Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation :c Commission de l’assurance-emploi du Canada et AM, 2023 TSS 815

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : X
Représentante de l’appelante : K. W.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Partie mise en cause : A. M.

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (547156) datée du 5 décembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 24 mai 2023
Personne présente à l’audience : Représentante de l’appelante
Date de la décision : Le 9 juin 2023
DATE DU CORRIGENDUM : Le 4 juillet 2023
Numéro de dossier : GE-23-208

Sur cette page

Décision

[1] J’accueille l’appel de X (l’appelante ou l’entreprise).

[2] L’appelante a prouvé que A. M. a perdu son emploi pour une raison que la loi considère comme une inconduite.

[3] Elle est donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[4] L’appelante a congédié A. M. (la mise en cause) pour un motif valable. L’appelante est une entreprise de design d’intérieur qui se spécialise dans la mise en valeur de propriétés à vendre. La mise en cause a travaillé pour l’appelante comme coordonnatrice de projet jusqu’à la mi-juillet 2022.

[5] L’appelante a déclaré avoir congédié la mise en cause pour un motif valable après avoir découvert des messages entre elle et une autre employée (SM) sur le compte Slack de l’entrepriseNote de bas de page 2. Dans ces messages, la mise en cause s’est montrée insubordonnée et irrespectueuse envers K. W. (propriétaire et responsable principale de la valorisation immobilière résidentielle de l’entreprise) et a écrit qu’elle volait du temps à l’entreprise. L’appelante affirme que l’entreprise a subi une perte financière et un préjudice en conséquence.

[6] La mise en cause ne nie pas qu’elle a écrit les messages sur Slack, mais elle affirme que l’appelante a violé sa vie privée. L’appelante s’est introduite dans son compte courriel personnel pour obtenir ses données d’accès à Slack. La mise en cause dit qu’elle n’a pas volé de temps. De plus, elle soutient que l’appelante cherchait une excuse pour congédier des personnes pendant la période creuse qu’elle traversait.

[7] La Commission a jugé que la mise en cause n’avait pas perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle a déclaré que la mise en cause [traduction] « avait droit au respect de sa vie privée et qu’il n’est pas évident ou prouvé qu’il était raisonnable que l’employeur ait accès à la conversation grâce à ses données d’accès au travailNote de bas de page 3 ». La Commission a donc accueilli sa demande de prestations régulières d’assurance-emploi.

[8] L’appelante affirme qu’elle persiste dans sa décision de congédier la mise en cause pour un motif valable. Sa conduite était une inconduite.

[9] Je dois décider si l’appelante [la mise en cause] a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Questions que je dois examiner en premier

La mise en cause n’a pas participé à l’audience

[10] Le Tribunal a mis en cause A. M. dans l’appel parce qu’elle avait un intérêt direct dans celui-ciNote de bas de page 4. Cet appel pourrait annuler la décision de la Commission de lui verser des prestations d’assurance-emploi.

[11] Une semaine avant l’audience, le personnel du greffe du Tribunal a téléphoné à la mise en cause pour lui rappeler l’audience. L’appelante [La mise en cause] a dit qu’elle n’était pas sûre d’y assister. Elle a déclaré que si elle était absente, on pouvait aller de l’avant sans elle et ne pas reporter l’audience. Elle ne voulait pas avoir à subir cela parce que c’était stressant pour elleNote de bas de page 5.

[12] La mise en cause ne s’est pas connectée à la téléconférence. J’étais au courant de ce qu’elle avait dit au personnel du greffe du Tribunal.

[13] Les règles du Tribunal prévoient que je peux tenir une audience orale en l’absence d’une partie si je conclus qu’elle a reçu l’avis d’audienceNote de bas de page 6.

[14] D’après la conversation téléphonique entre la mise en cause et le personnel du greffe du Tribunal, j’ai conclu que la mise en cause avait reçu l’avis d’audience.

[15] J’ai donc procédé à l’audience.

[16] La mise en cause a soumis au Tribunal quatre séries de documents (éléments de preuve et arguments)Note de bas de page 7. Je les ai examinés lorsque j’ai préparé l’audience et j’en ai tenu compte lorsque j’ai rendu cette décision.

La représentante de l’appelante était représentante et témoin

[17] Normalement, les représentantes et représentants ne témoignent pas à l’audience d’appelNote de bas de page 8. En d’autres termes, ils ne témoignent pas et ne répondent pas aux questions à l’audience. Ils posent des questions à la partie appelante et aux témoins et présentent la cause de la partie appelante.

[18] L’appelante est une petite entreprise. K. W. en est la propriétaire avec son mari. Elle a une connaissance directe de presque tous les événements qui sont pertinents pour la question de droit que je dois trancher.

[19] J’ai donc décidé de la laisser représenter l’appelante et témoigner. J’ai évalué son témoignage en fonction de sa crédibilité et de sa fiabilité.

Question en litige

[20] L’appelante [La mise en cause] a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[21] Pour décider si l’appelante [la mise en cause] a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses :

  • pourquoi l’appelante [la mise en cause] a perdu son emploi;
  • si la loi considère cette raison comme une inconduite;

La raison pour laquelle l’appelante [la mise en cause] a perdu son emploi

[22] Je conclus que l’appelante a congédié la mise en cause « pour un motif valable » en raison de ce qu’elle a écrit dans sa conversation sur Slack avec SM.

[23] Pour établir qu’il y a eu une inconduite, la première chose que la Commission (ou l’employeur lorsqu’il fait appel) doit démontrer est que la personne a perdu son emploi « en raison d’une inconduite ». Le Tribunal doit donc être convaincu que l’inconduite reprochée à la personne était la raison du congédiement et non une excuse pour la congédierNote de bas de page 9.

[24] La Commission affirme que la mise en cause a été congédiée pour l’insubordination dont elle a fait preuve et le vol de temps dont elle a parlé dans ses messages sur SlackNote de bas de page 10. Elle a dénigré l’employeur et a fait des commentaires sur la façon dont son temps et celui d’autres personnes était géré.

[25] La mise en cause a dit deux choses sur la raison pour laquelle elle ne travaillait plus. Dans sa demande de prestations d’assurance-emploi, elle a déclaré que c’était en raison d’un manque de travailNote de bas de page 11. Lorsqu’elle a parlé pour la première fois à la Commission environ trois semaines plus tard, elle a mentionné deux choses. Premièrement, elle a dit qu’elle avait été congédiée pour ses messages sur Slack, qui selon son employeur démontraient de l’insubordination, qu’elle avait volé du temps et que l’entreprise avait subi un préjudice. Deuxièmement, SM et elle étaient des boucs émissaires, congédiées parce que l’appelante cherchait à se débarrasser de certaines personnes pour économiser de l’argent.

[26] Lors de son entretien suivant avec la Commission, la mise en cause a déclaré qu’elle avait été congédiée à cause de l’environnement de travail toxique, des exigences irréalistes et de la mauvaise gestionNote de bas de page 12. Son employeur avait lu ses messages privés dans lesquels elle en discutait avec SM et les avait congédiées.

[27] La mise en cause a ensuite envoyé une lettre à l’agent de la Commission avec qui elle s’était entretenueNote de bas de page 13. Elle y écrit ce qui suit : [traduction] « Je n’étais pas d’accord avec la manière dont l’entreprise menait ses activités et dès que je leur en ai fait part, on a cherché une raison pour me congédier ». Elle a ajouté que l’entreprise cherchait n’importe quelle raison pour la congédier. Elle a déposé une plainte auprès du ministère du Travail pour congédiement injustifié parce que le fait de « dénoncer » ou d’exprimer une opinion au sujet de la propriétaire de l’entreprise et de sa façon de mener ses affaires ne devrait pas constituer un motif de congédiement.

[28] À l’étape de la révision, la mise en cause a envoyé un courriel à l’agent de la CommissionNote de bas de page 14. Elle a déclaré qu’elle avait l’impression que l’appelante avait violé directement sa vie privée dans l’intention de la renvoyer.

[29] La mise en cause n’a jamais nié avoir écrit les messages sur Slack. Elle a dit à la Commission qu’elle s’en tenait à ce qu’elle avait écrit. Elle insiste sur le fait qu’il s’agissait d’une conversation personnelle et privée. Elle nie que cela ait nui à l’entreprise.

[30] La lettre de congédiement de l’appelante indique qu’elle congédie la mise en cause « pour un motif valable ». La conversation de la mise en cause sur Slack montre qu’elle a fait preuve d’insubordination et d’irrespect envers la propriétaire de l’entreprise et qu’elle a volé du temps. L’entreprise avait ainsi subi une perte financière et un préjudice.

[31] À l’audience, la représentante de l’appelante a nié que l’entreprise n’allait pas bien et qu’elle cherchait des raisons de congédier des personnes. Elle a expliqué que les activités de l’entreprise sont liées au marché immobilier et à son cycle annuel. L’entreprise est donc très occupée du printemps à la mi-juillet. À partir de cette période jusqu’en août, elle travaille sur des dossiers à plus grande échelle. Au moment où elle a été congédiée, le travail de la mise en cause évoluait vers des projets à long terme. De plus, SM avait été embauchée pour travailler en étroite collaboration avec la mise en cause. La représentante a ajouté que les revenus ont continué d’augmenter et que l’entreprise a remplacé la mise en cause peu de temps après son congédiement.

[32] J’accepte le témoignage de l’appelante. Je préfère ce témoignage à celui de la mise en cause concernant la raison pour laquelle cette dernière a perdu son emploi, et ce pour sept raisons :

  • la preuve et la conclusion de la Commission appuient le témoignage de l’appelante;
  • la mise en cause n’a pas nié avoir écrit les messages sur Slack;
  • l’appelante avait une connaissance directe des activités de l’entreprise, de son marché, de sa situation financière et de ses besoins en personnel;
  • la mise en cause n’a fourni aucun élément de preuve à l’appui de son affirmation selon laquelle l’entreprise cherchait à congédier des personnes pour économiser de l’argent;
  • il n’existe aucun élément de preuve qui appuie la conviction de la mise en cause qu’elle était une dénonciatrice ou qu’elle avait participé à la découverte d’actes répréhensibles au sein de l’entreprise, et encore moins qu’elle avait été congédiée pour cette raison;
  • la chronologie des événements indique clairement que les messages de la mise en cause sur Slack sont la véritable raison pour laquelle elle a perdu son emploi, plutôt que les autres raisons qu’elle a invoquées;
  • la représentante de l’appelante a témoigné avec franchise, a répondu à toutes mes questions en détail et sans hésitation et m’a renvoyé vers des documents pour appuyer ses propos.

[33] Ainsi, d’après les éléments de preuve que j’ai acceptés, j’estime que l’appelante a mis fin à l’emploi de la mise en cause « pour un motif valable » parce que les messages qu’elle a rédigés sur Slack montrent qu’elle a fait preuve d’insubordination et d’irrespect envers la propriétaire de l’entreprise, qu’elle a volé du temps et qu’elle a porté préjudice à l’entreprise.

Cette raison est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi

[34] La raison pour laquelle la mise en cause a été congédiée est une inconduite au sens de la loi.

La loi sur l’inconduite

[35] L’appelante doit prouver que la mise en cause a perdu son emploi en raison d’une inconduite. L’appelante doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la mise en cause a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 15.

[36] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 16. L’inconduite comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 17. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que la mise en cause ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 18.

[37] Il y a inconduite si la mise en cause savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 19.

[38] Le rôle du Tribunal n’est pas d’établir si la décision de l’employeur de congédier la personne employée était raisonnable, justifiée ou la sanction appropriéeNote de bas de page 20.

[39] En règle générale, l’analyse de l’inconduite doit porter sur la conduite de la personne employée, et non sur celle de l’employeur. Toutefois, le Tribunal peut tenir compte de la conduite d’un employeur avant une inconduite reprochée si elle a causé l’inconduite ou y a contribué. Cela est important pour décider si la conduite de la personne employée était intentionnelleNote de bas de page 21.

Ce que disent la Commission, la mise en cause et l’appelante

[40] La Commission affirme que la mise en cause [traduction] « avait droit au respect de sa vie privée et il n’est pas évident ou prouvé que l’employeur avait un accès raisonnable à la conversation grâce à ses données d’accès au travailNote de bas de page 22 ». Sa conduite n’était donc pas une inconduite parce que son employeur a violé sa vie privée pour découvrir sa conduite.

[41] La mise en cause affirme qu’elle n’a rien fait de mal. L’appelante a piraté son compte courriel pour accéder à sa conversation personnelle et privée avec SM sur Slack. Les messages échangés entre elle et SM étaient [traduction] « mes propres préoccupations et sentiments que j’ai partagés avec [SM], qui était aussi une amie très procheNote de bas de page 23 ».

[42] La mise en cause a fourni à la Commission et au Tribunal des renseignements tirés du site Web de la plateforme Slack concernant la vie privée des utilisateurs et utilisatrices ainsi que la gestion et l’exportation des conversations. Elle a aussi présenté quelques articles de blogues juridiques sur la vie privée du personnel et les applications informatiques au travail. La mise en cause affirme que ces pages Web appuient son argument selon lequel l’appelante n’avait pas le droit d’accéder à sa conversation sur Slack.

[43] L’appelante affirme que la conduite de la mise en cause était une inconduite. La représentante de l’appelante a déclaré qu’après avoir lu la conversation sur Slack, elle a estimé que l’entreprise ne pouvait pas continuer à employer la mise en cause. Il y avait une rupture fondamentale de la relation de confiance et il n’y avait pas moyen d’aller de l’avant.

[44] À l’audience, la représentante de l’appelante a déclaré que le compte Slack était un compte d’entreprise. La plateforme Slack était importante pour l’entreprise parce qu’elle permettait aux personnes employées de communiquer et de collaborer entre elles au bureau, dans l’entrepôt, sur la route et dans les propriétés où l’entreprise faisait de la mise en valeur. Le personnel comptait beaucoup sur Slack pour faire son travail.

[45] La représentante de l’appelante a également déclaré que son conjoint (qui est aussi son partenaire d’affaires) a découvert les messages Slack sur un ordinateur appartenant à l’entreprise au bureau. Il s’agissait d’un poste de travail commun. Il venait de revenir d’une absence. SM était absente ce jour-là. Lorsqu’il s’est rendu au poste de travail, il a vu la conversation sur Slack entre la mise en cause et SM. En d’autres termes, SM avait laissé la conversation ouverte sur l’ordinateur. Le conjoint de la représentante était préoccupé par cette conversation et lui a téléphoné pour lui en faire part.

Mes conclusions sur la preuve et la loi

[46] La conduite de l’appelante [la mise en cause] constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[47] Je conclus que la violation de la vie privée que l’appelante aurait commise n’est pas pertinente au regard du critère juridique de l’inconduite prévu par la Loi sur l’assurance‑emploi. La prétendue violation de la vie privée a eu lieu après que la mise en cause a participé à la conversation sur Slack. Elle n’a donc pas causé ou contribué à l’inconduite reprochée à la mise en cause. Elle n’a rien à voir avec la question de savoir si sa conduite était délibérée (c’est-à-dire consciente, intentionnelle ou voulue, ou insouciante au point d’être délibérée).

[48] J’ai examiné la conversation entre la mise en cause et SM sur Slack. J’estime qu’elle montre que la conduite de la mise en cause :

  • témoigne d’une grande insubordination à l’égard de la propriétaire de l’entreprise;
  • a été extrêmement irrespectueuse envers la propriétaire de l’entreprise parce qu’elle a dénigré ses pratiques commerciales et son jugement, son éthique, sa santé mentale, son aptitude à gérer du personnel et sa relation avec son conjoint;
  • a été préjudiciable à l’entreprise parce qu’elle a sapé le moral et la motivation du personnel et a violé le devoir de loyauté qu’elle avait envers l’entreprise et sa propriétaire;
  • était contraire à l’éthique (et potentiellement à la loi) dans la mesure où elle a conseillé à d’autres personnes de frauder l’entreprise ou a conspiré dans ce but en volant du temps ainsi qu’en incitant SM à réclamer pour elle-même et pour d’autres personnes des heures non travaillées et à prolonger leurs heures de travail au-delà des heures approuvées par l’entreprise.

[49] Compte tenu de ces conclusions, je juge que la mise en cause a manqué à plusieurs de ses obligations envers l’appelante et le propriétaire de l’entreprise.

[50] Je conclus également que la mise en cause savait ou aurait dû savoir que :

  • sa conversation sur Slack à partir du compte de l’entreprise, à laquelle SM a participé en utilisant un ordinateur de l’entreprise au bureau de cette dernière, constitue une violation de ces obligations;
  • si l’appelante découvrait la conversation sur Slack, elle mettrait probablement fin à son emploi.

[51] J’estime donc que la mise en cause a participé à la conversation sur Slack de manière consciente, intentionnelle et délibérée. De plus, elle a été extrêmement insouciante quant à la possibilité très réelle que l’appelante découvre la conversation et mette fin à son emploi pour cette raison.

[52] Le fait que l’appelante ait découvert sa conduite, ou la façon dont elle l’a découverte, ne change rien à ce que la mise en cause savait ou aurait dû savoir au moment où elle s’est livrée à cette conduite.

L’appelante n’a pas violé la vie privée de la mise en cause

[53] Même si j’ai tort, c’est-à-dire que je dois tenir compte de la conduite de l’appelante lorsque je vérifie si la conduite de la mise en cause était intentionnelle, cela ne change rien à ma décision.

[54] En fait, je conclus que l’appelante n’a pas violé la vie privée de la mise en cause, et ce pour deux raisons :

  • l’appelante et son conjoint ont découvert par hasard les messages sur Slack;
  • rien dans les conditions d’utilisation de Slack, ni aucun autre élément de preuve ou argument présenté par la mise en cause, ne me montre qu’elle avait droit au respect de sa vie privée dans ses messages sur Slack au travail.

[55] Je préfère le témoignage de la représentante de l’appelante sur la façon dont elle et son conjoint ont pris connaissance de la conversation sur Slack, et ce pour quatre raisons.

[56] Premièrement, la mise en cause n’a fourni aucun élément de preuve pour appuyer sa théorie selon laquelle la représentante de l’appelante (ou son conjoint) a piraté son compte courriel personnel pour obtenir ses données d’accès à Slack et avoir accès à la conversation.

[57] Deuxièmement, l’appelante a témoigné de manière directe et détaillée. Même si elle n’était pas présente lorsque les messages sur Slack ont été découverts et qu’elle a obtenu les détails par la suite, je n’ai aucune raison de douter de son témoignage. Et il n’y a aucun élément de preuve qui va à l’encontre de ce qu’elle dit.

[58] Troisièmement, rien ne prouve que l’appelante cherchait des raisons de congédier du personnel en général, ou plus particulièrement la mise en cause. La mise en cause n’a pas non plus donné d’autre raison pour laquelle l’appelante aurait piraté son compte courriel pour obtenir ses données d’accès à Slack.

[59] Quatrièmement, l’explication de la représentante de l’appelante est la plus logique compte tenu des circonstances. Son conjoint a découvert la conversation sur Slack par hasard. Ce n’était pas dans le cadre d’un plan visant à congédier la mise en cause et SM, parce que l’entreprise était en difficulté financière ou parce qu’ils savaient qu’elle allait devenir une « dénonciatrice ».

[60] J’ai examiné les conditions d’utilisation de Slack que la mise en cause a remises à la Commission et au TribunalNote de bas de page 24. Contrairement à la Commission, je ne vois pas en quoi elles appuient l’argument de la mise en cause selon lequel elle avait droit au respect de sa vie privée dans les messages qu’elle a envoyés sur Slack à partir du compte de l’appelante.

[61] J’ai également examiné les articles de blogues qui, selon la mise en cause, montrent qu’elle avait droit au respect de sa vie privée dans son milieu de travailNote de bas de page 25. J’estime que ces éléments de preuve n’appuient pas son argument. Ils portent sur la législation en vigueur dans un autre endroit (Californie) ou disent qu’il n’y a pas de réponse simple à cette question.

[62] Pour ces raisons, je conclus que l’appelante n’a pas violé la vie privée de la mise en cause.

[63] Je ne peux donc pas accepter l’argument de la Commission et de la mise en cause selon lequel sa conduite n’est pas une inconduite parce que l’appelante a violé sa vie privée.

Conclusion

[64] L’appelante a prouvé que la mise en cause a perdu son emploi pour une raison que la Loi sur l’assurance-emploi considère comme une inconduite.

[65] La mise en cause est donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[66] Par conséquent, j’accueille l’appel de l’appelante.

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