Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 188

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelante : M. K.
Représentant : D. K.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Isabelle Thiffault

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du
21 décembre 2022
(GE-22-2691)

Membre du Tribunal : Elizabeth Usprich
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 décembre 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 28 février 2024
Numéro de dossier : AD-23-96

Sur cette page

Décision

[1] M. K. est la prestataire.

[2] La division générale n’a pas commis d’erreur susceptible de révision. Par conséquent, l’appel est rejeté.

Aperçu

[3] D. K., le fils de la prestataire, a agi à titre de représentant et l’a aidée tout au long du processus. Je l’appellerai le fils de la prestataire.

[4] Le 1er novembre 2021, la prestataire n’était pas autorisée à être au travail parce que son employeur affirme qu’elle n’a pas respecté sa politique de vaccination. Il n’est pas contesté que la prestataire a subi une interruption de son emploi à compter du 1er novembre 2021Note de bas de page 1.

[5] La prestataire a attendu jusqu’au 13 mars 2022 pour demander des prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 2. La prestataire a demandé que sa demande soit antidatée au 1er novembre 2021Note de bas de page 3.

[6] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a rejeté la demande d’antidatation de la prestataire. La prestataire a porté cette décision en appel devant la division générale du Tribunal et son appel a été rejeté.

[7] La prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de fait importantes. Pour cette raison, elle croit que son appel devrait être accueilli et que sa demande de prestations devrait être antidatée.

[8] J’ai tenu compte de tous les arguments de la prestataire. Je ne crois pas que la division générale a commis des erreurs qui me permettraient d’intervenir. Cela signifie que je dois rejeter l’appel.

Question en litige

[9] La division générale a‑t‑elle fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire?

Analyse

[10] Je ne peux intervenir que si la division générale a commis une erreur pertinente. Je peux prendre en compte seulement certaines erreursNote de bas de page 4. En bref, je peux prendre en considération les erreurs permettant d’établir si la division générale a fait l’une ou l’autre des choses suivantes :

  • elle a agi injustement d’une façon ou d’une autre;
  • elle a tranché un problème qu’elle n’aurait pas dû trancher ou elle n’a pas tranché un problème sur lequel elle aurait dû statuer;
  • elle n’a pas suivi ou elle a mal interprété la loi;
  • elle a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

[11] La prestataire a coché la case « erreur de compétence » dans la demande présentée à la division d’appel. À l’audience auprès de la division d’appel, la prestataire a déclaré que les seules erreurs dont elle se préoccupe dans la décision de la division générale sont les erreurs de faitNote de bas de page 5.

La division générale a‑t‑elle fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire?

[12] Le processus de la division d’appel n’est pas une reprise de l’audience devant la division générale. À moins d’une erreur, je ne peux pas simplement soupeser à nouveau la preuve dont la division générale était saisieNote de bas de page 6. Donc, même si j’avais tranché l’affaire de façon différente, je ne peux pas apporter de changements à la décision sauf si une erreur de fait a été relevéeNote de bas de page 7.

[13] La division générale jouit d’une certaine liberté lorsqu’elle tire des conclusions de fait. Lorsque j’examine si je peux intervenir, il doit y avoir une erreur importante sur laquelle la division générale a fondé sa décision. Donc, si la conclusion a « sciemment statué à l’opposé de la preuve » ou si une preuve cruciale n’a pas été prise en compte, je pourrais intervenirNote de bas de page 8.

[14] La division générale n’a pas besoin de mentionner chaque élément de preuveNote de bas de page 9. La loi est claire : je ne peux intervenir que si la division générale « a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance »Note de bas de page 10.

[15] Le fils de la prestataire fait état explicitement de huit paragraphes de la décision de la division générale qui, selon lui, comportent des inexactitudes factuelles. J’en ai tenu compte dans chaque cas. Toutefois, aucun d’entre eux ne répond aux critères d’une façon qui me permettrait d’intervenir.

La division générale n’a pas omis de tenir compte des difficultés de la prestataire à l’égard de la langue anglaise

[16] Le fils de la prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte du fait que la prestataire comptait sur lui en raison de ses difficultés à l’égard de la langue anglaiseNote de bas de page 11.

[17] La division générale reconnaît que la prestataire se bute à certains obstacles linguistiques et qu’elle comptait sur son filsNote de bas de page 12. À l’audience, la division générale a posé des questions sur les circonstances exceptionnellesNote de bas de page 13. Le fils de la prestataire a déclaré qu’il n’y en avait pas, mais a ajouté que le syndicat leur a dit d’attendre avant de demander des prestations d’assurance‑emploi.

[18] La division générale n’a pas fondé sa décision sur une erreur importante au sujet des capacités de la prestataire en anglais. De même, la division générale n’a pas négligé la barrière linguistique de la prestataire à titre de circonstance exceptionnelle.

[19] Une barrière linguistique ne crée en aucun cas une circonstance exceptionnelle. Il n’est pas exceptionnel d’obtenir de l’aide d’un ami ou d’un membre de la famille. Dans cette affaire, la prestataire a reçu de l’aide de son fils.

Le nombre d’appels téléphoniques que le fils de la prestataire a faits ne constituait pas une erreur de fait importante

[20] La division générale n’a pas commis d’erreur importante au sujet du nombre d’appels téléphoniques que le fils de la prestataire a faits parce qu’il y avait des éléments de preuve à l’appui de sa conclusion. Le fils de la prestataire a dit à la division générale qu’il avait tenté de faire des appels à deux occasions distinctesNote de bas de page 14. Le fils de la prestataire a par la suite soutenu qu’il avait tenté d’effectuer plus de deux appels téléphoniques à « l’Assurance‑emploi » (Service Canada)Note de bas de page 15 La division générale a conclu que la prestataire n’a fait que quelques appels et a ensuite attendu jusqu’en mars 2022 pour se rendre à un Centre Service Canada. Même s’il a fait « quelques » appels, ce ne serait pas une différence importante.

[21] De plus, la division générale n’a pas fondé sa décision sur le nombre d’appels téléphoniques que le fils de la prestataire a faits. Dans cette affaire, le problème réside dans le retard. Ce n’est pas le nombre d’appels que la prestataire ou son fils ont faits qui est au cœur du problème. La différence entre deux ou quelques appels ne représente pas une erreur de fait importante. De plus, le fils de la prestataire a dit expressément à la division générale qu’il avait fait deux appels.

[22] Ce qui importe dans la présente affaire, c’est de préciser que la prestataire ou son fils n’ont pris aucune mesure supplémentaire avant mars 2022 à la suite des tentatives d’appels téléphoniquesNote de bas de page 16. La division générale a conclu que cela signifiait que la prestataire n’avait pas de motif valable justifiant toute la période de retardNote de bas de page 17.

Ce n’était pas une erreur de fait pour la division générale de mentionner la politique de l’employeur

[23] Le fils de la prestataire conteste certains des commentaires formulés par la division générale au sujet de la politique de l’employeur et de la participation du syndicat de la prestataireNote de bas de page 18. La politique de l’employeur n’est pas en cause dans cette affaire. Le seul problème réside dans le retard de la prestataire à demander des prestations. Ces allégations ne sont pas des erreurs de fait pertinentes. Selon une partie de l’argumentation de la prestataire à la division générale, sa situation d’emploi (la question de savoir si elle a été congédiée) était inconnue, de sorte qu’elle ne pouvait pas demander de prestations. Je traiterai de cette question ci‑après.

La division générale n’a pas fondé sa décision sur une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu que l’emploi de la prestataire avait pris fin

[24] La division générale a tiré des conclusions appropriées au sujet de la situation d’emploi de la prestataireNote de bas de page 19. La division générale a conclu qu’en raison de plusieurs faits, la prestataire aurait dû se rendre compte qu’il y avait eu interruption de son emploiNote de bas de page 20. La division générale a énuméré cinq facteurs.

[25] L’employeur de la prestataire l’a empêchée de se présenter au travail le 1er novembre 2021 et a cessé de la rémunérer. Il a envoyé une lettre à la prestataire le 22 octobre 2021 l’informant qu’elle ne serait pas autorisée à se présenter au travail si elle ne se conformait pas à la politique de l’employeur. Il ajoutait dans cette même lettre que la relation d’emploi prendrait fin le 15 décembre 2021, sans autre avis, si elle ne se conformait pas à la politique de l’employeur.

[26] Le fils de la prestataire soutient que la date de cessation d’emploi est contradictoire et porte à confusion et qu’il ne faut pas s’y fierNote de bas de page 21. Toutefois, la question ne concerne pas la date de cessation d’emploi de la prestataire. La division générale devait trancher la question de savoir si la prestataire avait un motif valable justifiant son retard à demander des prestations. La prestataire a attendu jusqu’au 13 mars 2022 pour présenter une demandeNote de bas de page 22. La question du délai entre le 1er novembre 2021 et le 15 décembre 2021 ne constitue donc pas un facteur déterminant. La prestataire doit démontrer qu’elle a un motif valable justifiant tout le retard.

[27] La conclusion de fait claire est la suivante : la prestataire luttait contre son congédiement par l’entremise de son syndicat. Cela signifie qu’il y a eu interruption de son emploi. La division générale n’a pas accepté comme motif valable que la prestataire ignorait sa situation d’emploi. Par conséquent, il y avait des éléments de preuve à l’appui des conclusions de la division générale. Il n’y a donc pas eu d’erreur de fait importante et je ne peux pas intervenir relativement à cette question.

La division générale n’a pas fondé sa décision sur une erreur de fait importante lorsqu’elle a déclaré que le fait de travailler avec le syndicat sur son congédiement et d’attendre une lettre de licenciement était contradictoire

[28] La division générale a conclu que la prestataire travaillait avec son syndicat pour contester son congédiement. La division générale a conclu qu’il était contradictoire pour la prestataire de dire qu’elle attendait une lettre de licenciement de son employeur avant de demander l’assurance‑emploiNote de bas de page 23.

[29] Le fils de la prestataire soutient qu’il était raisonnable pour la prestataire de compter sur son syndicat pour contester son congédiementNote de bas de page 24. Il fait valoir qu’il n’était pas raisonnable d’examiner plus tôt l’option de l’assurance‑emploi parce que la prestataire comptait sur son syndicatNote de bas de page 25. Le fils de la prestataire a cependant ajouté qu’il téléphonait à Service Canada. Les appels semblent avoir été faits en janvier 2022 ou avant. Il semble donc que le fils de la prestataire cherchait à savoir si la prestataire pouvait recevoir des prestations d’assurance‑emploi.

[30] Le 27 janvier 2022, le syndicat a envoyé un courriel à la prestataire pour lui dire qu’elle ne recevrait pas de lettre de licenciement de son employeurNote de bas de page 26. Il est possible que la division générale y ait fait référence lorsqu’elle a souligné qu’il était contradictoire que la prestataire attende une lettre de licenciement. Toutefois, il y a clairement eu une interruption de l’emploi de la prestataire parce qu’elle contestait son congédiement par l’entremise de son syndicat.

[31] Il était loisible à la division générale de noter qu’il y avait quelque chose d’incohérent dans le fait de dire qu’elle contestait son congédiement et qu’elle n’était pas encore congédiée parce qu’elle n’avait pas de lettre de licenciement. La division générale n’a manifestement commis aucune erreur au sujet de l’existence du conflit de travail, des propos du syndicat à la prestataire ou des explications qu’elle a fournies pour ne pas avoir présenté de demande plus tôt.

[32] La division générale a conclu que la prestataire n’avait pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à demander l’assurance‑emploiNote de bas de page 27. La division générale a conclu que dans la situation de la prestataire, une personne raisonnable et prudente aurait pris des mesures plus tôt pour s’informer au sujet des prestations. Elle a également souligné qu’il n’y avait pas de garanties que le syndicat de la prestataire aurait gain de cause dans le grief concernant son congédiement.

[33] Encore une fois, l’affaire ne porte pas sur la question de savoir si la prestataire avait de bonnes raisons de contester son congédiement par son employeur. Il s’agit plutôt d’établir si la prestataire avait un motif valable justifiant son retard à demander des prestations.

[34] J’accepte l’argument de la prestataire selon lequel elle croyait que le syndicat l’aidait à régler son problème avec son employeur. Pourtant, les prestations d’assurance‑emploi constituent une question distincte. La preuve montre que la prestataire tentait de se renseigner sur ses autres droits concernant l’assurance‑emploi depuis janvier 2022 ou avant.

[35] La division générale n’a commis aucune erreur de fait importante qui modifierait l’issue de la décision.

[36] La prestataire a obtenu la permission de faire appel pour obtenir une audience sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, le seul facteur à prendre en considération est de savoir s’il existe une cause défendable. Ce seuil est peu élevé. Cela signifie qu’une personne n’a qu’à avoir un argument éventuel selon lequel il y a eu une erreur dans la décision de la division générale.

[37] Pourtant, il existe une distinction à l’audience sur le fond de l’appel. À cette étape, il faut démontrer qu’il y a réellement une erreur. Il s’agit d’un seuil plus élevé que de simplement pouvoir montrer que vous pourriez avoir un argument. Dans cette affaire, la prestataire n’a pas démontré qu’il y avait une erreur dans la décision de la division générale.

[38] Il est possible que la division générale ait pu expliquer la contradiction qu’elle a relevée. Cependant, la division générale n’est pas tenue à une norme de perfection. Donc, même si la prestataire n’est pas d’accord avec la façon dont la division générale a décrit la preuve, elle ne l’a ni ignorée ni mal interprétée. Les conclusions de la division générale n’ont pas été tirées de façon abusive et arbitraire. La division générale a appliqué le bon critère juridique. Il n’y avait pas d’erreurs de fait importantes. Cela signifie qu’il n’y a pas d’erreur qui me permet d’intervenirNote de bas de page 28.

Conclusion

[39] La division générale n’a pas fondé sa décision sur des erreurs de fait importantes.

[40] L’appel est rejeté.

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