Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 154

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelante : R. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Gilles Luc Bélanger

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du
19 septembre 2023
(GE-23-1142)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 7 février 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’intimée
Date de la décision : Le 19 février 2024
Numéro de dossier : AD-23-965

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Décision

[1] L’appel est rejeté. L’appelante, R. M. (la prestataire), est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

Aperçu

[2] La prestataire fait appel de la décision de la division générale. La division générale a décidé que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi parce qu’elle avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 1. Autrement dit, elle a conclu qu’elle avait fait quelque chose ou avait omis de faire quelque chose qui avait mené à sa suspension. La division générale a conclu qu’elle n’avait pas respecté la politique de vaccination de son employeur.

[3] La prestataire nie avoir commis une quelconque inconduite. Elle soutient que la division générale a commis des erreurs de droit et de fait. Elle affirme notamment que la division générale a mal interprété ce que signifie une inconduite. Elle ajoute qu’elle n’a tenu compte ni du caractère raisonnable de la politique de vaccination de son employeur ni de sa convention collective, qui n’exigeait pas la vaccination.

[4] La prestataire affirme que si la division générale avait tenu compte du caractère raisonnable de la politique de son employeur et de sa convention collective, elle aurait conclu qu’elle n’avait pas à se conformer à la politique. Et, dit-elle, elle aurait conclu que la prestataire n’a commis aucune inconduite.

[5] La prestataire demande à la division d’appel de rendre la décision que, affirme‑t‑elle, la division générale aurait dû rendre. Elle demande à la division d’appel de conclure qu’elle n’a commis aucune inconduite. La prestataire demande également à la division d’appel de conclure qu’elle n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[6] La Commission fait valoir que la division générale n’a commis aucune erreur. La Commission demande à la division d’appel de rejeter l’appel.

Questions en litige

[7] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle omis de tenir compte du caractère raisonnable de la politique de vaccination de l’employeur de la prestataire?
  2. b) La division générale a-t-elle omis de tenir compte de la convention collective de la prestataire?

Analyse

[8] La division d’appel peut intervenir dans les décisions de la division générale si cette dernière a commis des erreurs de compétence, de procédure ou de droit ou certains types d’erreurs de faitNote de bas de page 2.

La division générale n’a pas omis de tenir compte du caractère raisonnable de la politique de vaccination de l’employeur de la prestataire

[9] La division générale n’a pas omis de tenir compte du caractère raisonnable de la politique de vaccination de l’employeur de la prestataire.

[10] La prestataire nie avoir commis une inconduite. Elle affirme qu’elle n’était pas tenue de se conformer à une politique déraisonnable. Elle dit que les données ne soutiennent pas la politique de vaccination de son employeur. La prestataire souligne également les décisions d’arbitrage en matière de travail. Elle affirme que des arbitres ont jugé que les politiques de vaccination ne sont plus raisonnables.

[11] De plus, la prestataire affirme que son employeur aurait pu répondre à ses besoins en lui permettant de travailler à domicile. Elle était une excellente employée et le congédiement aurait pu être évité.

[12] Toutefois, les arguments concernant le caractère raisonnable de la politique de vaccination d’un employeur et la possibilité de mesures d’adaptation ne sont pas pertinents pour la question de l’inconduite. La Cour fédérale a statué que la division générale et la division d’appel ne possèdent pas le pouvoir d’examiner ces types d’arguments.

[13] Dans l’affaire MattiNote de bas de page 3, la Cour fédérale a statué ce qui suit :

[…] la jurisprudence de la Cour confirme que le TSS [les divisions générales et d’appel] n’a pas compétence pour examiner le bien‑fondé de la politique et qu’il ne devrait donc pas le faire : Cecchetto c Canada (Procureur général), 2023 CF 102 (Cecchetto) aux para 32, 48; Milovac c Canada (Procureur général), 2023 CF 1120 au para 27; Kuk, précité, au para 45. À mon avis, la division générale et la division d’appel se sont concentrées à juste titre sur le comportement du demandeur et sur la question de savoir s’il s’agissait d’une inconduite au sens juridique du terme dans sa situation.

[14] En outre, dans l’affaire Davidson, la Cour fédérale a jugé que la division générale et la division d’appel « ne sont pas les instances appropriées pour déterminer si la politique [de l’employeur] ou le licenciement [de l’employé] étaient raisonnablesNote de bas de page 4 ».

[15] La Cour d’appel fédérale a également abordé cette question récemment, dans l’affaire Sullivan. Dans cette affaire, la Cour a confirmé [traduction] « qu’en vertu de la loi, le Tribunal de la sécurité sociale ne peut pas se pencher sur la question de savoir si le congédiement était approprié ni ne peut examiner le caractère raisonnable des politiques de travail d’un employeur qui ont mené au congédiement »Note de bas de page 5.

[16] Les décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel lient le Tribunal. C’est donc dire que la division générale et la division d’appel sont tenues de suivre ces décisions. La division générale n’a donc pas omis de tenir compte du caractère raisonnable de la politique de vaccination de l’employeur de la prestataire. Il ne lui incombait tout simplement pas de le faire.

La division générale n’a pas omis de tenir compte de la convention collective de la prestataire

[17] La division générale n’a pas omis de tenir compte de la convention collective de la prestataire. La convention n’était pas pertinente pour la question de l’inconduite.

[18] La prestataire soutient que pour qu’il y ait inconduite, il doit y avoir violation d’une modalité de la convention collective ou du contrat de travail de la personne. Autrement dit, elle affirme que l’obligation de se faire vacciner devait figurer dans sa convention collective. Ou encore, si son employeur voulait instaurer une nouvelle condition, elle dit qu’elle devait l’accepter et y consentir.

[19] La prestataire fait remarquer que sa convention collective ne stipulait pas qu’elle devait être vaccinée pour accomplir son travail. Elle affirme donc qu’il n’y a pas eu d’inconduite. Elle ajoute qu’elle s’est acquittée de toutes les obligations qui lui incombaient en vertu de sa convention collective.

[20] La prestataire invoque plusieurs décisions d’arbitrage en matière de travail et A.L.Note de bas de page 6, une décision de la division générale. Toutefois, les décisions d’arbitrage en matière de travail ne sont pas applicables. Elles ne traitent pas de la question de l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi).

[21] La division générale a conclu qu’il n’y avait pas d’inconduite dans l’affaire AL parce que l’employeur avait instauré, de façon unilatérale, une politique de vaccination sans consulter le personnel et donc sans obtenir son consentement.

[22] Depuis, la division d’appel a infirmé la décision de la division généraleNote de bas de page 7. La division d’appel a conclu que la division générale avait commis des erreurs de compétence et de droit.

[23] Dans cette affaire, la division d’appel a conclu que la division générale avait dépassé sa compétence en examinant le contrat d’A.L. La division d’appel a également conclu que la division générale avait commis une erreur de droit lorsqu’elle a déclaré qu’un employeur ne pouvait pas imposer de nouvelles conditions à la convention collective et qu’il devait y avoir violation du contrat de travail pour qu’il y ait inconduite. Ces considérations n’étaient pas pertinentes.

[24] La décision de la division d’appel dans l’affaire A. L. est conforme à la loi. Il est bien établi qu’il n’est pas nécessaire de contrevenir à la convention collective ou au contrat de travail pour qu’il y ait inconduite. Autrement dit, il n’est pas nécessaire que les politiques et les exigences d’un employeur figurent dans la convention collective ou dans le contrat de travail pour qu’il y ait inconduite. Tant qu’un employeur dispose d’une politique ou a une exigence, la personne employée doit se conformer à cette politiqueNote de bas de page 8.

[25] Les tribunaux ont approuvé cette approche dans le contexte de la vaccination contre la COVID-19. Bon nombre de conventions collectives et de contrats de travail n’ont pas exigé la vaccination. Cependant, les tribunaux ont statué qu’il importe peu que les politiques de vaccination ne fassent pas partie du contrat de travail d’une partie prestataire.

[26] Dans l’affaire MattiNote de bas de page 9, la Cour fédérale a écrit ce qui suit :

En outre, en ce qui concerne la définition d’inconduite selon la Loi sur l’assurance‑emploi, le demandeur affirme qu’une condition d’emploi doit exister au moment de la signature du contrat de travail. Il n’a toutefois pas cité de jurisprudence à l’appui de cette affirmation. Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que, sur la base de la jurisprudence applicable, il n’était pas nécessaire que la politique figure dans l’entente initiale; l’inconduite peut être évaluée par rapport à des politiques qui voient le jour après le début de la relation de travail. (Mis en évidence par la soussignée.)

[27] La Cour a renvoyé aux décisions Karelia, CecchettoNote de bas de page 10 et KukNote de bas de page 11. Dans la décision Kuk,l’appelant a choisi de ne pas se conformer à la politique de vaccination de son employeur. La politique ne faisait pas partie de son contrat de travail. La Cour fédérale a conclu que les exigences de vaccination de l’employeur n’avaient pas à faire partie du contrat de travail de M. Kuk. La Cour fédérale a statué qu’il y avait inconduite parce que M. Kuk a omis sciemment de respecter la politique de vaccination de son employeur et parce qu’il savait quelles seraient les conséquences s’il ne s’y conformait pas. La situation était la même dans l’affaire Cecchetto.

[28] La Cour fédérale est arrivée à la même conclusion dans l’affaire Milovac. La Cour fédérale a conclu qu’il y avait eu inconduite lorsque M. Milovac ne s’était pas conformé à une politique qui ne faisait pas partie de son contrat de travail.

[29] Je ne suis pas convaincue que la division générale ait omis de tenir compte de la convention collective de la prestataire pour décider si elle avait commis une inconduite. Comme l’a déclaré la Cour fédérale, « l’inconduite peut être évaluée par rapport à des politiques qui voient le jour après le début de la relation de travailNote de bas de page 12 ».

Conclusion

[30] L’appel est rejeté. La division générale n’a pas commis d’erreur qui relève des moyens d’appel autorisés. La prestataire est donc inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

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