Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : JA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 2027

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (619818) datée du 13 octobre 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Greg Skelly
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 20 décembre 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 27 décembre 2023
Numéro de dossier : GE-23-2999

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada n’a pas prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelant n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi Note de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant a perdu son emploi. Son employeur a déclaré qu’il a été congédié parce qu’il avait fait de l’excès de vitesse au volant d’un véhicule de l’entreprise, ce qui allait à l’encontre de la politique de sécurité.

[4] Même si l’appelant ne conteste pas qu’il a fait de l’excès de vitesse, il ne pense pas qu’il a roulé aussi vite que l’employeur le prétend. Il pense que l’employeur n’a fourni aucune preuve de la vitesse à laquelle il allait. L’appelant dit aussi qu’il ne savait pas qu’il pouvait être congédié dans le cas d’un excès de vitesse.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[6] L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] Pour décider si l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelant a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

[8] J’estime que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il avait fait un excès de vitesse au volant d’un véhicule de l’entreprise, ce qui allait à l’encontre de la politique de sécurité de son employeur.

[9] La Commission et l’appelant s’entendent sur la raison pour laquelle ce dernier a perdu son emploi. Même s’ils ne s’entendent pas sur la vitesse à laquelle l’appelant allait, ils conviennent qu’il a dépassé la limite de vitesse affichée et qu’il existe des « règles de survie » largement reconnues qui interdisent l’excès de vitesse.

[10] Je conclus que la conduite qui a mené à la cessation d’emploi de l’appelant était un excès de vitesse au volant du véhicule de son employeur, ce qui va à l’encontre des règles de sécurité de celui-ci.

La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite selon la loi?

[11] Selon la loi, la raison du congédiement de l’appelant n’est pas une inconduite.

[12] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelle Note de bas de page 2. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibérée Note de bas de page 3. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il a voulu faire quelque chose de mal) Note de bas de page 4.

[13] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raison Note de bas de page 5.

[14] La Commission doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite Note de bas de page 6.

[15] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que l’appelant a admis avoir fait un excès de vitesse. 

[16] La Commission soutient également que l’appelant a admis avoir fait un excès de vitesse au volant d’un véhicule de l’entreprise et qu’il ait atteint 153 km/h ou 140 km/h, il a tout de même largement dépassé la limite de vitesse affichée Note de bas de page 7.

[17] La Commission affirme que l’appelant conduisait une Dodge Durango 2022, un véhicule qui ne nécessite pas de formation spéciale, et qu’il était titulaire d’un permis de conduire valide.

[18] La Commission affirme que l’entreprise était axée sur la sécurité et que l’appelant savait ou aurait dû savoir qu’enfreindre la loi en faisant un excès de vitesse important pouvait mener à son congédiement Note de bas de page 8.

[19] L’appelant affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que l’employeur n’a pas fourni de registres du GPS pour prouver qu’il a fait un excès de vitesse. Mais il ajoute qu’il en fait pour dépasser des véhicules et qu’il n’avait pas l’intention de se faire congédier Note de bas de page 9.

[20] Je conclus que la Commission n’a pas prouvé qu’il y a eu inconduite. Même s’il est clair pour moi que l’appelant a fait un excès de vitesse, je juge qu’il n’avait aucun moyen de savoir qu’un seul cas mènerait à son congédiement sans recevoir d’avertissements ou faire l’objet de mesures disciplinaires. 

[21] L’appelant a déclaré à la Commission qu’il ne savait pas exactement à quelle vitesse il allait lorsqu’il a dépassé un camion sur l’autoroute. Il croyait que c’était environ 140 km/h. Il ne pense pas qu’il a atteint 153 km/h comme l’entreprise le prétend.

[22] Sans preuve autre que les discussions entre la Commission et l’employeur (qui n’avait pas accès aux registres de vérification électroniques au moment de l’entrevue), je reconnais que l’appelant a fait un excès de vitesse à environ 140 km/h.

[23] Lors de son témoignage, l’appelant a déclaré qu’il pensait que dépasser un grand routier à une vitesse de 30 à 40 km/h au-dessus de la limite permise était une façon sécuritaire d’éviter de rouler sur la voie de circulation opposée trop longtemps. Il croyait que c’était la solution la plus sécuritaire.

[24] La Commission n’a pas été en mesure d’obtenir la politique de sécurité de l’employeur et les registres du compteur de vitesse du GPS, alors nous pouvons uniquement nous fier aux paroles de l’appelant et de l’employeur.

[25] Lors de ses discussions avec la Commission, l’employeur a fait des déclarations contradictoires sur un certain nombre de questions importantes :

  • Une employée a dit à la Commission qu’elle croyait que l’appelant allait à 160 km/h Note de bas de page 10. Une autre personne a dit qu’il allait à 153 km/h Note de bas de page 11.
  • À un moment donné, l’employeur a dit à la Commission qu’il lui enverrait les documents relatifs à sa politique et sa dernière lettre de nature disciplinaire Note de bas de page 12. Plus tard, lorsque la Commission lui a demandé la politique de l’entreprise sur l’excès de vitesse, tout accord signé avec l’appelant et les registres des véhicules, il a dit que l’entreprise était fermée pour la saison et qu’il ne pourrait pas envoyer ces renseignements importants Note de bas de page 13.
  • L’employeur a dit à la Commission que pour son entreprise, l’excès de vitesse est non négociable Note de bas de page 14. Mais il a dit plus tard qu’il le signalait seulement s’il dépasse une minute. De toute évidence, l’employeur a une certaine tolérance à l’excès de vitesse.

[26] La Commission soutient que l’appelant était au courant des conséquences potentielles du non-respect des politiques de sécurité. Sans pouvoir examiner ces politiques, je ne peux pas lui donner raison.

[27] L’employeur a dit à la Commission que les registres du GPS montreraient que l’appelant a dépassé la limite de vitesse pendant plus d’une minute. Toutefois, lors de son témoignage, l’appelant a déclaré qu’il n’avait pris qu’environ 20 secondes pour dépasser un camion qui roulait en dessous de la limite de vitesse.

[28] L’appelant admet qu’il a fait un excès de vitesse, mais il a été cohérent dans ses discussions avec la Commission, son avis d’appel au Tribunal et son témoignage selon lequel il ne savait pas qu’il pouvait être congédié dans le cas d’un excès de vitesse.

[29] Lors de son témoignage, l’appelant m’a dit qu’il n’était au courant d’aucune politique selon laquelle un excès de vitesse mènerait à son congédiement. Il a également déclaré qu’il avait fait un excès de vitesse pour dépasser un autre véhicule lorsque ses superviseurs étaient à bord et que personne n’avait fait de commentaire. Je le crois.

[30] L’appelant a également déclaré lors de l’audience qu’il avait demandé de suivre un cours de conduite défensive puisqu’il conduisait aussi les véhicules plus larges de l’entreprise. L’employeur a refusé parce que c’était une période occupée.

[31] Lors de son témoignage, l’appelant a déclaré qu’il aurait accepté de se faire réprimander, suspendre ou retirer du poste de chauffeur. Il était en état de choc lorsqu’il a été congédié après une seule infraction aux règles de son entreprise.

[32] À l’audience, l’appelant a déclaré qu’on lui avait raconté qu’une personne avait été congédiée pour ne pas avoir porté la ceinture de sécurité, mais qu’elle avait d’abord été suspendue pour la même raison, donc il pensait qu’il serait traité de la même façon.

[33] L’appelant affirme dans son avis d’appel au Tribunal qu’il n’avait pas l’intention de se faire congédier Note de bas de page 15. Il a dit à la Commission qu’il n’avait pas reçu d’avertissements au sujet de comportements similaires et ne pensait pas qu’il serait congédié pour avoir fait un excès de vitesse Note de bas de page 16.

[34] Lors de son témoignage, l’appelant a déclaré qu’il s’attendait à ce qu’une personne qui enfreint les règles pour la première fois fasse l’objet de mesures disciplinaires progressives. Pour ce qui est de cette question, je suis d’accord avec lui.

[35] Je conclus donc que l’appelant n’avait aucun moyen de savoir qu’un excès de vitesse mènerait à son congédiement. J’estime que l’appelant ne pouvait pas ou n’aurait pas dû savoir qu’une seule infraction aux règles pour avoir dépassé la limite de vitesse affichée mènerait à son congédiement.

Alors, l’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[36] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que l’appelant n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[37] La Commission n’a pas prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi l’appelant n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[38] Par conséquent, l’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.