Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

Avant de perdre son emploi, le prestataire travaillait comme chauffeur dans une entreprise. Il a demandé des prestations d’assurance-emploi lorsqu’il a cessé de travailler.

La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’il n’avait pas droit aux prestations d’assurance-emploi à compter du 27 juillet 2023 parce qu’il avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Le prestataire a fait appel de cette décision à la division générale. Celle-ci a accueilli son appel. Elle a conclu que la Commission n’avait pas prouvé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. En conséquence, le prestataire n’était pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. La Commission a porté la décision de la division générale en appel à la division d’appel. Selon la Commission, la division générale avait fait une erreur de droit et une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite.

La division d’appel a conclu que la division générale avait fait deux erreurs connexes.

Premièrement, la division d’appel a conclu que la division générale s’était trompée parce qu’elle n’avait pas tenu compte de certains éléments de preuve importants qui montraient que le prestataire savait ou aurait dû savoir que la possibilité de se faire congédier était bien réelle. Plus précisément, le dossier contenait des éléments de preuve montrant que le prestataire a admis à la Commission qu’il savait que la politique de l’employeur précisait que ce genre de chose pouvait mener à un congédiement ou à d’autres mesures disciplinaires, mais qu’il ne pensait pas qu’il serait congédié pour une seule infraction. Ces éléments de preuve contredisaient ce que le prestataire avait dit à la division générale à l’audience, c’est-à-dire qu’il n’était au courant d’aucune politique disant qu’il serait congédié pour excès de vitesse. La division générale n’a pas vérifié s’il savait ou aurait dû savoir que le congédiement était une réelle possibilité à la lumière de la preuve mentionnée plus haut, qui montre que le prestataire a dit à la Commission qu’il savait que c’était une possibilité.

Deuxièmement, la division d’appel a conclu que la division générale avait fait une erreur lorsqu’elle a donné son avis sur le caractère raisonnable de la politique et de la conduite de l’employeur.

Selon la Cour, il faut se pencher d’abord et avant tout sur la conduite de la personne employée pour savoir s’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour a déjà décidé que le rôle du Tribunal de la sécurité sociale n’est pas de décider si l’employeuse ou l’employeur a agi de façon justifiée ou si la sanction ou pénalité est appropriée. Des décisions judiciaires plus récentes ont confirmé que le Tribunal n’est pas le bon endroit pour examiner les allégations de congédiement injustifié, la conduite de l’employeuse ou de l’employeur ou le caractère raisonnable de ses politiques de travail.

La division d’appel a accueilli l’appel et rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. La division d’appel a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que la possibilité d’être congédié était bien réelle. Il aurait dû savoir qu’en dépassant la limite de vitesse avec son véhicule de travail, ce qui contrevenait à la politique de l’employeur et aux règles de survie, il risquait de perdre son emploi. La division d’appel a conclu que la conduite du prestataire constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c JA, 2024 TSS 382

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Melanie Allen
Partie intimée : J. A.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 29 décembre 2023 (GE-23-2999)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 5 mars 2024
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante
Intimé
Date de la décision : Le 17 avril 2024
Numéro de dossier : AD-24-64

Sur cette page

Décision

[1] L’appel de la Commission de l’assurance-emploi du Canada est accueilli.

[2] La division générale a commis une erreur de droit et une erreur de fait importante. Je rends la décision qu’elle aurait dû rendre. Le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Par conséquent, il n’est pas admissible aux prestations régulières d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] J. A. est le prestataire dans la présente affaire. Il travaillait comme chauffeur pour une entreprise jusqu’à ce qu’il perde son emploi. Après avoir cessé de travailler, il a demandé des prestations d’assurance-emploi.

[4] La Commission a décidé qu’il n’était pas admissible aux prestations d’assurance‑emploi à compter du 27 juillet 2023 parce qu’il a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 1.

[5] Le prestataire a fait appel de cette décision à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, qui a accueilli son appelNote de bas de page 2. La division générale a conclu que la Commission n’avait pas prouvé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, le prestataire n’a pas été exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 3.

[6] La Commission fait maintenant appel à la division d’appel du TribunalNote de bas de page 4. Elle affirme que la division générale a commis une erreur de droit et une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite.

[7] J’ai conclu que la division générale a commis les erreurs mentionnées plus haut. C’est pourquoi j’accueille l’appel et je rends la décision que la division générale aurait dû rendre. Le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.

Nouveaux éléments de preuve

[8] Un nouvel élément de preuve est tout élément de preuve dont la division générale ne disposait pas lorsqu’elle a rendu sa décision.

[9] En général, la division d’appel n’accepte pas les nouveaux éléments de preuveNote de bas de page 5. En effet, elle n’est pas la juge des faits ni celle qui instruit l’affaire à nouveau. Son rôle est de réviser la décision de la division générale en fonction des mêmes éléments de preuveNote de bas de page 6.

[10] Toutefois, il y a quelques exceptions qui permettent l’examen d’un nouvel élément de preuveNote de bas de page 7. Par exemple, je peux l’accepter s’il présente l’une des caractéristiques suivantes :

  • il contient seulement des renseignements d’ordre général;
  • il met en lumière des conclusions tirées en l’absence de preuve;
  • il démontre que le Tribunal a agi de façon injuste.

[11] Vers la fin de l’audience de la division d’appel, le prestataire a expliqué que s’il s’était trompé de chiffre ou de date [à l’audience de la division générale], c’est parce qu’il était désorientéNote de bas de page 8. La Commission a fait remarquer que s’il s’agissait d’un nouvel élément de preuve, la division d’appel ne pouvait pas en tenir compte.

[12] Je conclus qu’il s’agit d’un nouvel élément de preuve qui n’a pas été présenté à la division générale. Je crois comprendre que le prestataire veut expliquer quelques prétendues incohérences, mais je ne peux pas accepter ce nouvel élément de preuve parce qu’il porte sur le fond de l’appel et ne correspond pas à l’une des exceptions énumérées plus haut. Plus précisément, il ne contient pas de renseignements d’ordre général, ne met pas en lumière des conclusions tirées en l’absence de preuve et ne démontre pas que le Tribunal a agi de façon injuste. Par conséquent, je ne peux pas accepter ce nouvel élément de preuve.

Questions en litige

[13] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit ou une erreur de fait importante lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite?
  2. b) Si oui, comment faut-il corriger l’erreur ou les erreurs?

Analyse

[14] Il peut y avoir une erreur de droit lorsque la division générale n’applique pas la bonne loi ou quand elle utilise la bonne loi, mais qu’elle comprend mal ce qu’elle signifie ou comment l’appliquerNote de bas de page 9.

[15] Il y a erreur de fait lorsque la division générale fonde sa décision sur une « conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 10 ».

[16] Il faut donc examiner certaines des questions suivantesNote de bas de page 11 :

  • La preuve contredit-elle carrément l’une des principales conclusions de la division générale?
  • Y a-t-il des éléments de preuve qui pourraient appuyer rationnellement l’une des principales conclusions de la division générale?
  • La division générale a-t-elle ignoré des éléments de preuve importants qui contredisent l’une de ses principales conclusions?

[17] Par conséquent, je peux intervenir si la division générale a commis une erreur de droit ou une erreur de fait importante.

La Commission soutient que la division générale a commis des erreurs

[18] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de droit et une erreur de fait importanteNote de bas de page 12. Voici un résumé des arguments écrits et oraux de la Commission concernant les erreurs commisesNote de bas de page 13 : 

  • La division générale s’est concentrée à tort sur la sévérité de la sanction imposée par l’employeur (le congédiement), parce que la jurisprudence a établi que l’important est de savoir si la conduite du prestataire était délibérée (consciente, voulue ou intentionnelle)Note de bas de page 14.
  • De plus, la jurisprudence a récemment établi que le Tribunal ne peut pas remettre en question le caractère raisonnable de la politique d’un employeur et la validité d’un congédiementNote de bas de page 15.
  • Si la division générale avait appliqué le critère juridique aux faits, elle aurait certainement conclu qu’il y a eu inconduite. En effet, le prestataire a admis avoir fait un excès de vitesse au volant de son véhicule de travail et il savait qu’une politique l’interdisait de manière explicite.
  • La division générale n’a pas évalué tous les éléments de preuve parce qu’elle en a ignoré un qui prouvait que l’excès de vitesse était interdit (plus précisément, la page GD3-29 qui fait référence aux règles de survie). Elle aurait dû expliquer pourquoi elle a accordé peu ou pas d’importance à cet élément de preuve.

Le prestataire soutient que la division générale n’a commis aucune erreur

[19] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas commis d’erreur de droit ou d’erreur de fait importante. Voici un résumé de ses arguments écrits et orauxNote de bas de page 16 :

  • Il convient qu’il a fait un excès de vitesse au volant de son véhicule de travail, mais seulement pendant une très courte période et pour dépasser un camion.
  • Il aurait roulé plus longtemps et plus rapidement selon l’employeur, mais celui-ci n’a pas fourni de preuve à la Commission (sous forme de registres du GPS).
  • Il sait qu’il y a des lois sur l’excès de vitesse et que chaque entreprise a ses propres politiques, mais il ne connaissait pas toutes les pénalités qui pouvaient être imposées par son employeur.

Ce que l’inconduite signifie dans le contexte de l’assurance-emploi

[20] La loi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi si elle perd un emploi en raison de son « inconduiteNote de bas de page 17 ».

[21] L’inconduite n’est pas définie dans la Loi sur l’assurance-emploi, mais les tribunaux ont fourni certaines indications à ce sujet.

[22] La Cour d’appel fédérale définit l’inconduite comme étant une façon d’agir délibérée, ce qui signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 18. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 19.

[23] Plus précisément, il n’est pas nécessaire que la partie prestataire ait eu une intention coupable pour qu’il y ait inconduite au sens de la loiNote de bas de page 20.

[24] La Cour a déclaré qu’il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 21.

[25] Je vais maintenant examiner ce que la division générale a décidé dans la présente affaire.

La division générale a décidé que la conduite du prestataire n’était pas une inconduite

[26] La division générale devait décider si la Commission avait prouvé que le prestataire avait été congédié en raison d’une inconduite.

[27] La division générale a bien énoncé l’article de loi pertinent et la définition d’inconduite que la Cour a donnée dans sa décisionNote de bas de page 22.

[28] La division générale a décidé que le prestataire avait perdu son emploi parce qu’il avait dépassé la limite de vitesse au volant de son véhicule de travailNote de bas de page 23. Elle a accepté le témoignage du prestataire selon lequel il roulait à environ 140 km/h, ce qui était au-dessus de la limite de vitesse affichée sur l’autorouteNote de bas de page 24.

[29] Le prestataire n’a pas contesté cette façon d’agirNote de bas de page 25. Il a convenu qu’il avait fait un excès de vitesse au volant de son véhicule de travail, mais il a dit que ce n’était que pendant une brève période pour dépasser un camion.

[30] La division générale a déclaré que la conduite du prestataire allait à l’encontre de la politique et des règles de sécurité de l’employeur qui interdisent l’excès de vitesse. Les règles largement reconnues dans l’industrie s’appellent les « règles de survieNote de bas de page 26 ».

[31] La division générale a finalement décidé que la Commission n’avait pas prouvé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 27. Elle a déclaré que même si le prestataire était d’avis qu’il a dépassé la limite de vitesse, il n’avait aucun moyen de savoir qu’un seul excès de vitesse aurait mené à son congédiement sans recevoir d’avertissements ou faire l’objet de mesures disciplinairesNote de bas de page 28.

[32] La division générale a également expliqué qu’en l’absence des politiques de l’employeur, elle ne pouvait pas être d’accord avec l’affirmation de la Commission selon laquelle le prestataire était conscient des conséquences potentielles du non-respect des politiques de sécurité de l’employeurNote de bas de page 29.

[33] Elle a conclu que la conduite du prestataire n’était pas une inconduite. Par conséquent, son appel a été accueilli et il n’a pas été exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 30. 

La division générale a commis deux erreurs

[34] Les faits de base dans cette affaire ne sont pas contestés par les parties. Le prestataire convient qu’il a dépassé la limite de vitesse affichée en conduisant un véhicule de travail. La vitesse exacte et la durée n’ont pas été établies parce que l’employeur n’a pas fourni les registres du GPS à la Commission. Le prestataire avait une explication pour l’excès de vitesse, mais l’employeur ne l’a pas acceptée. Il l’a congédié parce que sa conduite a violé sa politique de sécurité et les règles de survie.

[35] Premièrement, le prestataire et la Commission étaient d’accord sur le fait que l’employeur avait une politique et des règles de survie qui interdisaient l’excès de vitesse. Dans sa décision, la division générale a fait référence aux règles de survieNote de bas de page 31.

[36] Deuxièmement, le prestataire a convenu qu’il avait adopté la conduite (un excès de vitesse au volant de son véhicule de travail) qui a mené à son congédiement. Ce faisant, il a violé la politique de l’employeur et enfreint les règles de survie qui interdisent l’excès de vitesse.

[37] Le prestataire affirme qu’il n’y avait aucune preuve (c’est-à-dire les registres du GPS de l’employeur) de la vitesse exacte à laquelle il roulait et de la durée. Toutefois, le fait que la Commission n’ait pas cette preuve importe peu parce que le prestataire a déjà admis qu’il avait dépassé la limite affichée au volant de son véhicule de travail.

[38] La division générale a ensuite décidé que sa façon d’agir n’était pas une inconduite parce que le prestataire ne savait pas qu’il serait congédié en raison de celle-ci. Elle a conclu que l’employeur n’avait pas émis d’avertissements et que, sans pouvoir examiner ses politiques, elle ne pouvait pas conclure que le prestataire était au courant des conséquences potentielles de ne pas s’y conformerNote de bas de page 32.

[39] Toutefois, l’absence de la politique de l’employeur et l’incapacité d’examiner les sanctions possibles en cas de non-conformité n’étaient pas des facteurs décisifs. Le prestataire a déjà admis qu’il a adopté la conduite en question et il savait que l’excès de vitesse était interdit par l’employeur et les règles de survie.

[40] À mon avis, la division générale a commis deux erreurs liées.

[41] La division générale a commis une erreur parce qu’elle n’a pas tenu compte d’éléments de preuve essentiels selon lesquels le prestataire savait ou aurait dû savoir que son congédiement était une réelle possibilité.

[42] Plus précisément, certains éléments de preuve au dossier montrent que le prestataire a admis à la Commission qu’il savait que la politique de l’employeur précisait qu’un excès de vitesse pouvait mener à son congédiement ou à d’autres mesures disciplinaires, mais qu’il ne pensait pas qu’il serait congédié après une seule infractionNote de bas de page 33. Ces éléments de preuve contredisent ce qu’il a dit à l’audience de la division générale, à savoir qu’il n’était au courant d’aucune politique selon laquelle un excès de vitesse mènerait à son congédiementNote de bas de page 34.

[43] La division générale n’a pas examiné si le prestataire savait ou aurait dû savoir que le congédiement était possible en fonction de l’élément de preuve plus haut. Il s’agit de celui selon lequel il a dit à la Commission qu’il savait qu’il pouvait être congédié.

[44] La Cour a déjà établi qu’il y a inconduite si la partie prestataire sait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 35.

[45] Dans la présente affaire, le prestataire travaillait comme chauffeur. Il devait donc conduire un véhicule de travail dans l’exercice de ses fonctions. L’employeur s’attendait à ce qu’il conduise en toute sécurité et suive sa politique et les règles de survie qui interdisent l’excès de vitesse. De plus, des éléments de preuve confirment le fait que le prestataire savait que son congédiement était une réelle possibilité.

[46] La division générale a aussi tenu compte du fait qu’il s’agissait du premier excès de vitesse du prestataire et qu’il ne s’attendait pas à être congédiéNote de bas de page 36. Elle était d’accord avec lui pour dire qu’il aurait dû faire l’objet de mesures disciplinaires (par exemple, une suspension) pour avoir enfreint les règles la première foisNote de bas de page 37.

[47] Voilà où la division générale a commis la deuxième erreur. Elle l’a commise en jugeant le caractère raisonnable de la politique et des actions de l’employeur.

[48] Selon la Cour, l’important est de tenir compte de la conduite de la personne employée et de se demander si elle constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 38.

[49] La Cour a déjà établi que le rôle du Tribunal n’est pas de décider si le choix de l’employeur était justifié ou si la sanction était appropriéeNote de bas de page 39.

[50] Des décisions plus récentes de la Cour ont confirmé qu’il n’appartient pas au Tribunal de traiter des allégations de congédiement injustifié, de la conduite de l’employeur ou du caractère raisonnable de ses politiques de travailNote de bas de page 40. Dans une décision intitulée Kuk, la Cour a déclaré que le critère juridique de l’inconduite vise plutôt à établir si une partie prestataire a intentionnellement commis un acte (ou a omis de commettre un acte) qui est contraire à ses obligations professionnellesNote de bas de page 41.

[51] Pour ces raisons, je conclus que la division générale a commis une erreur de droit et une erreur de fait importante. Elle n’a pas tenu compte d’éléments de preuve essentiels selon lesquels le prestataire savait ou aurait dû savoir que son congédiement était une réelle possibilité. Elle a jugé le caractère raisonnable de la politique et des actions de l’employeur.Note de bas de page 42

[52] Comme j’ai constaté des erreurs, je n’ai pas à examiner les autres erreurs présumées.

Correction des erreurs

[53] Il y a deux façons de corriger les erreurs de la division généraleNote de bas de page 43. La première option consiste à lui renvoyer le dossier pour réexamen. La deuxième est de rendre la décision qu’elle aurait dû rendre.

[54] La Commission affirme que le dossier est complet, donc je devrais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Selon la Commission je devrais accueillir l’appel à cause des erreurs commises et décider que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. 

[55] Toutefois, la Commission a fait remarquer qu’elle ne s’opposerait pas à renvoyer le dossier à la division générale pour réexamen.

[56] Le prestataire préfère la première option. Selon lui, elle pourrait lui être avantageuse parce qu’elle permettrait de déposer plus d’éléments de preuve et d’effectuer une recherche de faits approfondie. Cependant, il ne s’oppose pas à la deuxième option parce que le processus a déjà pris beaucoup de temps. 

Je vais rendre la décision qu’il fallait rendre

[57] Je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Les parties ont eu une occasion pleine et équitable de présenter leurs arguments, et le dossier est complet. Ce faisant, je peux tirer les conclusions de fait nécessairesNote de bas de page 44.

[58] Le prestataire était au courant de la politique de l’employeur et des règles de survie reconnues dans l’industrie qui interdisent l’excès de vitesse.

[59] Le prestataire avoue avoir fait un excès de vitesse. Il convient qu’il a dépassé la limite de vitesse affichée dans un véhicule de travail pour dépasser un autre véhicule.

[60] Même si le prestataire a fait un excès de vitesse seulement pendant une brève période, sa conduite a violé la politique de l’employeur et les règles de survie qui interdisent l’excès de vitesse.

[61] Je n’ai pas à examiner la vitesse à laquelle il roulait ou la durée parce qu’il a déjà admis avoir fait un excès de vitesse.

[62] Le prestataire fait valoir qu’il ne connaissait pas les conséquences et qu’il ne savait pas qu’un excès de vitesse mènerait à son congédiement. Il pense que l’employeur aurait dû lui imposer une différente sanction.

[63] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle du Tribunal n’est pas de décider si le congédiement était justifié ou appropriéNote de bas de page 45.

[64] La question pertinente est de savoir si la conduite du prestataire était délibérée et si elle constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi

[65] Je conclus que la conduite du prestataire était délibérée. Il a intentionnellement et consciemment fait un excès de vitesse au volant de son véhicule de travail pour dépasser un autre véhicule.

[66] Je reconnais qu’il n’avait peut-être pas une intention coupable, mais sa conduite demeure une inconduite parce qu’il a choisi de faire un excès de vitesse même s’il savait que la politique de l’employeur et les règles de survie l’interdisaientNote de bas de page 46.

[67] Rien n’indique que l’employeur permettait un excès de vitesse dans des circonstances particulières, y compris pour dépasser un autre véhicule pendant une brève période. En effet, la preuve confirme que l’employeur avait une tolérance zéro pour les problèmes de sécurité, car il s’est décrit comme étant soucieux de la sécuritéNote de bas de page 47. Les règles de survie indiquent clairement qu’il faut respecter les règles de sécurité au volant : [traduction] « Je ne dépasse pas la limite de vitesse et je réduis ma vitesse en fonction de l’état de la routeNote de bas de page 48 ».

[68] La preuve montre que le prestataire savait qu’il y avait une possibilité d’être congédié. Il a dit à la Commission que la politique indiquait la possibilité d’un congédiement ou d’autres mesures disciplinaires, mais il ne pensait pas qu’il serait nécessairement congédié après la première infractionNote de bas de page 49.

[69] Je conclus que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son congédiement était une réelle possibilitéNote de bas de page 50. Il aurait dû savoir que violer la politique de l’employeur et les règles de survie en faisant un excès de vitesse au volant de son véhicule de travail pouvait mener à son congédiement.

[70] Pour ces motifs, je conclus que la conduite du prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 51.

Conclusion

[71] L’appel de la Commission est accueilli. La division générale a commis une erreur de droit et une erreur de fait importante. J’ai remplacé sa décision par la mienne. Le prestataire n’a pas droit aux prestations d’assurance-emploi parce qu’il a perdu son emploi en raison de son inconduite.

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