Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MV c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2023 TSS 1969

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. V.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (621721) datée du 27 septembre 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Emily McCarthy
Mode d’audience : Par écrit
Date de la décision : Le 12 décembre 2023
Numéro de dossier : GE-23-2858

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

Aperçu

[2] L’appelant s’est fait dire qu’il avait reçu un versement excédentaire en mars ou avril 2004. Il a payé la somme due à ce moment‑là.

[3] Le 27 juillet 2023, soit environ 19 ans plus tard, l’appelant a demandé à la Commission de l’assurance‑emploi du Canada de réviser sa décision de 2004.

[4] La Commission a décidé que sa demande de révision était tardive et a refusé de réviser la décision de 2004.

[5] L’appelant porte cette décision en appel.

Question que je dois examiner en premier

[6] L’appelant n’a pas été en mesure d’assister à l’audience. Il a envoyé un courriel au Tribunal et a expliqué qu’il n’avait pas accès à un téléphone. Il a demandé si l’appel pouvait être instruit par écrit ou si son audience pouvait être reportéeNote de bas de page 1.

[7] Le Tribunal a écrit à l’appelant et lui a donné l’occasion de préciser les dates auxquelles il serait en mesure de procéder par téléconférence. Le Tribunal a également expliqué qu’il pouvait être fait appel par écrit. L’appelant s’est fait demander de confirmer comment il souhaitait procéder. S’il choisissait de procéder par écrit, on lui demandait de présenter d’autres observations d’ici le 30 novembre 2023Note de bas de page 2.

[8] Le 22 novembre 2023, l’appelant a écrit au Tribunal qu’il voulait procéder par écrit. Il a présenté des observations additionnellesNote de bas de page 3.

[9] Le 29 novembre 2023, le Tribunal a confirmé que l’appel serait instruit par écrit et a donné à l’appelant et à la Commission jusqu’au 1er décembre 2023 pour présenter d’autres observationsNote de bas de page 4.

[10] Aucune autre observation n’a été reçue des parties. Il a été fait appel par écrit.

Question en litige

[11] Je dois décider si la Commission devrait accepter la demande de révision de l’appelant. Pour prendre cette décision, je dois tenir compte des éléments suivants :

  • Si la demande de révision de l’appelant est tardive.
  • Dans l’affirmative, je dois décider si la Commission a pris sa décision équitablement lorsqu’elle a refusé d’accepter la demande de révision.

[12] Si la Commission n’a pas rendu sa décision de façon équitable, je peux examiner tous les facteurs décrits par la loi et prendre ma propre décision sur la question de savoir si la Commission devrait accepter la demande de révision de l’appelant.

Analyse

[13] Lorsque la Commission rend une décision au sujet des prestations d’assurance‑emploi d’une partie prestataire, celle‑ci peut demander une révision de la décision. C’est ce que l’on appelle une demande de révisionNote de bas de page 5.

[14] Si une partie prestataire attend plus de 30 jours après avoir été informée de la décision pour présenter une demande de révision, la demande est tardiveNote de bas de page 6. La Commission doit décider si elle acceptera la demande de révision tardive.

[15] Lorsque la Commission examine une demande de révision tardive, elle doit poser deux questions en vertu de l’article 1(1) du Règlement sur les demandes de révision (Règlement sur les révisions) :

  • La partie prestataire a‑t‑elle fourni une explication raisonnable justifiant le retard?
  • La partie prestataire a‑t‑elle démontré qu’elle avait toujours eu l’intention de demander une révision, même si elle était en retardNote de bas de page 7?

[16] Si la partie prestataire présente une demande de révision plus de 365 jours après la décision initialeNote de bas de page 8, l’article 1(2) du Règlement sur les révisions exige que la Commission se penche sur deux questions supplémentaires :

  • La demande de révision a-t-elle une chance raisonnable de succès?
  • L’acceptation par la Commission de la demande de révision tardive porterait-elle préjudice à la Commission ou à toute autre partieNote de bas de page 9?

[17] La Commission ne peut accepter une demande de révision tardive que si la réponse aux quatre questions est « oui ». Cela signifie qu’un appelant doit satisfaire aux quatre conditions pour que la Commission accepte la demande de révision tardive lorsqu’elle est en retard de plus de 365 jours.

[18] La Commission rend ses propres décisions concernant l’acceptation ou le refus des demandes de révision tardives. Il s’agit d’un pouvoir discrétionnaireNote de bas de page 10.

[19] Si elle a le pouvoir discrétionnaire d’accepter ou de refuser une demande de révision tardive, la Commission doit toutefois rendre sa décision de façon judiciaire, c’est‑à‑dire équitable. Elle doit examiner toute l’information lorsqu’elle prend une décision. La Commission doit porter attention aux renseignements importants sur les raisons pour lesquelles l’appelant a présenté sa demande tardivement et faire abstraction des choses qui ne sont pas importantes. Elle ne doit pas non plus agir pour un motif irrégulier, de mauvaise foi ou d’une manière discriminatoireNote de bas de page 11.

[20] Je dois respecter le pouvoir discrétionnaire de la Commission. Habituellement, cela signifie que je ne peux pas modifier sa décision. Toutefois, si la Commission n’a pas pris sa décision de façon équitable, je peux assumer son rôle. Je peux alors décider d’accepter ou de refuser la demande de révision tardive.

La demande de révision de l’appelant était-elle tardive?

[21] Oui. Je conclus que la demande de révision a été présentée plus de trente jours après la communication de la décision de la Commission à l’appelant.

[22] La Commission a démontré que la décision a été communiquée à l’appelant en 2004. L’appelant affirme que c’était en mars ou avril 2004. La Commission affirme que la décision était datée du 1er mars 2004. Une lettre au dossier est datée du 16 novembre 2004, mais dans sa demande de révision, l’appelant fait référence à une décision qui a été rendue en mars ou avril 2004.

[23] Quoi qu’il en soit, il n’est pas contesté que la décision a été prise et communiquée à l’appelant en 2004. Dans sa demande de révision, l’appelant affirme avoir reçu la décision en avril 2004Note de bas de page 12. J’admets donc cela comme un fait.

[24] La demande de révision de l’appelant a été présentée le 27 juillet 2023. C’est plus de 30 jours après que l’appelant a pris connaissance de la décision de la Commission. Je conclus donc que la demande de révision de l’appelant était tardive. Je conclus également que la demande de révision était en retard de plus de 365 jours.

La Commission a‑t‑elle exercé correctement son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a refusé à l’appelant plus de temps pour présenter sa demande de révision?

[25] Non. Je conclus que la Commission n’a pas agi de façon judiciaire lorsqu’elle a examiné le troisième facteur et décidé qu’il n’y avait aucune chance raisonnable de succès. J’estime qu’elle n’a pas tenu compte de tous les faits pertinents pour décider que la révision n’avait pas de chance raisonnable de succès.

[26] La Commission a examiné les chances de succès de la demande de révision. Elle a conclu que l’appel n’avait pas de chance raisonnable de succès parce que la décision a été prise avant la mise en place du dépôt numérique et que la Commission n’a plus accès à tous les documents officiels. Elle n’a donc pas pu établir si l’agent avait commis des erreurs en 2004Note de bas de page 13.

[27] Les tribunaux n’ont pas examiné la définition d’une « chance raisonnable de succès » dans le contexte de l’art. 1(2) du Règlement sur les révisions.

[28] Bien que je ne sois pas lié par la décision W.M. c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, j’estime que le raisonnement dans cette décision estconvaincantNote de bas de page 14. Dans cette décision, la division d’appel a adopté l’analyse de la Cour fédérale sur la « chance raisonnable de succès » dans les procédures préliminaires de rejetNote de bas de page 15. La division d’appel s’est penchée sur la question de savoir s’il est évident et manifeste, au vu du dossier, que l’appel est voué à l’échec, peu importe les éléments de preuve ou arguments qui pourraient être présentés lors d’une audienceNote de bas de page 16. Les tribunaux ont également statué qu’il suffit pour un plaideur de démontrer qu’il a une certaine chance de réussir à satisfaire à ce critèreNote de bas de page 17.

[29] Je conclus que la Commission n’a pas tenu compte de tous les faits pertinents lorsqu’elle a décidé qu’il n’y avait aucune chance raisonnable de succès simplement parce qu’elle n’avait pas de dossier complet.

[30] Comme l’appelant le souligne, la Commission a été en mesure de produire certains des documents au dossierNote de bas de page 18. Il s’agit notamment d’une partie de la demande initiale de prestations et d’une lettre de la Commission datée du 16 novembre 2004, qui a rajusté la répartition de sa rémunérationNote de bas de page 19.

[31] La Commission n’a pas examiné si l’avis de décision daté du 16 novembre 2004 révélait une certaine possibilité que la demande de révision puisse être accueillie.

[32] Cela signifie que je conclus que la Commission n’a pas agi de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès. Elle n’a pas tenu compte de tous les faits pertinents.

[33] Comme j’ai conclu que la Commission n’a pas agi de façon judiciaire en rendant sa décision en vertu du Règlement sur les révisions, je peux assumer le rôle de la Commission. Par conséquent, je peux décider d’accepter ou de refuser la demande de révision tardive. Pour ce faire, j’examinerai les quatre facteurs énoncés à l’article 1 du Règlement sur les révisions.

L’appelant a-t-il démontré qu’il satisfait aux quatre facteurs en vertu du Règlement sur les révisions?

[34] Non. Je conclus que l’appelant n’a pas démontré qu’il satisfait à l’un ou l’autre des quatre facteurs énoncés dans le Règlement sur les révisions.

Explication raisonnable et intention constante

[35] La preuve démontre ce qui suit :

  • L’appelant connaissait l’existence de la décision rendue le 1er mars 2004.
  • La demande de révision était en retard de 7 057 jours.
  • L’appelant a expliqué qu’il a acquis de nouvelles connaissances sur la Loi sur l’assurance‑emploi parce qu’il travaille maintenant pour Service Canada.
  • L’appelant a remboursé le versement excédentaire en 2004Note de bas de page 20.

[36] L’appelant a expliqué qu’il avait pris connaissance d’une erreur possible dans le calcul du versement excédentaire de 2004 seulement après avoir commencé à travailler pour Service Canada. C’est la raison pour laquelle il n’a pas contesté la décision plus tôtNote de bas de page 21.

[37] Après avoir examiné ces facteurs et l’explication de l’appelant, j’ai décidé que l’appelant n’avait pas d’explication raisonnable pour son retard et qu’il n’a pas démontré une intention constante de demander une révision de la décision rendue en 2004. L’intention de demander une révision n’a été soulevée que lorsqu’il a acquis une meilleure connaissance du droit. Il ne s’agit pas d’une intention constante ni d’une explication raisonnable du retard.

[38] Cela signifie qu’il n’a pas satisfait aux exigences de l’article 1(1) du Règlement sur les révisions.

[39] Comme la demande de révision est en retard de plus de 365 jours, je dois également décider si l’appelant a satisfait aux exigences de l’article 1(2) du Règlement sur les révisions. C’est‑à‑dire :

  • La demande de révision a‑t‑elle une chance raisonnable de succès?
  • Le fait d’accueillir la demande de révision causerait-il un préjudice à la Commission ou à une autre partie?

La demande de révision a‑t‑elle une chance raisonnable de succès?

[40] Comme il a été mentionné précédemment, le seuil pour décider si un appel a une chance raisonnable de succès est faible. Cependant, l’appelant n’a pas expliqué pourquoi il croit que le calcul du versement excédentaire était erroné.

[41] La Commission a fourni une lettre datée du 16 novembre 2004 qui montre qu’il y a eu un nouveau calcul de la répartition de la rémunération de l’appelantNote de bas de page 22.

[42] Malgré tout, l’appelant n’a pas expliqué pourquoi il croit qu’il y a eu une erreur dans le calcul du versement excédentaire. À mon avis, l’existence de la lettre datée du 16 novembre 2004 et la déclaration de l’appelant selon laquelle il comprend maintenant mieux la loi en raison de son nouvel emploi ne suffisent pas à conclure que la demande de révision a une chance raisonnable de succès.

[43] L’appelant n’a pas démontré que sa demande de révision a des chances raisonnables de succès. Je conclus qu’il n’a pas satisfait au troisième facteur.

Préjudice pour la Commission ou une autre partie

[44] Comme la Commission n’a plus accès à tous les documents pertinents, je conclus qu’il y aurait un préjudice pour la Commission si la demande de révision était autorisée.

[45] J’admets que le dépôt numérique n’était pas en place au moment de la décision initiale en 2004Note de bas de page 23. J’admets également que la Commission n’a pas accès à tous les documents connexes au dossierNote de bas de page 24. J’estime que cela signifie que la capacité de la Commission de réviser efficacement la décision initiale relative au versement excédentaire serait entravée et que le processus ne serait pas équitable pour la Commission.

[46] Compte tenu de cela, je conclus que le fait d’autoriser la demande de révision entraînerait un préjudice pour la Commission. L’appelant n’a pas satisfait au quatrième facteur.

Conclusion

[47] La loi exige que les quatre facteurs énoncés dans le Règlement sur les révisions soient respectés pour que le prestataire obtienne une prolongation du délai pour présenter une demande de révision.

[48] L’appelant n’a pas démontré ce qui suit :

  • Il avait une explication raisonnable du retard.
  • Il a manifesté l’intention constante de demander la révision.
  • Sa demande de révision a une chance raisonnable de succès.
  • Le fait d’autoriser la demande de révision ne causerait pas de préjudice à la Commission ou à une autre partie.

[49] L’appelant doit démontrer que les quatre facteurs énoncés dans le Règlement sur les révisions sont respectés avant qu’une demande de révision tardive de plus de 365 jours puisse être autorisée à aller de l’avant. Le prestataire n’a satisfait à aucun des quatre facteurs.

[50] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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