Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : TP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1972

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : T. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (627690) datée du 3 novembre 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Elyse Rosen
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 18 décembre 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 19 décembre 2023
Numéro de dossier : GE-23-3107

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté sous réserve de modification.

[2] L’appelant n’avait pas droit aux prestations d’assurance‑emploi du 10 janvier au 28 février 2021 parce qu’il n’était pas au Canada.

[3] Je ne crois pas que la Commission a mal informé l’appelant. Et même s’il l’avait été, il doit quand même rembourser les prestations qu’il a reçues et auxquelles il n’avait pas droit.

Aperçu

[4] L’appelant s’est blessé au dos au travail. Il a demandé et commencé à recevoir des prestations de maladie de l’assurance‑emploi à compter du 10 janvier 2021.

[5] L’appelant affirme qu’il avait besoin d’une intervention chirurgicale et de physiothérapie. Il est retourné chez lui en Inde pour obtenir ces traitements et se remettre de sa blessure.

[6] L’appelant a quitté le Canada le 30 décembre 2020 et est revenu le 1er mars 2021. Il n’a pas déclaré son absence du Canada dans ses déclarations bimensuelles. Il a donc continué de recevoir des prestations pendant qu’il était à l’étranger.

[7] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a appris de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’Agence) que l’appelant était à l’étranger pendant qu’il recevait des prestations. Elle a décidé qu’il était inadmissible à des prestations pendant qu’il n’était pas au CanadaNote de bas de page 1. En effet, la loi prévoit qu’une partie prestataire n’a pas droit à des prestations lorsqu’elle est à l’étranger, sauf dans certaines situations particulières. Selon la Commission, aucune de ces situations ne s’applique à l’appelant. Elle a délivré un avis de dette exigeant que l’appelant rembourse les prestations qu’il a reçues pendant qu’il était à l’étranger.

[8] La Commission a également infligé une pénalité et une violation parce que l’appelant n’a pas déclaré son absence du Canada. Elle indique qu’il a fait des déclarations qu’il savait fausses ou trompeuses dans ses déclarations bimensuelles. Toutefois, après que l’appelant lui eut demandé de réviser sa décision, la Commission a retiré la pénalité et la violation et a plutôt délivré un avertissement.

[9] L’appelant affirme qu’il s’est fié aux renseignements qu’il a obtenus de la Commission lorsqu’il a décidé de se rendre en Inde pour obtenir un traitement médical et lorsqu’il a rempli ses déclarations bimensuelles. Il prétend avoir fait ce que la Commission lui a dit de faire. Il soutient par conséquent qu’il ne devrait pas être tenu de rembourser les prestations qu’il a reçues pendant qu’il était à l’étranger.

Questions en litige

[10] L’appelant avait-il droit à des prestations pendant qu’il se trouvait à l’étranger?

[11] L’appelant peut-il conserver les prestations qu’il a reçues parce qu’il a été mal informé par la Commission?

Question que je dois d’abord trancher

L’appelant ne porte pas en appel la décision concernant l’avertissement

[12] À l’audience, j’ai demandé à l’appelant s’il faisait appel de son droit à des prestations pendant qu’il était à l’étranger et de la délivrance d’un avertissement.

[13] Je lui ai expliqué que s’il faisait appel de l’avertissement, je pourrais décider au bout du compte que la Commission aurait plutôt dû infliger une pénalité et une violation. Il a donc décidé de ne pas faire appel de cette question et de limiter l’appel à la question de son droit à des prestations pendant qu’il était à l’étranger.

[14] Je n’examinerai donc que la question de son droit à des prestations pendant qu’il est à l’étranger. L’avertissement demeure.

Analyse

L’appelant avait-il droit à des prestations pendant qu’il se trouvait à l’étranger?

[15] Je conclus que l’appelant n’avait pas droit à des prestations pendant qu’il était à l’étranger.

En général, les prestataires qui se trouvent à l’étranger n’ont pas droit à des prestations

[16] La loi prévoit que les parties prestataires qui ne sont pas au Canada n’ont, en général, pas droit à des prestationsNote de bas de page 2.

[17] Il existe des exceptions limitées et très précises à cette règle générale. Voici certaines situations dans lesquelles une partie prestataire peut continuer de recevoir des prestations pendant qu’elle est à l’étrangerNote de bas de page 3 :

  • Obtenir un traitement médical non disponible au Canada ou accompagner un membre de la famille immédiate qui désire obtenir un tel traitement.
  • Assister aux funérailles d’un membre de la famille immédiate.
  • Rendre visite à un membre de la famille immédiate malade.
  • Participer à une entrevue d’emploi.
  • Chercher du travail.

[18] Il existe également des exceptions très précises pour les prestataires qui reçoivent certains types de prestations spéciales, qui travaillaient à l’étranger ou qui sont à l’étranger parce qu’ils résident aux États-UnisNote de bas de page 4.

Est-ce que l’une ou l’autre des exceptions s’applique à l’appelant?

[19] Je conclus qu’aucune exception énoncée dans la loi ne s’applique à l’appelant. Par conséquent, il n’avait pas droit à des prestations pendant qu’il était à l’étranger.

[20] L’appelant recevait des prestations de maladie à la suite d’une blessure au dos. L’appelant est originaire de l’Inde. Il était au Canada muni d’un visa d’étudiant. Il soutient qu’il est retourné chez lui en Inde pour subir une intervention chirurgicale et obtenir des traitements de physiothérapie pour se remettre de sa blessureNote de bas de page 5.

[21] L’appelant admet que les traitements médicaux qu’il a reçus en Inde étaient disponibles au Canada. Cependant, il dit qu’il n’avait pas les moyens de les payer. En effet, il n’était pas admissible à l’assurance‑maladie provinciale et son assurance ne rembourserait qu’une petite partie des coûts. De plus, les traitements étaient plus chers au Canada qu’en Inde.

[22] L’appelant affirme qu’il avait également besoin de soins et de soutien pendant son rétablissement. Personne ne pouvait lui fournir ces soins et ce soutien au Canada.

[23] Il a donc choisi de se rendre en Inde, où le coût du traitement était moins élevé. En outre, des membres de sa famille pouvaient s’occuper de lui.

[24] Bien que je puisse comprendre pourquoi l’appelant a choisi de se rendre en Inde compte tenu de sa situation, ces circonstances ne correspondent à aucune des exceptions limitées qui sont énoncées dans la loi.

[25] Je ne suis donc pas en mesure de conclure que l’appelant avait droit à des prestations pendant qu’il se trouvait à l’étranger.

[26] La Commission a décidé que l’appelant n’avait pas droit à des prestations du 11 janvier au 26 février 2021. Je ne suis pas d’accord pour dire que ce sont les bonnes dates.

[27] Selon la jurisprudence, un prestataire n’est inadmissible au bénéfice des prestations que pendant des jours complets passés à l’étrangerNote de bas de page 6. L’appelant est parti en Inde le 30 décembre 2020 et est revenu le 1er mars 2021. Il affirme que le 1er mars 2021 était un jour de voyage et qu’il était au Canada pendant une partie de la journée. Je conclus donc que l’inadmissibilité devrait s’échelonner du 10 janvier (le jour où il a commencé à recevoir des prestations pendant qu’il était à l’étranger) au 28 février 2021 (le dernier jour complet de son séjour à l’étranger).

[28] L’appelant peut-il conserver les prestations qu’il a reçues parce qu’il a été mal informé?

[29] L’appelant affirme qu’il s’est fié aux renseignements qu’il a reçus de la Commission lorsqu’il a décidé de se rendre en Inde. Il soutient également qu’il a suivi ses instructions lorsqu’il a rempli ses déclarations bimensuelles. Il fait valoir qu’il ne devrait pas avoir à rembourser les prestations auxquelles il n’avait pas droit parce qu’il a été mal informé par la Commission. Je ne suis pas d’accord.

[30] L’appelant affirme avoir appelé la Commission avant de partir pour l’Inde. Il l’a fait pour savoir s’il continuerait d’obtenir des prestations s’il subissait son intervention chirurgicale et suivait sa physiothérapie dans ce pays. Il affirme que l’agent avec qui il a parlé a confirmé que ce serait le cas. Il soutient que l’agent lui a demandé d’indiquer dans ses déclarations bimensuelles qu’il était toujours au Canada parce que son voyage n’était pas effectué à des fins récréatives. On lui a dit que tant qu’il conservait des documents prouvant qu’il avait reçu un traitement médical en Inde, il n’aurait pas de problème et continuerait d’avoir droit à des prestations.

[31] L’appelant soutient qu’il s’est fondé sur ces renseignements pour prendre sa décision de se rendre en Inde pour recevoir des traitements. Il fait valoir que s’il avait su qu’il ne recevrait pas de prestations, il serait resté au Canada et y aurait été traité, malgré le coût.

[32] Il dit avoir parlé à un autre agent de la Commission pendant son séjour en Inde. Cet agent lui aurait dit qu’il n’y avait pas de délai précis pour remplir les déclarations bimensuelles et qu’il pourrait les remplir à son retour au Canada. Il soutient que l’agent a confirmé qu’il devait indiquer qu’il était au Canada lorsqu’il remplissait les déclarations.

[33] L’appelant a déclaré qu’il a répondu non à la question [traduction] « étiez‑vous à l’extérieur du Canada […] pendant la période visée par cette déclaration » dans ses déclarations bimensuelles, parce que c’est ce que la Commission lui a demandé de faire.

[34] J’estime que l’appelant n’est pas un témoin crédible. Je ne crois pas qu’il ait été mal informé par la Commission pour les raisons suivantes :

  • L’appelant a donné à l’agent de la Commission chargé d’examiner sa demande de révision une version des événements différente de celle qu’il m’a donnée à l’audienceNote de bas de page 7. Il a dit à l’agent que lorsqu’il a appelé la Commission pour la première fois, on lui a mentionné qu’il continuerait d’être admissible à des prestations tant qu’il demeurerait disponible pour travailler. Et il a dit qu’il croyait que l’agent avec qui il a parlé depuis l’Inde remplissait ses déclarations bimensuelles pour lui. Il n’a pas été question des faits dont il a témoigné à l’audience lors de ces conversations avec la Commission. Si ce qu’il m’a dit à l’audience était vrai, il aurait sûrement affirmé à la Commission la même chose qu’il m’a mentionnée à l’audience. Comme il ne l’a pas fait, cela m’amène à croire que ce qu’il m’a dit est faux.
  • Au cours du processus de révision, on a dit à l’appelant qu’il n’y avait aucune trace des conversations qu’il avait eues avec la Commission avant de partir pour l’Inde ou pendant qu’il y était. On lui a également dit que ses déclarations bimensuelles indiquaient qu’il les avait remplies lui-même et qu’elles n’avaient pas été remplies par un agent en son nom. Je crois qu’après avoir appris ces faits, il a modifié son récit pour tenter de le rendre conforme aux documents et aux renseignements (ou à l’absence de tels documents) au dossier.
  • L’appelant a également modifié son explication quant à la raison pour laquelle il a dit être au Canada dans ses déclarations bimensuelles. Au début, il a dit à la Commission qu’il croyait qu’un agent avait rempli ses déclarations bimensuelles pour lui; il suggérait ainsi que c’était l’agent, et non lui, qui avait saisi les fausses informations. Une fois qu’on lui a dit que cela ne pouvait pas être le casNote de bas de page 8, il a affirmé qu’il n’avait rempli ses déclarations qu’à son retour au Canada. Il a dit que selon sa compréhension des choses, il devait se trouver au Canada pour présenter une demande relativement à la période pendant laquelle il a rempli les déclarations, plutôt que relativement à la période visée par la demandeNote de bas de page 9. Toutefois, les déclarations produites par la Commission montrent que la plupart des déclarations ont été remplies pendant qu’il était encore en Inde. À l’audience, l’appelant a donc donné un troisième compte rendu pour tenter d’expliquer le tout. Il affirme maintenant que certaines déclarations pour la période pendant laquelle il était en Inde ont été remplies en Inde et que d’autres l’ont été au Canada après son retour. Il dit toutefois qu’il a toujours répondu qu’il se trouvait au Canada parce que c’est ce que les agents de la Commission à qui il a parlé lui ont dit de faire. Non seulement l’appelant a-t-il modifié son histoire à plusieurs reprises, mais aucune de ses histoires n’est crédible.
  • La Commission enregistre habituellement ses conversations avec les parties prestataires. Je peux accepter que certaines conversations ne soient pas enregistrées. Cependant, je juge très suspect que ni l’une ni l’autre des conversations que l’appelant prétend avoir eues au cours desquelles on lui a dit de dire qu’il était au Canada lorsqu’il a rempli ses déclarations n’a été consignée dans cette affaire.
  • J’estime difficile de croire que deux agents de la Commission auraient encouragé l’appelant à déclarer faussement qu’il était au Canada alors qu’il ne l’était pas. Et bien que les agents commettent parfois des erreurs, il est invraisemblable que l’appelant se soit fait dire qu’il avait droit à des prestations s’il avait demandé un traitement en Inde, sans tenir compte de la disponibilité du même traitement au Canada. Il est tout aussi invraisemblable que l’appelant se soit fait dire qu’il n’y a pas d’échéances pour remplir des déclarations bimensuelles et qu’il pourrait attendre son retour au Canada pour le faire.

[35] Compte tenu de toutes les incohérences dans son témoignage et de l’improbabilité que les choses se soient déroulées comme il l’a dit, je ne crois pas l’appelant. Je ne suis donc pas en mesure de conclure que l’appelant a été mal informé. Je ne peux pas non plus conclure qu’il s’est appuyé sur la désinformation de la Commission lorsqu’il a décidé d’aller en Inde ou lorsqu’il a rempli ses déclarations bimensuelles.

[36] Dans tous les cas, la jurisprudence indique que le fait de s’appuyer sur des renseignements erronés reçus d’un agent de la Commission ne donne pas à une partie prestataire le droit à des prestations auxquelles elle n’a pas droit autrement en vertu de la loiNote de bas de page 10. Donc, que les conversations dont il a témoigné aient eu lieu ou non, il doit néanmoins rembourser les prestations qu’il a reçues pendant qu’il était à l’étranger.

Conclusion

[37] L’appel est rejeté sous réserve de modification.

[38] L’appelant est inadmissible au bénéfice des prestations entre le 10 janvier et le 28 février 2021. En effet, il n’était pas au Canada ces jours‑là et aucune des exceptions prévues par la loi ne s’applique à lui.

[39] Je n’admets pas que l’appelant ait été mal informé par la Commission. Même s’il l’avait été, cela ne signifie pas qu’il peut conserver les prestations qu’il a reçues et auxquelles il n’avait pas droit. Il doit les rembourser.

[40] L’avertissement délivré par la Commission est maintenu.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.