Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

L’appelant fait appel de la décision de la division générale. La division générale a conclu que la Commission de l’assurance-emploi du Canada avait prouvé que le prestataire avait été suspendu, puis qu’il avait perdu son emploi, en raison d’une inconduite. Par conséquent, la Commission a décidé que le prestataire n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi pendant sa suspension, et qu’il en était exclu par la suite. L’appelant a fait appel de la décision de la division générale devant la division d’appel.

La division d’appel a conclu que la division générale avait omis de tenir compte de la preuve relative au congédiement du prestataire. Ce dernier a soutenu que la division générale avait omis de considérer le fait qu’il était en congé de maladie lorsque son employeur l’avait congédié. La division d’appel a conclu qu’effectivement, l’appelant avait signalé à la Commission qu’il avait pris un congé lié au stress, et que son employeur l’avait ensuite congédié. La division d’appel a conclu que la division générale n’avait pas examiné cet élément de preuve. Pourtant, il était important. Cet élément de preuve aurait pu démontrer que le prestataire ignorait qu’il s’exposait à des conséquences s’il ne se conformait pas à la politique de vaccination de son employeur. Si le prestataire ignorait bel et bien les conséquences du non-respect de la politique, il pourrait ne pas avoir commis d’inconduite. La division générale aurait dû examiner cet élément de preuve. Il s’agit d’une erreur.

La division d’appel a accueilli l’appel en partie. Elle a renvoyé l’affaire à la division générale pour un réexamen sur la question de l’exclusion seulement.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : BA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1799

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : B. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Nikkia Janssen

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 24 août 2023
(GE-23-66)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 30 novembre 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 14 décembre 2023
Numéro de dossier : AD-23-880

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

[2] L’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen uniquement en ce qui concerne la question de l’exclusion.

Aperçu

[3] L’appelant, B. A. (le prestataire) porte en appel la décision de la division générale. Celle-ci a conclu que l’intimée, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada, a prouvé que le prestataire a été suspendu, puis a perdu son emploi en raison de son inconduite. En d’autres termes, il avait fait quelque chose ou avait omis de faire une chose, ce qui a entraîné sa suspension, puis la perte de son emploi. Par conséquent, le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi pendant la durée de sa suspension, puis il a été exclu du bénéfice des prestations.

[4] Le prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de droit et de fait importantes en rejetant son appel. Il affirme que la division générale a négligé le fait qu’il était en congé autorisé pour raisons médicales lorsque son employeur l’a suspendu, puis congédié. Il dit qu’il ignorait qu’il subirait des conséquences s’il ne se conformait pas à la politique de vaccination de son employeur alors qu’il était en congé autorisé pour raisons médicales. Par conséquent, il nie avoir commis une quelconque inconduite.

[5] Le prestataire demande à la division d’appel de renvoyer la présente affaire à la division générale pour réexamen de toutes les questions.

[6] La Commission fait valoir que la division générale n’a commis aucune erreur quant à l’inadmissibilité. Selon la Commission, la preuve démontre que le prestataire a commis une inconduite, ce qui a mené à la suspension. La Commission affirme également que la preuve démontre que l’employeur du prestataire l’avait déjà suspendu avant qu’il demande un congé autorisé pour raisons médicales. La Commission demande à la division d’appel de rejeter l’appel qui porte sur cette question.

[7] En ce qui concerne la question de l’exclusion, la Commission convient que la division générale n’a pas correctement abordé les événements entourant le congédiement du prestataire. Comme les faits sont incomplets au sujet du congé autorisé pour raisons médicales du prestataire, la Commission recommande que la division d’appel renvoie l’affaire à la division générale pour réexamen.

[8] Je conclus que la division générale n’a pas commis d’erreur sur la question de l’inadmissibilité. Cependant, elle a ignoré certains éléments de preuve portant sur la question de l’exclusion. Je renvoie donc l’affaire à la division générale pour qu’elle réexamine cette seule question.

Questions en litige

[9] Voici les questions en litige dans le présent appel :

  1. a) La division générale a‑t‑elle mal interprété la signification de l’inconduite?
  2. b) La division générale a-t-elle omis d’examiner le caractère raisonnable de la politique de vaccination de l’employeur?
  3. c) La division générale a-t-elle ignoré des éléments de preuve concernant le congé pour raisons médicales du prestataire?
  4. d) Si la réponse est « oui » à l’une ou l’autre des questions ci-dessus, comment devrait-on corriger l’erreur?

Analyse

[10] La division d’appel peut intervenir dans les décisions de la division générale si celle-ci a commis une ou des erreurs de compétence, de procédure, de droit ou certains types d’erreurs de faitNote de bas de page 1.

[11] En ce qui concerne erreurs de fait, il fallait que la division générale ait fondé sa décision sur ce type d’erreur, et qu’elle ait commis l’erreur de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissanceNote de bas de page 2.

La division générale a‑t‑elle mal interprété la signification de l’inconduite?

[12] Non. La division générale n’a pas mal interprété ce qu’est une « inconduite ».

[13] Le prestataire nie avoir commis une quelconque inconduite à quelque moment que ce soit. Il soutient que la division générale a mal interprété la signification de l’inconduite. Cependant, il n’a pas expliqué de quelle façon la division générale aurait pu mal interpréter ce que signifie l’inconduite.

[14] La division générale définit l’inconduite comme suit :

Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelle. [Renvoi omis] L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée. [Renvoi omis] Il n’est pas nécessaire que la personne ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loi. [Renvoi omis]

Il y a inconduite si la personne savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 3.

[15] L’interprétation de l’inconduite que fait la division générale est compatible avec la jurisprudence. Le prestataire n’a pas démontré le contraire.

La division générale a-t-elle omis d’examiner le caractère raisonnable de la politique de vaccination de l’employeur?

[16] Non. La division générale n’a pas omis d’examiner le caractère raisonnable de la politique de vaccination de l’employeur.

[17] Le prestataire soutient que la division générale aurait dû examiner le caractère raisonnable de la politique de vaccination de son employeur. Selon lui, si elle l’avait fait, elle aurait conclu que la politique est trop générale et déraisonnable.

[18] Cependant, les arguments concernant le caractère raisonnable de la politique de vaccination d’un employeur ne sont pas pertinents à la question de l’inconduite. La Cour fédérale a statué que la division générale et la division d’appel n’ont pas le pouvoir d’examiner ces types d’arguments. Dans la décision Cecchetto, la Cour a écrit :

[46] Comme je l’ai mentionné précédemment, il est probable que le demandeur sera frustré par ce résultat, parce que mes motifs ne portent pas sur les questions juridiques, éthiques et factuelles fondamentales qu’il soulève. Il en est ainsi parce que bon nombre de ces questions débordent tout simplement le cadre de la présente affaire. Il n’est pas déraisonnable pour un décideur de ne pas tenir compte d’arguments de droit qui ne s’inscrivent pas dans la mission qui lui a été conférée par la loi.

[47] La division générale du Tribunal de la sécurité sociale et la division d’appel ont un rôle important à jouer au sein du système judiciaire, mais ce rôle est limité et précis. En l’espèce, ce rôle consistait à établir les raisons pour lesquelles le demandeur avait été congédié et à déterminer si ces raisons constituaient une « inconduite ». […]

[48] Malgré les arguments du [prestataire], il n’y a pas de fondement pour annuler la décision de la division d’appel parce qu’elle n’aurait pas évalué le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la directive no 6 ni rendu de décision à ce sujet. Ce genre de conclusion ne relevait pas du mandat ou de la compétence de la division d’appel ni de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. [Renvoi omis]Note de bas de page 4.
(Mis en évidence par la soussignée.)

[19] Récemment, la Cour fédérale a jugé que la division générale et la division d’appel [traduction] « ne sont pas les instances appropriées pour décider si la politique [de l’employeur] ou le licenciement de [l’employé] étaient raisonnables »Note de bas de page 5.

[20] La division générale n’a donc pas omis d’examiner le caractère raisonnable de la politique de vaccination de l’employeur.

La division générale a-t-elle négligé des éléments de preuve concernant le congé autorisé pour raisons médicales du prestataire?

[21] En ce qui concerne la suspension du prestataire de son emploi, la division générale n’a négligé aucun élément de preuve. Il n’y avait au dossier aucun élément de preuve qui aurait pu démontrer que le prestataire était déjà en congé autorisé pour raisons médicales lorsque son employeur l’a suspendu. Comme ces éléments de preuve ne lui ont pas été présentés, la division générale n’aurait pu les ignorer.

[22] En ce qui concerne la question du congédiement du prestataire, la division générale a négligé certains éléments de preuve. La division générale n’a pas entièrement examiné si le prestataire avait été en congé autorisé pour raisons médicales lorsque son employeur l’a congédié. Si le prestataire était en congé autorisé pour raisons médicales, cela aurait pu avoir une incidence sur la question de savoir s’il avait commis une inconduite. Après tout, s’il était en congé autorisé pour raisons médicales, il ignorait peut-être qu’il pouvait être congédié s’il ne se conformait pas à la politique de vaccination de son employeur.

Suspension du prestataire : la division générale n’a ignoré aucun élément de preuve à ce sujet

[23] Le prestataire soutient que la division générale a négligé certains éléments de preuve. Il affirme avoir demandé un congé autorisé pour raisons médicales à son employeur en octobre 2021. Il ajoute que son employeur lui a accordé un congé. Il affirme que tout cela s’est produit avant l’échéance du 26 octobre 2021 pour se conformer à la politique de vaccination de son employeur.

[24] Comme il soutient qu’il était en congé autorisé pour raisons médicales après le 25 octobre 2021, il nie avoir commis une inconduite. Il nie toute inconduite parce qu’il dit qu’il ignorait que son employeur pouvait le suspendre ou le congédier pendant un congé autorisé pour raisons médicales.

[25] La Commission affirme que la preuve présentée à la division générale a démontré que le prestataire n’a demandé un congé autorisé pour raisons médicales qu’après l’entrée en vigueur de sa suspension par son employeur pour non-conformité à sa politique de vaccination. Au début, le prestataire a reconnu qu’il n’avait pas présenté sa demande de congé autorisé pour raisons médicales à tempsNote de bas de page 6. Cependant, il a ensuite déclaré avoir présenté sa demande à son employeur au plus tard le 25 octobre 2021Note de bas de page 7. Toutefois, il n’y avait aucune preuve qui confirme ce que le prestataire dit avoir fait.

[26] Le médecin du prestataire a rempli un formulaire médical daté du 15 novembre 2021Note de bas de page 8. Il a également préparé des certificats d’absence du travail. Il était d’avis que le prestataire était incapable de travailler en raison d’une maladie, du 25 octobre 2021 au moins jusqu’en avril 2022Note de bas de page 9. Toutefois, la division générale n’a reçu aucun élément de preuve indiquant que le prestataire a remis les certificats d’absence du travail à son employeur ou que celui-ci a approuvé sa demande de congé autorisé pour raisons médicales. En effet, le prestataire a confirmé qu’il savait que son employeur le placerait en congé après le 25 octobre 2021Note de bas de page 10.

[27] Le prestataire n’a pas dit à la division générale qu’il avait demandé et obtenu un congé autorisé pour raisons médicales à cette date. Il ne l’a pas fait et n’a pas non plus déposé de dossiers médicaux avant de se présenter à la division d’appel.

[28] Cependant, la division d’appel n’est généralement pas en mesure d’accepter de nouveaux éléments de preuve. Il existe des circonstances exceptionnelles dans lesquelles elle peut accepter de nouveaux éléments de preuve, mais il n’y en a aucune dans la présente affaire. Je ne peux donc pas tenir compte de ces nouveaux éléments de preuve pour décider si la division générale a pu commettre une erreur lorsqu’elle a conclu que le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite.

[29] La division générale ne pouvait rendre sa décision qu’en se fondant sur la preuve dont elle disposait. Elle n’a donc pas négligé les éléments de preuve si elle ne les avait pas. La preuve présentée à la division générale a démontré que le prestataire n’avait pas demandé de congé autorisé pour raisons médicales avant que son employeur ne le mette en congé. Par conséquent, la division générale n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi pour inconduite.

[30] C’est donc dire que le prestataire demeure inadmissible au bénéfice des prestations régulières entre le 25 octobre et le 10 décembre 2021, alors qu’il était en congé sans solde.

[31] Cependant, comme le souligne la Commission, le prestataire a déjà reçu le maximum de 15 semaines de prestations de maladie de l’assurance‑emploi pour cette période. Il n’aurait donc pas reçu de prestations régulières de toute façon, même s’il n’avait pas été suspendu pour inconduite. Une partie prestataire ne peut pas recevoir des prestations régulières et des prestations de maladie en même temps.

Le congédiement du prestataire : la division générale a négligé la preuve relative à cet élément

[32] La division générale a négligé la preuve relative au congédiement du prestataire. Le prestataire fait valoir que la division générale a négligé le fait qu’il était en congé autorisé pour raisons médicales lorsque son employeur l’a congédié de son emploi. En effet, il a signalé à la Commission qu’il avait pris un congé pour cause de stress, puis que son employeur l’a congédié. La preuve indique que la conversation suivante a eu lieu entre la Commission et le prestataire :

  1. [traduction]
  2. Q : En date du 26 octobre 2022, étiez‑vous considéré comme étant en congé sans solde?
  3. R : J’ai été mis en congé sans solde pendant quelques semaines, puis j’ai également pris un congé pour cause de stress à un moment donné.
  4. Q : Le congé pour raisons médicales ou le congé pour cause de stress était‑il autorisé?
  5. R : Oui, et ils m’ont congédié pendant que j’étais en congéNote de bas de page 11.

[33] La division générale n’a pas examiné cet élément de preuve. Il s’agissait d’un élément important. Il aurait pu démontrer que le prestataire ignorait qu’il pouvait subir des conséquences s’il ne se conformait pas à la politique de vaccination de son employeur. S’il ne savait pas qu’il pouvait subir des conséquences pour non-conformité, il est possible qu’il n’ait pas commis une inconduiteNote de bas de page 12.

[34] La division générale aurait dû examiner cette preuve. Il s’agit d’une erreur.

Réparation

[35] Je renvoie la présente à la division générale plutôt que de rendre ma propre décision sur la question du congédiement. Il y a des lacunes dans la preuve. Je suis donc incapable de rendre une décision sur la question.

[36] Le prestataire affirme qu’il était en congé pour raisons médicales lorsque son employeur l’a congédié. Il nie qu’il connaissait son obligation de se conformer à la politique de vaccination de son employeur ou qu’il risquait d’être congédié pendant qu’il était en congé autorisé pour raisons médicales.

[37] Le renvoi de l’affaire à la division générale permettra au prestataire de combler les lacunes dans la preuve. Il affirme qu’il a des documents indiquant le moment où son employeur a approuvé son congé autorisé pour raisons médicales. Il devrait déposer cette preuve auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[38] Si le prestataire peut démontrer qu’il était en congé autorisé pour raisons médicales et qu’il ignorait qu’il pouvait être congédié, il est probable qu’il ne serait pas exclu du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi.

Conclusion

[39] L’appel est accueilli en partie. La division générale n’a pas commis d’erreur au sujet de la suspension du prestataire. L’inadmissibilité demeure en vigueur. Quant à la question de l’exclusion, la division générale n’a pas abordé tous les éléments de preuve pertinents. Le prestataire affirme qu’il était en congé pour raisons médicales lorsque son employeur l’a congédié. Je renvoie donc l’affaire à la division générale uniquement en ce qui concerne la question de l’exclusion.

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