas de page 8, puis, le 25 avril 2022, il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploiNote de bas de page 9. Cependant, l’intimée (la Commission) a décidé qu’il ne pouvait pas recevoir de prestations régulières d’assurance-emploi parce qu’il avait perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 10.

[11] L’appelant a demandé à la Commission de réviser sa décision. Il a dit qu’il avait des raisons médicales valables de ne pas se conformer à la politique. En outre, il a déclaré qu’il était injuste que la Colombie-Britannique (C.-B.) soit la seule province à ne pas permettre au personnel infirmier non vacciné de retourner au travail.

[12] La Commission a maintenu sa décision de ne pas payer l’appelant. Elle indiquait qu’il était inadmissible aux prestations régulières d’assurance-emploi pendant la période de sa suspensionNote de bas de page 11 et exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi après son congédiementNote de bas de page 12. Cela signifiait que l’appelant ne pouvait recevoir de prestations régulières d’assurance-emploi pour sa demandeNote de bas de page 13.

[13] L’appelant a fait appel des décisions d’inadmissibilité et d’exclusion devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions préliminaires

  1. A) Ma compétence

    [14] L’appel de l’appelant a été entendu pour la première fois le 29 mai 2023.

    [15] Le 24 août 2023, le Tribunal a rendu une décision rejetant son appel. Le membre du Tribunal a décidé que l’appelant ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi pour les raisons suivantes :

    1. a) La Commission a prouvé que l’appelant avait été suspendu de son emploi du 25 octobre 2021 au 9 décembre 2021 en raison de son inconduite, de sorte qu’il était inadmissible aux prestations d’assurance-emploi pendant cette période.
    2. b) La Commission a prouvé que l’appelant a été congédié de son emploi le 10 décembre 2021 en raison de son inconduite, de sorte qu’il a été exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter de cette date.

    [16] L’appelant a porté cette décision en appel devant la division d’appel du Tribunal. Il a dit qu’il avait été congédié pendant un congé pour raisons médicales, ce qui est [traduction] « illégal »Note de bas de page 14.

    [17] La division d’appel a accueilli en partie son appel.

    [18] La division d’appel avait conclu que :

    1. a) Le membre du Tribunal n’a pas mal interprété ce que signifie une inconduite aux fins des prestations d’assurance-emploi.
    2. b) Le membre du Tribunal n’a pas omis de tenir compte du caractère raisonnable de la politique de vaccination de l’employeur.
    3. c) Le membre du Tribunal n’a négligé aucune preuve concernant la suspension de l’appelant de son emploi.
    4. d) L’appelant est inadmissible aux prestations régulières d’assurance-emploi entre le 25 octobre et le 9 décembre 2021 parce qu’il a été suspendu de son emploi en raison de son inconduite.
    5. e) Cependant, le membre du Tribunal n’a pas abordé tous les éléments de preuve pertinents sur la question de l’exclusion, plus précisément si l’appelant était en congé pour raisons médicales lorsqu’il a été congédié le 10 décembre 2021 et ignorait qu’il pouvait être congédié.

    [19] La division d’appel a donc renvoyé l’appel de l’appelant à un nouveau membre du Tribunal pour qu’il rende une décision seulement sur la question de l’exclusion.

    [20] C’est donc dire que toutes les conclusions relatives à l’inadmissibilité imposée à la demande de l’appelant parce qu’il a été suspendu de son emploi en raison de son inconduite – et l’inadmissibilité elle-même (du 25 octobre 2021 au 9 décembre 2021) ont été confirmées et demeurent donc en vigueur.

    [21] Ma compétence se limite à évaluer si l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 10 décembre 2021 parce qu’il a été licencié de son emploi en raison de son inconduite.

    [22] La division d’appel a également déclaré que si l’appelant dispose de documents indiquant quand son employeur a approuvé son congé pour raisons médicales, il devrait déposer ces éléments de preuve auprès du TribunalNote de bas de page 15. J’ai donné à l’appelant deux occasions de déposer ses éléments de preuve supplémentaires et il a déposé les documents RGD04 et RGD06. Cette preuve a été communiquée à la Commission et elle a confirmé qu’elle n’avait pas d’autres observations en réponseNote de bas de page 16.

    [23] La nouvelle audience de l’appelant sur la seule question de l’exclusion a eu lieu par vidéoconférence le 28 février 2024 et le 11 mars 2024. Il s’agit de la décision découlant de cette nouvelle audience.

  2. B) L’appelant a continué d’être incapable de travailler en raison d’une maladie

    [24] L’appelant a présenté une note du médecin indiquant qu’il [traduction] « était/est incapable de travailler en raison d’une maladie ou d’une blessure » pendant 3 mois à compter du 17 janvier 2022Note de bas de page 17.

    [25] Comme l’appelant a reçu le maximum de 15 semaines de prestations de maladie de l’assurance-emploi à compter du 25 octobre 2021, ses prestations de maladie seraient épuisées lors de la semaine se terminant le 5 février 2022Note de bas de page 18.

    [26] S’il était incapable de travailler pour des raisons médicales pendant 3 mois à compter du 17 janvier 2022, il n’aurait pas droit à des prestations régulières d’assurance-emploi avant le 17 avril 2022. C’est la raison pour laquelle la Commission a renouvelé la demande de l’appelant à compter du 17 avril 2022Note de bas de page 19.

    [27] En vertu de la loi, une exclusion imposée pour la perte de votre emploi en raison d’une inconduite commencera le dimanche de la semaine de votre licenciement. L’exclusion de l’appelant débuterait donc le dimanche 5 décembre 2021 parce qu’il a été licencié le 10 décembre 2021. Toutefois, s’il y a une période de suspension avant le licenciement (comme dans le cas de l’appelant), l’exclusion commence à la date du licenciement proprement ditNote de bas de page 20.

    [28] Ainsi, comme l’appelant est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi du 25 octobre 2021 au 9 décembre 2021 parce qu’il a été suspendu en raison de son inconduite, je dois décider si l’appelant est exclu du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 10 décembre 2021Note de bas de page 21.

Questions en litige

[29] L’appelant est-il exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 10 décembre 2021 parce qu’il a perdu son emploi à l’Interior Health Authority en raison de son inconduiteNote de bas de page 22?

[30] Pour trancher cette question, je dois examiner la raison du congédiement de l’appelant, puis décider si la conduite qui a entraîné son congédiement correspond à une conduite qui, selon la loi, constitue une « inconduite » aux fins des prestations d’assurance-emploi.

Analyse

Question en litige no 1 : Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

  1. A) Quand l’appelant a-t-il été licencié?

    [31] L’appelant a dit à la Commission qu’il avait été licencié lors d’une réunion officielle tenue le 10 décembre 2021Note de bas de page 23.

    [32] À l’audience, il a déclaré ce qui suit :

    • Le 25 octobre 2021, il a envoyé par courriel à son gestionnaire une note du médecin indiquant qu’il était incapable de se présenter au travail en raison d’une maladie ou d’une blessure pendant deux semainesNote de bas de page 24.
    • Le 8 novembre 2021, il a envoyé par courriel à son gestionnaire une deuxième note du médecin indiquant qu’il n’était pas en mesure de se présenter au travail en raison d’une maladie ou d’une blessure pendant un mois supplémentaireNote de bas de page 25.
    • Son gestionnaire a répondu le même jour (le 8 novembre 2021) que l’employeur avait besoin que son médecin remplisse un formulaire de preuve de maladie donnant plus de détails sur sa maladieNote de bas de page 26. Le formulaire devait être présenté au plus tard le 15 novembre 2021Note de bas de page 27.
    • Le 15 novembre 2021, il a transmis par courriel à son gestionnaire le formulaire de preuve de maladie dûment rempli, comme on le lui a demandéNote de bas de page 28.
    • Le 18 novembre 2021, il a reçu un courriel de son gestionnaire lui disant : [traduction] « Nous devons organiser une réunion pour vous remettre un avis de licenciement ».
    • Il n’a pas répondu à ce courriel parce qu’il était toujours en « congé lié au stress ».
    • Le 8 décembre 2021, il a envoyé par courriel à son gestionnaire une troisième note de médecin indiquant qu’il n’était pas en mesure de se présenter au travail en raison d’une maladie ou d’une blessure pendant six semaines de plusNote de bas de page 29.
    • Le 9 décembre 2021, il a reçu un courriel du représentant des ressources humaines de l’employeur indiquant qu’il y aurait une réunion au sujet de son licenciement et l’informant qu’il devrait demander à son représentant syndical d’assister à la réunion avec lui.
    • D’autres courriels ont été envoyés le 9 décembre 2021 pour fixer une date de rencontre avec lui, son représentant syndical, son gestionnaire et le représentant des ressources humaines.
    • La réunion a eu lieu le 10 décembre 2021 et c’est alors qu’on lui a dit qu’il était licencié.

    [33] La Commission convient que l’appelant a été licencié le 10 décembre 2021 et je ne vois aucune preuve ni raison de ne pas être d’accord.

    [34] Je conclus donc que l’employeur a licencié l’appelant le 10 décembre 2021.

  2. B) L’appelant était-il en congé autorisé le 10 décembre 2021?

    [35] Non, il ne l’était pas. L’employeur n’a jamais autorisé un congé pour l’appelant.

    [36] Le dernier jour de travail rémunéré de l’appelant était le 24 octobre 2021Note de bas de page 30.

    [37] La date limite indiquée dans la politique pour fournir une preuve de vaccination ou obtenir une exemption approuvée à l’exigence de vaccination était le 26 octobre 2021. Au lieu de faire l’une ou l’autre de ces choses, le 25 octobre 2021, l’appelant a envoyé à son gestionnaire un courriel accompagné d’une note du médecin indiquant qu’il était incapable de se présenter au travail en raison d’une maladie ou d’une blessure pendant deux semaines.

    [38] Il s’agissait d’un geste unilatéral de l’appelant. Il n’a pas demandé à l’employeur s’il pouvait prendre un congé autorisé pour raisons médicales de son emploi, et l’employeur ne l’a pas autorisé à en prendre un.

    [39] Exactement deux semaines plus tard, soit le 8 novembre 2021, l’appelant a présenté une deuxième note du médecin indiquant qu’il n’a pas pu se présenter au travail en raison d’une maladie ou d’une blessure pendant un mois supplémentaire.

    [40] Il s’agissait d’un autre geste unilatéral de l’appelant, vraisemblablement censé expliquer que son absence continue du travail était attribuable à des raisons médicales.

    [41] Cette fois, le gestionnaire de l’appelant a répondu sur-le-champ en envoyant à l’appelant le formulaire de preuve de maladie dont il avait besoin pour que son médecin le remplisse et le soumette d’ici le 15 novembre 2021.

    [42] Trois jours après la présentation du formulaire rempli par l’appelant, son gestionnaire lui a envoyé un courriel pour fixer une rencontre pour lui donner un avis de licenciement.

    [43] L’appelant a choisi de ne pas répondre à ce courriel de son gestionnaire. Le 8 décembre 2021, il a plutôt soumis une troisième note du médecin indiquant qu’il devrait s’absenter du travail pendant 6 autres semaines.

    [44] Il s’agissait d’un autre geste unilatéral de l’appelant.

    [45] Cette fois, le représentant des ressources humaines de l’employeur a tout de suite fixé une rencontre de licenciement et l’appelant a été licencié le 10 décembre 2021.

    [46] La preuve montre que l’employeur n’a pas approuvé ou autorisé un congé pour l’appelant, pour raisons médicales ou autres. La preuve indique plutôt que le contraire s’est produit.

    [47] Bien que l’appelant ait été suspendu de son emploi pour non-respect de la politiqueNote de bas de page 31, il a présenté deux notes du médecin à son gestionnaire. Son gestionnaire lui a répondu en lui demandant de soumettre le formulaire précis exigé par l’employeur afin qu’il puisse tenir compte de ses limites et de sa capacité de retourner au travail. Après avoir reçu le formulaire rempli, son gestionnaire l’a informé qu’il serait licencié.

    [48] À l’audience, l’appelant a déclaré qu’il n’avait pas besoin que l’employeur l’autorise à prendre un congé pour raisons médicales. Il a dit que l’employeur n’avait pas le droit de dire « NON » à un congé autorisé pour raisons médicales tant qu’il envoyait ses notes du médecin, ce qu’il a fait. À l’appui de cet argument, il a souligné que l’employeur n’avait pas besoin d’approuver sa demande de prestations de maladie de l’assurance-emploi.

    [49] Je ne suis pas d’accord.

    [50] Il est vrai que la Commission n’a pas besoin de l’avis d’un employeur pour déterminer l’admissibilité d’une partie prestataire aux prestations de maladie de l’assurance-emploi ni ne sollicite l’avis de ce dernier. C’est cependant très différent d’un congé autorisé lié à l’emploi, qui survient lorsqu’un employeur autorise un employé à s’absenter de ses fonctions pendant un certain temps avec droit de réintégration.

    [51] Un employé ne peut pas forcer son employeur à accepter une absence continue du travail (et maintenir son poste ouvert pour qu’il puisse y revenir) simplement en présentant une série de notes médicales consécutives.

    [52] Il doit y avoir un processus permettant à l’employeur d’examiner et d’approuver (ou non) un congé autorisé pour raisons médicales en se fondant sur des renseignements détaillés au sujet de la nature et de la durée prévue de la maladie ou de la blessure d’un employé.

    [53] Et c’est ce qui s’est passé ici.

    [54] Après que l’appelant a envoyé sa deuxième note du médecin, l’employeur lui a transmis le formulaire qu’il devait faire remplir par son médecin afin que l’employeur puisse examiner sa demande de congé autorisé pour raisons médicales.

    [55] Dans son formulaireNote de bas de page 32, l’employeur demandait au médecin de fournir des renseignements sur la nature de la maladie ayant une incidence sur la capacité de travailler de l’appelant et sur la question de savoir si le traitement prescrit était susceptible de nuire au rendement ou à la sécurité. Le formulaire demandait également au médecin de décrire les limitations physiques et psychologiques temporaires qui empêchent l’appelant de s’acquitter de ses fonctions et de se prononcer sur la question de savoir si l’appelant était apte à participer à des réunions pour résoudre des problèmes en milieu de travail et s’il pouvait revenir au travail si ces problèmes étaient réglés.

    [56] Après la présentation du formulaire rempli par l’appelant le 15 novembre 2021, l’employeur a examiné le formulaire et a décidé de licencier l’appelant. L’employeur a communiqué sa réponse à l’appelant le 18 novembre 2021, lorsque son gestionnaire lui a envoyé un courriel et lui a demandé une rencontre pour lui remettre un avis de licenciement.

    [57] Le fait que l’appelant ait choisi de faire fi de ce courriel (et de présenter plutôt une troisième note du médecin le 8 décembre 2021) n’a pas changé la décision de l’employeur de refuser la demande de congé autorisé pour raisons médicales de l’appelant. Son licenciement a seulement été retardé au 10 décembre 2021.

    [58] L’appelant a dit à la Commission qu’il était en congé lié au stress lorsque l’employeur l’a congédiéNote de bas de page 33. Je n’accorde aucun poids à cette affirmation. En effet, aucune preuve ne démontre que l’employeur a déjà autorisé ou approuvé un congé pour l’appelant, pour raisons médicales ou autres, à tout moment après son dernier jour rémunéré le 24 octobre 2021.

    [59] Je conclus donc que l’appelant n’était pas en congé autorisé lorsqu’il a été licencié le 10 décembre 2021.

  3. C) Pourquoi l’appelant a-t-il été licencié?

    [60] L’appelant a perdu son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique en fournissant une preuve de son statut vaccinal contre la COVID-19 avant la date limite du 26 octobre 2021.

    [61] L’employeur a dit à la Commission que l’appelant avait été congédié pour non-respect de la politiqueNote de bas de page 34. La Commission admet qu’il s’agit du motif du licenciement de l’appelant, et je ne vois aucune preuve ni raison de ne pas être d’accord.

    [62] L’appelant convient que son emploi a pris fin parce qu’il n’a pas fourni à l’employeur une preuve de vaccination avant la date limite du 26 octobre 2021Note de bas de page 35. Il a dit à la Commission qu’il savait qu’en ne s’y conformant pas, il risquait de perdre son emploiNote de bas de page 36. Toutefois, il soutient que son licenciement était injustifié et qu’il n’a pas commis d’inconduite. Je traiterai de cet argument dans la question 2 ci-après.

    [63] Je conclus que l’appelant a été licencié parce qu’il n’a pas fourni de preuve de vaccination comme l’exige la politiqueNote de bas de page 37.

Question en litige no 2 : Cette raison est-elle considérée comme une inconduite aux fins des prestations d’assurance-emploi?

[64] Oui. La raison du congédiement de l’appelant est une inconduite aux fins des prestations d’assurance-emploi.

Droit applicable

[65] En vertu de la loi, si vous perdez votre emploi en raison d’une inconduite, vous êtes exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 38.

[66] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite qui a mené à la cessation d’emploi doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 39. L’inconduite comprend également une conduite à ce point insouciante (ou négligente) qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 40 (ou qui démontre un mépris délibéré des répercussions de ses actes sur son rendement au travail).

[67] L’appelant n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, il n’est pas nécessaire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 41.

[68] Il y a inconduite lorsque l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers l’employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit licenciéNote de bas de page 42.

[69] La Commission doit prouver que l’appelant a été congédié en raison d’une inconduiteNote de bas de page 43. Elle s’appuie sur la preuve que les représentants de Service Canada obtiennent de l’employeur et de l’appelant pour le faire.

La preuve

[70] L’appelant lui-même a fourni à la Commission une copie de la politique en vigueur le 1er décembre 2021Note de bas de page 44.

[71] Il est précisé que le personnel qui n’a pas été vacciné avant la date limite (ou qui n’avait pas d’exemption approuvée) [traduction] « sera mis en congé sans solde et pourrait faire l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement »Note de bas de page 45. Elle précise également que la non-conformité continue pourrait entraîner [traduction] « des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement »Note de bas de page 46.

[72] L’appelant a d’abord dit à la Commission qu’il savait qu’en ne se conformant pas à la politique, il risquait de perdre son emploiNote de bas de page 47.

[73] Après le rejet de sa demande de prestations régulières d’assurance-emploi, l’appelant a dit ce qui suit à la CommissionNote de bas de page 48 :

  • L’employeur a communiqué les exigences en matière de vaccination et a dit que l’appelant devait fournir une preuve de vaccination au plus tard le 26 octobre 2021 pour continuer à travailler.
  • S’il ne le faisait pas, il serait mis en congé sans solde.
  • Toutefois, l’employeur n’a jamais vraiment dit formellement que quiconque serait licencié par la suite.
  • Il ne voulait pas se faire vacciner en raison de problèmes médicaux et parce qu’il croit à l’intégrité physiqueNote de bas de page 49.
  • Il est parti en congé lié au stress et il a été congédié pendant son congéNote de bas de page 50.

[74] À l’audience, l’appelant a déclaré ce qui suit :

  • Il importe peu qu’il ait su qu’il pourrait être congédié pour non-respect de la politique.
  • Sa situation devrait être régie par l’ordonnance de santé publique (ordonnance) et non par la politiqueNote de bas de page 51.
  • Rien dans l’ordonnance n’obligeait l’employeur à le licencier parce qu’il n’avait pas fourni de preuve de vaccination.
  • L’ordonnance mentionnait seulement qu’il ne serait pas admissible au travail s’il demeurait non vacciné. En d’autres termes, il aurait pu rester en congé sans solde ou en congé rémunéré.
  • Toutefois, l’employeur l’a plutôt congédié [traduction] « sans justification ».
  • Il a été congédié à tort parce que la perte de son emploi n’avait rien à voir avec ses capacités ou son rendement.
  • Il n’a pas été autorisé à poser des questions sur l’innocuité et l’efficacité des vaccins contre la COVID-19. Il s’avère que ces vaccins causent le cancer et peut-être aussi des maladies cardiaques et des maladies auto-immunes. Il a pris la bonne décision de ne pas se faire vacciner.
  • Il était [traduction] « contraire à l’éthique et répréhensible » de la part de l’employeur de forcer les gens à se faire vacciner.

Mes conclusions

[75] Le dévouement de l’appelant à titre d’employé ne suscite aucun doute dans mon esprit. Cependant, une conclusion d’« inconduite » n’exige pas qu’il ait fait quelque chose de « mal » dans l’exercice de ses fonctions ou dans sa conduite en milieu de travail.

[76] Comme je l’ai expliqué à l’audience, le terme « inconduite » aux fins des prestations d’assurance-emploi ne signifie pas nécessairement qu’une partie prestataire a fait quelque chose de « mal ». Et le terme n’a pas la même signification pour les prestations d’assurance-emploi que dans d’autres contextes d’emploi, comme dans le cadre d’instances disciplinaires et de règlement de griefs ou d’arbitrages en matière de travail.

[77] Le terme « inconduite » dans le contexte de l’assurance-emploi signifie simplement qu’un prestataire a adopté une conduite délibérée (voulue, intentionnelle) et qu’il savait ou aurait dû savoir que cette conduite pouvait entraîner sa cessation d’emploi.

[78] L’appelant m’a exhorté à tenir compte du fait que l’ordonnance n’exigeait pas son licenciement et qu’il avait des raisons personnelles valables de ne pas se faire vacciner, surtout en l’absence de « données scientifiques probantes » selon lesquelles les vaccins étaient sûrs.

[79] Toutefois, ces considérations ne traitent pas du critère d’inconduite aux fins des prestations d’assurance-emploi.

[80] Il n’appartient pas au Tribunal de décider si la politique de l’employeur était raisonnable ou si la sanction du licenciement était trop sévèreNote de bas de page 52.

[81] Le Tribunal n’a pas non plus le pouvoir d’interpréter les lois sur la protection de la vie privée, les lois sur les droits de la personne, le droit international, le Code criminel ou d’autres lois ou de les appliquer aux décisions rendues en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi)Note de bas de page 53.

[82] Le Tribunal doit se concentrer sur la conduite qui a entraîné le congédiement de l’appelant, et décider s’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi.

[83] J’ai déjà conclu que l’appelant a été licencié parce qu’il n’a pas fourni une preuve de vaccination comme l’exige la politique (en l’absence d’une exemption approuvée).

[84] La preuve obtenue par la Commission et le témoignage de l’appelant à l’audience me permettent de tirer ces conclusions supplémentaires :

  1. a) L’appelant a été informé de la politique et a eu le temps de s’y conformerNote de bas de page 54.
  2. b) Son défaut de se conformer à la politique était intentionnel; il a pris la décision personnelle délibérée de ne pas se faire vacciner. Son manquement à la politique était donc délibéré.
  3. c) Il savait que son défaut de fournir une preuve de vaccination pouvait entraîner son licenciement.
    • Lorsqu’il était devant la division d’appel, l’appelant a déclaré qu’il était en congé autorisé pour raisons médicales lorsqu’il a été congédiéNote de bas de page 55. Il a également nié qu’il savait qu’il devait se conformer à la politique sans quoi il ferait l’objet d’un congédiement pendant qu’il était en congé autorisé pour raisons médicalesNote de bas de page 56.
    • Je ne trouve pas cela crédible ou convaincant.
    • Premièrement, il n’y a aucune preuve que l’employeur a déjà approuvé un congé autorisé pour l’appelant. De plus, sans l’autorisation de l’employeur, l’appelant n’a aucune raison crédible de penser qu’il échapperait aux conséquences du non-respect de la politique. Le fait que l’appelant ait continué de soumettre des notes du médecin ne constitue pas une preuve que l’employeur a approuvé un congé autorisé pour raisons médicales.
    • Deuxièmement, il y avait un processus pour demander un congé autorisé pour raisons médicales. L’appelant devait soumettre au plus tard le 15 novembre 2021 le formulaire de preuve de maladie que son gestionnaire lui a envoyé. Ce processus s’est traduit par le licenciement de l’appelant, et non par l’approbation de prendre un congé autorisé pour raisons médicales. Lorsque le gestionnaire de l’appelant lui a envoyé un courriel le 18 novembre 2021 pour fixer une réunion en vue de lui remettre un avis de licenciement, l’appelant savait que son congédiement allait survenir. Le fait qu’il ait choisi d’ignorer le courriel de son gestionnaire et de soumettre une autre note du médecin (le 8 décembre 2021) ne constitue pas une preuve que l’employeur a approuvé son congé autorisé pour raisons médicales. L’appelant savait en date du 18 novembre 2021 qu’il serait licencié, de sorte qu’il ne peut pas dire qu’il ignorait qu’il devait se conformer à la politique sans quoi il y aurait des conséquences en cas de non-conformité alors qu’il était prétendument en congé autorisé pour raisons médicales.
    • Troisièmement, l’appelant savait que la politique était appliquée. Il a déclaré qu’il avait consulté un médecin le 25 octobre 2021 parce qu’il était très stressé de savoir qu’il ne pourrait travailler à compter du 26 octobre 2021 à moins d’être vacciné. La même politique qui l’empêchait de travailler à compter du 26 octobre 2021 prévoyait également des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement pour non-conformité. De plus, comme l’appelant l’a dit à la Commission, il savait qu’en ne se conformant pas à la politique, il risquait de perdre son emploiNote de bas de page 57.
  4. d) Son défaut de se conformer à la politique était la cause directe de son congédiement.

[85] Il s’agit (les 4 éléments du paragraphe 83 qui précède) du critère d’inconduite sous le régime de la Loi, et la conduite de l’appelant satisfait au critère.

[86] L’employeur a le droit d’établir des politiques en matière de santé et sécurité au travail. L’appelant avait le droit de refuser de se conformer à la politique. En choisissant de ne pas se faire vacciner et de ne pas fournir une preuve de vaccination, il a pris une décision personnelle qui a entraîné des conséquences prévisibles sur son emploi.

[87] La division d’appel du Tribunal a confirmé à maintes reprises qu’il importe peu que la décision personnelle d’une partie prestataire soit fondée sur des croyances religieuses, des problèmes de santé ou une autre raison personnelle. Le choix voulu de ne pas se conformer à une politique sur la santé et la sécurité au travail liée à la COVID-19 est considéré comme étant délibéré et constitue une inconduite aux fins des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 58.

[88] Les décisions de la division d’appel s’appuient sur la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale selon laquelle une violation voulue de la politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 59. Il existe également une série d’affaires de la Cour fédérale, à commencer par la décision Cecchetto, qui ont confirmé ce principe dans le contexte particulier d’une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19Note de bas de page 60.

[89] Je conclus donc que l’omission délibérée de l’appelant de fournir une preuve de vaccination conformément à la politique constitue une inconduite au sens de la Loi.

[90] À l’audience, l’appelant a parlé d’une action collective intentée par un groupe d’employés de la santé qui contestent leur licenciement parce qu’il irait au-delà des exigences des ordonnances.

[91] S’il le souhaite, l’appelant peut présenter en cour ou devant un autre tribunal qui traite de ces questions ses plaintes concernant la politique ou les actions de l’employeur en lien avec son licenciement. Il demeure libre de présenter ces arguments et de demander réparation devant les instances compétentes.

[92] Toutefois, aucun de ses arguments au sujet de ce que l’employeur a fait ou n’a pas fait ne modifie l’analyse dans cette affaire.

[93] Dans la présente décision, comme dans l’affaire CecchettoNote de bas de page 61, les seules questions à trancher sont de savoir si l’appelant a été licencié pour ne pas s’être conformé à la politique de vaccination de son employeur et, dans l’affirmative, si ce défaut de se conformer était voulu et vraisemblablement susceptible d’entraîner son congédiement. La réponse à toutes ces questions est oui.

[94] Parce qu’il a fait le choix voulu de ne pas se faire vacciner comme l’exige la politique, l’appelant a été congédié en raison d’une conduite considérée comme étant une inconduite au sens de la Loi.

[95] Je conclus que la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a été licencié le 10 décembre 2021 en raison d’une conduite qui constitue une inconduite au sens de la Loi. Cela signifie qu’il ne peut pas se faire verser des prestations régulières d’assurance-emploi relativement à sa demande.

Question en litige no 3 : Qu’en est-il des autres observations de l’appelant?

[96] L’appelant a présenté un certain nombre d’autres observations à la nouvelle audience, notamment que l’agent de santé publique de la région était corrompu, que les ordonnances portaient atteinte aux valeurs fondamentales de la profession infirmière et qu’il n’y a pas de données scientifiques fondées sur des données probantes à l’appui des ordonnances rendues en Colombie-Britannique ou de la décision de la province de les maintenir aussi longtemps.

[97] La Cour fédérale et la division d’appel ont déclaré que je n’avais ni le mandat ni la compétence pour évaluer le bien-fondé, la légitimité ou la légalité des ordonnancesNote de bas de page 62. Cela signifie que les arguments fondés sur les autres observations de l’appelant ne sont pas pertinents pour la question de l’inconduite dont je suis saisie dans le présent appel et je ne peux pas les examiner.

Conclusion

[98] La Commission a prouvé que l’appelant a été licencié le 10 décembre 2021 en raison de son inconduiteNote de bas de page 63. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 10 décembre 2021Note de bas de page 64.

[99] L’appel est rejeté.

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