Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1953

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance emploi du Canada (495577) datée du
12 juillet 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Kristen Thompson
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 19 septembre 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 19 septembre 2023
Numéro de dossier : GE-23-1142

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec l’appelante.

[2] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est‑à‑dire parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelante est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelante a perdu son emploi. L’employeur de l’appelante affirme qu’elle a été suspendue parce qu’elle est allée à l’encontre de sa politique de vaccination : elle n’a pas dit si elle s’était fait vacciner.

[4] Même si l’appelante ne conteste pas que cela s’est produit, elle affirme qu’aller à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur ne constitue pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté le motif de suspension invoqué par l’employeur. Elle a jugé que l’appelante avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi la Commission a décidé que l’appelante est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[6] L’appelante affirme que la politique va à l’encontre de plusieurs lois et principes juridiques. Elle dit que le vaccin n’était pas nécessaire et n’était pas lié à ses fonctions. Elle affirme qu’elle ne disposait pas de renseignements suffisants pour prendre une décision éclairée au sujet de la vaccination.

Question en litige

[7] L’appelante a‑t‑elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] La loi prévoit qu’une partie prestataire ne peut pas obtenir des prestations d’assurance‑emploi si elle perd son emploi en raison de son inconduite. Cette règle s’applique si son l’employeur l’a congédiée ou suspendueNote de bas de page 2.

[9] Pour décider si l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois trancher deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelante a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a‑t‑elle perdu son emploi?

[10] Je conclus que l’appelante a perdu son emploi parce qu’elle est allée à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur.

[11] L’appelante affirme qu’elle a perdu son emploi parce qu’elle est allée à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur. Elle dit avoir été suspendue sans solde en novembre 2021, puis congédiée en janvier 2022. Elle affirme qu’elle a été réintégrée et est retournée au travail le 3 janvier 2023. Toutefois, elle soutient qu’elle n’a pas accepté d’être suspendue (ou mise en congé) par son employeur.

[12] La Commission affirme que l’appelante a perdu son emploi parce qu’elle allait à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur. Elle dit que sa décision d’exclure l’appelante parce qu’elle a été congédiée pour inconduite devrait être modifiée. Elle indique plutôt que l’appelante devrait être inadmissible aux prestations d’assurance‑emploi en raison de la suspension pour inconduite.

[13] L’employeur a dit à la Commission que l’appelante n’avait pas fourni de preuve de vaccination, comme l’exige sa politique de vaccination obligatoireNote de bas de page 3.

[14] L’employeur a réintégré l’appelante dans une lettre datée du 10 décembre 2022 indiquant que la vaccination obligatoire n’est plus requise à compter du 1er décembre 2022. Il est indiqué qu’elle est réintégrée et que sa première journée de retour au travail est le 3 janvier 2023Note de bas de page 4.

[15] Je conclus que l’appelante a été suspendue de son emploi parce qu’elle est allée à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur. Je me fonde sur la lettre de l’employeur, selon laquelle elle a été réintégrée, pour démontrer qu’elle a été suspendue et non congédiée.

La raison de la suspension de l’appelante est-elle une inconduite selon la loi?

[16] Selon la loi, la raison de la suspension de l’appelante est une inconduite.

[17] La Loi sur l’assurance‑emploi ne définit pas l’inconduite. Par contre, la jurisprudence (décisions des tribunaux administratifs et judiciaires) aide à décider si la suspension de l’appelante résulte d’une inconduite selon la Loi sur l’assurance‑emploi. La jurisprudence établit le critère juridique lié à l’inconduite, c’est‑à‑dire les questions et les critères à prendre en compte dans l’examen de la question de l’inconduite.

[18] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 5. L’inconduite comprend aussi une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 6. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est‑à‑dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 7.

[19] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle perde son emploi pour cette raisonNote de bas de page 8.

[20] La loi ne dit pas que je dois tenir compte de la façon dont l’employeur s’est comportéNote de bas de page 9. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelante a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela équivaut à une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploiNote de bas de page 10.

[21] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi sur l’assurance‑emploi. Mon rôle n’est pas de décider si des lois offrent d’autres options à l’appelante. Je n’ai pas à décider si son employeur l’a injustement congédiée ou s’il aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 11. Je peux seulement évaluer une chose : si ce que l’appelante a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi.

[22] La Commission doit prouver que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. C’est dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 12.

[23] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • l’employeur avait une politique de vaccination;
  • l’employeur a informé l’appelante qu’il s’attendait à ce qu’elle lui dise si elle avait été vaccinée; 
  • l’appelante a pris personnellement la décision de ne pas respecter la politique;
  • l’appelante savait ou aurait dû savoir ce qui se passerait si elle ne respectait pas la politique.

[24] L’appelante soutient qu’il n’y a pas eu d’inconduite pour les raisons suivantes :

  • la politique va à l’encontre de plusieurs lois et principes juridiques, y compris sa convention collective, son consentement éclairé, la législation sur la protection des renseignements personnels, le Code criminel, la Déclaration canadienne des droits, la Loi sur le consentement aux soins de santé, la Loi sur la santé et la sécurité au travail et le code de Nuremberg;
  • le vaccin n’était pas nécessaire, car elle travaillait à domicile;
  • la vaccination n’était pas liée à ses fonctions en milieu de travail;
  • le vaccin n’est pas sécuritaire ou elle ne disposait pas de renseignements suffisants pour prendre une décision éclairée.

[25] L’employeur a informé la Commission de sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19, comme suitNote de bas de page 13 :

  • le personnel a été avisé de la politique par courriel le 19 août 2021;
  • la politique était en vigueur le 7 septembre 2021;
  • la politique exigeait que le personnel fournisse une preuve de vaccination complète au plus tard le 30 octobre 2021, sous peine de mesures disciplinaires, y compris le congédiement;
  • le personnel qui travaille à domicile devait respecter la politique.

[26] L’appelante a déclaré qu’elle était au courant de la politique, de l’échéance pour s’y conformer et des conséquences du non‑respect de la politique, comme il est mentionné précédemment. Elle affirme qu’elle n’a pas suivi la politique, car elle n’a pas dit à son employeur si elle avait été vaccinée.

[27] L’appelante indique qu’elle travaille depuis 20 ans pour son employeur. Elle affirme qu’elle travaillait à domicile.

[28] L’appelante affirme qu’elle voulait être bien informée avant de se faire vacciner. Elle dit avoir écrit à son employeur en octobre 2021 pour lui demander des renseignements sur les risques liés à la vaccination, une preuve de son efficacité et une confirmation que l’employeur acceptera la responsabilité. Elle soutient que son employeur n’a pas répondu.

[29] L’appelante affirme que son syndicat l’aide à poursuivre son employeur. Elle prétend que l’affaire est en arbitrage.

[30] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • l’employeur avait une politique de vaccination selon laquelle le personnel devait être vacciné contre la COVID-19;
  • l’employeur a informé l’appelante de ses attentes envers son personnel concernant la vaccination et la communication du statut vaccinal; 
  • l’employeur a envoyé un courriel à l’appelante pour lui faire part de ses attentes;
  • l’appelante savait ou aurait dû savoir quelles étaient les conséquences si elle ne respectait pas la politique de vaccination de l’employeur.

[31] La Cour fédérale a affirmé récemment qu’en faisant le choix personnel et voulu de ne pas respecter la politique de vaccination de l’employeur, l’employé a manqué à ses obligations envers son employeur et a perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi. La Cour a dit qu’il existe d’autres façons de présenter la demande de l’employé dans le système judiciaireNote de bas de page 14. Je suis lié par cette décision et je la respecte. Dans le cas de l’appelante, elle poursuit son employeur en arbitrage, avec l’aide de son syndicat.

Alors, l’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[32] Selon mes conclusions qui précèdent, je suis d’avis que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[33] En effet, les actions de l’appelante ont mené à sa suspension. Elle a agi délibérément. Elle savait que son refus de dire si elle s’était fait vacciner pouvait lui faire perdre son emploi.

Conclusion

[34] La Commission a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi l’appelante est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[35] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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