Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1179

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. K.
Représentant : D. K.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance emploi du Canada (494234) datée du
15 juillet 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Lilian Klein
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 31 octobre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 21 décembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2691

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel de la prestataire. J’explique pourquoi dans la présente décision.

[2] La prestataire n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à demander des prestations. En d’autres termes, elle n’a pas donné d’explication que la loi considère comme un motif valable. Donc, elle ne peut pas obtenir d’antidatation.

[3] C’est donc dire que la demande de la prestataire ne peut être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt. Elle ne peut être antidatée au 31 octobre 2021. Elle ne peut commencer que le 13 mars 2022, soit le jour où elle a présenté une demande de prestations.

Aperçu

[4] La prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance‑emploi le 13 octobre 2022Note de bas de page 1. Elle demande maintenant que sa demande soit traitée comme si elle avait faite plus tôt, soit le 31 octobre 2021. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a déjà refusé d’antidater sa demande.

[5] Je suis maintenant saisie de la demande d’antidatation de la prestataire. Je dois décider si elle a prouvé qu’elle avait un motif valable justifiant la présentation d’une demande de prestations en retard. Pour que sa demande soit antidatée, la personne doit d’abord démontrer qu’elle avait un motif valable justifiant son retard.

[6] La Commission affirme que la prestataire n’avait pas de motif valable parce qu’une personne raisonnable dans sa situation aurait tenté de se renseigner plus tôt au sujet de ses prestations.

[7] La prestataire n’est pas d’accord. Elle affirme qu’elle n’a pas présenté de demande plus tôt parce qu’elle n’a aucune expérience de la présentation d’une demande d’assurance‑emploi, qu’elle ignorait que son employeur avait établi un relevé d’emploi et qu’elle n’était pas certaine de sa situation d’emploi.

[8] La prestataire affirme également que le syndicat lui a dit d’attendre avant de demander l’assurance‑emploi parce qu’il se battait toujours contre son [traduction] « congédiement »Note de bas de page 2.

La question que je dois trancher

[9] La demande de prestations de la prestataire peut‑elle être traitée comme si elle l’avait présentée plus tôt, soit le 31 octobre 2021? C’est ce qu’on appelle l’antidatation d’une demande.

Documents déposés après la tenue de l’audience

[10] La prestataire a présenté d’autres documents après l’audience. Je les ai acceptés parce qu’ils étaient pertinents pour son appel. Je les ai communiqués à la Commission et j’ai sollicité une réponse, mais elle n’a rien soumis d’autre.

Analyse

[11] Pour que sa demande initiale de prestations soit antidatée, une personne doit prouver deux chosesNote de bas de page 3 :

  1. a)  qu’elle avait un motif valable pendant toute la période de son retard; Autrement dit, qu’elle avait une explication acceptable selon la loi;
  2. b)  qu’à la date antérieure (c’est-à-dire la date à laquelle elle veut que sa demande initiale soit antidatée), elle était admissible aux prestations.

[12] Les arguments principaux dans cette affaire servent à décider si la prestataire avait un motif valable de tarder à demander des prestations. C’est donc par cette question que je commencerai.

[13] Pour démontrer qu’elle avait un motif valable, la prestataire doit prouver qu’elle a agi comme une personne raisonnable et prudente (réfléchie) l’aurait fait dans une situation semblableNote de bas de page 4. C’est donc dire qu’elle doit démontrer qu’elle a agi comme une personne raisonnable et réfléchie aurait agi.

[14] La prestataire doit démontrer qu’elle a agi ainsi pour toute la période du retardNote de bas de page 5. Cette période va de la date à laquelle elle veut que sa demande soit antidatée à la date à laquelle elle a présenté sa demande. Par conséquent, sa période de retard était du 1er novembre 2021Note de bas de page 6 au 12 mars 2022.

[15] La prestataire doit prouver qu’elle a pris des mesures raisonnablement rapides pour comprendre si elle pouvait recevoir des prestations et à quel moment elle devait en faire la demandeNote de bas de page 7. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’elle a essayé d’en apprendre davantage au sujet de ses droits et responsabilités dès que possible et du mieux qu’elle le pouvait. Si elle ne l’a pas fait, elle doit démontrer qu’il y avait des circonstances exceptionnelles pour expliquer son inactionNote de bas de page 8.

[16] La prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. C’est donc dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle avait un motif valable justifiant son retard.

Que dit la prestataire?

[17] La prestataire affirme qu’elle avait un motif valable puisqu’elle n’a aucune expérience de l’assurance‑emploi et qu’elle n’était pas certaine de sa situation d’emploi. Elle dit qu’elle attendait une lettre de licenciement.

[18] La prestataire affirme également qu’elle n’avait pas vu son relevé d’emploi. Elle ignorait qu’il avait été établi et qu’il indiquait qu’elle avait démissionné.

[19] La prestataire soutient que le syndicat lui a dit d’attendre avant de demander des prestations puisqu’il allait contester son congédiement. Elle affirme n’avoir ensuite eu aucune nouvelle du syndicat du début de novembre 2021 à la fin de janvier 2022Note de bas de page 9.

[20] La prestataire affirme que son fils a appelé la Commission à deux reprises pour vérifier ce qu’elle devrait faire au sujet de ses prestations, mais qu’il a conclu que le temps d’attente était trop long pour rester en attente.

Que dit la Commission?

[21] La Commission affirme que la prestataire n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable parce que rien ne l’empêchait de communiquer avec Service Canada pour demander comment et quand présenter une demande de prestations d’assurance‑emploi.

[22] La Commission affirme que la preuve contredit les déclarations de la prestataire selon lesquelles elle n’a reçu aucun renseignement ni délai au sujet de sa situation d’emploi. La Commission mentionne que la lettre de l’employeur datée du 22 octobre 2021 lui disait exactement ce qui se passerait — et quand — si elle ne se conformait pas à la politique de vaccination mise à jour.

Alors, la prestataire a-t-elle démontré qu’elle avait un motif valable justifiant son retard?

[23] Non. Je conclus que la prestataire n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à présenter une demande d’assurance‑emploi. Je conclus qu’une personne raisonnable et prudente se trouvant dans sa situation aurait pris des mesures beaucoup plus tôt pour vérifier ce qu’elle devait faire au sujet de ses prestations. Elle n’avait aucune garantie que son grief serait accueilli.

[24] Une personne raisonnable et prudente ne se serait pas fiée à un syndicat qui, selon la prestataire, ne lui a pas répondu du début de novembre 2021 à la fin de janvier 2022.

[25] J’accepte le témoignage de la prestataire établissant qu’une convention collective était en place du 1er avril 2018 au 31 mars 2021. Je constate que des mesures d’adaptation pour des motifs religieux et des exemptions médicales ont ainsi été possiblesNote de bas de page 10. La politique de vaccination de l’employeur, révisée ou revue pour la dernière fois par l’employeur le 3 septembre 2021, comprenait également des exemptions pour des motifs religieuxNote de bas de page 11.

[26] Toutefois, le présent appel vise uniquement à établir si la prestataire a démontré un motif valable justifiant son retard à demander des prestations. Il ne m’appartient pas de décider si son employeur devait inclure des exemptions pour des motifs religieux dans sa nouvelle politique de vaccination obligatoire.

[27] Je dois également tenir compte des éléments de preuve suivants. Ils démontrent que la prestataire a tardé à demander l’assurance‑emploi même si elle savait, selon la prépondérance des probabilités, que son emploi avait pris fin.

  1. Lorsqu’elle a tenté de se présenter au travail le 1er novembre 2021, elle a été renvoyée chez elle.
  2. Elle n’était plus rémunérée.
  3. La lettre de l’employeur datée du 22 octobre 2021 l’a avertie que c’est ce qui se produirait si elle ne se conformait pas à la nouvelle politique de vaccination.
  4. La lettre indiquait également qu’à compter du 15 décembre 2021, le personnel sans exemption pour des motifs médicaux qui n’était pas entièrement vacciné [traduction] « serait considéré comme s’étant volontairement retiré du service »Note de bas de page 12. La lettre indiquait que dans ces circonstances, la relation d’emploi prendrait fin [traduction] « sans autre avis »Note de bas de page 13.
  5. La prestataire affirme qu’elle travaillait avec le syndicat pour contester son congédiement. Il est donc contradictoire de dire qu’elle attendait une lettre de licenciement avant de présenter une demande d’assurance‑emploi.

[28] Cette preuve, prise globalement, me dit que la prestataire n’a aucun motif ferme de soutenir qu’elle a tardé à présenter une demande d’assurance‑emploi parce qu’elle ignorait qu’elle était sans emploi.

[29] Je conclus donc que la prestataire n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable de ne pas communiquer avec la Commission pour discuter de la façon et du moment de présenter sa demande de prestations.

[30] La Cour d’appel fédérale a déclaré que l’ignorance de la loi ne suffit pas à démontrer un motif valable, même si la personne agit de bonne foiNote de bas de page 14. Les décisions de la Cour d’appel fédérale sont exécutoires. Je dois donc les suivre.

[31] Je conclus donc que l’ignorance de la prestataire au sujet des règles et des délais de l’assurance‑emploi n’excuse pas son retard à demander des prestations.

[32] Je trouve que c’est particulièrement vrai lorsque je considère qu’elle aurait pu obtenir assez facilement des renseignements sur l’assurance‑emploi par téléphone, à partir d’un Centre Service Canada ou en effectuant une recherche en ligne.

La prestataire n’avait pas de circonstances exceptionnelles

[33] La prestataire n’a déclaré aucune circonstance exceptionnelle pour expliquer pourquoi elle n’a pas pris des mesures raisonnablement rapides pour se renseigner au sujet des prestations et en faire la demande.

[34] Je reconnais l’argument de la prestataire selon lequel elle a fait face à certains obstacles linguistiques pour tenter d’obtenir des renseignements au sujet de ses prestations. Toutefois, son fils, agissant comme représentant, a dit qu’il était chargé de formuler des demandes de renseignements en son nom.

[35] La prestataire a donc eu de l’aide pour obtenir des renseignements relatifs à l’assurance‑emploi. Son fils affirme cependant qu’il n’a tenté d’appeler la Commission que deux fois et qu’il n’avait pas eu le temps d’être mis en attente à ces occasions. La prestataire s’est présentée à un Centre Service Canada pour obtenir des conseils pour la première fois seulement au début de mars 2022.

[36] C’est donc dire que la prestataire n’avait aucune circonstance exceptionnelle à faire valoir pour expliquer son retard. Une longue attente pour parler à la Commission ne représente pas une circonstance exceptionnelle. Toutes les parties prestataires doivent attendre longtemps lorsque le volume d’appels est élevé.

[37] C’est pourquoi je conclus que la prestataire n’a pas agi comme l’aurait fait une personne raisonnable et prudente dans sa situation. Elle n’a pas déployé beaucoup d’efforts pour s’informer au sujet de son assurance‑emploi. Elle n’a donc pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à demander des prestations.

[38] Par conséquent, la demande de la prestataire ne peut être traitée comme si elle l’avait présentée plus tôt. Cela signifie que je n’ai pas à établir son admissibilité éventuelle à des prestations le 31 octobre 2021.

Conclusion

[39] La prestataire n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à demander des prestations pendant toute la période de son retard. Par conséquent, elle ne peut pas obtenir une antidatation de sa demande à une date antérieure.

[40] C’est donc dire que sa demande ne peut commencer que le 13 mars 2022, date à laquelle elle a demandé des prestations.

[41] C’est pourquoi je dois rejeter l’appel de la prestataire.

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