Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NR c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2024 TSS 199

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : N. R.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Angele Fricker

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 29 avril 2023
(GE-22-3804)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 février 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 28 février 2024
Numéro de dossier : AD-23-545

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel de N. R.

[2] La division générale a commis des erreurs. Pour corriger ces erreurs, j’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre.

[3] Cependant, ma décision ne modifie pas l’issue de l’appel de N. R. Il n’a pas démontré que je devrais prolonger le délai pour qu’il dépose sa demande de révision.

[4] Cela signifie que la Commission de l’assurance‑emploi du Canada n’a pas à décider si elle devrait lui verser des prestations pour la période du 18 juillet au 19 août 2019.

Aperçu

[5] J’appellerai N. R. le prestataire parce qu’il a demandé des prestations d’assurance‑emploi.

[6] Le prestataire affirme que depuis 2016, il éprouve des problèmes de santé continus causés par son travail. Il a dû traiter avec de nombreux organismes et fournisseurs de soins de santé pour obtenir une rémunération et des prestations – prestations d’invalidité de longue durée privée, prestations de maladie de l’assurance‑emploi et indemnisation des accidents du travail. Il dit en être ressorti brisé.

[7] En 2019, le prestataire a demandé à la Commission de lui envoyer une lettre indiquant les prestations d’assurance‑emploi qu’elle lui avait versées dans le cadre de sa demande. La Commission lui a fait parvenir une lettre datée du 12 juillet 2019 (lettre de juillet 2019). La lettre mentionnait qu’il avait le droit de demander une révision.

[8] Plus tard, il a découvert qu’il n’avait pas touché de revenu d’emploi ni reçu de prestations au cours de trois périodes, soit deux en 2016 et une en 2019. (La période de 2019 s’étendait du 18 juillet au 19 août 2019.) Il a donc écrit à la Commission pour lui demander de recevoir des prestations pour ces trois périodesNote de bas de page 1. La Commission a reçu cette lettre le 6 octobre 2022 (lettre d’octobre 2022).

[9] La Commission a traité sa lettre d’octobre 2022 comme une demande de révision de sa lettre de juillet 2019Note de bas de page 2. Elle a décidé que le prestataire n’avait pas respecté le délai de 30 jours pour déposer une demande de révision. Et elle a refusé de prolonger le délaiNote de bas de page 3. J’appellerai cela la question de la révision tardive.

[10] Le prestataire a fait appel auprès de la division générale. La division générale a rejeté son appel. Elle a dit qu’elle n’avait pas compétence pour décider de ce qu’elle considérait comme la véritable question en litige dans l’appel, à savoir si le prestataire était admissible à des prestations d’assurance‑emploi pour les trois périodes, en 2016 et 2019.

[11] Le prestataire a fait appel devant la division d’appel. (À la division d’appel, le prestataire a déclaré qu’il ne demandait plus de prestations pour 2016.) Le prestataire et la Commission affirment tous deux que la division générale a commis une erreur. Cependant, ils ne s’entendent pas sur celle‑ci. En outre, ils ne conviennent pas de la façon dont je devrais corriger une erreur si j’en trouve une.

Questions en litige

[12] Il y a trois questions en litige dans le présent appel :

  • La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu que la lettre de juillet 2019 de la Commission n’était pas une décision?
  • La division générale a-t-elle commis une erreur de compétence lorsqu’elle n’a pas tranché la question de la révision tardive?
  • Si la division générale a commis une erreur, devrais‑je prendre la décision qu’elle aurait dû prendre?

Analyse

[13] La division générale a commis des erreurs dans sa décision. Elle a conclu par erreur que la Commission n’avait pas pris de décision au sujet des prestations du prestataire dans sa lettre de juillet 2019. Ensuite, elle n’a pas tranché la question qu’elle aurait dû trancher en appel.

[14] Pour corriger ces erreurs, j’ai pris la décision qu’elle aurait dû prendre.

[15] J’explique dans la suite de cette décision la teneur de ma décision et mes motifs.

[16] Le rôle de la division d’appel diffère de celui de la division générale. La loi me permet d’intervenir dans une décision de la division générale et de la corriger lorsqu’une partie prestataire peut démontrer que la division générale :

  • a outrepassé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer (erreur de compétence)
  • a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 4.

La division générale a commis une erreur de fait importante

[17] La division générale commet une erreur de fait importante si elle fonde sa décision sur une conclusion de fait tirée en ne tenant pas compte de la preuve, en la comprenant mal ou en l’interprétant malNote de bas de page 5. Autrement dit, lorsqu’elle tire une conclusion de fait qui va directement à l’encontre de la preuve ou qui n’est pas étayée par celle‑ciNote de bas de page 6.

[18] À la division d’appel — pour la première fois dans cette affaire — la Commission a dit qu’elle avait commis une erreurNote de bas de page 7. Elle n’aurait pas dû traiter la lettre d’octobre 2022 du prestataire comme une demande de révisionNote de bas de page 8. La Commission affirme qu’il n’y a eu aucune décision défavorable dans la lettre de juillet 2019 qu’elle a envoyée au prestataire. La lettre ne confirmait que les prestations demandées et reçues par le prestataire dans sa demande.

[19] Je ne suis pas d’accord avec la Commission. Et je conclus que la division générale a commis une erreur ou a mal compris la lettre de juillet 2019 de la Commission lorsqu’elle s’est entendue avec cette dernière à ce sujet.

[20] Cette lettre énonce notamment ce qui suit :

Vous avez reçu des indemnités pour accident du travail du 27 mai 2018 au 22 septembre 2018. Par conséquent, tous les paiements au cours de cette période constituent maintenant un versement excédentaire et doivent être remboursés. Toutes les semaines non payables en raison des indemnités ne comptent pas comme ayant été payées en raison de ce rajustement [mis en évidence par le soussigné].

[21] J’ai examiné la preuve soumise à la division générale. Celle‑ci comprend les lettres de la Commission au prestataire, les notes de ses appels avec le prestataire et les notes portant sur les décisions qu’elle a prises. La lettre de juillet 2019 portait sur une demande en coursNote de bas de page 9. La demande était complexe. Il s’agissait de la conversion de prestations de maladie en prestations régulières, puis d’une reconversion en prestations de maladie.

[22] Dans une lettre du 12 décembre 2018, la Commission a rendu rétroactivement le prestataire inadmissible parce qu’il n’a pas fourni de renseignements au sujet de ses indemnitésNote de bas de page 10. Cela signifiait qu’il avait reçu un versement excédentaire et accumulé une dette. Il a demandé la révision de cette décisionNote de bas de page 11.

[23] La lettre de juillet 2019 de la Commission comprend une nouvelle décision. La Commission a rendu le prestataire inadmissible en raison des renseignements qu’il lui a fournis au sujet des indemnités qu’il a reçues. De plus, elle avait le pouvoir légal de créer un versement excédentaire et une dette parce qu’il a reçu ces prestations. Elle lui a également dit pour la première fois comment ses indemnités ont influé sur les prestations régulières et de maladie restantes auxquelles il pourrait avoir droit en vertu de sa demande. La Commission reconnaît que la demande n’avait pas pris fin et que le prestataire n’avait pas reçu toutes les semaines de prestations visées par la demandeNote de bas de page 12.

[24] La division générale a décidé que la Commission n’avait pas rendu de décision dans sa lettre de juillet 2019Note de bas de page 13. C’est inexact. La division générale a commis une erreur factuelle à cet égard. Et la division générale a fondé sa décision sur cette erreur lorsqu’elle a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour trancher la question de la demande de révision tardive. Il s’agissait de la question soulevée dans la décision de révision de la Commission. La division générale a donc fondé sa décision sur une erreur de fait importante.

La division générale n’a pas tranché la question qu’elle devait trancher

[25] La division générale commet une erreur si elle outrepasse son pouvoir décisionnel ou refuse de l’exercerNote de bas de page 14. Autrement dit, la division générale commet une erreur si elle tranche une question sur laquelle elle n’a pas le pouvoir de statuer ou si elle ne décide pas d’une question qu’elle doit trancher. En droit, ce sont des erreurs de compétence.

[26] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de compétence lorsqu’elle n’a pas tranché la question visée par l’appelNote de bas de page 15. Il s’agissait de la question de la demande de révision tardive.

[27] À l’audience, le prestataire a dit avoir constaté de nombreuses erreurs qui, selon lui, auraient été commises. Il a dit qu’il ne s’en souciait plus et qu’il en avait assez de la situation.

[28] Je suis d’accord avec la Commission et je compatis beaucoup avec le prestataire au sujet de ce qu’il a dit.

[29] Les décisions de révision ne sont pas toujours détaillées. Parfois, elles n’utilisent pas les mots ou les concepts des articles de la Loi sur l’assurance-emploi sur lesquels la Commission s’est fondée pour prendre la décision. Le cas échéant, le Tribunal peut adopter une approche générale à l’égard de sa compétence, dans les limites de la loi, pour gérer les appels de façon juste et efficace. Cette approche générale permet à la division générale d’examiner les demandes sous-jacentes et les décisions de la Commission pour déterminer la portée de la décision de révisionNote de bas de page 16.

[30] La division générale a adopté une « approche générale » à l’égard de sa compétence dans cet appelNote de bas de page 17 (Je suppose qu’elle l’a fait pour régler efficacement la question que le prestataire voulait régler.) Cependant, elle n’aurait pas dû le faire.

[31] Le prestataire pourrait porter une question en appel devant la division générale. Cela ressort clairement de la décision de révision. Il s’agissait du refus de la Commission de prolonger le délai de 30 jours pour déposer sa demande de révision de la lettre de décision de la Commission datée de juillet 2019. La division générale devait décider si la demande de révision du prestataire était tardive. Et dans l’affirmative, elle devait décider si la Commission a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a refusé de repousser le délai.

[32] La division générale n’était pas d’accord pour dire qu’il s’agissait de la question en litige dans l’appel.Note de bas de page 18 Elle n’a donc pas tranché cette question. Il s’agissait d’une erreur de compétence.

[33] La division générale a également dit qu’il incombait à une partie prestataire de décider ce qu’elle veut porter en appel devant le TribunalNote de bas de page 19. Je ne suis pas d’accord.

[34] La division générale obtient son pouvoir de trancher une question juridique découlant de la décision de révision de la Commission et de l’appel fait par une partie prestataire de cette décision devant la division généraleNote de bas de page 20.

[35] Une partie prestataire peut choisir si elle porte en appel la décision de révision de la Commission devant le Tribunal. Toutefois, si elle décide de le faire, elle ne peut pas faire porter l’appel sur une question qui ne fait pas l’objet de la décision de révision de la Commission. De plus, la division générale ne peut pas donner à une partie prestataire — ou se conférer à elle-même — le pouvoir de le faire.

[36] Lorsque le Tribunal adopte une approche trop large à l’égard de sa compétence, il risque de dépasser les limites de la loi. Et cela peut aller à l’encontre de l’objectif de gérer les appels de façon juste et efficace.

Corriger l’erreur en rendant la décision que la division générale aurait dû rendre

[37] La loi me donne le pouvoir de corriger (rectifier) les erreurs de la division générale. Dans des appels comme celui‑ci, j’ai l’habitude

  • de renvoyer le cas à la division générale pour réexamen, ou
  • de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre (en se fondant sur la preuve présentée par la division générale sans tenir compte de nouveaux éléments de preuve).

[38] J’ai demandé au prestataire ce qu’il voulait que je fasse. Il s’est dit incapable de répondre à ma demande. Il n’avait rien à dire.

[39] La Commission soutient que je devrais renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’elle réexamine la question de la demande de révision tardive. La Commission a également présenté un argument subsidiaire. Elle est d’accord avec moi pour rendre la décision que la division générale aurait dû rendre à deux conditions. Premièrement, si je conclus que la preuve présentée à la division générale était complète. Deuxièmement, si le prestataire est d’accord pour que je prenne la décision.

[40] J’ai écouté l’enregistrement de l’audience et j’ai examiné les autres éléments de preuve devant la division générale. Même si la division générale n’a pas tranché la question de la révision tardive, l’audience portait sur cette question. La division générale a posé des questions au prestataire en fonction des critères juridiques pour trancher la question de la révision tardive, y compris le critère de prolongation du délai de 30 joursNote de bas de page 21.

[41] Les parties ont donc eu une occasion complète de présenter des éléments de preuve à la division générale sur les questions en litige dans l’appel du prestataire. J’ai la preuve dont j’ai besoin pour rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. C’est ce que je ferai maintenant.

Demande de révision tardive : les questions que je dois trancher

[42] La loi prévoit qu’une personne peut demander à la Commission de réviser sa décision dans les 30 jours suivant la date à laquelle elle lui communique la décisionNote de bas de page 22. Si la personne ne dépose pas sa demande avant cette date limite, sa demande est tardive.

[43] Cependant, la Commission peut prolonger le délai pour déposer une demande de révisionNote de bas de page 23. Le Règlement sur les demandes de révision (Règlement sur les révisions) énonce le critère juridique que la Commission doit utiliser lorsqu’elle décide de reporter ou non le délai.

[44] Pour trancher l’appel du prestataire, je dois prendre en considération les questions suivantes :

  • Sa demande de révision était‑elle en retard et, si c’était le cas, de combien de temps?
  • La Commission a-t-elle agi de façon judiciaire lorsqu’elle a refusé de prolonger le délai de 30 jours?
  • Si ce n’est pas le cas, le prestataire a‑t‑il satisfait au critère juridique pour que je prolonge le délai de 30 jours (prévu dans le Règlement sur les révisions)?

La demande de révision du prestataire était en retard de plus d’un an

[45] La lettre de décision de la Commission est datée du 12 juillet 2019Note de bas de page 24.

[46] La Commission dit avoir reçu la demande de révision du prestataire le 6 octobre 2022. Il s’agit de la date de réception estampillée sur sa lettre. La Commission affirme donc que sa demande de révision était en retard d’un peu plus de 3 ans (1 152 jours)Note de bas de page 25.

[47] Le prestataire a dit à la Commission qu’il ne se souvient pas d’avoir reçu la lettreNote de bas de page 26. Il se souvient toutefois qu’il s’est rendu à un Centre Service Canada et a demandé une lettre. Il en avait besoin pour avoir accès à des prestations par l’entremise de son syndicatNote de bas de page 27. Il ne se souvient pas de la date à laquelle il a fait ça. Il dit cependant qu’il a remis la lettre à son syndicat et qu’il s’attendait à recevoir des prestations d’invalidité privées à compter de la fin juillet 2019.

[48] La preuve de la Commission montre que le prestataire a communiqué avec la Commission à trois reprises en juin et juillet 2019 pour lui demander de produire la lettre de juillet 2019Note de bas de page 28. Cette preuve montre également que la Commission a envoyé la lettre au prestataire par la poste le 12 juillet 2019.

[49] J’accepte la preuve qui démontre que le prestataire a reçu la lettre de décision peu après le 12 juillet 2019. J’accepte également la date à laquelle la Commission a reçu sa demande de révision, comme l’indique le timbre dateur du 6 octobre 2022. Il n’y a aucune preuve qui va à l’encontre de la preuve concernant ces dates. Et je n’ai aucune autre raison de douter de cette preuve.

[50] Je conclus que la demande de révision du prestataire était tardive. Il a demandé une révision plus de trois ans après avoir reçu la décision de la Commission.

La Commission n’a pas agi de façon judiciaire lorsqu’elle a refusé de prolonger le délai

[51] Le Tribunal ne peut examiner le refus de la Commission de prolonger le délai que si le prestataire peut démontrer que la Commission n’a pas agi de façon judiciaire, ce qui signifie qu’elle

  • a agi de mauvaise foi;
  • a agi dans un but ou pour un motif irrégulier;
  • a pris en compte un facteur non pertinent;
  • a négligé un facteur pertinent;
  • a agi de façon discriminatoireNote de bas de page 29.

[52] Comme la demande de révision du prestataire était en retard de plus de 365 jours, le Règlement sur les révisions indique qu’il doit démontrer ces quatre éléments pour obtenir une prolongation de délai.

  • il avait une explication raisonnable pour justifier son retard;
  • il avait l’intention constante (autrement dit, il avait toujours eu l’intention) de demander à la Commission de réviser sa décisionNote de bas de page 30;
  • sa demande de révision avait une chance raisonnable de succès;
  • l’obtention d’une prolongation de délai ne serait pas injuste (autrement dit, préjudiciable) pour la CommissionNote de bas de page 31.

[53] À la division générale, le prestataire peut soulever un nouveau facteur dont la Commission n’a pas été saisie. S’il est pertinent et que la Commission ne l’a pas examiné, la division générale peut décider que la Commission n’a pas agi de façon judiciaireNote de bas de page 32.

L’argumentation des parties

[54] La Commission dit avoir agi de façon judiciaire lorsqu’elle a refusé de repousser le délai de 30 joursNote de bas de page 33. Elle dit avoir tenu compte de toutes les circonstances pertinentes. Selon les notes au dossier de la Commission, rien ne prouve que des facteurs physiques et médicaux ont empêché le prestataire de présenter sa demande de révision plus tôtNote de bas de page 34.

[55] Le prestataire a déclaré que la décision de la Commission était injuste. L’agent de la Commission ne le laissait pas s’expliquerNote de bas de page 35. L’agent lui a dit d’écouter, s’est fié aux lois et aux règles de l’assurance‑emploi et s’est moqué de son raisonnement sur les raisons pour lesquelles il devrait obtenir des prestations. Il a déclaré que la Commission avait parfois recours à la tromperie. Cependant, il n’a pas donné d’exemples. Il a dit que la Commission n’avait pas tenu compte de sa situation personnelleNote de bas de page 36. Il a déclaré que la Commission avait pris sa décision en se fondant sur quelque chose qui n’était pas important. Il dit que s’il avait reçu de l’argent de l’assurance‑emploi à tort et qu’il l’avait découvert ultérieurement, la Commission n’aurait eu aucun problème à obtenir son remboursementNote de bas de page 37.

[56] Le prestataire affirme qu’il éprouve des problèmes de santé physique et mentale depuis longtemps et que sa vie s’effondrait pendant la période pertinenteNote de bas de page 38. Il s’est battu longtemps pour faire approuver sa demande de remboursement par le service d’indemnisation des accidents du travail pour une atteinte à la santé mentaleNote de bas de page 39. L’intimidation et le harcèlement en milieu de travail ont causé cette atteinte. Il était atteint dépressif et anxieux. Il éprouvait des douleurs importantes en raison d’une blessure au genou. Il consulte un psychologue. Il a déclaré qu’en raison de son état mental, il éprouvait de la difficulté à rester au fait de la paperasse. Son esprit était confus et il procrastinaitNote de bas de page 40.

[57] Il dit avoir mis un médicament à l’essai pendant six semaines pour soigner sa santé mentale. Cependant, il ne s’est pas révélé efficaceNote de bas de page 41. Il a dit qu’il était sans abri pendant un certain temps. Il a déclaré n’avoir découvert que plus tard qu’il n’avait pas reçu de revenu pour les périodes de 2016 et 2019. Enfin, il a expliqué que ses échanges avec la Commission, d’autres organismes et le professionnel de la santé l’avaient brisé. À certains moments au cours de l’audience, le prestataire semblait être en détresse, avait les larmes aux yeux et avait besoin de temps pour reprendre ses sens.

Mes conclusions au sujet de la preuve et du droit

[58] J’accepte le témoignage du prestataire au sujet de son état d’esprit, de ses problèmes de santé, de son expérience de la tentative d’obtenir des prestations et de son itinérance. Je n’ai aucune raison de douter de son témoignage sur ces sujets. Et aucune preuve ne va à l’encontre de celui‑ci.

[59] La Commission ignorait les problèmes de santé mentale et de logement du prestataire. Je peux cependant en tenir compte pour décider si la Commission a agi de façon judiciaireNote de bas de page 42.

[60] Je conclus que la Commission n’a pas utilisé son pouvoir décisionnel de façon judiciaire parce qu’elle a négligé les problèmes de santé mentale et l’itinérance du prestataire. Son témoignage sur ces deux sujets est pertinent pour établir s’il a une explication raisonnable pour expliquer pourquoi il a tardé à présenter sa demande de révision.

[61] Comme j’ai conclu que la Commission n’a pas agi de façon judiciaire lorsqu’elle a refusé de prolonger le délai de 30 jours, je peux décider si je devrais le faireNote de bas de page 43.

Le prestataire n’a pas démontré qu’il devrait obtenir une prolongation de délai

[62] J’ai appliqué le critère juridique du Règlement sur les révisions. Je conclus que le prestataire n’a pas prouvé que je devrais prolonger le délai pour qu’il dépose sa demande de révision. Il a démontré qu’il ne satisfait qu’à deux des quatre volets de ce critère.

[63] J’estime que les problèmes de santé, l’état d’esprit et les circonstances de vie du prestataire fournissent une explication raisonnable de son retard à déposer sa demande de révision. Il peinait à obtenir une rémunération et des prestations, et c’était sa priorité. Et j’accepte qu’il lui ait fallu plus de temps pour faire les choses en raison de sa dépression, de son anxiété, de sa douleur et de sa pensée confuse.

[64] Je conclus que le prestataire n’a pas démontré qu’il avait l’intention constante de demander une révision de la décision de 2019 de la Commission.

[65] Le prestataire affirme qu’il a décidé d’écrire à la Commission après avoir produit ses déclarations de revenus au printemps 2022Note de bas de page 44. Après avoir produit sa déclaration de revenus, il est retourné et a examiné sa rémunération et ses prestations (assurance‑emploi, indemnisation des accidents du travail, assurance‑invalidité privée). Il a découvert qu’il n’avait tiré aucun revenu d’aucune source pendant trois périodes en 2016 et 2019. Il a ensuite écrit la lettre d’octobre 2022 demandant à l’assurance‑emploi de lui verser des prestations pour ces périodes.

[66] La Commission affirme que le prestataire n’a pas démontré une intention constante parce qu’il n’a pas communiqué avec la Commission pour discuter de la question ou pour la réglerNote de bas de page 45. Elle dit qu’il savait qu’il pouvait communiquer avec la Commission parce qu’il avait communiqué avec elle au sujet de diverses demandes depuis 2018.

[67] Je n’ai aucune raison de douter de ce que le prestataire a dit à la Commission ou à l’audience devant la division générale. Aucune preuve ne va à l’encontre de son témoignage. Je l’accepte donc.

[68] Cette preuve me démontre qu’il n’avait pas l’intention constante de demander une révision. Il a formé l’intention seulement après avoir produit sa déclaration de revenus au printemps 2022. C’était environ trois ans après avoir reçu la lettre de 2019 de la Commission. Son intention n’était donc pas constante.

[69] Je conclus que la demande de révision du prestataire visant à obtenir des prestations d’assurance‑emploi pour la période du 28 juillet au 19 août 2019 n’avait aucune chance raisonnable de succès. (À la division d’appel, le prestataire a déclaré qu’il ne demandait plus de prestations pour 2016. Je n’ai donc pris en considération que 2019.)

[70] Le prestataire a déclaré qu’il a cessé de présenter des demandes d’assurance‑emploi en juillet 2019 parce qu’il croyait qu’il commencerait à toucher des prestations d’assurance privéeNote de bas de page 46. Il a ajouté qu’il croyait que sa demande d’assurance‑emploi prenait fin à ce moment‑là.

[71] La Commission affirme que le prestataire n’a déposé aucune déclaration pour la période du 28 juillet au 19 août 2019Note de bas de page 47. La Commission affirme que même si le prestataire devait produire des déclarations pour cette période et demander qu’elles soient antidatées, il n’avait pas droit à des prestations de maladieNote de bas de page 48. Il avait déjà reçu le maximum de 15 semaines (semaines du 7 avril au 14 juillet 2019) pour sa demandeNote de bas de page 49. De plus, il n’aurait pas droit à des prestations régulières parce que le certificat médical au dossier indique qu’il n’était pas capable de travailler avant le 8 octobre 2019.

[72] La lettre de juillet 2019 que la Commission a envoyée au prestataire indique qu’il avait reçu 13 des 15 semaines de prestations de maladie payables en vertu de sa demande (à la date de cette lettre)Note de bas de page 50. Après la lettre, le prestataire a déposé une déclaration pour deux autres semaines (du 14 au 27 juillet 2019)Note de bas de page 51. La lettre de juillet 2019 indiquait également qu’il avait reçu 18 des 45 semaines de prestations régulières. Enfin, il est mentionné que sa date de rétablissement médical est établie à la semaine du 6 au 12 octobre 2019.

[73] Compte tenu de la preuve de la Commission et du droit pertinent, je conclus que la demande de révision du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès. J’ai examiné et j’accepte la preuve de la Commission selon laquelle le prestataire n’avait pas droit à des prestations de maladie ou régulières de l’assurance‑emploi pour la période du 28 juillet au 19 août 2019. La preuve de la Commission est détaillée. Aucun élément de preuve ne va à l’encontre de cette preuve. Et je n’ai aucune autre raison de la remettre en doute.

[74] Le fait de prolonger le délai accordé au prestataire pour déposer sa demande de révision ne porterait pas préjudice à la Commission.

[75] La Commission affirme que le temps écoulé serait contraire à l’esprit de la loi et qu’il serait préjudiciable à la CommissionNote de bas de page 52. La Commission affirme également que la prolongation du délai causerait un préjudice aux parties intéressées, car il est maintenant plus difficile d’obtenir la recherche des faits et la documentation pertinente.

[76] Je ne suis pas d’accord avec la Commission. Je conclus qu’elle ne subirait pas de préjudice en raison du temps qui s’est écoulé. La Commission a présenté une preuve très détaillée à la division générale (voir les documents GD03 et GD07). Par exemple, la Commission a envoyé des renseignements et des documents provenant de demandes présentées par le prestataire de 2009 à 2019. Et il n’y a pas d’autre preuve ou argument sur la façon dont la Commission subirait un préjudice.

Conclusion

[77] La division générale a commis des erreurs dans sa décision.

[78] La loi me donne le pouvoir de corriger (rectifier) ces erreurs. J’ai donc rendu la décision que la division générale aurait dû rendre.

[79] J’ai conclu que la Commission n’a pas agi de façon judiciaire lorsqu’elle a refusé de prolonger le délai de 30 jours pour que le prestataire présente sa demande de révision. Cependant, cela ne change pas l’issue de l’appel du prestataire, car j’ai décidé qu’il n’avait pas satisfait au critère juridique pour obtenir une prolongation de délai. Je rejette donc son appel.

[80] Le cas du prestataire est complexe sur le plan juridique. Si le prestataire a des questions au sujet de sa situation — y compris si la Commission doit lui verser les prestations auxquelles il croit avoir droit —, il pourrait bénéficier de conseils juridiques. Le Workers’ Resource Centre de l’Alberta (www.helpwrc.org) affirme offrir une aide juridique gratuite pour les problèmes d’assurance‑emploi. Son site web indique que les gens de Fort McMurray peuvent composer le (587) 674‑2282 pour prendre rendez‑vous avec un chargé de cas.

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