Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 2008

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : K. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (549628) datée du 25 novembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Laura Hartslief
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 14 septembre 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 14 novembre 2023
Numéro de dossier : GE-22-4184

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelante.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a établi que l’appelante avait perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné la perte de son emploi). Par conséquent, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelante a perdu son emploi. L’employeur de l’appelante a déclaré qu’elle avait été congédiée parce qu’elle n’avait pas fourni à l’employeur la confirmation de sa vaccination contre la COVID-19 et qu’elle ne s’était pas soumise régulièrement aux tests de détection des antigènes comme l’exigeait la politique de l’employeur.

[4] L’appelante ne conteste aucun de ces deux points, mais elle affirme ce qui suit :

  • L’employeur l’a congédiée prématurément parce qu’il n’avait pas finalisé sa politique en matière de vaccination et de tests avant son congédiement.
  • L’employeur l’a congédiée prématurément parce qu’il n’avait pas répondu aux préoccupations de l’appelante concernant l’innocuité des tests de détection des antigènes et qu’il n’avait pas fait une étude approfondie comme promis.
  • La politique de l’employeur viole son contrat de travail.
  • La politique de l’employeur viole sa convention collective.
  • La politique de l’employeur viole la directive de la santé publique no 6.

[5] La Commission a accepté la raison de l’employeur pour le congédiement. Elle a décidé que l’appelante avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi la Commission a décidé que l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Questions que je dois examiner en premier

[6] À l’audience, l’appelante a demandé à lire une [traduction] « présentation » de plusieurs pages qui, selon elle, fournissait une chronologie détaillée des événements. L’appelante avait fourni cette présentation, ainsi que ses observations écrites, au TribunalNote de bas de page 2. Étant donné que la présentation avait déjà été soumise et que je l’avais examinée, j’ai conclu à l’audience que cette lecture serait répétitive et inutile. J’ai donc rejeté les demandes répétées de l’appelante de lire sa présentation à haute voix.

[7] De plus, deux questions sont décrites dans la décision de la Commission. Premièrement, la Commission a décidé que l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce que son employeur l’a suspendue pour inconduite du 14 septembre 2021 au 11 octobre 2021Note de bas de page 3. Deuxièmement, la Commission a décidé que l’appelante est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi parce qu’elle avait été congédiée pour inconduite à compter du 12 octobre 2021Note de bas de page 4.

[8] À l’audience, l’appelante a confirmé qu’elle n’avait pas l’intention de porter en appel la première question concernant la suspension de son emploi. Avant l’audience, l’appelante a envoyé des observations écrites au Tribunal dans lesquelles elle a exprimé son désir de ne pas poursuivre sur cette questionNote de bas de page 5, ce qu’elle a confirmé à l’audience. Par conséquent, la seule question dont j’étais saisie était de savoir si l’appelante était inadmissible aux prestations d’assurance-emploi parce qu’elle avait été congédiée à compter du 12 octobre 2021 en raison d’une inconduite.

Question en litige

[9] L’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] Pour décider si l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois déterminer deux choses. Je dois d’abord établir pourquoi l’appelante a perdu son emploi. Ensuite, je dois établir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

a) L’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[11] J’estime que l’appelante a perdu son emploi parce qu’elle n’avait pas fourni à l’employeur la confirmation de sa vaccination contre la COVID-19 et qu’elle ne s’était pas soumise régulièrement aux tests de détection des antigènes comme l’exigeait l’employeur. Je le dis parce que l’appelante convient que ce sont là les raisons de son congédiement. Je le dis aussi parce que plusieurs éléments de la preuve documentaire établissent que l’appelante a été congédiée pour ces raisons. Ces documents sont les suivants :

  • Le 1er septembre 2021 – une note de service à l’intention de tout le personnel qui indique : [traduction] « […] tout le personnel et les médecins qui n’ont pas reçu leurs vaccins […] devront se soumettre à un test obligatoire de détection des antigènes. À compter de la semaine prochaine, ce test sera requis une fois par semaine et, plus tard, deux fois par semaineNote de bas de page 6 » [je mets en évidence];
  • Le 3 septembre 2021 – une deuxième note de service à l’intention de tout le personnel non vacciné qui indique : [traduction] « Selon le message envoyé le 1er septembre 2021, vous devrez vous soumettre à un test obligatoire de détection des antigènes à compter du 8 septembre 2021 […] [et] les membres de l’équipe qui ne respectent pas les exigences relatives aux tests feront l’objet d’une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au congédiementNote de bas de page 7 » [je mets en évidence];
  • Le 16 septembre 2021 – une lettre d’avertissement adressée directement à l’appelante qui indique : [traduction] « Nos dossiers montrent que vous ne vous êtes pas conformée à la directive de Lakeridge Health parce que vous n’avez fourni aucune preuve de vaccination complète, et qu’il s’est écoulé plus d’une semaine depuis l’introduction de l’exigence relative aux tests de détection des antigènes et que vous ne vous êtes soumise à aucun test de détection des antigènes. Vous êtes par la présente avisée que si vous ne vous conformez pas immédiatement à l’exigence, vous ferez l’objet d’une mesure disciplinaire pouvant aller, notamment, jusqu’à votre congédiement. Vous serez également mise en congé administratif non payé jusqu’à ce que vous vous conformiez à l’exigenceNote de bas de page 8 » [je mets en évidence];
  • Le 22 septembre 2021 – une lettre adressée directement à l’appelante qui indique : [traduction] « Bien que vous ayez été clairement avisée dans notre lettre du 16 septembre 2021, vous n’avez pas fourni de preuve de vaccination complète ou effectué le test de détection des antigènes requis. Vous trouvez jointe à la présente la confirmation écrite de l’avertissement verbal qui vous a été envoyé concernant votre non-conformité à la directive de l’hôpital. Vous êtes également avisée que vous êtes mise en congé administratif non payé, et ce, dès maintenant. La non-conformité continue à la directive de l’hôpital entraînera votre congédiement pour cause d’inconduite délibérée, de désobéissance ou de manquement délibéré à votre devoirNote de bas de page 9 » [je mets en évidence];
  • Le 28 septembre 2021 – un document de politique mis à jour qui exige que tout le personnel se fasse vacciner, fournisse une preuve d’exemption pour raisons d’ordre médical valide ou se soumette à un test hebdomadaire de détection des antigènes. Ce document indique également que la non-conformité à la politique entraînera des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiementNote de bas de page 10;
  • Le 29 septembre 2021 – une note de service à l’intention de l’appelante et d’autres personnes non conformes qui leur rappelle qu’elles doivent se soumettre à des tests de détection des antigènes conformément à la note de service envoyée le 1er septembre 2021Note de bas de page 11;
  • Le 1er octobre 2021 – une note de service selon laquelle tout le personnel doit être vacciné ou se soumettre à un test hebdomadaire de détection des antigènes. Les conséquences de la non-conformité y sont décritesNote de bas de page 12;
  • Le 7 octobre 2021 – une lettre d’avertissement à l’appelante qui indique : [traduction] « À ce jour, vous ne vous êtes pas conformée à la politique. La présente est un avertissement écrit. Vous resterez en congé administratif non payé jusqu’à ce que : a) vous vous y conformiez, ou b) votre emploi prenne fin le mardi 12 octobre 2021, pour cause d’inconduite délibérée, de désobéissance ou de manquement délibéré à votre devoirNote de bas de page 13 » [je mets en évidence];
  • Le 12 octobre 2021 – une lettre de congédiement à l’appelante qui indique : [traduction] « Vous ne vous êtes pas conformée à la politique en fournissant une preuve de vaccination ou en vous soumettant à un test de détection des antigènes au moins une fois par semaine, conformément à la directive no 6 du gouvernement de l’Ontario. Par conséquent, suivant la lettre que nous vous avons envoyée précédemment, votre emploi prend fin immédiatementNote de bas de page 14 » [je mets en évidence].

[12] Il ne fait aucun doute que l’appelante a reçu tous ces documents directement ou qu’elle en a été informée par l’entremise du syndicat ou de la gestion dès qu’ils ont été envoyés. Le fait que l’appelante ait lu tous ces documents et compris leur contenu n’est pas non plus contesté.

[13] La principale opinion de l’appelante semble être qu’elle a sous-estimé les avertissements contenus dans ces documents et qu’elle ne s’attendait pas à ce qu’elle soit effectivement congédiée avant qu’il ne soit trop tard. Toutefois, l’appelante affirme qu’elle a intentionnellement choisi de ne pas se soumettre aux tests de détection des antigènes parce qu’elle était préoccupée par les répercussions qu’ils pourraient avoir sur sa santé. En effet, elle croyait que les tests avaient des propriétés cancérigènes. L’appelante affirme également qu’elle n’a pas déclaré son statut vaccinal à l’employeur. Pour souligner ce point, l’appelante a refusé de révéler son statut vaccinal à l’audience. Il est admis que l’appelante n’était pas exemptée de la vaccination pour raisons d’ordre médical.

[14] Compte tenu du témoignage de l’appelante et des nombreux documents entourant son congédiement, je suis convaincue que l’appelante a été congédiée parce qu’elle ne s’était pas soumise régulièrement aux tests de détection des antigènes et qu’elle n’a pas déclaré son statut vaccinal, comme l’exigeait son employeur. L’appelante a reçu de nombreuses lettres d’avertissement et autres correspondances qui énoncent clairement les attentes de l’employeur et les conséquences du défaut de se conformer à ces attentes. Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus que l’appelante a été congédiée parce qu’elle n’a pas respecté les instructions de son employeur. Une analyse de la question de savoir si le comportement de l’appelante constitue une « inconduite » est fournie ci-dessous.

b)  La raison du congédiement de l’appelante constitue-t-elle une inconduite selon la loi?

[15] Pour les motifs suivants, j’estime que la raison du congédiement de l’appelante est une inconduite selon la loi.

[16] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’« inconduite », mais la jurisprudence (décisions des cours et des tribunaux) montre comment décider si le congédiement de l’appelante constitue une inconduite selon cette loi. Elle établit le critère juridique relatif à l’inconduite, c’est-à-dire qu’elle énonce les questions et les critères à prendre en considération lors de l’examen de la question de l’inconduite.

[17] La jurisprudence dominante indique que, pour constituer une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, délibérée ou intentionnelleNote de bas de page 15. L’inconduite s’entend aussi d’une conduite d’une telle insouciance qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 16. L’appelante n’est pas obligée d’avoir une intention coupable (autrement dit, d’avoir voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement constitue une inconduite selon la loiNote de bas de page 17.

[18] Il y a inconduite si l’appelante savait ou devait savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle fasse l’objet de mesures disciplinaires ou qu’elle soit congédiéeNote de bas de page 18.

[19] La Commission doit établir que l’appelante a été congédiée pour inconduite, et elle doit l’établir selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante ait été congédiée en raison d’une inconduiteNote de bas de page 19.

Les actes de l’appelante étaient délibérés

[20] Il n’est pas contesté que les actes de l’appelante étaient délibérés. À l’audience et dans ses observations écrites, l’appelante a fourni un témoignage détaillé concernant son opposition aux tests de détection des antigènes, ainsi que les raisons de cette opposition. L’appelante a délibérément et intentionnellement choisi de ne pas se soumettre aux tests de détection des antigènes, contrairement à la politique de l’employeur. L’appelante admet également qu’elle n’a pas déclaré son statut vaccinal, contrairement à la politique de l’employeur, et qu’elle l’a fait intentionnellement. Pour souligner ce point, l’appelante a également refusé de me révéler son statut vaccinal à l’audience.

[21] Compte tenu du témoignage de l’appelante, je suis convaincue que l’appelante a délibérément et intentionnellement choisi de ne pas fournir à l’employeur la confirmation de sa vaccination contre la COVID-19 et qu’elle a choisi de ne pas se soumettre régulièrement aux tests de détection des antigènes. Les actes de l’appelante étaient contraires à la politique de l’employeur et ce sont ces actes qui l’ont amenée à être congédiée. Les actes de l’appelante étaient donc délibérés et ils constituent effectivement une inconduite.

L’appelante savait que ses actes avaient des conséquences

[22] Pour les motifs suivants, je conclus que l’appelante savait, ou aurait dû savoir, qu’il était réellement possible que sa conduite entraîne son congédiement. Cet aspect du critère juridique semble être la principale opposition de l’appelante quant à son congédiement. L’appelante estime que son congédiement était prématuré et elle ne s’attendait pas à être congédiée pour ses actes. Autrement dit, elle affirme que son congédiement était inattendu et que rien ne le laissait présager. L’appelante affirme qu’elle ne s’attendait pas à être congédiée parce que l’employeur n’avait pas finalisé sa politique en matière de vaccination et de tests avant son congédiement. L’appelante ne s’attendait pas non plus à ce qu’elle soit congédiée parce que l’employeur n’avait pas répondu à ses préoccupations concernant l’innocuité des tests de détection des antigènes et procédé à une étude approfondie comme promis. J’examinerai chacun des deux arguments ci-dessous.

A)  L’employeur a-t-il omis de finaliser sa politique avant de congédier l’appelante?

[23] Pour les motifs suivants, je ne suis pas convaincue que l’employeur ait congédié prématurément l’appelante parce qu’il n’avait pas encore finalisé sa politique en matière de vaccination et de tests. L’appelante affirme que la politique de l’employeur en matière de vaccination et de tests, qui a été publiée le 23 juin 2021, est demeurée inchangée jusqu’au 28 septembre 2021 ou a été finalisée à cette date, et qu’elle n’a eu accès à ces changements que le 21 octobre 2021, soit après son congédiement. L’appelante a confirmé son opinion à l’audience, même si elle a également admis avoir reçu, lu et compris tous les documents énumérés ci-dessus datés du 1er septembre 2021 au 12 octobre 2021. Lorsqu’elle a été interrogée concernant cette incohérence évidente, l’appelante a affirmé que bon nombre de ces documents étaient des [traduction] « notes de service et non des politiques » et elle a confirmé que l’employeur n’avait pas finalisé sa politique en matière de vaccination et de tests avant son congédiement. Pour les motifs suivants, je ne suis pas convaincue par le témoignage de l’appelante sur ce point.

[24] Bien que l’appelante affirme que les documents énumérés ci-dessus sont tous des [traduction] « notes de service et non des politiques », je conclus que sa description de ces documents n’est pas pertinente. Tous les documents mentionnés ci-dessus renvoient clairement au [traduction] « message envoyé le 19 août par la présidente et chef de direction Cynthia David et le médecin-chef Dr Tony StoneNote de bas de page 20 », à la politique de vaccination de l’employeurNote de bas de page 21 ou à la directive provinciale no 6Note de bas de page 22. Cela signifie que tous les documents énumérés ci-dessus contiennent des extraits de la politique de vaccination de l’employeur, des lignes directrices sur la directive du gouvernement provincial ou des renseignements de l’employeur sur son approche en matière de vaccination et de tests en milieu de travail. Tous ces documents contiennent des instructions claires à l’intention de l’ensemble du personnel, puis de l’appelante en particulier. Que l’objet ou le titre de chaque document soit une [traduction] « note de service » ou une [traduction] « politique », il n’en demeure pas moins que chacun de ces documents vise à informer le personnel et l’appelante des instructions de l’employeur et des conséquences de la non-conformité à ces instructions. L’appelante ne peut pas échapper aux conséquences en considérant ces documents comme des [traduction] « notes de service et non des politiques ». Au contraire, ces documents renvoient à la politique de l’employeur et à la directive du gouvernement, et fournissent des instructions claires sur les attentes de l’employeur. Par conséquent, le fait qu’ils soient appelés des notes de service ou des politiques n’est pas pertinent.

[25] Ensuite, l’appelante affirme qu’elle n’a pas pris ces documents au sérieux parce que certaines des notes de service indiquaient notamment que l’employeur :

[traduction]
« […] travaille activement à finaliser une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19. Une fois la politique finalisée, la vaccination contre la COVID-19 sera obligatoire, sauf indication contraire pour des raisons comme l’exemption pour raisons d’ordre médical, pour tous les membres de l’équipe de Lakeridge Health, y compris les employés, le personnel privilégié, les employés contractuels, les étudiants, les bénévoles et les stagiaires en médecineNote de bas de page 23 » [je mets en évidence].

[26] L’appelante affirme que, comme la politique de vaccination de l’employeur n’avait pas été [traduction] « finalisée », elle a rejeté ces notes de service au motif qu’elles étaient prématurées et elle croyait qu’elle n’avait pas à respecter les instructions qu’elles contenaient tant que la politique n’avait pas été finalisée. Je ne suis pas convaincue par l’opinion de l’appelante sur ce point.

[27] Bien que ces documents indiquent que l’employeur [traduction] « travaille […] à finaliser » sa politique de vaccination, ils précisent également quelles seront les conditions de cette politique et indiquent exactement quelles seront les attentes de l’employeur à cet égard. Autrement dit, ces documents indiquent essentiellement que l’employeur peaufine toujours le texte final de sa politique, mais les exigences de fond de cette politique sont clairement énoncées dans toutes ses notes de service et instructions au personnel.

[28] L’appelante a choisi d’ignorer ces documents parce que certains d’entre eux mentionnent que l’employeur continue de [traduction] « finaliser » sa politique de vaccination. Toutefois, en choisissant d’ignorer ces documents, l’appelante a délibérément ignoré leur contenu, qui était clair et sans ambiguïté. Bref, peu importe si l’employeur travaillait à finaliser sa politique de vaccination, l’appelante savait ou aurait dû savoir quelles étaient les attentes de l’employeur concernant la vaccination et les tests, parce que ces attentes étaient clairement énoncées dans tous les documents énumérés ci-dessus. Par conséquent, selon le contenu de ces documents, l’appelante savait ou aurait dû savoir quelles seraient les conséquences de ne pas répondre à ces attentes.

[29] Enfin, même si l’appelante a raison et que certains de ces documents sont des [traduction] « notes de service et non des politiques », ils contiennent tous des instructions claires de l’employeur ainsi que des échéances et des conséquences claires en cas de non-conformité. L’appelante a choisi de ne pas tenir compte des instructions de l’employeur et elle a ensuite subi les conséquences contre lesquelles elle avait été mise en garde à maintes reprises. L’appelante ne peut échapper aux conséquences en ignorant simplement la correspondance de l’employeur ou en choisissant de désobéir parce que ce sont des [traduction] « notes de service et non des politiques ». L’appelante admet qu’elle a reçu, lu et compris la correspondance de l’employeur. Elle a ensuite fait des choix délibérés qui ont entraîné des conséquences. Pour ces motifs, je conclus que l’appelante savait, ou aurait dû savoir, que ses actes entraîneraient son congédiement et que son comportement constituait une inconduite.

B) L’employeur a-t-il omis d’étudier les préoccupations de l’appelante?

[30] Le deuxième argument de l’appelante concernant la question de savoir si elle savait que ses actes entraîneraient des conséquences est que l’employeur a promis d’étudier ses préoccupations liées à l’innocuité des tests de détection des antigènes, mais qu’il a ensuite omis de le faire avant de la congédier. L’appelante affirme qu’elle a refusé de se soumettre régulièrement aux tests de détection des antigènes parce que les écouvillons utilisés dans ces tests contiennent de l’oxyde d’éthylène, qui est un cancérigène connu. L’appelante affirme qu’elle a soulevé ces préoccupations auprès de son employeur et qu’il a accepté d’étudier ses préoccupations. L’employeur l’a ensuite congédiée prématurément avant même d’étudier ses préoccupations comme il l’avait promis.

[31] Le premier problème dans le témoignage de l’appelante à ce sujet est qu’il n’y a aucune preuve documentaire à l’appui. Même si cet employeur semble apprécier la correspondance écrite, il n’y a aucun document de politique, note de service, lettre, courriel ou note manuscrite qui confirme que l’employeur a reconnu les préoccupations de l’appelante concernant les tests de détection des antigènes et qu’il a accepté d’étudier ces préoccupations avant d’imposer toute mesure disciplinaire. Cette absence totale de documents justificatifs mine la crédibilité de l’appelante lorsqu’elle affirme que l’employeur a accepté d’étudier ses préoccupations avant d’imposer toute mesure disciplinaire, y compris le congédiement.

[32] Je tiens également à souligner que le témoignage de l’appelante sur ce point à l’audience était incohérent et n’était pas suffisamment détaillé. Par exemple, elle a affirmé qu’elle avait informé la gestion de ses préoccupations concernant les tests de détection des antigènes, et que la gestion lui avait dit qu’elle examinerait ses préoccupations et qu’on lui a demandé de ne pas se présenter au travail. Toutefois, l’appelante n’a pas pu expliquer pourquoi toute la correspondance écrite de l’employeur ordonne le contraire à l’appelante, exigeant qu’elle se présente au travail une fois qu’elle aura déclaré son statut vaccinal ou qu’elle se sera soumise régulièrement aux tests de détection des antigènes. L’appelante n’a pas non plus pu expliquer ce que la gestion lui a dit exactement sur les recherches que l’employeur planifiait faire concernant ses préoccupations ou l’avancement de ces recherches. Malgré plusieurs questions à l’audience sur les conversations présumées de l’appelante avec la gestion, l’appelante n’a pas raconté ces conversations avec suffisamment de détails et elle n’a pas pu expliquer pourquoi la documentation écrite fournit une version entièrement contraire des événements. En bref, je conclus que l’appelante n’est pas crédible lorsqu’elle affirme que l’employeur a accepté d’étudier ses préoccupations avant d’imposer toute mesure disciplinaire, y compris le congédiement.

[33] Enfin, le fait que l’employeur ait effectivement pris des mesures disciplinaires en suspendant l’appelante avant son congédiement mine sa crédibilité lorsqu’elle affirme que l’employeur a accepté d’étudier ses préoccupations avant de lui imposer une mesure disciplinaire pour sa conduite. Le fait que l’appelante ait continué de violer la politique de l’employeur en matière de vaccination et de tests, même après une suspension sans solde, donne à penser que l’appelante savait ou aurait dû savoir que son choix de violer la politique de l’employeur entraînerait vraisemblablement son congédiement.

[34] En raison de l’absence totale de documents justificatifs et de l’absence de témoignage crédible de la part de l’appelante sur ce point, je conclus que l’appelante n’a pas fourni une preuve suffisante pour établir que l’employeur l’avait congédiée prématurément parce qu’il n’avait pas répondu à ses préoccupations concernant l’innocuité des tests de détection des antigènes et procédé à une étude approfondie comme il l’avait promis. En fait, selon la preuve dont je dispose, je conclus que l’appelante savait ou aurait dû savoir que son choix de violer la politique de l’employeur en matière de vaccination et de tests entraînerait des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement. Le comportement de l’appelante constitue donc une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi.

Les autres arguments de l’appelante

[35] L’appelante a présenté trois autres arguments à l’audience. Elle affirme que la politique de vaccination de l’employeur viole son contrat de travail, sa convention collective et la directive de la santé publique no 6. Pour les motifs suivants, je ne suis pas convaincue par les autres arguments de l’appelante.

[36] L’appelante affirme que la politique de l’employeur en matière de vaccination et de tests viole son contrat de travail parce qu’elle impose une [traduction] « nouvelle condition d’emploi » à laquelle elle n’a jamais consenti. Toutefois, le Tribunal n’a pas compétence pour trancher cette question. La seule question dont je suis saisie est de savoir si la conduite qui a mené au congédiement constitue une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi. La question de savoir si l’employeur a violé le contrat de travail de l’appelante est une question de droit civil et ma décision n’a aucune incidence sur les réparations que l’appelante pourrait obtenir à l’encontre de son employeur dans une affaire civile.

[37] De même, l’appelante affirme que la politique de l’employeur viole la convention collective de son milieu de travail. Toutefois, il s’agit également d’une question qui ne relève pas de la compétence du Tribunal. La seule question que je dois examiner est de savoir si la conduite qui a mené au congédiement de l’appelante constitue une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi. La question de savoir si l’employeur a violé la convention collective est une question de droit du travail et ma décision n’a aucune incidence sur les réparations que l’appelante pourrait obtenir à l’encontre de son employeur au titre du droit du travail.

[38] Par souci d’exhaustivité, je note que le syndicat de l’appelante a déposé un grief personnel en son nom ainsi qu’un grief de principe au nom d’un plus grand groupe de personnes. À l’audience, l’appelante a admis que le grief de principe du syndicat avait été rejeté en arbitrage et que le syndicat avait recommandé de ne pas demander de contrôle judiciaire. Bien que le grief personnel de l’appelante soit toujours en suspens, aucune date n’a encore été fixée pour l’arbitrage et il n’y a aucune communication récente du syndicat concernant l’état de ce grief.

[39] Enfin, l’appelante affirme que la politique de l’employeur viole la directive de santé publique no 6 adoptée par le gouvernement provincial. Encore une fois, cette question ne relève pas de la compétence du Tribunal. Mon rôle consiste à décider si la conduite qui a mené au congédiement de l’appelante constitue une « inconduite » selon la Loi sur l’assurance-emploi, qui est un instrument législatif fédéral qui régit les questions relevant de la compétence fédérale. La question de savoir si l’employeur a violé des lois provinciales est une question de compétence provinciale et ma décision n’a aucune incidence sur les réparations que l’appelante pourrait obtenir à cet égard.

[40] Compte tenu de tout ce qui précède et de la preuve dont je dispose, je rejette les autres arguments de l’appelante concernant la question de savoir si la politique de l’employeur viole son contrat de travail, la convention collective ou la directive de santé publique no 6.

La jurisprudence pertinente

[41] La Cour d’appel fédérale a clairement énoncé les principes que je dois prendre en considération, ainsi que les questions qui ne relèvent pas de ma compétence.

[42] Par exemple, dans une affaire appelée McNamaraNote de bas de page 24, le prestataire a soutenu qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi parce que son employeur l’avait congédié à tort. Il a perdu son emploi en raison de la politique de dépistage de drogues de son employeur. Il a soutenu qu’il n’aurait pas dû être congédié, car le test de dépistage de drogues n’était pas justifié dans les circonstances. Il a déclaré qu’il n’y avait aucun motif raisonnable de penser qu’il n’était pas en mesure de travailler en toute sécurité en raison de sa consommation de drogue. De plus, les résultats de son dernier test de dépistage de drogues auraient encore été valides.

[43] En réponse, la Cour d’appel fédérale a noté qu’elle a toujours déclaré que, dans les affaires d’inconduite, la question est de savoir si l’acte ou l’omission de l’employé constitue une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi, et non pas s’il s’agit d’un congédiement injustifié.

[44] La Cour d’appel fédérale a également déclaré qu’au moment d’interpréter et d’appliquer la Loi sur l’assurance-emploi, il faut clairement mettre l’accent sur le comportement de la personne employée, et non sur celui de l’employeur. Elle a souligné que les personnes qui sont congédiées à tort ont d’autres recours à leur disposition. Ces recours pénalisent le comportement de l’employeur, plutôt que d’obliger les contribuables à payer pour les actes de l’employeur sous forme de prestations d’assurance-emploi.

[45] Dans une affaire plus récente appelée ParadisNote de bas de page 25, le prestataire a été congédié après avoir échoué à un test de dépistage de drogues. Il a soutenu qu’il avait été congédié à tort, car les résultats du test montraient qu’il n’avait pas travaillé avec les facultés affaiblies. Il a affirmé que l’employeur aurait dû prendre des mesures d’adaptation à son égard en fonction de ses propres politiques et de la législation provinciale sur les droits de la personne. La Cour fédérale s’est appuyée sur la décision McNamara et a déclaré que le comportement de l’employeur n’était pas pertinent au moment de décider s’il y a eu inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi.

[46] De même, dans l’affaire MishibinijimaNote de bas de page 26, le prestataire a perdu son emploi à cause de sa dépendance à l’alcool. Il a soutenu que son employeur devait prendre des mesures d’adaptation à son égard parce que la dépendance à l’alcool est considérée comme une déficience. La Cour d’appel fédérale a de nouveau déclaré qu’il faut mettre l’accent sur ce que la personne employée a fait ou n’a pas fait; il importe peu que l’employeur ait omis de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de l’employé.

[47] Bien que ces affaires ne portent pas sur des politiques de vaccination contre la COVID-19, les principes qui y sont énoncés sont toujours pertinents à la question dont je suis saisie. Mon rôle n’est pas d’examiner le comportement ou les politiques de l’employeur et de décider s’il était juste de congédier l’appelante. Je dois plutôt mettre l’accent sur ce que l’appelante a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela équivaut à une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi.

[48] Compte tenu de la preuve dont je suis saisie, je suis convaincue que l’appelante a délibérément choisi de ne pas déclarer son statut vaccinal et de ne pas se soumettre régulièrement aux tests de détection des antigènes. L’appelante savait également que ses actes violaient la politique de l’employeur à cet égard. L’appelante savait ou aurait dû savoir que son refus de déclarer son statut vaccinal et son refus de subir régulièrement des tests de détection des antigènes entraîneraient son congédiement. Ces conséquences ont été clairement communiquées à l’appelante et l’appelante savait, ou aurait dû savoir, que son comportement pouvait mener à son congédiement.

[49] Pour ces motifs, je suis convaincue que l’appelante a délibérément choisi de violer la politique de l’employeur et qu’elle savait ou aurait dû savoir que son choix entraînerait son congédiement. La conduite de l’appelante constitue donc une inconduite.

Ainsi, l’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[50] Compte tenu de mes conclusions ci-dessus, je conclus que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite parce que les actes de l’appelante ont mené à son congédiement. Elle a agi de façon délibérée. Elle savait que son refus de déclarer son statut vaccinal et son refus de respecter les règles relatives aux tests entraîneraient vraisemblablement la perte de son emploi.

Conclusion

[51] La Commission a établi que l’appelante avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[52] L’appel est donc rejeté.

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