Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1941

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance emploi du Canada (603531) datée du
2 août 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Angela Ryan Bourgeois
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 8 novembre 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 1er décembre 2023
Numéro de dossier : GE-23-2338

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec l’appelant.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant son retard à présenter une demande de prestations. Autrement dit, l’appelant n’a pas donné d’explication que la loi accepte. Cela signifie que la demande de l’appelant ne peut être traitée comme si elle avait été présentée plus tôtNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi le 13 juin 2022. Il demande maintenant que la demande soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 27 février 2022. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a déjà refusé cette demande.

[4] Je dois décider si l’appelant a prouvé qu’il avait un motif valable de ne pas avoir demandé de prestations plus tôt.

[5] L’appelant affirme que son problème de santé mentale l’a empêché de présenter une demande plus tôt.

[6] La Commission affirme que l’appelant n’avait aucun motif valable. Elle indique qu’il a pu être stressé, mais sans preuve médicale, il n’a pas démontré qu’il n’aurait pas pu prendre des décisions appropriées au quotidienNote de bas de page 2.

[7] À l’audience, l’appelant a remis une note médicale démontrant qu’il avait été vu pour des problèmes de sommeil en 2021Note de bas de page 3.

Question en litige

[8] La demande de prestations de l’appelant peut‑elle être traitée comme si elle avait été présentée le 27 février 2022? C’est ce qu’on appelle l’antidatation de la demande.

Analyse

[9] Pour que sa demande de prestations soit antidatée, une personne doit prouver les deux éléments suivantsNote de bas de page 4 :

  1. a) Elle avait un motif valable justifiant son retard durant toute la période de celui-ci. Autrement dit, fournir une explication que la loi accepte.
  2. b) À la date antérieure (c’est-à-dire la date à laquelle elle veut que sa demande initiale soit antidatée), elle était admissible aux prestations.

[10] Dans la présente affaire, les principaux arguments portent sur la question de savoir si l’appelant avait un motif valable. C’est donc par cela que je commencerai.

[11] Pour démontrer qu’il avait un motif valable, l’appelant doit prouver qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 5. En d’autres termes, il doit démontrer qu’il a agi comme uner personne raisonnable et réfléchie l’aurait fait si elle s’était trouvée dans une situation semblable.

[12] L’appelant doit démontrer qu’il a agi ainsi pour toute la période du retardNote de bas de page 6. Cette période s’étend de la date à laquelle il veut que sa demande initiale soit antidatée à la date à laquelle il a réellement présenté sa demande. Par conséquent, la période de retard de l’appelant est celle du 27 février 2022 au 13 juin 2022.

[13] L’appelant doit aussi démontrer qu’il a vérifié assez rapidement s’il avait droit à des prestations et quelles obligations la loi lui imposaitNote de bas de page 7. Cela veut dire que l’appelant doit démontrer qu’il a fait de son mieux pour s’informer sur ses droits et ses responsabilités dès que possible. Si l’appelant ne l’a pas fait, il doit alors démontrer les circonstances exceptionnelles qui l’en ont empêchéNote de bas de page 8.

[14] L’appelant doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait un motif valable justifiant le retard.

Ce que dit l’appelant

[15] L’appelant affirme qu’il avait un motif valable justifiant son retard en raison de son état de santé mentale. Il a expliqué le stress qu’il vivait en raison de dommages importants à son domicile non assuré et du harcèlement connexe qu’il subissait. Il a expliqué qu’il était incapable de prendre des décisions éclairées. Il ne dormait pas et ne pouvait pas se concentrer. Il dit avoir commis une énorme erreur en vendant sa maison et en déménageant en Colombie-Britannique. Il m’a dit qu’il était incapable de prendre des décisions de la vie quotidienne. Il a donné l’exemple de son incapacité à prendre un rendez-vous pour donner du sang, ce qu’il fait régulièrement depuis des années. Il dit qu'il était obsédé par ce qui lui était arrivé jusqu'à ce qu'il récupère sa maison.

[16] L’appelant a fourni une note médicale indiquant qu’il a été vu pour la dernière fois en 2021 pour des problèmes de sommeil pour lesquels des médicaments lui ont été prescrits.

[17] L’appelant affirme également ce qui suit :

  • après avoir été mis à pied, il a tenté de trouver du travail;
  • il ne pouvait pas acheter une autre maison s’il recevait des prestations d’assurance-emploi;
  • il n’avait pas présenté de demande de prestations régulières d’assurance-emploi auparavant (seulement des prestations parentales d’assurance-emploi).

[18] L’appelant a souligné que, pendant la pandémie de COVID-19, il a travaillé plus, et non moins d’heures. Il est frustré d’avoir cotisé au régime d’assurance-emploi pendant tant d’années et, lorsqu’il en a eu besoin, la Commission a refusé d’antidater sa demande.

Ce que dit la Commission

[19] La Commission affirme que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant son retard. La Commission dit qu’une personne raisonnable dans la situation de l’appelant aurait présenté une demande de prestations d’assurance-emploi et serait allée en ligne ou aurait appelé Service Canada pour s’informer de ses droits à des prestations et de la façon de procéderNote de bas de page 9.

[20] La Commission convient que l’appelant était probablement stressé, mais elle affirme que la preuve ne démontre pas qu’il était souffrant au point de ne pas pouvoir prendre de bonnes décisions au quotidienNote de bas de page 10.

Mes conclusions

[21] Je conclus que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable pour avoir tardé à présenter une demande de prestations.

[22] Je conclus qu’une personne raisonnable et prudente dans la situation de l’appelant aurait fait des efforts pour s’informer de son admissibilité à des prestations d’assurance-emploi peu de temps après avoir perdu son emploi. Une personne raisonnable et prudente l’aurait fait en faisant des recherches en ligne, en appelant un Centre Service Canada ou en s’y rendant. L’appelant n’a pas pris ces mesures, et donc on ne peut pas dire qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudenteNote de bas de page 11.

[23] Je conclus que l’appelant n’a pas vérifié assez rapidement son admissibilité à des prestations d’assurance-emploi. Il n’a fait aucun effort pendant la période de retard pour en apprendre plus sur son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi auprès de Service Canada.

[24] Je conclus qu’il n’y a pas de circonstances exceptionnelles qui expliquent pourquoi il n’a pas pris des mesures raisonnablement rapides. Je comprends qu’il vivait une période difficile. Toute personne dans la situation de l’appelant serait stressée. Mais ses circonstances ne sont pas exceptionnelles. Il a été capable de vendre sa maison et de déménager en Colombie-Britannique. Même s’il dit qu’il s’agissait de mauvaises décisions, il a tout de même été capable de les prendre et d’y donner suite. Il est donc probable qu’il ait été en mesure de vérifier son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi et de présenter une demande.

[25] Un retard causé par la recherche d’un emploi n’est pas une circonstance exceptionnelle. La recherche d’un emploi est une exigence pour toute personne qui veut recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi.

[26] De plus, le défaut de présenter une demande pour pouvoir être admissible à un prêt hypothécaire ou par ignorance du régime d’assurance-emploi ne sont pas des circonstances exceptionnelles. L’ignorance de la loi ne constitue pas un motif valableNote de bas de page 12.

[27] La preuve médicale de l’appelant démontre qu’il ne pouvait pas dormir en décembre 2021. Il ne s’agit pas d’une circonstance exceptionnelle qui explique pourquoi il a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi en juin 2022 plutôt qu’en février 2022.

[28] Je reconnais que l’appelant a fait des cotisations au régime d’assurance-emploi. Je reconnais qu’il a vécu bien des choses au cours des dernières années. Mais la Cour d'appel fédérale affirme que l'obligation de présenter une demande sans tarder est très exigeante et très stricteNote de bas de page 13. Compte tenu de la situation de l’appelant dans son ensemble, il n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable pour toute la période du retard.

[29] Je n’ai pas à me demander si l’appelant était admissible à des prestations à une date antérieure. Comme l’appelant n’a aucun motif valable, sa demande ne peut être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.

Conclusion

[30] L’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant le retard dans la présentation de sa demande de prestations pendant toute la période du retard.

[31] L’appel est rejeté.

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