Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

La prestataire suivait une formation auprès de Postes Canada pour devenir factrice. Elle a été informée que son rendement était insatisfaisant lors d’une rencontre avec son superviseur. La prestataire a démissionné peu après. Elle soutient que son superviseur l’a mal renseignée et qu’il l’a incitée à quitter son poste de factrice.

La prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada ne lui a versé aucune prestation, comme elle avait conclu que la prestataire avait volontairement quitté son emploi sans justification. La Commission a maintenu sa décision après révision. La prestataire a alors fait appel à la division générale. Une fois de plus, la prestataire n’a pas eu gain de cause. La division générale a effectivement conclu que la prestataire avait choisi de quitter son emploi. Elle n’a pas cru au témoignage de la prestataire, qui prétendait que son superviseur lui avait dit de démissionner. Pour elle, ce n’était pas plausible. La division générale a aussi jugé que son départ n’avait pas été la seule solution raisonnable dans son cas. La prestataire aurait pu continuer à travailler ou s’adresser à son syndicat. La prestataire a porté la décision de la division générale en appel devant la division d’appel.

La prestataire et la Commission s’accordaient pour dire que la division générale avait commis une erreur, tout en divergeant sur l’erreur précise.

La division d’appel a conclu que la division générale avait commis une importante erreur de fait. Elle avait effectivement fondé sa décision sur une conclusion liée à la crédibilité qui était erronée, comme elle ne tenait pas bien compte de la preuve de la prestataire. La division générale s’est fiée à sa propre logique et au bon sens, plutôt qu’à la preuve, pour juger de ce qui était plausible dans la situation de la prestataire.

La division d’appel a accueilli l’appel et renvoyé l’affaire à la division générale, où une ou un autre membre procédera à un réexamen.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : TH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 345

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelante : T. H.
Représentante ou représentant : Gord Fischer
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Jessica Earles

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le
4 décembre 2023
(GE-23-2744)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 12 mars 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 8 avril 2024
Numéro de dossier : AD-24-21

Sur cette page

Décision

[1] J’accueille l’appel de T. H.

[2] La division générale a commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu que la preuve de la prestataire n’était pas crédible.

[3] Pour corriger (réparer) l’erreur, je renvoie l’affaire à la division générale pour qu’une ou un autre membre la réexamine.

Aperçu

[4] Je vais appeler T. H. la « prestataire » parce qu’elle a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[5] La prestataire suivait une formation pour devenir factrice chez X. Elle a rencontré sa superviseure et a été informée que son rendement au travail était insatisfaisant. Peu de temps après, elle a démissionné de son poste de factrice. Elle dit que sa superviseure l’a induite en erreur et l’a forcée à démissionner.

[6] La prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle avait quitté volontairement son emploi sans justification. Elle ne lui a donc pas versé de prestations. La prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision, mais la Commission a maintenu sa décision. La prestataire a donc fait appel à la division générale du Tribunal.

[7] La division générale a rejeté son appel. Elle a décidé qu’elle avait choisi de quitter son emploi. Elle n’a pas cru sa preuve montrant que sa superviseure lui avait dit de démissionner, car elle a jugé que ce n’était pas plausible. La division générale a également décidé que, dans les circonstances, son départ n’était pas la seule solution raisonnable qui s’offrait à elle. Elle aurait pu continuer à travailler ou communiquer avec le syndicat ou avec L. (qui travaillait pour les ressources humaines chez X).

[8] La prestataire et la Commission disent toutes deux que la division générale a commis une erreur, mais elles ne sont pas d’accord sur le type d’erreur. La prestataire affirme que la division générale n’a pas bien évalué les faits. La prestataire n’avait pas l’intention de démissionner. Je devrais donc annuler la décision de la division générale et accorder des prestations à la prestataire. La Commission, quant à elle, affirme que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle n’a pas pleinement cerné et analysé les faits pertinents. Cependant, elle affirme que l’erreur ne change pas le résultat. Je devrais donc rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

Question en litige

[9] Le présent appel comporte deux questions :

  • La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu que l’histoire de la prestataire, selon laquelle sa superviseure lui avait dit de démissionner de son emploi de factrice afin de pouvoir postuler pour un autre emploi à l’interne, n’était pas crédible?
  • Si la division générale a commis une erreur, comment dois-je la corriger?

Analyse

[10] La division générale et la division d’appel du Tribunal ne jouent pas le même rôle. La loi établit les types d’erreurs que la division d’appel peut prendre en considérationNote de bas de page 1. Si la prestataire démontre que la division générale a commis une erreur, la loi dit que je peux intervenir et la corrigerNote de bas de page 2. Si je conclus que la division générale n’a pas commis d’erreur, je dois rejeter l’appel de la prestataire.

[11] La division générale a commis une erreur de fait importante. Elle a fondé sa décision sur une conclusion selon laquelle la preuve de la prestataire au sujet de sa rencontre concernant son rapport de période probatoire avec sa superviseure n’était pas crédible. (J’appellerai cela la conclusion sur la crédibilité.) Cependant, lorsqu’elle a tiré sa conclusion sur la crédibilité, elle a ignoré et mal interprété la preuve de la prestataire. Elle s’est fondée à tort sur sa propre logique et son bon sens, plutôt que sur la preuve dont elle disposait.

[12] Je renvoie l’affaire de la prestataire à la division générale pour qu’une ou un autre membre la réexamine.

[13] Le reste de la présente décision explique mes motifs.

La conclusion erronée de la division générale sur la crédibilité a entraîné une erreur de fait importante

[14] Les questions de crédibilité sont des questions de fait. Lorsque la division générale conclut qu’une preuve n’est pas crédible, elle doit l’expliquer de façon détailléeNote de bas de page 3.

[15] La division d’appel peut seulement intervenir lorsque la division générale fonde sa décision sur une conclusion de crédibilité qu’elle a tirée en ignorant, en comprenant mal ou en interprétant mal la preuveNote de bas de page 4. Autrement dit, la preuve va carrément à l’encontre de la conclusion sur la crédibilité ou ne l’appuie pasNote de bas de page 5. J’appellerai cela une erreur de fait importanteNote de bas de page 6.

La loi sur le départ volontaire sans justification

[16] Le critère juridique pour décider si une partie appelante a quitté volontairement son emploi est simple. La question est la suivante : la personne avait-elle le choix de rester ou de partirNote de bas de page 7? Si elle avait le choix de quitter son emploi, son départ était volontaire. La Commission doit prouver que la personne a quitté volontairement son emploi (qu’elle a démissionné). J’appellerai cela le critère juridique du départ volontaire.

[17] Si la Commission peut prouver que la personne a quitté volontairement son emploi, pour obtenir des prestations, la personne doit démontrer qu’elle était fondée à quitter son emploi dans toutes les circonstances présentes au moment où elle a démissionnéNote de bas de page 8. Les tribunaux ont affirmé qu’une personne doit démontrer que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans toutes les circonstances. La Loi sur l’assurance-emploi énumère certaines circonstances dont le Tribunal doit tenir compte. La personne peut aussi s’appuyer sur d’autres circonstances pour démontrer qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi. J’appellerai cela le critère juridique de la justification.

Les arguments des parties

[18] À l’audience, la prestataire a soutenu que la division générale avait commis une erreur de fait. La prestataire n’a pas quitté volontairement son emploi parce qu’elle n’avait pas l’intention de quitter son employeur.

[19] Cependant, l’argument écrit de la prestataire était axé sur le critère juridique de la justification. Elle soutient qu’un examen approfondi et approprié des faits aurait eu pour effet de lui donner droit à des prestationsNote de bas de page 9. La division générale a donc tiré la conclusion erronée que son témoignage n’était pas crédibleNote de bas de page 10. Elle a cité la décision Faryna c Chorny à l’appui de son argumentNote de bas de page 11.

[20] La Commission a concédé que la division générale avait commis une erreur de droit en [traduction] « omettant de cerner et d’analyser pleinement les faits nécessaires auxquels le critère juridique aurait dû être appliqué »Note de bas de page 12. La Commission soutient que la division générale a commis cette erreur en se basant sur le critère juridique du départ volontaire.

[21] Je vais me concentrer sur la question de savoir si la division générale a commis une erreur de fait selon le critère juridique de la justification, et ce, pour trois raisons.

  • Premièrement, l’argument de la Commission ne porte pas sur une erreur de droit. Dans ses observations écrites et à l’audience, elle a décrit une erreur de fait, et non de droit.
  • Deuxièmement, la prestataire soutient que la conclusion de la division générale sur la crédibilité est erronée. La division générale tire sa conclusion sur la crédibilité en se basant sur le critère juridique de la justification, et non le critère juridique du départ volontaire.
  • Troisièmement, je suis d’accord avec la Commission et la division générale sur le fait qu’une personne qui démissionne de son emploi (alors qu’elle avait le choix de le faire ou de continuer à travailler) a quitté volontairement son emploi (démissionné)Note de bas de page 13. Nul ne conteste que la prestataire a écrit et envoyé une lettre de démission de son emploi de factrice. Et il n’est pas non plus contesté que ce faisant, elle a mis fin à sa relation d’emploi avec X. Elle avait le choix de donner sa démission, même si elle aurait pu continuer à travailler comme factrice. Son intention n’est pas pertinente au critère juridique du départ volontaire. De plus, le fait que le résultat n’était pas ce à quoi elle s’attendait n’est pas pertinent.

Conclusion sur la crédibilité de la division générale

[22] La division générale devait vérifier si la prestataire avait subi des pressions ou de la contrainte indues pour démissionnerNote de bas de page 14. Elle a tiré une conclusion sur la crédibilité fondée sur la plausibilité. (C’est moi qui souligne.)

[39] Je juge que le témoignage de l’appelante n’est pas crédible, car il n’est pas plausible qu’on lui ait dit de donner sa démission lors de la rencontre avec sa superviseure.

[40] Je juge que ce n’est pas plausible parce que cela n’a aucun sens. Créer un faux rapport de période probatoire et mentir à l’appelante en lui disant qu’elle pouvait seulement quitter son poste pour tenter de la forcer à démissionner n’entraînerait qu’une seule chose, la fin du statut d’employée de l’appelante. Celle-ci n’a jamais mentionné qu’il y avait des problèmes ou de l’animosité entre elle et la superviseure, ni une raison plausible pour laquelle la superviseure voudrait essayer de la faire démissionner en lui mentant. J’estime qu’il n’est pas plausible que la superviseure ait falsifié un rapport de période probatoire, puis qu’elle ait tenté de convaincre l’appelante de démissionner pour aucune raison particulière.

[...]

[42] Toutefois, je juge que le fait qu’une superviseure explique à une employée que son rendement ne répond pas à ses attentes et qui lui dit quelles seront les conséquences si elle continue ainsi ne constitue pas de la pression ou de la coercition indue. Ce n’est pas seulement quelque chose qu’un superviseur devrait faire dans sa position, mais c’est quelque chose qu’il est obligé de faire. Si un membre du personnel ne sait pas ce qu’il doit améliorer, il ne peut pas changer la façon dont il fait les choses. De plus, faire comprendre à une employée qu’il est important de répondre aux attentes en expliquant ce qui peut arriver si elle ne le fait pas est également un aspect légitime du travail d’un superviseur.

[23] La division générale devait décider si la prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi dans les circonstances qui existaient au moment de son départ. Elle a tiré une conclusion sur la crédibilité fondée sur la logique et le témoignage de la prestataire. (C’est moi qui souligne.)

[51] Toutefois, le témoignage de l’appelante à ce sujet ne correspond pas à ses gestes, et ce n’est pas logique dans le contexte de son propre témoignage.

[52] Premièrement, ce n’est pas logique dans le contexte du témoignage de l’appelante parce que ce qu’elle craignait en parlant à L. était de déranger sa superviseure. Cependant, selon le témoignage de l’appelante, sa superviseure était déjà fâchée contre elle parce qu’elle essayait de la convaincre de démissionner et qu’elle avait fait de fausses allégations dans son rapport de période probatoire. Par conséquent, ne pas parler à L. pour essayer d’éviter quelque chose qui, selon l’appelante, s’était déjà produit n’est pas logique.

Témoignage de la prestataire au sujet de la rencontre et de son lieu de travail

[24] J’ai écouté l’audience de la division générale. La prestataire a affirmé ce qui suit :

  • Elle avait travaillé pour une entreprise de sécurité extérieure pendant de nombreuses années au dépôt principal de X (écoutez l’enregistrement de l’audience à 6 min, à 7 min 30 s et à 41 min 20 s).
  • Elle avait de la difficulté à suivre sa formation de factrice et sa formation en cours d’emploi avait été moins organisée que celle de ses collègues en formation (13 min 40 s).
  • Lorsqu’une représentante ou un représentant syndical assiste à une rencontre entre un membre du personnel et une superviseure ou un superviseur, la direction ne peut pas simplement congédier la personne parce que le syndicat s’y opposera (16 min).
  • D’après son expérience, ce n’était pas une bonne idée de remettre en question ce que la superviseure lui a dit ou suggéré de faire ou d’aller à l’encontre de ce qu’elle a dit ou suggéré de faire, car elle aurait une mauvaise réputation et gâcherait tout. C’est pourquoi elle n’a pas communiqué avec L. quand la superviseure lui a dit qu’elle le ferait (39 min 50 s et 45 min 50 s).
  • Elle a fait tellement d’efforts pour faire partie de l’entreprise qu’elle ne voulait pas que quelque chose vienne tout gâcher (43 min 50 s).
  • La façon dont X fonctionne est [traduction] « vraiment spéciale, je ne comprends pas ». Par exemple, lorsqu’elle travaillait comme employée contractuelle, elle a signalé qu’un gardien dormait alors qu’il était en service et c’est elle qui a été mal vue pour avoir causé du tort au gardien (41 min 20 s).
  • Au dépôt, les gens jasent. C’est incroyable. S’il se produit quelque chose, les gens en parlent, et tout le monde finit par le savoir (46 min 45 s).

[25] La prestataire n’a pas déclaré que sa superviseure était fâchée contre elle. Elle a affirmé à plusieurs reprises qu’elle voulait éviter d’aller à l’encontre de sa superviseure ou de la contrarier.

Ce que les tribunaux ont dit au sujet des conclusions sur la crédibilité fondées sur la plausibilité, la logique et le bon sens

[26] La décision sur laquelle la prestataire s’appuie (Faryna c Chorny) portait sur la façon dont le juge du procès devrait évaluer la crédibilité en fonction du comportement d’un témoin. Le comportement est la façon dont une personne agit et se présente. La division générale n’a pas évalué la crédibilité de la prestataire en fonction de son comportement.

[27] Les décisions les plus pertinentes proviennent du droit de l’immigration et du droit pénal. Dans les décisions que j’ai examinées, le juge ou le membre du tribunal avait évalué la crédibilité du témoignage des témoins en utilisant la logique et le bon sens pour tirer des conclusions sur ce qui était plausible. Les juges des faits peuvent s’appuyer sur la logique, le bon sens et l’expérience pour évaluer la crédibilitéNote de bas de page 15. Ils peuvent aussi décider ce qui est considéré comme du bon sens et comment le bon sens s’applique.

[28] Cependant, le juge des faits ne peut pas substituer le bon sens et l’expérience humaine à la preuve ou faire des déductions fondées sur le bon sens qui manquent de fondement factuel fiable. Le juge des faits doit donc éviter de juger la crédibilité en se fondant sur des généralisations ou sur des faits qui ne faisaient pas partie de la preuve. De plus, le juge des faits ne devrait pas tirer de conclusions sur la crédibilité en se fondant sur des déductions stéréotypées sur le comportement humainNote de bas de page 16. Par « stéréotypé », on entend les hypothèses sur la façon dont une personne est censée agir dans une situation donnée qui sont préjudiciables à la personne dont la crédibilité est en causeNote de bas de page 17.

[29] Enfin, la Cour fédérale a déclaré que les conclusions sur la plausibilité ne devraient être tirées que dans les cas les plus clairsNote de bas de page 18. Par cas le plus clair, on entend les cas où les faits ne correspondent pas à ce à quoi on pouvait raisonnablement s’attendre. Ou lorsque la preuve documentaire démontre que les événements n’auraient pas pu se produire de la façon dont le témoin a dit qu’ils s’étaient produits. En effet, les conclusions d’invraisemblance sont intrinsèquement des évaluations subjectivesNote de bas de page 19. Ils dépendent en grande partie de la perception que la ou le membre du Tribunal a de ce qui est considéré comme un comportement rationnel.

La division générale a commis une erreur en ignorant la preuve et en se fiant à tort sur la plausibilité fondée sur sa propre logique et ses suppositions reposant sur le bon sens

[30] La division générale a commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu que la preuve de la prestataire n’était pas crédible. Elle a tiré cette conclusion principalement en se fondant sur son évaluation subjective de ce qui était logique, plutôt que sur les éléments de preuve pertinents.

[31] J’ai souligné ci-dessus les sections problématiques de l’analyse de la crédibilité et des conclusions de la division générale. Ces sections montrent que la conclusion de la division générale sur la crédibilité est erronée de deux façons.

[32] Premièrement, la division générale devait soupeser les éléments de preuve pertinents et tirer des conclusions de fait fondées sur les éléments portés à sa connaissance. Elle ne l’a pas fait.

[33] La prestataire a témoigné au sujet de son milieu de travail. Cette preuve n’a pas été contredite. La division générale a ignoré cette preuve. Elle a plutôt tiré sa conclusion sur la crédibilité en se fondant sur sa propre vision de ce qui était logique, c’est-à-dire ce qui était plausible et logique dans une relation employé-superviseur idéale ou stéréotypée.

[34] Elle a ignoré la preuve de la prestataire selon laquelle son milieu de travail n’était pas idéal et était difficile à comprendre et à naviguer. Elle s’est appuyée en partie sur le fait que la prestataire n’avait pas répondu ou expliqué cela dans son témoignage. Autrement dit, elle s’est appuyée sur le fait qu’il n’y avait aucune preuve à ce sujet, même si elle n’avait pas demandé à la prestataire de fournir des explications.

[35] Deuxièmement, la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que la superviseure de la prestataire était déjà fâchée contre elle, en se fondant sur sa propre logique plutôt que sur la preuve. Rien ne prouve que sa superviseure était fâchée contre elle.

[36] La division générale a ensuite fondé sa décision sur sa conclusion erronée liée à la crédibilité. Elle a conclu que la prestataire n’avait pas subi de pressions excessives et qu’elle n’avait pas été forcée de démissionner (paragraphes 38 à 45). Ensuite, la division générale a conclu que, comme cette circonstance n’existait pas, elle avait d’autres solutions raisonnables que de démissionner quand elle l’a fait.

[37] Au paragraphe 48, la division générale écrit que, même si la prestataire avait subi des pressions excessives pour démissionner et qu’on lui avait dit de le faire, son départ n’aurait pas été la seule solution raisonnable dans son cas. Autrement dit, la division générale affirme qu’elle n’a pas rejeté l’appel de la prestataire en raison de sa conclusion sur la crédibilité. Elle l’aurait rejeté de toute façon.

[38] Logiquement, c’est plausible. Cependant, dans les circonstances de l’appel, je n’accepte pas ce raisonnement. La division générale a ignoré la preuve de la prestataire au sujet du contexte et de la dynamique de son milieu de travail. Ces éléments de preuve pourraient démontrer que la prestataire a subi des pressions excessives ou qu’elle a été forcée de démissionner. Si elle a été en mesure de le démontrer, la division générale devait alors tenir compte des « pressions excessives » lorsqu’elle a envisagé d’autres solutions raisonnables que celle de démissionner dans les circonstances.

Résumé de l’erreur de fait importante de la division générale

[39] Pour résumer cette section, la division générale a commis une erreur de fait importante. Elle a fondé sa décision sur sa conclusion liée à la crédibilité. Cependant, cette conclusion était erronée. Pour y arriver, elle a ignoré et mal interprété la preuve de la prestataire. De plus, elle s’est fondée sur sa propre logique et son bon sens, plutôt que sur la preuve, pour décider ce qui était plausible dans la situation de la prestataire.

Corriger l’erreur en renvoyant l’affaire à la division générale

[40] La loi me donne le pouvoir de corriger (réparer) l’erreur de la division générale. Dans les appels comme celui-ci, je vais habituellement corriger l’erreur :

  • en renvoyant l’affaire à la division générale pour qu’elle soit réexaminée ou;
  • en rendant la décision que la division générale aurait dû rendre en se fondant sur la preuve portée à sa connaissance, sans tenir compte de nouveaux éléments de preuveNote de bas de page 20.

Ce que les parties disent que je devrais faire

[41] Les deux parties disent que je devrais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Cependant, elles ne sont pas d’accord sur le résultat.

[42] La prestataire dit que je devrais lui accorder des prestations parce qu’elle n’avait pas l’intention de démissionner. Elle n’a donc pas quitté volontairement son emploi.

[43] La Commission affirme que l’erreur de la division générale n’a pas d’importance parce que les intentions de la prestataire ne sont pas pertinentes au regard du critère juridique du départ volontaire. L’erreur ne change donc pas l’issue de l’appel. Et je devrais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

[44] La division générale tranche activement les appels. Elle peut décider des questions à régler, fournir des renseignements sur la preuve et poser des questions aux partiesNote de bas de page 21.

[45] La crédibilité était une question en litige dans l’appel de la division générale, et c’est la question pour laquelle la division générale a commis une erreur de fait importante. Dans son argumentation écrite à la division générale, la Commission a inclus un paragraphe détaillé sur la crédibilitéNote de bas de page 22. Cependant, à l’audience, la division générale n’a pas soulevé la question de la crédibilité (ou de la contradiction entre la preuve de la prestataire et celle de sa superviseure). Elle n’a pas non plus demandé à la prestataire d’expliquer pourquoi sa superviseure aurait pu l’induire en erreur en lui disant qu’elle devait démissionner. Cela a entraîné une lacune importante dans la preuve.

[46] Par souci d’équité envers la prestataire, je renvoie l’affaire à la division générale. Cela lui donnera l’occasion de présenter pleinement sa preuve et ses arguments au sujet des circonstances qui l’ont amenée à donner sa démission. De plus, elle pourra aussi aborder des éléments de preuve contradictoires et des questions liées à la crédibilité.

[47] Cette réparation respecte le rôle de la division générale en tant que principal juge des faits dans les appels en matière d’assurance-emploi, y compris celui de tirer des conclusions liées à la crédibilité fondées sur la preuve.

Conclusion

[48] J’accueille l’appel de la prestataire. La division générale a commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a fondé sa décision sur une conclusion concernant la crédibilité qui a été tirée en interprétant mal la preuve et qui ne s’appuie pas sur celle-ci.

[49] Pour corriger (réparer) cette erreur, je renvoie l’affaire à la division générale pour qu’une ou un autre membre la réexamine.

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