Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

Le prestataire a perdu son emploi le 28 février 2023. Il a essayé de se trouver un autre emploi au cours des mois suivants. Il éprouvait de plus en plus de problèmes de santé mentale et a finalement eu recours aux services de spécialistes. Le prestataire a obtenu un emploi en août; il y a travaillé du 21 août au 22 septembre 2023. Il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi le 24 octobre 2023. Le lendemain, il a communiqué avec Service Canada pour demander que sa demande soit antidatée au 26 mars 2023. Cette demande a été rejetée.

La division générale a conclu que le prestataire avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations du 21 mai au 24 octobre 2023, date à laquelle il a demandé des prestations. Elle a conclu qu’il avait connu une grave crise de santé mentale qui l’aurait empêché de s’informer sur les prestations d’assurance-emploi ou d’en faire la demande. Toutefois, la division générale a décidé que la demande du prestataire ne pouvait pas être antidatée au 26 mars 2023 parce qu’il n’avait pas de motif valable justifiant son retard durant toute la période du retard. Le prestataire a porté la décision de la division générale en appel à la division d’appel.

Devant la division d’appel, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a convenu que la division générale n’avait pas bien énoncé la loi au moment de conclure qu’elle ne pouvait pas examiner si la demande de prestations du prestataire pouvait être antidatée au 21 mai 2023.

La loi prévoit qu’une demande peut être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si la partie prestataire a démontré qu’elle avait un motif valable justifiant son retard pour la période qui s’étend de la date antérieure jusqu’au moment où elle a présenté sa demande. Étant donné que la division générale a conclu que le prestataire avait un motif valable pour la période qui précédait immédiatement le dépôt de sa demande, elle aurait pu examiner si sa demande pouvait être antidatée au 21 mai 2023. La division d’appel a conclu que la division générale avait mal interprété la loi. Il s’agit d’une erreur de droit.

La Commission a également soutenu que la division générale n’avait pas analysé la preuve de façon significative avant de conclure que le prestataire avait un motif valable du 21 mai au 24 octobre 2023.

Après sa mise à pied, le prestataire a attendu un mois avant de demander des prestations. La division générale n’a pas expliqué comment les problèmes de santé du prestataire l’ont empêché de demander des prestations après le mois d’août 2023, alors qu’il se sentait assez bien pour retourner au travail. Le prestataire a déclaré que sa santé mentale s’était améliorée. D’ailleurs, il a pu retourner au travail. Cela contredit la conclusion de la division générale selon laquelle il avait un motif valable pour toute la période du 21 mai au 24 octobre 2023. Le prestataire a également déclaré qu’il a appris qu’il existait des prestations d’assurance-emploi au moment d’être mis à pied, soit le 22 septembre 2023. La division générale n’a pas demandé au prestataire pourquoi il a attendu un mois pour demander des prestations. La division d’appel a conclu que la division générale n’avait pas analysé la preuve de façon significative avant de conclure que le prestataire avait un motif valable du 21 mai au 24 octobre 2023.

La division d’appel a accueilli l’appel et a renvoyé l’affaire à la division générale pour réexamen afin que le prestataire puisse expliquer pourquoi il a agi comme il l’a fait pendant la période du retard. La division générale décidera alors s’il était admissible aux prestations à la date antérieure.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : JS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 117

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : J. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : J. Lachance

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 18 décembre 2023 (GE-23-3415)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 7 février 2024
Personne présente à l’audience : Représentant de l’intimée
Date de la décision : Le 8 février 2024
Numéro de dossier : AD-23-1127

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. L’affaire sera renvoyée à la division générale pour réexamen.

Aperçu

[2] L’appelant, J. S. (prestataire), a demandé des prestations d’assurance-emploi le 24 octobre 2023. Il a toutefois demandé que sa demande soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 26 mars 2023.

[3] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a rejeté la demande du prestataire. À son avis, le prestataire n’avait pas démontré qu'il avait un motif valable justifiant la présentation tardive de sa demande.

[4] L’appel du prestataire a aussi été rejeté par la division générale. Celle-ci a conclu qu’il avait seulement un motif valable pour justifier son retard du 21 mai 2023 au jour de sa demande. Comme le prestataire n’avait pas démontré un motif valable pour toute la période du retard, la division générale a conclu que sa demande ne pouvait pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.

[5] La prestataire fait maintenant appel de la décision de la division générale. Il soutient que la division générale a commis une erreur de compétence, car elle n’a jamais décidé si sa demande pouvait plutôt être antidatée au 21 mai 2023. La Commission dit aussi que la division générale a commis une erreur de droit et qu’elle a fondé sa décision sur des erreurs de fait importantes.

[6] J’accueille l’appel. La division générale a commis des erreurs de droit dans sa décision. Je renvoie l’affaire à la division générale pour réexamen.

Question préliminaire

[7] Le prestataire n’a pas participé à l’audience. Je suis convaincue qu’il a néanmoins reçu l’avis d’audience et qu’il était au courant de l’heure et de la date de l’audienceNote de bas de page 1. J’ai donc procédé en son absenceNote de bas de page 2.

Questions en litige

[8] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que la demande du prestataire ne pouvait pas être antidatée au 21 mai 2023?
  2. b) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit parce qu'elle n'a pas soigneusement analysé la preuve avant de conclure que le prestataire avait un motif valable du 21 mai 2023 au 24 octobre 2023?
  3. c) Dans l’affirmative, comment faut-il remédier à l’erreur?

Analyse

[9] Je peux intervenir dans la présente affaire seulement si la division générale a commis une erreur pertinente. Je dois donc vérifier siNote de bas de page 3 :

  • la procédure dirigée par la division générale était inéquitable;
  • la division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  • la division générale a mal interprété ou mal appliqué la loi;
  • la division générale a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

Contexte

[10] Le prestataire a perdu son emploi le 28 février 2023Note de bas de page 4. Il a essayé de trouver un autre emploi au cours des mois qui ont suiviNote de bas de page 5. Ultimement, sa santé mentale s’est détériorée et il a obtenu de l’aide professionnelleNote de bas de page 6.  

[11] La prestataire a pu trouver un emploi en août 2023, qu'il a occupé du 21 août 2023 au 22 septembre 2023Note de bas de page 7. Il a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi le 24 octobre 2023. Le lendemain, il a communiqué avec Service Canada et demandé que sa demande soit antidatée au 26 mars 2023. Sa demande a été rejetéeNote de bas de page 8.

Décision de la division générale

[12] La division générale devait décider si le prestataire pouvait bénéficier d’une antidate pour sa demande de prestations d’assurance-emploi. Pour ce faire, le prestataire devait démontrer qu’il avait un « motif valable » justifiant la présentation tardive de sa demande de prestations, et ce, durant toute la période qui s’était écoulée. Pour qu’une demande soit antidatée, le prestataire doit également établir qu’il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations à la date antérieureNote de bas de page 9. 

[13] Pour démontrer la présence d’un motif valable, le prestataire doit prouver qu’il a agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans des circonstances semblables pour vérifier ses droits et les obligations que lui impose la loiNote de bas de page 10. Il doit notamment vérifier raisonnablement rapidement s’il était admissible aux prestations.

[14] La division générale a examiné les raisons pour lesquelles le prestataire avait tardé à présenter sa demande de prestations. Il a fait valoir qu’il est un immigrant et qu’il n’avait donc pas connaissance de l’assurance-emploi la première fois qu'il avait perdu son emploiNote de bas de page 11. Il s’est plutôt concentré sur la recherche d’un autre emploi et a contracté des prêts sur salaire pour survivreNote de bas de page 12.

[15] La division générale a conclu que sa méconnaissance de l’assurance-emploi et son recours à des prêts sur salaire ne démontraient pas qu’il avait un motif valable. Elle a cité la jurisprudence à l’appui de ces conclusionsNote de bas de page 13.

[16] La division générale a examiné les arguments du prestataire concernant sa santé mentale. Il lui avait effectivement confié qu’il avait commencé à se sentir déprimé à la fin du mois de mai 2023. Ses amis avaient pris pour lui un rendez-vous chez son médecin et l’avaient mis en contact avec des services d’intervention d’urgence en santé mentaleNote de bas de page 14.

[17] Le prestataire a déclaré qu’il avait commencé à se sentir mieux en août et qu’il avait recommencé à travailler le 21 août 2023. C’est en étant mis à pied de cet emploi, le 22 septembre 2023, qu’il a pris connaissance des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 15. Il a présenté une demande de prestations le 24 octobre 2023.

[18] La division générale a conclu que le prestataire avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations du 21 mai 2023 au 24 octobre 2023, soit jusqu’à la date où il avait présenté sa demandeNote de bas de page 16. Elle a jugé qu’il avait été aux prises avec une grave crise de santé mentale, ce qui l’aurait empêché de se renseigner sur les prestations d’assurance-emploi ou de demander ces prestationsNote de bas de page 17.

[19] La division générale a décidé que la demande du prestataire ne pouvait pas être antidatée au 26 mars 2023 étant donné qu’il n’avait pas démontré un motif valable pour toute la période du retardNote de bas de page 18.

La division générale a commis des erreurs de droit

[20] Dans sa demande de permission d’en appeler, le prestataire affirme que sa demande devrait être antidatée au 21 mai 2023, comme la division générale a conclu qu’il avait un motif valable à compter de cette dateNote de bas de page 19. La Commission convient que la division générale a mal énoncé la loi en jugeant qu’elle ne pouvait pas décider si la demande de prestations pouvait être antidatée au 21 mai 2023Note de bas de page 20.

[21] La division générale a conclu que le prestataire avait un motif valable du 21 mai 2023 jusqu’au jour où il avait présenté sa demande de prestations. Le prestataire avait demandé que sa demande soit antidatée au 26 mars 2023. La division générale a conclu que sa demande ne pouvait pas être ainsi antidatée puisqu’il n’avait pas de motif valable du 26 mars au 21 mai 2023. Elle a déclaré que le résultat aurait pu être différent s’il avait demandé une antidate au 21 mai 2023Note de bas de page 21.

[22] La loi prévoit qu’une demande peut être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si le prestataire démontre qu’il avait un motif valable entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demandeNote de bas de page 22. Comme la période pour laquelle la division générale a jugé que le prestataire avait un motif valable précédait immédiatement la présentation de sa demande de prestations, elle aurait pu examiner une antidate possible au 21 mai 2023. La division générale a mal interprété la loi et a ainsi commis une erreur de droit.

[23] La Commission soutient que la division générale a aussi négligé d’analyser la preuve de façon significative lorsqu’elle a conclu que le prestataire avait un motif valable du 21 mai 2023 au 24 octobre 2023. La division générale a noté que le prestataire avait rapporté mieux se sentir dès août et qu’il était retourné au travail.

[24] Après sa mise à pied, le prestataire a attendu un mois avant de demander des prestations. La division générale n’a pas expliqué comment sa santé mentale aurait continué d'entraver la présentation d'une demande de prestations après août 2023, alors qu’il avait commencé à se sentir mieux et qu’il avait repris le travail.

[25] La division générale a conclu que le prestataire avait un motif valable pour toute la période allant du 21 mai au 24 octobre 2023. Pourtant, le témoignage du prestataire, voulant que sa santé mentale allait mieux, et le fait qu’il avait pu retourner au travail vont à l’encontre de cette conclusion. Le prestataire avait également affirmé qu’il avait pris connaissance des prestations d’assurance-emploi le 22 septembre 2023, au moment de sa mise à pied. La division générale n’a jamais demandé au prestataire pourquoi il avait ensuite attendu un mois avant de demander des prestations.

[26] Je conclus que la division générale n’a pas analysé la preuve soigneusement pour conclure que le prestataire avait un motif valable du 21 mai 2023 au 24 octobre 2023. Elle a ainsi commis une erreur de droit.

Je renvoie l’affaire à la division générale

[27] Pour corriger l’erreur de la division générale, je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, ou renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen.

[28] Les parties conviennent que la division générale a commis des erreurs dans sa décision. La Commission affirme que l’affaire devrait être renvoyée à la division générale pour réexamen. Je suis d’accord.

[29] La division générale n’a pas interrogé le prestataire sur sa situation après sa mise à pied du 22 septembre 2023, et le dossier ne contient aucune preuve qui porte sur cette période. De plus, même si elle a conclu que le prestataire avait un motif valable pour une partie de la période écoulée, la division générale n’a jamais examiné s’il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations à la date antérieure.

[30] Dans ses observations écrites, le prestataire a présenté de nouveaux arguments et de nouveaux éléments de preuve concernant la période précédant le 21 mai 2023Note de bas de page 23. La Commission a elle aussi signalé qu’elle avait des éléments de preuve pertinents à la question de savoir si la prestataire remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations à la date antérieure. Je n’ai pas tenu compte de ces documents ni de ces observations, comme je ne peux examiner aucun nouvel élément de preuve à la division d’appel.

[31] De toute évidence, le dossier est incomplet. Je ne peux donc pas rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Je renvoie l’affaire à la division générale pour réexamen. Ainsi, le prestataire aura l’occasion d’aborder ses activités durant toute la période de son retard et la question de savoir s’il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations à la date antérieure.

Conclusion

[32] L’appel est accueilli. La décision de la division générale contient des erreurs de droit. L’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen.

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