Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 416

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : N. H.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Julie Duggan

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 25 octobre 2023
(GE-23-1536)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 10 avril 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 23 avril 2024
Numéro de dossier : AD-23-1091

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel de N. H. parce qu’il n’a pas démontré que la division générale a commis une erreur.

[2] La décision de la division générale est donc maintenue.

Aperçu

[3] J’appellerai N. H. le prestataire parce qu’il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[4] Il a travaillé dans un centre d’appel pour une chaîne de magasins internationale. La lettre de congédiement de l’employeur indique qu’une vérification de ses appels récents a révélé des comportements très problématiques envers la clientèle. La lettre ajoute que son refus de conformer son comportement aux attentes de l’employeur et son irrespect flagrant envers la clientèle sont inacceptables et constituent une faute grave. L’employeur a donc congédié le prestataire pour un motif juste et suffisant.

[5] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a jugé que le prestataire avait perdu son emploi pour une raison qui constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations. Le prestataire a demandé une révision à la Commission, mais celle-ci a maintenu sa décision.

[6] Le prestataire a fait appel à la division générale du Tribunal. La division générale a rejeté son appel. Elle a estimé que la Commission avait prouvé qu’il avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[7] Le prestataire fait maintenant fait appel à la division d’appel. Il soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence. Le prestataire dit aussi qu’elle a commis des erreurs dans l’appréciation de la preuve. Il affirme que je devrais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. La Commission soutient que la division générale n’a commis aucune erreur et que je devrais donc rejeter l’appel du prestataire.

Questions en litige

[8] Il y a quatre questions en litige dans le présent appel :

  • La division générale a-t-elle fait preuve de partialité, a-t-elle préjugé de l’appel ou a-t-elle ignoré une question qu’elle devait trancher?
  • La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante en ignorant ou en interprétant mal la preuve du prestataire, ou en acceptant la preuve de la Commission?
  • La division générale s’est-elle appuyée à tort sur l’incompétence du prestataire lorsqu’elle a décidé que sa conduite constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi?
  • Si la division générale a commis une erreur, comment dois-je la corriger?

Analyse

[9] Je rejette l’appel du prestataire. Il n’a pas prouvé que la division générale a commis une erreur.

Le rôle de la division d’appel

[10] Le rôle de la division d’appel est différent de celui de la division générale. La loi m’autorise à intervenir et à corriger une décision de la division générale lorsqu’une partie prestataire montre que celle-ci :

  • a agi de façon inéquitable;
  • a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher ou n’a pas tranché une question qu’elle devait trancher (en termes juridiques, a excédé ou a refusé d’exercer sa compétence);
  • a fondé sa décision sur une erreur de droit;
  • a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.

[11] Si le prestataire ne démontre pas que la division générale a commis une de ces erreurs, je dois rejeter son appel.

La loi que la division générale devait appliquer : l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi

[12] La loi exclut une personne du bénéfice des prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 2. Dans les appels en matière d’inconduite, la division générale doit décider deux choses :

  • la raison pour laquelle la personne a perdu son emploi;
  • si la Commission a prouvé que cette raison constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 3.

[13] Pour être considérée comme une inconduite, la conduite d’une personne doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelle ou insouciante au point dêtre délibéréeNote de bas de page 4. Cela signifie que la Commission doit prouver que la personne savait ou aurait dû savoir que sa conduite violait une obligation qu’elle avait envers son employeur. De plus, la Commission doit démontrer que la personne savait ou aurait dû savoir qu’elle pouvait perdre son emploi en raison de cette conduiteNote de bas de page 5.

[14] L’incapacité d’une personne à respecter une condition d’emploi n’est pas nécessairement une inconduiteNote de bas de page 6. Par exemple, le fait qu’une personne ait un mauvais rendement au travail ou qu’elle soit incompétente – parce qu’elle n’a pas les compétences ou les aptitudes nécessaires pour faire son travail correctement – n’est pas considéré comme une inconduite.

La division générale n’a pas fait preuve de partialité, n’a pas préjugé de l’appel et n’a pas ignoré une question qu’elle devait trancher

[15] La division générale commet une erreur de compétence lorsqu’elle ne tranche pas une question qu’elle doit trancher.

[16] Le prestataire écrit que c’est [traduction] « une vraie farce » que la Commission affirme que le « Tribunal n’a pas l’expertise ou la compétence pour décider si le prestataire a été congédié injustement, ce qui dépasse largement son champ d’expertise en matière d’assurance-emploi et ne relève pas de sa compétenceNote de bas de page 7 ».

[17] Voici ce que je comprends des arguments du prestataire. Son employeur l’a congédié injustement et la division générale aurait dû trancher son appel en sa faveur pour cette raison.

[18] La division générale n’a pas commis d’erreur de compétence. Elle ne pouvait pas décider si l’employeur a congédié le prestataire injustement ni fonder sa décision sur cette questionNote de bas de page 8.

[19] La division générale ne respecte pas un principe de justice naturelle lorsqu’elle ne suit pas un processus équitable pour rendre sa décision. Cela comprend les cas où une ou un membre du Tribunal a fait preuve de partialité ou a préjugé de l’affaire.

[20] À l’audience, le prestataire a fait valoir que le membre de la division générale [traduction] « était peut-être un peu partial ». Il dit que le membre a haussé le ton pendant l’audience. Il affirme que certains des éléments de preuve auxquels il a fait référence étaient faux. Il ajoute qu’il a rendu sa décision sans examiner les faits en profondeur.

[21] Il est difficile de satisfaire au critère juridique permettant de démontrer la partialité d’une ou d’un membre du Tribunal. Les membres sont présumés être impartiaux. Le prestataire doit démontrer que dans les circonstances, une personne raisonnablement informée penserait que le membre n’a pas rendu une décision équitableNote de bas de page 9.

[22] Le prestataire n’a pas prouvé que la division générale a fait preuve de partialité ou qu’elle n’a pas respecté un principe de justice naturelle. J’ai écouté l’enregistrement de l’audience de la division générale et j’ai examiné les documents que les parties lui ont envoyés ainsi que sa décision.

[23] Rien ne démontre que le membre de la division générale a fait preuve de partialité ou qu’il a préjugé de l’affaire. Il a donné aux deux parties une juste chance de présenter leurs éléments de preuve et leurs arguments.

[24] La division générale devait évaluer les éléments de preuve et décider quels faits étaient les plus susceptibles d’être vrais. Lorsque les éléments de preuve de la Commission allaient à l’encontre de ceux du prestataire, la division générale devait décider lesquels elle préférait et expliquer pourquoi. C’est ce qu’elle a fait aux paragraphes 35, 44, 45, 46 et 47 de sa décision. Ainsi, la façon dont la division générale a traité la preuve ne démontre pas qu’elle était partiale ou qu’elle a préjugé de l’appel.

[25] Pour résumer cette section, le prestataire n’a pas prouvé que la division générale a commis une erreur de compétence ou n’a pas respecté un principe de justice naturelle.

La division générale n’a pas commis d’erreur de fait importante

[26] La division générale commet une erreur de fait importante si elle fonde sa décision sur une conclusion de fait qu’elle a tirée en ignorant ou en interprétant mal la preuveNote de bas de page 10. Autrement dit, le prestataire doit démontrer que la preuve contredit carrément une conclusion de fait de la division générale ou qu’elle ne l’appuie pasNote de bas de page 11.

[27] Je peux présumer que la division générale a tenu compte de tous les éléments de preuve : elle n’est pas obligée de mentionner chaque élément de preuve dans sa décisionNote de bas de page 12. Je ne peux pas réévaluer la preuveNote de bas de page 13. Je ne peux pas non plus conclure à une erreur uniquement parce que j’aurais évalué la preuve différemment ou que j’aurais rendu une décision différente en me fondant sur celle-ci.

[28] Le prestataire a concentré ses arguments écrits et oraux sur la preuve et les faits tels qu’il les voit. Il a contesté la preuve, la conduite et la compétence de son employeur. Il a remis en cause à plusieurs reprises la preuve, la description des faits et les arguments de la Commission. Il dit qu’il s’agit de [traduction] « mensonges flagrants », « offensants et blessants » et « très injustes, blessants et non justifiés ». Il s’est dit « très blessé » que la décision de la division générale lui soit défavorable.

[29] À l’audience de la division d’appel, le prestataire a soutenu que la division générale :

  • a rendu sa décision sans examiner les faits en profondeur;
  • aurait dû examiner sa situation sous un angle différent;
  • n’avait pas tous les éléments de preuve au dossier, en particulier un enregistrement de l’appel du 28 novembre 2023 avec un client;
  • n’a pas prêté attention au fait qu’un courriel au sujet de cet appel avait été rédigé par une nouvelle employée qui n’avait pas de compétences analytiques, et que le courriel indiquait que l’appel avait duré 45 minutes alors qu’il n’avait duré que 5 minutesNote de bas de page 14;
  • a ignoré son argument selon lequel il devrait avoir droit à des prestations en raison de l’économie et des prix qui sont presque trois fois plus élevés.

[30] La Commission soutient que la décision de la division générale est fondée sur la preuve et qu’elle est intelligible, transparente et raisonnable.

[31] Aux paragraphes 30 et 31, la division générale aborde le courriel relatif à l’appel du 28 novembre avec un client et examine la preuve du prestataire à ce sujet. La division générale a préféré la preuve de la Commission (et de son employeur) et explique pourquoi au paragraphe 35. Elle n’a donc pas ignoré le courriel, ni la preuve du prestataire à ce sujet, ni l’appel du 28 novembre avec un client.

[32] La division générale n’avait pas à tenir compte de ce que le prestataire a dit au sujet de l’économie et des prix. Cet argument n’était pas pertinent pour la question juridique qu’elle devait trancher, à savoir s’il a été congédié pour une raison qui constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[33] Je n’accepte pas le reste des arguments du prestataire selon lesquels la division générale a commis une erreur dans la manière dont elle a traité la preuve. Il n’a signalé aucune erreur de fait précise commise par la division générale. Il soutient, en termes généraux, qu’il n’est pas d’accord avec la façon dont la division générale a évalué la preuve et l’issue de son affaire. Cependant, le droit (résumé ci-dessus) dit que je ne peux pas réévaluer la preuve ni accueillir son appel parce que j’aurais pu trancher l’affaire différemment en me fondant sur la preuve.

[34] e prestataire n’a donc pas démontré que la division générale a ignoré ou mal interprété la preuve. Cela signifie qu’elle n’a pas commis d’erreur de fait importante.

La division générale ne s’est pas appuyée sur l’incompétence du prestataire lorsqu’elle a décidé que sa conduite constituait une inconduite

[35] La décision relative à la demande de permission de faire appel indique que la division générale s’est appuyée sur le profil des compétences de l’employeur et le plan d’amélioration du rendement qu’il a imposé au prestataire (les documents liés au rendement)Note de bas de page 15. La division d’appel a donc décidé qu’il était possible de soutenir que la division générale :

  • a commis une erreur de fait en s’appuyant à tort sur des éléments de preuve démontrant l’incompétence du prestataire;
  • a commis une erreur de droit en interprétant la notion d’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi comme incluant des actions qui ne sont que de l’incompétence.

[36] La division d’appel utilise le critère de la cause défendable lorsqu’elle décide d’accorder ou non la permission de faire appel. Il s’agit d’un critère facile à remplir. Pour obtenir gain de cause, le prestataire doit prouver que la division générale a commis une erreur. Il s’agit là d’un critère beaucoup plus difficile à satisfaire.

[37] Le prestataire n’a pas avancé d’argument concernant des erreurs fondées sur la décision relative à la demande de permission de faire appel. Il a dit que son employeur avait menti dans les documents liés au rendement et qu’il avait refusé de les signer pour cette raison.

[38] La Commission a convenu que la division générale s’était fondée sur le plan d’amélioration du rendement lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduiteNote de bas de page 16. Cependant, elle soutient que les documents liés au rendement montrent que lemployeur déplorait l’attitude et le comportement du prestataire et qu’il l’a sanctionné pour cela. La Commission fait valoir que la division générale a conclu que le prestataire avait perdu son emploi parce que sur une période de près de trois ans, il s’était montré à plusieurs reprises impoli, agressif et irrespectueux envers la clientèle. Enfin, la Commission affirme que la situation est devenue inacceptable lors d’un appel le 28 novembre au cours duquel le prestataire s’est comporté de manière scandaleuse en disant à un client [traduction] « ferme-la ».

[39] Je suis d’accord avec la Commission. La division générale n’a pas fondé sa décision sur le mauvais rendement au travail du prestataire, c’est-à-dire sur son incompétence. Il est important de regarder au-delà des titres des documents et de se concentrer sur les mots que l’employeur a utilisés dans ceux-ci pour décrire la conduite du prestataire et ses réponses. C’est ce qu’a fait la division générale.

[40] La division générale a soupesé la preuve et a ensuite donné les raisons pour lesquelles elle préférait la preuve de la Commission (paragraphe 44). Puis, au paragraphe 47, la division générale :

  • fait référence à la politique de l’employeur consistant à traiter la clientèle avec respect, que le prestataire connaissait ou aurait dû connaître;
  • inclut et souligne en gras deux parties du plan d’amélioration du rendement du prestataire qui disent que d’autres mesures disciplinaires pourraient être prises;
  • conclut que le prestataire savait ce qui pourrait arriver s’il ne respectait pas la politique;
  • termine le paragraphe en faisant référence à l’appel du 28 novembre et au témoignage du prestataire selon lequel il a admis avoir dit « ferme-la » à un client.

[41] Par conséquent, la division générale n’a pas commis d’erreur de fait importante. Elle n’a pas conclu que l’employeur avait congédié le prestataire en raison de son incompétence, en tout ou en partie. Elle n’a donc pas fondé sa décision sur une conclusion quant à l’incompétence du prestataire.

[42] La Commission a également soutenu que la division générale avait correctement appliqué le critère juridique de l’inconduiteNote de bas de page 17. En d’autres termes, elle n’avait pas mal interprété le critère juridique pour dire qu’une conclusion d’inconduite peut être fondée sur de l’incompétence.

[43] Je suis d’accord avec la Commission. La division générale a correctement énoncé le critère juridique qu’elle devait appliquer (paragraphes 37 à 40). Après avoir soupesé la preuve, elle a appliqué ce critère à ses conclusions de fait (paragraphe 47).

[44] Les conclusions de fait et la décision de la division générale sont appuyées par des éléments de preuve démontrant qu’il y a eu inconduite. La prépondérance de la preuve que la division générale a acceptée montre que la conduite du prestataire pendant une période prolongée violait une obligation qu’il avait envers son employeur. La division générale a conclu qu’il avait fait l’objet de mesures disciplinaires pour cette conduite. Elle s’est appuyée sur le dernier exemple flagrant de cette conduite, soit l’appel du 28 novembre avec un client à la suite duquel l’employeur a congédié le prestataire.

[45] Pour résumer cette section, la division générale n’a pas pris en compte la question de l’incompétence du prestataire lorsqu’elle a appliqué le critère juridique de l’inconduite. De plus, elle n’a pas fondé sa décision sur une conclusion de fait quant à une conduite impliquant de l’incompétence.

Conclusion

[46] Le prestataire n’a pas prouvé que la division générale a commis une erreur. Je dois donc rejeter son appel. La décision de la division générale demeure inchangée.

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