Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1956

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. D.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (562874) datée du
20 janvier 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Marc St-Jules
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 30 mai 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 19 juin 2023
Numéro de dossier : GE-23-431

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant a perdu son emploi. L’employeur de l’appelant a affirmé qu’il avait été congédié parce qu’il avait enfreint la politique de lutte contre le harcèlement et la violence (la politique). L’employeur allègue que l’appelant a agi de façon inappropriée lors d’un événement tenu par l’entreprise le 11 août 2022. L’employeur a d’abord suspendu l’appelant, puis l’a licencié après une enquête.

[4] L’appelant n’est pas d’accord. Il est d’accord sur certains incidents qui sont survenus ce soir-là. Cependant, il nie bien des choses et dit qu’il souffrait d’une crise d’hypoglycémie. Cet élément n’a pas été pris en compte, et il s’agit de discrimination. Il admet qu’il était au courant de la politique, mais que celle-ci ne comprend pas les urgences médicales.

[5] L’appelant affirme également que l’employeur utilise cet incident comme excuse pour le congédier. Le nouveau président de l’entreprise cherchait des moyens de se débarrasser de lui et s’en sert comme moyen de le faire.

[6] La Commission a accepté le motif du congédiement invoqué par l’employeur. Elle a décidé que l’appelant avait perdu son emploi en raison de son inconduite. La Commission a donc décidé que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

Question que je dois examiner en premier

L’employeur n’est pas mis en cause dans l’appel

[7] Une lettre a été envoyée à l’ancien employeur de l’appelant le 14 février 2023Note de bas de page 2. Dans cette lettre, on demandait à l’employeur s’il voulait être mis en cause. Pour être mis en cause, l’employeur doit prouver son intérêt direct dans la décisionNote de bas de page 3. On a demandé à l’employeur d’expliquer pourquoi il avait un intérêt direct dans la décision.

[8] L’employeur a répondu par courriel le 26 février 2023. L’employeur a demandé d’être mis en cause dans l’appel. Toutefois, le courriel n’expliquait pas comment il avait un intérêt direct dans l’appel. L’employeur a mentionné qu’il était au courant des événements et des documents produits. C’est pourquoi l’employeur a mentionné ce qui suit : [traduction] « Je crois qu’il serait prudent de participer en tant que partie au processus d’appel ».

[9] J’ai examiné le dossier d’appel et rien dans celui-ci ne laisse croire que l’employeur a un intérêt direct dans l’appel. Il a été décidé que l’employeur n’avait pas prouvé qu’il avait un intérêt direct dans l’appel. Par conséquent, l’employeur ne sera pas mis en cause dans l’appel. Cette décision a été communiquée à l’employeur dans un courriel daté du 26 avril 2023. L’employeur s’est fait accorder le droit d’appel de cette décision.

[10] À la date de la décision, aucune autre communication n’a été reçue de l’employeur pour plaider sa cause.

Question en litige

[11] L’appelant a‑t‑il perdu son emploi en raison de son inconduite?

Analyse

[12] Pour décider si l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite, je dois examiner deux choses. Je dois d’abord établir pourquoi l’appelant a perdu son emploi. Je dois ensuite décider si ce motif constitue une inconduite au sens de la loi.

Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

[13] Je conclus que l’appelant a perdu son emploi parce que son employeur croyait qu’il avait enfreint la politique de lutte contre le harcèlement et la violence (la politique).

[14] La Commission affirme que la raison donnée par l’employeur est la véritable raison du congédiement. L’employeur a dit à la Commission que l’appelant avait enfreint la politique.

[15] L’appelant n’est pas d’accord. L’appelant affirme que la véritable raison pour laquelle il a perdu son emploi est que l’employeur voulait qu’il parte. Le nouveau président le réprimandait pour des choses banalesNote de bas de page 4. Le président s’était également vanté de n’avoir jamais eu à verser d’indemnité de cessation d’emploi, car il a toujours congédié les employés pour un motif valable. Le président a voulu congédier l’appelant après que ce dernier eut admis qu’il souffre de dépression à la suite d’une chirurgie à cœur ouvert subie quelques années plus tôt. Les médicaments qu’il prenait lui causaient des problèmes et causaient sa dépression. 

[16] Je conclus que l’appelant a été licencié pour violation de la politique. L’appelant a été licencié immédiatement après les événements du jeudi 11 août 2022. Comme je l’explique dans la section qui suit, je conclus que l’inconduite est prouvée. Sans les déclarations des témoins et les événements du 11 août 2022, l’employeur n’aurait aucun motif de licencier l’appelant.

[17] L’appelant a fourni un exemple des problèmes qu’il avait avec le président. Toutefois, sans les incidents de cette soirée, les exemples fournis n’auraient pas entraîné un congédiement.

Le motif du congédiement de l’appelant est‑il une inconduite au sens de la loi?

[18] Selon la loi, le motif du congédiement de l’appelant est une inconduite.

[19] Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 5. L’inconduite doit être une conduite si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 6. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est‑à‑dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 7.

[20] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 8.

[21] La Commission doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 9.

[22] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce qu’il n’y a aucune raison de croire que tous les employés présents faisaient de fausses accusations. Les déclarations de l’employeur étaient cohérentes. La preuve laisse entendre que l’appelant a harcelé d’autres employés. La Commission soutient que l’appelant connaissait les conséquences d’une violation de la politiqueNote de bas de page 10.

[23] Les mesures disciplinaires prévues dans la politique comprennent le congédiement immédiat sans autre avisNote de bas de page 11. La politique définit les comportements inacceptablesNote de bas de page 12. Le harcèlement personnel est défini comme suit dans la politique :

  • Remarques, blagues, insinuations, propositions ou railleries indésirables au sujet du corps, de la tenue vestimentaire, du sexe ou de l’orientation sexuelle d’une personne ou fondées sur la religion.
  • Remarques suggestives ou offensantes.
  • Blagues ou commentaires offensants de nature sexuelle au sujet d’un employé.
  • Propos indésirables lié au genre.
  • Contacts physiques (attouchements, tapotements ou pincements) avec une connotation sexuelle sous-jacente.

[24] L’appelant affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite pour les raisons suivantes :

  • Le licenciement était injuste et discriminatoire envers une personne ayant une invalidité. L’appelant est atteint de diabète de type 1 qui est traité à l’insuline depuis des décennies. Il a besoin d’une pompe pour s’administrer l’insuline.
  • Ses agissements peuvent s’expliquer par le taux de glycémie très faible qu’il avait à l’époque. L’appelant affirme que son état de santé n’est pas contrôlé. S’il avait eu autre chose, comme une crise d’épilepsie, qu’il était tombé et avait frappé quelqu’un, il n’aurait pas été congédié.
  • Il nie bon nombre des déclarations des témoins.
  • Le président s’était vanté de n’avoir jamais versé d’indemnités de départ, car il a toujours congédié les employés pour un motif valable.
  • Les événements qui ont mené à son congédiement se sont déroulés dans un bar. Tout le monde plaisantait et riait.
  • La note de bar n’était que de 63 $, taxes inclusesNote de bas de page 13. L’appelant a affirmé qu’il pèse 210 livres et que cela n’était pas suffisant pour qu’il soit ivre. Il a dit qu’il n’avait pas consommé d’alcool autre que ce qui se trouvait sur la note de bar.
  • Il s’agit du premier incident du genre de sa carrière. Il ne se serait pas mis soudainement à faire quelque chose comme ça. Avant cela, il avait travaillé pendant 39 ans sans incident.
  • L’appelant avait admis à son employeur qu’il pourrait avoir besoin de prendre congé en raison d’une dépression causée par les médicaments qu’il prenait à la suite d’une chirurgie cardiaque antérieure. Depuis, l’employeur voulait se débarrasser de lui.

[25] L’appelant a affirmé qu’il était au courant de la politique. Il a convenu qu’une personne qui est ivre et qui a fait ce qui était allégué devrait être congédiée. Il a lu les rapports d’incident et en est venu à cette conclusion. Toutefois, le problème, c’est que la cause était indépendante de sa volonté. Son taux de glycémie était bas et en était la cause. Il est diabétique de type 1 depuis des décennies et sa pompe à insuline à l’époque lui causait des réactions hypoglycémiques.

[26] L’appelant soutient que ses agissements ont été causés par une crise d’hypoglycémie avec un taux de glycémie très faible. Cela fait en sorte qu’une personne semble ivre. L’appelant a présenté une note de son médecin indiquant les effets secondaires d’une crise d’hypoglycémieNote de bas de page 14.

[27] De plus, l’appelant soutient que bon nombre des incidents ne se sont pas produits. Certains ont été inventés. Par exemple, il n’a pas touché le sein de l’une des plaignantesNote de bas de page 15. Même s’il s’agit d’un accident. Il voulait lui trouver une chaise et lui a agrippé le coude pour l’aider à se lever. Il convient qu’il a embrassé des gens sur la tête. Il nie avoir pincé les fesses de certaines personnes.

[28] L’appelant a dit que l’employeur avait mis fin à toute communication entre les employés et lui. C’est pourquoi il est incapable de trouver des témoins. De plus, il ne voulait pas mettre l’emploi d’une autre personne en jeu.

[29] L’appelant a envisagé d’intenter une poursuite, mais l’employeur a empêché tout le monde de lui parler. Il est donc difficile de trouver des témoins.

[30] Je conclus que l’appelant n’avait aucune intention coupable. Toutefois, il n’est pas nécessaire de prouver l’intention fautive. L’appelant affirme que l’employeur a fait preuve de discrimination à son égard. Le Tribunal de la sécurité sociale ne peut pas décider si un employeur a fait preuve de discrimination à l’égard d’une partie appelante ou s’il aurait dû lui accorder une mesure d’adaptation selon le droit en matière de droits de la personneNote de bas de page 16. L’appelant devrait s’adresser à l’instance appropriée, comme un tribunal des droits de la personne.

[31] Je ne peux pas décider si un employeur a fait preuve de discrimination à l’égard d’une partie appelante ou s’il aurait dû prendre des mesures d’adaptation en vertu du droit en matière de droits de la personneNote de bas de page 17.

[32] La Cour d’appel fédérale a affirmé que le Tribunal n’a pas à décider si la politique de l’employeur était raisonnable. Je ne peux pas non plus décider si le congédiement ou la suspension d’une partie appelante était justifié. Le Tribunal doit déterminer si la conduite de l’appelant constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 18.

[33] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite. Comme je l’ai déjà mentionné, pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelle. L’inconduite doit aussi être une conduite tellement insouciante qu’elle est presque délibérée.

[34] Je suis saisi de 6 déclarations signées distinctes. Elles provenaient de 5 employés et d’un partenaire de l’un des employés. L’appelant soutient qu’il s’agissait d’un effort coordonné de l’employeur pour se débarrasser de lui. Je ne suis pas convaincu que 6 déclarations signées distinctes contenant des affirmations corroborantes similaires, y compris celle d’une personne qui n’était pas un employé, ont probablement été inventées de toutes pièces. J’accorde beaucoup de poids à ces déclarations. Les déclarations sont signées et pourraient entraîner de graves conséquences s’il était prouvé qu’elles ont été inventées de toutes pièces.

[35] L’appelant a déclaré que son ami a fait des commentaires sur sa transpiration et l’appelant affirme qu’il peut s’agir d’un signe d’hypoglycémie. Il s’agit d’un symptôme qui figure dans la liste fournie par le médecin. L’appelant a aussi affirmé qu’il était retourné à sa chambre pour changer sa chemise et qu’il avait testé son taux de sucre à ce moment-là. Il a conclu qu’il était en état de retourner au restaurant-bar, car son taux de sucre était acceptable.

[36] De plus, l’un de ses collègues a affirmé que l’appelant avait testé son taux de sucre et qu’il était également correct à ce moment-là. Le taux était de 8,1Note de bas de page 19. Cette déclaration signée indique que cela avait eu lieu vers 22 h 30.

[37] Il s’agit de deux différents moments où son taux de sucre a été testé et jugé acceptable. L’appelant a affirmé que les symptômes apparaissent à un taux de sucre inférieur à trois.

[38] Les affirmations laissent entendre que l’appelant semblait ivre tandis que sa glycémie était jugée acceptable. J’en suis venu à cette conclusion en comparant la chronologie des affirmations. Voir le document GD3 aux pages 54, 55, 70 et 71 à titre d’exemple.

[39] Je préfère la preuve de la Commission pour quelques raisons. D’abord, il existe 6 déclarations signées. Celles-ci proviennent de personnes différentes. De plus, les déclarations se confirment l’une l’autre.

[40] L’appelant soutient que bon nombre des incidents allégués ne se sont pas produits. Il se souvient de certains événements et en nie d’autres. Par ailleurs, il soutient que son faible taux de glycémie était la cause de ses agissements.

[41] Je conclus que l’appelant n’avait aucune mauvaise intention. Toutefois, le fait de consommer de l’alcool quand on a depuis longtemps un trouble de santé est téméraire et frôle le caractère délibéré.

[42] Pour les motifs énoncés ci-dessus, je conclus que l’appelant a probablement causé son propre chômage.

Donc, l’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[43] Selon les conclusions que j’ai tirées ci-dessus, je suis d’avis que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[44] La Commission a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[45] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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