Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : KK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 2029

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : K. K.
Représentante ou représentant : Ian Perry
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (463632) datée du
21 avril 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Linda Bell
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 9 janvier 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 22 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-1805

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel. Je ne suis pas d’accord avec K. K., l’appelante (prestataire).

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a démontré que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension, puis son congédiement). Par conséquent, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a été mise en congé sans solde (suspendue), puis congédiée de son emploi. L’employeur de la prestataire affirme qu’elle a été congédiée parce qu’elle n’a pas respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19. Elle a refusé de se faire vacciner. 

[4] Même si la prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé, elle affirme qu’aller à l’encontre de la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur n’est pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement fournie par l’employeur. Elle a décidé que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que la prestataire n’avait pas droit aux prestations d’assurance-emploi.

[6] La prestataire fait appel au Tribunal de la sécurité sociale. Elle affirme que l’employeur n’a pas fourni de fondement à l’appui du fait que sa politique de vaccination a une incidence sur la santé et la sécurité au travail. Elle dit jouir d’un droit garanti à l’autonomie corporelle et à l’intégrité personnelle, qui est enraciné dans les traditions de la common law. Elle a refusé de se faire vacciner pour des raisons religieuses. 

Questions que je dois examiner en premier

Partie mise en cause potentielle

[7] Parfois, le Tribunal envoie une lettre à l’ancien employeur de la partie prestataire pour lui demander s’il veut être ajouté comme partie à l’appel. Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas mettre l’employeur en cause dans le présent appel. En effet, rien au dossier ne me porte à croire que ma décision imposerait des obligations légales à l’employeur. 

Ajournements

[8] Le Tribunal a prévu que l’appel serait entendu par vidéoconférence le 4 octobre 2022. La prestataire a demandé un ajournement en raison d’un conflit d’horaire. J’ai accueilli la demande en me fondant sur le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, qui était en vigueur à ce moment-làNote de bas de page 2. 

[9] L’audience a été ajournée au 7 décembre 2022. Malheureusement, l’audience n’a pas pu avoir lieu à cette date pour des raisons logistiques. L’audience a donc été ajournée au 9 janvier 2023.

[10] La prestataire et son représentant ont comparu le 9 janvier 2023. Cependant, la Commission n’a pas comparu. Je suis convaincue que la Commission a reçu l’avis d’audience, qui a été envoyé par voie électronique le 16 décembre 2022. Je vais donc juger l’appel sur le fond, en l’absence de la CommissionNote de bas de page 3.

Document en retard

[11] Dans l’intérêt de la justice, j’ai accepté les documents que la prestataire a déposés après l’audience du 9 janvier 2023 Note de bas de page 4.

[12] À l’audience, le représentant de la prestataire a présenté des observations au sujet d’une autre décision rendue par un membre du TribunalNote de bas de page 5. Il a demandé la permission de soumettre une copie de cette décision pour qu’elle fasse partie du dossier officiel. J’ai accordé la permission de présenter cette décision. Elle a été reçue le 9 janvier 2023.

[13] Pour respecter les principes de justice naturelle et d’équité procédurale, une copie de la décision AL c CAEC a été fournie à la Commission. Si la Commission avait comparu à l’audience comme prévu, elle aurait eu l’occasion de répondre aux observations présentées au sujet de cette décision. Je conclus donc qu’il n’y aurait aucun préjudice pour l’une ou l’autre des parties si une copie de cette décision faisait partie du dossier d’appel.

Questions en litige

[14] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[15] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique lorsque l’employeur a suspendu ou congédié une personneNote de bas de page 6.

[16] Pour décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison la prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[17] Les deux parties conviennent que la prestataire a été mise en congé sans solde (suspendue), puis congédiée parce qu’elle a refusé de se faire vacciner avant la date limite prévue par la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de l’employeur.

[18] Il n’y a rien dans le dossier qui me porte à croire le contraire. Je conclus donc que la prestataire a été suspendue, puis congédiée de son emploi parce qu’elle a refusé de se faire vacciner conformément à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

La raison de la suspension et du congédiement de la prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[19] Oui. Je juge que la Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue et congédiée en raison de son inconduite. Voici ce dont j’ai tenu compte.

[20] Pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite de la prestataire était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 7. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 8.

[21] Il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 9.

[22] Il y a une inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 10.

[23] C’est la Commission qui doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie que la Commission doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 11.

[24] La Commission affirme qu’il y a eu une inconduite pour les raisons suivantes :

  • Le 20 août 2021, la prestataire a été clairement avisée qu’elle devait présenter une preuve de vaccination complète contre la COVID-19 pour pouvoir continuer à travailler.
  • La prestataire savait que tous les membres du personnel devaient être entièrement vaccinés au plus tard le 8 octobre 2021, ce qui a été prolongé jusqu’au 22 octobre 2021.
  • La prestataire a demandé une exemption religieuse à la politique, mais l’employeur a refusé de lui en accorder une.
  • La prestataire savait qu’elle pouvait faire l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement si elle ne divulguait pas qu’elle était entièrement vaccinée avant la date limite.

[25] La prestataire convient que son employeur l’a suspendue, puis congédiée à compter du 1er novembre 2021, parce qu’elle n’a pas respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19. Elle ne conteste pas que ses gestes étaient délibérés ou qu’elle en connaissait ou aurait dû en connaître les conséquences.

[26] La prestataire affirme que son contrat de travail ne faisait pas mention d’une obligation ou d’un devoir de se faire vacciner contre la COVID-19. Elle fait référence au contrat qu’elle a signé lorsqu’elle a été embauchée pour un poste à temps partiel en 2006. Au cours de ses 15 années d’emploi, on ne lui a jamais demandé de signer un contrat mis à jour. Son employeur ne l’a pas non plus obligée à recevoir des vaccins de rappel ou à se faire vacciner contre la grippe. Il ne l’a pas non plus informée d’une exigence permanente de vaccination. On ne lui a jamais dit que la vaccination était une condition de son emploi avant que l’employeur n’impose sa politique de vaccination contre la COVID-19.

[27] La prestataire a fait valoir que je devrais accueillir son appel et suivre les mêmes motifs que ceux énoncés dans la décision du Tribunal dans l’affaire AL c CAECNote de bas de page 12. Elle dit que sa situation était essentiellement semblable à celle décrite dans l’affaire AL c CAEC pour les raisons suivantes :

  • ALtravaillait dans le domaine des soins de santé directement avec des patients;
  • le contrat de travail d’AL ne prévoyait pas la vaccination contre la COVID-19;
  • l’employeur d’AL a imposé unilatéralement une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19;
  • la seule différence est qu’ALétait une employée syndiquée.

[28] Je ne suis pas liée par les autres décisions rendues par le TribunalNote de bas de page 13. Par conséquent, je n’ai pas à suivre ces décisions. Je peux m’y fier pour me guider si je les trouve convaincantes ou utiles.

[29] En toute déférence, je ne suis pas convaincue par les conclusions ou les motifs du membre dans la décision AL c CAEC. Si je comprends bien, ce membre a rendu sa décision en se fondant sur les conclusions concernant les actions unilatérales de l’employeur pour imposer sa politique de vaccination, et sur la question de savoir si le refus de la prestataire de se faire vacciner contre la COVID-19 était légalement justifié.

[30] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 14. Je dois plutôt me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou omis de faire, et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 15.

[31] De plus, la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont toutes deux déclaré que la question de savoir si un employeur a omis d’offrir des mesures d’adaptation à un employé au titre du droit des droits de la personne n’est pas pertinente à la question de l’inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi. En effet, ce n’est pas la conduite de l’employeur qui en cause. Ces questions peuvent être traitées dans le cadre d’autres instancesNote de bas de page 16.

[32] Il est également important de noter que je ne peux pas décider si la prestataire avait d’autres options au titre d’autres lois. Il ne m’appartient pas de décider si la prestataire a été congédiée à tort ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables (mesures d’adaptation) pour la prestataireNote de bas de page 17. Je ne peux examiner qu’une seule chose : si l’action ou l’inaction de la prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[33] La prestataire soutient que la Commission ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver que la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur était une condition expresse ou implicite de son contrat de travail. Je ne suis pas d’accord.

[34] La prestataire a été informée de la politique de vaccination de l’employeur, des changements en cours à cette politique et des conséquences de la non-conformité. Le 20 août 2021, l’employeur lui a clairement dit qu’il exigeait en permanence une double vaccination contre la COVID-19 à compter du 8 octobre 2021 pour tous les membres du personnel, comme condition d’emploi. Si elle n’était pas vaccinée et qu’elle n’avait pas déclaré ses première et deuxième doses, elle serait mise en congé sans solde après le 8 octobre 2021. On lui a également dit qu’elle pouvait faire face à des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement. Le congédiement de la prestataire était la conséquence directe de son non-respect de la politique de l’employeur.

[35] Je suis d’avis que la Commission a démontré que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle n’a pas perdu son emploi involontairement parce qu’elle a choisi de ne pas se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur, ce qui a mené à son congédiement. Elle a agi délibérément.

[36] La prestataire a clairement été avisée qu’elle serait mise en congé sans solde ou empêchée de travailler si elle ne se faisait pas vacciner contre la COVID-19. La vaccination était donc une exigence pour qu’elle puisse continuer à travailler. Autrement dit, la vaccination contre la COVID-19 était une condition du maintien de l’emploi. On lui a également dit que le non-respect de la politique de vaccination entraînerait des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement. Par conséquent, je conclus que la prestataire a été suspendue puis congédiée en raison d’une inconduite.

[37] La demande (période de prestations) a pris effet le dimanche 31 octobre 2021. La prestataire a été suspendue à compter du 23 octobre 2021. Elle a été congédiée le 2 novembre 2021, soit la semaine même où sa période de prestations a commencé. Par conséquent, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du dimanche 31 octobre 2021Note de bas de page 18.

Conclusion

[38] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[39] L’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.