Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 123

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelante : M. M.
Représentante : Tisha Alam
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Jessica Earles

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le
28 juillet 2023 (GE-23-236)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 1er février 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’appelante
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 9 février 2024
Numéro de dossier : AD-23-957

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. L’affaire sera renvoyée à la division générale pour réexamen afin de trancher la question de l’appel tardif.

Aperçu

[2] M. M. est la prestataire en l’espèce. Elle a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La Commission a décidé que la prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification.Note de bas de page 1 Pour cette raison, elle a décidé que la prestataire n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi. La prestataire a porté cette décision en appel à la division générale du Tribunal.Note de bas de page 2

[4] La division générale a décidé que l’appel de la prestataire ne pouvait pas aller de l’avant parce qu’il avait été déposé en retard.Note de bas de page 3 Elle a conclu que la prestataire n’avait pas fourni d’explication raisonnable justifiant son retard.Note de bas de page 4

[5] La prestataire a porté la décision de la division générale en appel à la division d’appel.Note de bas de page 5 On lui a accordé la permission de faire appel parce qu’elle avait une cause défendable selon laquelle la division générale avait commis une erreur révisable.Note de bas de page 6

[6] J’ai conclu que la division générale a commis une erreur de droit et une erreur de fait importante.Note de bas de page 7 C’est pourquoi j’accueille l’appel. L’affaire sera renvoyée à la division générale pour réexamen.

La prestataire a de nouveaux éléments de preuve

[7] Les nouveaux éléments de preuve sont ceux dont la division générale n’était pas saisie lorsqu’elle a rendu sa décision.

[8] La division d’appel n’accepte généralement pas de nouveaux éléments de preuve.Note de bas de page 8 En effet, le rôle de la division d’appel n’est pas d’enquêter sur les faits ni d’entendre de nouveau l’appel. Il s’agit d’un examen de la division générale fondé sur les mêmes éléments de preuve.Note de bas de page 9

[9] La division d’appel n’accepte généralement pas les nouveaux éléments de preuve, mais il y a quelques exceptions.Note de bas de page 10 Par exemple, je peux accepter de nouveaux éléments de preuve dans les cas suivants :

  • ils contiennent des renseignements généraux seulement ;
  • ils font ressortir des conclusions tirées sans preuve à l’appui ;
  • ils démontrent que le Tribunal a agi injustement.

[10] À l’audience de la division d’appel, la prestataire a fourni les raisons pour lesquelles son appel à la division générale était en retard. La Commission ne s’est pas opposée à ces éléments de preuve et n’a pas posé de questions à la prestataire.

[11] Je conclus que le témoignage de la prestataire sur les raisons du retard de son appel constitue un nouvel élément de preuve qui n’a pas été présenté à la division générale. Ce nouvel élément de preuve ne répond à aucune des exceptions ci-dessus. Plus précisément, il ne fournit pas de renseignements généraux ni ne souligne une conclusion tirée sans preuve à l’appui, ni ne démontre que le Tribunal a agi injustement. Par conséquent, je ne peux pas l’accepter.

Questions en litige

[12] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a décidé que l’appel de la prestataire était en retard?
  2. b) La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante au sujet de la date à laquelle la prestataire a déposé son appel au Tribunal?
  3. c) Si c’est le cas, comment l’erreur devrait-elle être corrigée?

Analyse

[13] Une erreur de droit peut survenir lorsque la division générale n’applique pas la bonne loi ou utilise la bonne loi, mais l’interprète ou l’applique incorrectement.Note de bas de page 11

[14] Il y a erreur de fait lorsque la division générale fonde sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.Note de bas de page 12

[15] Cela implique d’examiner certaines des questions suivantesNote de bas de page 13 :

  • La preuve contredit-elle carrément l’une des principales conclusions de la division générale?
  • N’y a‑t‑il aucun élément de preuve qui pourrait appuyer rationnellement l’une des conclusions clés de la division générale?
  • La division générale a-t-elle ignoré des éléments de preuve essentiels qui contredisent l’une de ses principales conclusions?

[16] Je peux intervenir dans la décision de la division générale si elle a commis l’une des erreurs révisables mentionnées ci-dessus.Note de bas de page 14

La prestataire affirme que la division générale a commis des erreurs de fait importantes

[17] La prestataire soutient que la division générale a commis deux erreurs de fait importantes dans sa décision.

[18] Premièrement, elle affirme que la division générale n’a pas tranché la question du moment où la décision de révision lui a été communiquée. Elle affirme que la division générale était tenue de le faire.

[19] Elle soutient que la division générale aurait pu tirer une telle conclusion en se fondant sur la jurisprudence de la Cour fédérale.

[20] Elle affirme que la division générale aurait aussi pu s’appuyer sur les Règles de procédure du Tribunal de la sécurité sociale pour savoir quand les documents sont reçus, ce qui est généralement 10 jours après la date où ils ont été envoyés (lorsque le Tribunal envoie un document à une partie par la poste, il est considéré comme reçu 10 jours après la date où il a été envoyé).Note de bas de page 15

[21] Deuxièmement, la prestataire affirme que la deuxième erreur s’est produite lorsque la division générale a conclu qu’elle avait déposé son avis d’appel le 20 décembre 2022.Note de bas de page 16 Elle soutient que la division générale n’a pas expliqué comment elle a tiré cette conclusion.

[22] La prestataire a également fait référence à la règle du TSS selon laquelle un document est considéré comme ayant été déposé à la date où le Tribunal l’a reçu.Note de bas de page 17

[23] Elle signale qu’il est indiqué que l’avis d’appel a été déposé au Tribunal le 17 janvier 2023 et non le 20 décembre 2022 comme l’a dit la division générale.Note de bas de page 18

La Commission affirme que la division générale n’a commis aucune erreur

[24] La Commission n’est pas d’accord et affirme que la division générale n’a commis aucune erreur et que sa conclusion était raisonnable.

[25] Premièrement, la Commission affirme que la division générale n’avait pas assez d’information pour décider quand la décision de révision avait été communiquée. Elle soutient que la division générale a fait tout ce qu’elle pouvait pour essayer d’obtenir une explication pour le retard de l’appel. Elle devait rendre une décision en se fondant sur les renseignements au dossier.

[26] Deuxièmement, la Commission affirme que c’est la prestataire qui doit expliquer pourquoi elle a déposé son appel en retard, conformément aux règles du TSS.Note de bas de page 19

[27] La Commission souligne que le formulaire d’appel donne l’occasion d’indiquer la date à laquelle la révision a été communiquée ou de dire qu’on ne se souvient pas de la date.Note de bas de page 20 De plus, le Tribunal a envoyé une lettre à la représentante de la prestataire pour lui demander une explication, mais le Tribunal n’a reçu aucune réponse.Note de bas de page 21

La division générale a commis une erreur de fait importante et une erreur de droit

[28] La loi prévoit qu’une partie appelante a 30 jours pour faire appel d’une décision rendue en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi auprès de la division générale. Le délai pour faire appel commence à la date où la décision est communiquée à la partie appelante.Note de bas de page 22  

[29] La division générale n’a pas appliqué le délai de 30 jours pour décider si l’appel avait été déposé en retard.  

[30] De plus, les motifs qui étayent la conclusion de la division générale selon laquelle l’appel a été déposé en retard sont insuffisants. La façon dont la division générale est arrivée à cette conclusion n’est pas claire ; elle n’a pas conclu quand la décision de la Commission a été communiquée à la prestataire ni quand le délai de 30 jours a commencé.Note de bas de page 23

[31] Autrement dit, la division générale devait d’abord décider quand la décision de révision avait été communiquée à la prestataire pour pouvoir décider si l’appel était en retard. Une fois la date de communication établie, la période de 30 jours commence.

[32] La division générale a également conclu que l’avis d’appel de la prestataire avait été déposé au Tribunal le 20 décembre 2022.Note de bas de page 24 Elle n’explique pas comment elle en est arrivée à cette conclusion.

[33] Le Tribunal avise une partie appelante lorsqu’il reçoit son avis d’appel.Note de bas de page 25 Tout document déposé au Tribunal est considéré comme ayant été déposé à la date où le Tribunal le reçoit et chaque document est estampillé avec la date de réception.Note de bas de page 26

[34] Le Tribunal a estampillé l’avis d’appel de la prestataire le 17 janvier 2023.Note de bas de page 27

[35] La division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait déposé son appel au Tribunal le 20 décembre 2022. Il semble s’agir de la date à laquelle elle a signé l’avis d’appel.Note de bas de page 28 La preuve au dossier montre que le Tribunal a reçu l’avis d’appel de la prestataire le 17 janvier 2023, ce que la division générale n’a pas pris en considération.

[36] Par conséquent, je conclus que la division générale a commis une erreur de droit parce qu’elle n’a pas appliqué le délai de 30 jours à compter de la date de communication de la décision de révision de la Commission et qu’elle n’a pas fourni de motifs adéquats permettant de comprendre pourquoi elle a conclu que l’appel avait été déposé en retard. De plus, la division générale a tiré une conclusion de fait erronée au sujet de la date à laquelle la prestataire a déposé son appel au Tribunal en se fondant sur la preuve au dossier.

L’affaire sera renvoyée à la division générale pour réexamen

[37] Il y a deux options pour corriger une erreur de la division générale.Note de bas de page 29 Je peux soit renvoyer le dossier à la division générale pour réexamen ou rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

[38] Pour rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, le dossier doit être complet. Si je substitue ma propre décision, je peux tirer les conclusions de fait nécessaires.Note de bas de page 30

[39] Toutefois, si le dossier est incomplet, l’affaire doit être renvoyée à la division générale pour réexamen.

[40] La Commission et la prestataire conviennent que, s’il y a une erreur, je devrais renvoyer le dossier à la division générale pour réexamen afin de passer à l’analyse de la question sous-jacente du départ volontaire.

[41] Je suis en partie d’accord avec la Commission et la prestataire sur la façon de corriger l’erreur. Je renvoie l’affaire à la division générale parce que le dossier est incomplet. Toutefois, en ce qui concerne l’appel tardif, je ne peux pas substituer ma propre décision.

[42] La division générale ne peut pas trancher la question du départ volontaire sans d’abord trancher la question de l’appel tardif. L’affaire sera donc renvoyée à la division générale pour réexamen sur la question de l’appel tardif.

Conclusion

[43] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de droit et une erreur de fait. L’affaire sera renvoyée à la division générale pour réexamen.

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