Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 439

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : M. S.
Représentant : L. E.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le
19 décembre 2023 (GE-23-3084)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Date de la décision : Le 28 avril 2024
Numéro de dossier : AD-24-78

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas plus loin.

Aperçu

[2] La demanderesse, M. S. (prestataire), a été suspendue, puis congédiée. Elle travaillait comme infirmière autorisée. Elle dit avoir été congédiée parce qu’elle n’était pas entièrement vaccinée contre la COVID-19. Elle a expliqué que son employeuse l’avait congédiée pour non-respect d’une ordonnance provinciale de santé publique.

[3] Après son congédiement, la prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a examiné les raisons pour lesquelles la prestataire a perdu son emploi. Elle a décidé que la prestataire avait été suspendue, puis congédiée en raison d’une inconduite et qu’elle n’avait pas droit aux prestations.

[4] La prestataire a demandé une révision, mais la Commission a maintenu sa décision. La prestataire a porté la décision de révision en appel à la division générale du Tribunal. Celle‑ci a rejeté l’appel. Elle a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite et qu’elle ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[5] La prestataire veut maintenant porter la décision de la division générale en appel à la division d’appel du Tribunal. Elle doit cependant obtenir la permission de faire appel pour que son dossier aille de l’avant. Elle avance que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.

[6] Je dois décider si la division générale a fait une erreur révisable qui pourrait donner à l’appel une chance de succès. Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[7] Voici les questions à régler :

  1. a) Est-il possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu que l’employeuse de la prestataire avait adopté une politique de vaccination?
  2. b) La prestataire soulève‑t‑elle une autre erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

Je refuse la permission de faire appel

[8] Dans le cadre d’une demande de permission de faire appel, le critère juridique que la prestataire doit remplir est peu rigoureux : y a‑t‑il un moyen (argument) qui permettrait de soutenir que l’appel a une chance de succèsNote de bas de page 1?

[9] Pour trancher cette question, je me suis demandé si la division générale avait peut-être fait une ou plusieurs des erreurs pertinentes (appelées « moyens d’appel ») qui figurent dans la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement socialNote de bas de page 2.

[10] Un appel n’est pas une nouvelle occasion de débattre de la demande originale. En fait, il faut plutôt que je décide :

  1. a) si la procédure de la division générale était inéquitable;
  2. b) si la division générale a oublié de trancher une question alors qu’elle aurait dû le faire ou si elle a tranché une question alors qu’elle n’aurait pas dû le faire;
  3. c) si elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 3;
  4. d) si elle a fait une erreur de droitNote de bas de page 4.

[11] Avant que l’appel de la prestataire puisse passer à la prochaine étape, je dois être convaincue qu’au moins un des moyens d’appel ci‑dessus lui donne une chance raisonnable de succès. Par « chance raisonnable de succès », on entend qu’en faisant valoir ses arguments, la prestataire pourrait peut-être gagner sa cause. Je dois aussi tenir compte des autres moyens d’appel possibles, ceux que la prestataire n’a pas cernés avec précisionNote de bas de page 5.

Décision de la division générale

[12] La division générale a d’abord examiné la raison pour laquelle la prestataire a été suspendue, puis congédiée. Elle a conclu que le congédiement découlait du refus de se faire vacciner contre la COVID-19 dans les délais fixés par l’employeuseNote de bas de page 6. Elle a écrit que la prestataire n’avait pas respecté les exigences que l’employeuse avait posées en réponse à l’ordonnance provinciale de santé publiqueNote de bas de page 7.

[13] Par la suite, la division générale a vérifié si la raison de la suspension et du congédiement est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle a reconnu que la Commission a la responsabilité de prouver selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 8. La division générale a passé en revue les principes clés de la jurisprudence qui s’appliquent à l’analyse de l’inconduiteNote de bas de page 9.

[14] Voici pourquoi la division générale a conclu que la prestataire avait été d’abord suspendue, puis congédiée pour inconduite :

  • L’employeuse avait adopté une politique en réponse à l’ordonnance provinciale de santé publique : elle obligeait tout le personnel à recevoir toutes les doses du vaccin contre la COVID-19Note de bas de page 10.
  • La prestataire savait que l’employeuse exigeait qu’elle se fasse vacciner pour continuer à travaillerNote de bas de page 11.
  • La prestataire a fait le choix volontaire de ne pas respecter l’obligation de vaccinationNote de bas de page 12.
  • La prestataire était au courant des conséquences de ne pas se faire vacciner, notamment la suspension et le congédiementNote de bas de page 13.

[15] La division générale s’est penchée sur les arguments de la prestataire, c’est‑à-dire que son employeuse n’avait pas sa propre politique de vaccination et que, comme employée occasionnelle, elle respectait l’ordonnance provinciale de santé publique parce qu’elle n’était pas obligée d’accepter les quarts de travail et qu’elle n’était allée dans aucun des établissements de l’employeuseNote de bas de page 14. La prestataire a aussi fait valoir que sa convention collective n’obligeait personne à se faire vacciner.

On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de fait

[16] La prestataire soutient que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante. Selon elle, son appel a été rejeté parce que la division générale a conclu qu’elle avait enfreint la politique de son employeuse. Elle avance qu’il n’y avait aucune preuve que son employeuse avait une politique et qu’il n’y a donc pas eu de violation. Elle dit qu’elle devrait avoir droit aux prestations.

[17] La prestataire souligne le fait que sa lettre de congédiement mentionne uniquement l’ordonnance provinciale de santé publique, et non sa propre politiqueNote de bas de page 15. Elle affirme que la division générale a ignoré son témoignage voulant qu’il n’y ait aucune politique. Elle fait valoir que la conclusion de la division générale selon laquelle l’employeuse a établi une obligation de vaccination est fondée sur de pures spéculations concernant la possible réponse de l’employeuse à l’ordonnance provinciale de santé publiqueNote de bas de page 16.

[18] Je conclus qu’il est impossible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante. Elle n’a pas conclu que l’employeuse avait rédigé une politique officielle dans la foulée de l’ordonnance provinciale. Voici plutôt ce qu’elle a écrit :

Même si l’appelante n’a reçu de l’employeuse aucun exemplaire écrit d’une politique officielle, je juge qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que l’employeuse a établi une « politique » en réponse à l’ordonnance provinciale de santé publique. En effet, personne ne conteste le fait que l’employeuse a clairement défini les exigences (ou la politique) à la suite de l’ordonnance provinciale. L’appelante savait notamment que tout le personnel devait recevoir toutes les doses du vaccin contre la COVID-19 (obligation expresse ou implicite). Il y a aussi plus de chances qu’elle connaissait les conséquences du non-respect des exigencesNote de bas de page 17.

[19] Tout au long de sa décision, la division générale parle des exigences de vaccination et des dates limites imposées par l’employeuse. Elle les appelle la « politique » de l’employeuse.

[20] La prestataire souligne l’absence de preuve montrant que l’employeuse a adopté une politique officielle en réponse à l’ordonnance provinciale de santé publique. Elle affirme avoir été congédiée parce qu’elle n’était pas vaccinée, ce qui était une exigence de l’ordonnance provinciale, et non pas d’une quelconque politique de l’employeuse.

[21] La prestataire ne conteste pas le fait que l’ordonnance provinciale de santé publique s’appliquait à son employeuse. Peu importe si l’employeuse a rédigé ou non une politique officielle pour montrer qu’elle se conformait à l’ordonnance provinciale, il est clair qu’elle a choisi de la respecter et qu’elle obligeait son personnel à se faire vacciner conformément à l’ordonnance. L’exigence a été communiquée au personnel et est devenue une obligation expresse ou implicite.

[22] La lettre de congédiement précise ceci : [traduction] « Au cours des dernières semaines, vous avez été informée à maintes reprises de l’obligation de vous faire vacciner contre la COVID-19 pour pouvoir travailler à Y à compter du 26 octobre 2021Note de bas de page 18. »

[23] La division générale a reconnu et examiné l’argument de la prestataire voulant que l’employeuse n’ait pas établi sa propre politique. Elle a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que l’employeuse avait une « politique » qui avait été communiquée au personnel, et ce, malgré l’absence d’un document écrit officielNote de bas de page 19.

[24] La preuve présentée à la division générale était suffisante pour montrer que l’employeuse a choisi d’appliquer l’ordonnance provinciale de santé publique et qu’elle obligeait son personnel à se faire vacciner contre la COVID-19 dans les délais fixés par l’ordonnance. Je juge qu’il est impossible de soutenir que la division générale a ignoré un élément de preuve pertinent pour en arriver à cette conclusion. Je conclus aussi que le rôle de la division d’appel n’est pas de soupeser à nouveau la preuve.

On ne peut pas soutenir que la division générale a fait une autre erreur révisable

[25] La prestataire soutient aussi que, comme employée occasionnelle, le fait qu’elle ne soit pas vaccinée n’était pas un manquement envers son employeuse. Elle affirme que l’ordonnance provinciale de santé publique obligeait les gens à se faire vacciner seulement pour travailler dans un milieu hospitalier ou se rendre à l’hôpital pendant que l’obligation était en vigueur. Elle dit qu’elle n’était pas obligée d’accepter des quarts de travail et qu’elle pouvait choisir de ne pas travailler pendant un certain tempsNote de bas de page 20.

[26] La division générale s’est penchée sur cet argument. Elle a conclu que la politique de l’employeuse et l’ordonnance provinciale de santé publique s’appliquaient à tout le personnel, y compris aux personnes ayant un poste occasionnelNote de bas de page 21. La prestataire ne conteste pas le fait que l’ordonnance provinciale s’appliquait à elle, mais elle affirme que la division générale s’est trompée parce que l’employeuse n’avait pas de politique et que, comme employée, elle s’est conformée à l’ordonnance en n’acceptant aucun quart de travail et en évitant d’aller à l’hôpitalNote de bas de page 22.

[27] J’estime que cet argument n’a aucune chance raisonnable de succès. De toute évidence, l’employeuse savait que la prestataire était une employée occasionnelle et elle a quand même choisi de lui demander de se faire vacciner, comme l’exigeait l’ordonnance provinciale de santé publique, pour continuer à travailler. Ce n’est pas au Tribunal de décider si la conduite de l’employeuse était justifiée ou raisonnable. Cette dernière a précisé ce qu’elle exigeait de la prestataire pour la maintenir en emploi et ce qui arriverait en cas de non-respect de ces exigences.

[28] La prestataire fait référence à une autre décision du Tribunal pour appuyer ses arguments. Mais comme la division générale l’a expliqué, elle n’est pas obligée de suivre les autres décisions de la division généraleNote de bas de page 23. La prestataire a précisé qu’elle avait déposé un grief pour contester son congédiement. Si elle estime que les actions de son employeuse n’étaient pas justifiées, c’est la bonne façon de faire trancher cette question.

[29] La Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont rendu un certain nombre de décisions sur la question de l’inconduite et des politiques de vaccinationNote de bas de page 24. Elles ont répété à plusieurs reprises que, dans un tel contexte, le Tribunal n’a pas le pouvoir d’évaluer ou de se prononcer sur le bien-fondé, la légitimité ou la légalité des actions des employeuses et des employeurs.

[30] En plus d’avoir examiné les arguments de la prestataire, je me suis aussi penchée sur les autres moyens d’appel. Elle n’a signalé aucune injustice procédurale de la part de la division générale et je ne vois aucune preuve montrant que la procédure a été inéquitable. On ne peut pas soutenir que la division générale a fait une erreur de compétence. Enfin, je n’ai relevé aucune erreur de droit.

[31] La division générale a appliqué le bon critère juridique. Elle a aussi suivi la jurisprudence de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale, dont l’application est obligatoire. Elle s’est penchée sur la preuve et les arguments de la prestataire sans tenir compte des éléments de preuve non pertinents. On ne peut pas soutenir que la décision de la division générale contient une erreur révisable.

[32] La prestataire n’a relevé aucune erreur que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès. Par conséquent, je refuse la permission de faire appel.

Conclusion

[33] La permission de faire appel est refusée. Cela met donc un terme à l’appel.

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