Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 2038

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. S.
Représentant : L. E.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (603513) rendue le 5 octobre 2023
par la Commission de l’assurance-emploi du Canada
(communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Linda Bell
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 8 décembre 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 19 décembre 2023
Numéro de dossier : GE-23-3084

Sur cette page

Décision

[1] M. S. est l’appelante dans le présent dossier. Je rejette son appel.

[2] Elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension, puis son congédiement). En conséquence, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelante travaillait pour deux autorités provinciales de la santé en même temps. Elle était infirmière autorisée occasionnelle. Elle a quitté son emploi à l’autorité régionale X en septembre 2021. Elle a déménagé pour être avec son époux. Elle a continué à travailler comme employée occasionnelle à l’autorité régionale Y jusqu’à ce qu’elle soit placée en congé sans solde (suspendue), puis congédiée.

[4] Dans la lettre de congédiement, l’employeuse affirme que l’appelante a été avisée à plusieurs reprises de l’obligation de se faire vacciner contre la COVID-19 pour pouvoir travailler à compter du 26 octobre 2021, conformément à l’ordonnance provinciale de santé publique. Comme l’appelante n’a pas déclaré qu’elle était entièrement vaccinée contre la COVID-19, l’employeuse l’a suspendue avant de la congédier. Même si l’appelante ne conteste pas ces faits, elle affirme que le non-respect de l’ordonnance provinciale n’est pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison fournie par l’employeuse pour expliquer la suspension et le congédiement. C’est celle qui figure dans la lettre de congédiement. La Commission a décidé que l’appelante avait été suspendue avant de perdre son emploi en raison d’une inconduite. Elle a donc décidé que l’appelante n’avait pas droit aux prestations d’assurance-emploi.

[6] L’appelante n’est pas d’accord avec la décision de la Commission, qui refuse de lui verser des prestations d’assurance-emploi. Elle a fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Elle affirme que son employeuse n’avait pas de politique. Elle soutient que son refus de se faire vacciner contre la COVID-19 n’est pas une inconduite. 

Questions que je dois examiner en premier

Partie pouvant être mise en cause

[7] Parfois, le Tribunal envoie une lettre aux anciennes employeuses et anciens employeurs des parties appelantes pour leur demander si devenir une partie à l’appel les intéresse. Pour devenir une partie mise en cause, l’employeuse ou l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas mettre l’employeuse en cause dans le présent appel, car rien dans le dossier n’indique que ma décision lui imposerait des obligations juridiques. 

Documents déposés en retard

[8] Dans l’intérêt de la justice, j’ai accepté les observations et les documents reçus après l’audience du 8 décembre 2023Note de bas de page 2.

[9] À l’audience, le représentant a demandé la permission de présenter une copie de l’ordonnance provinciale de santé publique. De plus, j’ai entendu des arguments qu’il est possible d’interpréter ainsi : l’appelante a réduit sa disponibilité pour le travail. Plus précisément, l’appelante a fait valoir qu’elle n’avait pas enfreint l’ordonnance provinciale parce que, comme employée occasionnelle, elle n’était pas obligée d’accepter les quarts de travail et l’employeuse n’était pas obligée de lui en offrir. 

[10] J’ai expliqué brièvement que la jurisprudence établit la façon dont je dois vérifier si la question en litige porte sur le départ volontaire ou bien sur l’inconduite. Par conséquent, pour respecter les principes de justice naturelle et d’équité procédurale, j’ai donné à l’appelante la permission de déposer une copie de l’ordonnance provinciale et de présenter ses observations finales sur les questions à trancher. J’ai fixé la date limite au 15 décembre 2023.

[11] Le Tribunal a reçu les documents supplémentaires le 12 décembre 2023. La Commission en a reçu une copie. Elle n’a pas répondu. Je conclus donc que l’acceptation des documents déposés en retard ne porterait aucun préjudice à l’une ou l’autre des parties.

Question en litige

[12] L’appelante a‑t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[13] La loi dit qu’on ne peut pas toucher de prestations d’assurance-emploi si l’on perd son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique en cas de suspension ou de congédiementNote de bas de page 3.

[14] Pour savoir si l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. Je dois d’abord déterminer la raison pour laquelle elle a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a‑t-elle cessé de travailler?

[15] Je conclus que l’appelante a été suspendue, puis congédiée parce qu’elle n’a pas respecté les exigences ou la « politique » de l’employeuse sur la COVID-19. Ces exigences ont été établies en réponse à l’ordonnance provinciale de santé publique. Je conviens que l’appelante n’était pas en congé de façon volontaire et qu’elle n’a pas quitté volontairement son emploi (démissionné). En effet, elle n’a pas eu le choix de rester ou de quitterNote de bas de page 4.

[16] Les documents au dossier démontrent que l’employeuse a suspendu, puis congédié l’appelante pour refus de se faire vacciner contre la COVID-19 dans les délais fixés par l’employeuse.

[17] À l’audience, l’appelante a confirmé qu’elle connaissait l’existence de l’ordonnance provinciale de santé publique et qu’elle avait discuté avec son gestionnaire des dates limites (ou de la politique) de l’employeuse, qui l’obligeait à dévoiler qu’elle était entièrement vaccinée contre la COVID-19. Dans ses documents d’appel, l’appelante affirme clairement qu’elle a choisi de ne pas postuler pour les postes à temps plein affichés par l’autorité régionale Y, car on lui avait dit qu’elle pourrait être mise en congé dès le 26 octobre 2021 si elle n’était pas vaccinée contre la COVID-19Note de bas de page 5.

[18] L’appelante savait que l’ordonnance provinciale s’appliquait à tout le personnel des conseils régionaux de la santé, de l’Agence provinciale des services de santé, des services de santé d’urgence de la Colombie-Britannique, de l’organisme Providence Health Care Society [soins de santé de la providence] ou des établissements provinciaux de soins psychiatriquesNote de bas de page 6. L’ordonnance provinciale de santé publique précise que l’employeuse ne peut pas autoriser une personne non vaccinée à travailler après le 25 octobre 2021, sauf si la personne se conforme aux articles 2(a) à (d) ou obtient une exemption. 

[19] Par conséquent, je conclus que l’appelante a été suspendue, puis congédiée parce qu’elle a refusé de se faire vacciner contre la COVID-19, contrairement à ce qu’exigeait la politique que l’employeuse a adoptée à la suite de l’ordonnance provinciale de santé publique.

Inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi

[20] La Commission doit prouver que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 7.

[21] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Mais la jurisprudence (les décisions des cours) nous montre comment savoir si la suspension et le congédiement de l’appelante constituent une inconduite au sens de la Loi. Elle établit le critère juridique de l’inconduite, c’est‑à-dire les points et les critères à prendre en considération lorsqu’on examine la question de l’inconduite.

[22] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. En d’autres termes, il faut que la conduite de l’appelante soit consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 8. L’inconduite désigne aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 9. Il n’est cependant pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est‑à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 10.

[23] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeuse et que la possibilité d’être congédiée pour cette raison était bien réelleNote de bas de page 11.

[24] La loi ne m’oblige pas à tenir compte du comportement de l’employeuseNote de bas de page 12. Je ne peux pas regarder si l’ordonnance provinciale de santé publique, la conduite de l’employeuse ou la mise en place de politiques par courriel sont des choses raisonnables. Je ne peux pas non plus voir si la suspension et le congédiement étaient des sanctions raisonnablesNote de bas de page 13. Je dois plutôt me pencher sur ce que l’appelante a fait ou n’a pas fait, puis voir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 14.

[25] La seule chose que je peux décider, c’est s’il y a eu inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas fonder ma décision sur la possibilité que d’autres lois donnent d’autres options à l’appelante. Il ne m’appartient pas de décider si le congédiement de l’appelante est injuste ou si l’employeuse aurait dû mettre en place des mesures d’adaptation raisonnables pour elleNote de bas de page 15. Je peux me pencher sur une seule question : ce que l’appelante a fait ou omis de faire est‑il une inconduite au sens de la Loi?

La raison de la suspension et du congédiement est-elle une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi?

[26] Oui. Je juge que la preuve dont je dispose montre qu’il y a eu inconduite. Je m’explique. 

[27] L’appelante travaillait comme infirmière autorisée pour une autorité sanitaire provinciale. Elle avait des contacts directs avec les patientes et les patients, les personnes qui visitaient l’établissement et les autres membres du personnel. Elle était une employée occasionnelle syndiquée qui a choisi de ne poser sa candidature sur aucun des postes à temps plein affichés par l’autorité régionale Y parce qu’on lui a dit qu’elle pouvait être placée en congé dès le 26 octobre 2021 si elle n’était pas vaccinée contre la COVID-19Note de bas de page 16.

[28] L’appelante savait que son employeuse, une autorité régionale de santé publique, relevait de la province. Elle savait aussi que la province avait émis une ordonnance de santé publique qui précisait que, pour travailler, tout le personnel de l’Agence provinciale des services de santé embauché avant le 26 octobre 2021 devait se faire vacciner ou obtenir une exemptionNote de bas de page 17.

[29] L’appelante n’a pas contesté le fait que l’employeuse a informé son personnel par courriel de l’obligation de se conformer à l’ordonnance provinciale par la présentation d’une preuve de vaccination, faute de quoi il y aurait mise en congé sans solde, puis congédiement. Je reconnais que l’appelante a contesté les observations de la Commission sur ce qui s’est dit durant les conversations téléphoniques. Elle n’a toutefois pas contesté le contenu de la lettre de congédiement, qui indique clairement que l’employeuse lui a rappelé à plusieurs reprises l’obligation de se faire vacciner contre la COVID-19 pour continuer à travailler.

[30] Selon la Commission, il y a eu inconduite parce que l’appelante savait, d’une part, que l’employeuse exigeait qu’elle se fasse vacciner contre la COVID-19 et, d’autre part, que la vaccination était requise pour garder son emploi.

L’employeuse avait-elle adopté une politique?

[31] Oui. Même si l’appelante n’a reçu de l’employeuse aucun exemplaire écrit d’une politique officielle, je juge qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que l’employeuse a établi une « politique » en réponse à l’ordonnance provinciale de santé publique. En effet, personne ne conteste le fait que l’employeuse a clairement défini les exigences (ou la politique) à la suite de l’ordonnance provinciale. L’appelante savait notamment que tout le personnel devait recevoir toutes les doses du vaccin contre la COVID-19 (obligation expresse ou implicite). Il y a aussi plus de chances qu’elle connaissait les conséquences du non-respect des exigences.

[32] Le 17 mai 2023, la Commission a consigné que l’appelante a dit que l’employeuse lui avait communiqué la politique par écrit le 13 septembre 2022 (il a été précisé plus tard que c’était une erreur de frappe et qu’il fallait lire le 13 septembre 2021). L’appelante affirme n’avoir jamais dit qu’il y avait une politique, mais je juge qu’il y a plus de chances qu’elle a été informée des exigences (ou de la politique) de l’employeuse et qu’elle savait qu’elle pouvait être suspendue et même congédiée si elle ne respectait pas les délais. Comme je l’ai mentionné plus haut, l’appelante admet volontiers qu’elle savait qu’il y avait une ordonnance provinciale de santé publique et qu’elle a choisi de ne pas accepter un poste à temps plein parce qu’on lui a dit qu’elle pouvait être placée en congé dès le 26 octobre 2021. 

[33] Je suis d’accord avec l’appelante sur un point : la Cour fédérale affirme que, vu les conséquences sérieuses qui y sont associées, une conclusion d’inconduite doit être fondée sur des éléments de preuve clairs et non sur de simples conjectures et hypothèses. La Commission a la responsabilité de prouver la présence de tels éléments de preuve, et ce, indépendamment de l’opinion de l’employeuseNote de bas de page 18.

[34] Selon la Commission, l’employeuse n’avait pas répondu à ses appels. Elle n’a donc pas fondé sa décision uniquement sur les déclarations ou l’opinion de l’employeuse. Les documents au dossier démontrent plutôt que la Commission s’est appuyée sur les éléments de preuve présentés par l’appelante : entre autres choses, ses déclarations qui confirment sa connaissance de l’ordonnance provinciale de santé publique, les dates limites fixées par l’employeuse (sa politique) et la lettre de congédiement.

[35] De plus, je reconnais que c’est l’appelante qui a déposé en preuve la bonne ordonnance provinciale de santé publique. Cela dit, les audiences du Tribunal sont des procédures de novo, ce qui veut dire que je dois tenir compte de tous les éléments de preuve pertinents qui sont portés à ma connaissance.

[36] Après avoir considéré ce qui précède, je juge que la preuve est suffisante pour démontrer que l’employeuse a établi une politique sur la COVID-19 en réponse à l’ordonnance provinciale de santé publique. Cette politique prévoyait que le défaut de se faire vacciner contre la COVID-19 dans les délais prescrits entraînerait une suspension, puis un congédiement. 

L’appelante était-elle au courant de la politique de l’employeuse?

[37] Oui. Je conclus qu’il y a plus de chances que l’appelante connaissait l’exigence (la politique) de l’employeuse voulant que tout son personnel se fasse vacciner contre la COVID-19 pour continuer à travailler. De plus, l’appelante savait ou aurait dû savoir que le défaut de présenter une preuve de vaccination contre la COVID-19 au plus tard le 25 octobre 2021 entraînerait une suspension, puis un congédiement.

[38] L’appelante a expliqué qu’elle avait discuté avec son gestionnaire des exigences (de la politique) de l’employeuse sur la vaccination contre la COVID-19, des dates limites et de l’ordonnance provinciale de santé publique. J’accepte cela comme preuve que l’appelante était au courant des conséquences du non-respect de la politique.

L’appelante a‑t-elle refusé de respecter la politique?

[39] Oui. Je conclus que l’appelante a refusé de suivre la politique. Elle admet volontiers avoir choisi de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19.

L’appelante connaissait-elle les conséquences du non-respect de la politique?

[40] Oui. Comme je l’ai mentionné plus haut, j’ai conclu qu’il y avait plus de chances que l’appelante était au courant des conséquences du non-respect de la politique, dont une suspension suivie d’un congédiement. Même si elle savait ce qui se passerait, l’appelante a pris la décision voulue et délibérée de ne pas suivre la politique de l’employeuse. Ce défaut délibéré de se conformer constitue une inconduite puisqu’il a entraîné la perte de son emploi.

[41] Je reconnais que l’appelante a le droit de décider si elle se fait vacciner et si elle déclare son statut vaccinal. Mais elle savait qu’il y aurait des conséquences si elle refusait de suivre la politique que l’employeuse a adoptée dans la foulée de l’ordonnance provinciale de santé publique. Dans la présente affaire, les conséquences étaient la suspension et le congédiement de l’appelante.

Autres arguments

[42] L’appelante a fait valoir qu’elle n’a pas enfreint l’ordonnance provinciale de santé publique parce qu’elle n’avait pas travaillé et ne s’était pas rendue dans les établissements de l’employeuse. Cependant, elle a enfreint la politique de l’employeuse, car elle n’a pas reçu toutes les doses du vaccin contre la COVID-19 avant les dates limites (25 octobre 2021 et 15 novembre 2021) fixées par l’employeuse.

[43] L’appelante a expliqué qu’elle était une employée occasionnelle, alors elle n’était pas obligée d’accepter les quarts de travail et l’employeuse n’était pas tenue de lui en offrir. Mais la politique de l’employeuse et l’ordonnance provinciale de santé publique s’appliquaient à tout le personnel, peu importe la classification et le statut d’emploi.

[44] L’appelante a parlé de ses convictions religieuses et de ses préoccupations concernant le vaccin contre la COVID-19. Elle n’a pas demandé d’exemption religieuse, car elle savait que la direction de la santé publique n’accordait aucune exemption fondée sur la religion. Elle a insisté sur le fait qu’elle voulait travailler et qu’elle était prête à prendre d’autres précautions contre la COVID-19, mais que son employeuse a refusé d’envisager ces options.

[45] L’appelante a fait valoir que sa convention collective ne l’oblige pas à se faire vacciner contre la COVID-19. Elle a déposé un grief avec l’aide de son syndicat.

[46] Je reconnais que l’usage du mot « inconduite » déplaît à l’appelante. Même si l’employeuse n’a pas utilisé le mot « inconduite » dans ses communications avec elle, cela ne change rien à la conclusion d’inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi. En effet, aux fins de l’assurance-emploi, le terme « inconduite » a un sens précis qui ne correspond pas nécessairement à celui qu’on lui connaît au quotidien. Une personne peut être inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi et exclue du bénéfice en raison d’une inconduite, mais cela ne veut pas nécessairement dire qu’elle a « mal » agi.

[47] J’admets que l’agence provinciale de santé publique et l’employeuse ont le droit de gérer leurs activités quotidiennes. Elles ont donc, entre autres, le pouvoir d’élaborer et d’imposer des pratiques et des politiques en milieu de travail pour assurer la santé et la sécurité de toutes les personnes qui y travaillent ou y reçoivent des soins. L’obligation de l’appelante envers son employeuse était de respecter sa politique. Celle‑ci définissait les exigences qui faisaient de la vaccination contre la COVID-19 une condition pour garder son emploi, conformément à l’ordonnance provinciale de santé publiqueNote de bas de page 19.

[48] Je reconnais que l’appelante a fait valoir que, selon plusieurs décisions rendues par mes collègues du Tribunal, il faudrait accueillir son appelNote de bas de page 20. Je ne suis cependant pas obligée de suivre les autres décisions rendues par le TribunalNote de bas de page 21. Autrement dit, je n’ai pas à les imiter.

[49] De plus, l’argument de l’appelante selon lequel son appel devrait être accueilli est, à mon avis, peu convaincant parce que certains des faits entourant son affaire se distinguent de la situation des prestataires dans les affaires Cecchetto c Canada (Procureur général), 2023 CF 102 et Kuk c Canada (Procureur général), 2023 CF 1134. Comme je l’ai mentionné plus haut, j’ai conclu que l’appelante connaissait les exigences de la politique que l’employeuse a adoptée à la suite de l’ordonnance provinciale de santé publique et qu’elle savait qu’elles s’appliquaient à tout le personnel. La preuve confirme que l’appelante a enfreint la politique de l’employeuse puisqu’elle n’a pas déclaré qu’elle était entièrement vaccinée contre la COVID-19 dans les délais prescrits, ce qui constitue une inconduite.

[50] La Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont toutes deux affirmé que la question de savoir si une employeuse ou un employeur a répondu ou non aux besoins des membres de son personnel aux termes de la législation sur les droits de la personne n’est pas pertinente pour l’évaluation de l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. En effet, ce n’est pas la conduite de l’employeuse qui est en cause. De telles questions peuvent être jugées par d’autres instancesNote de bas de page 22.

[51] Je n’ai pas le pouvoir de décider si les actions de l’employeuse ou la politique qu’elle a adoptée en réponse à l’ordonnance provinciale de santé publique étaient illégales. Je n’ai pas non plus le pouvoir de décider si l’employeuse a porté atteinte aux droits de l’appelante en tant qu’employée lorsqu’elle l’a suspendue et congédiée ou si elle aurait pu ou dû mettre en place de quelconques mesures d’adaptation pour elle. Le recours de l’appelante contre son employeuse consiste à demander l’aide de son syndicat et à s’adresser à la Cour ou à tout autre tribunal qui peut juger ces questions particulières.

[52] La Loi sur l’assurance-emploi a pour objet d’indemniser les personnes sans emploi qui ont cessé de travailler pour des raisons indépendantes de leur volonté. Il faut que la perte de l’emploi assuré soit involontaire. L’indemnisation n’est pas un droit automatique, même si les prestataires ont payé des cotisations d’assurance-emploi.

[53] À mon avis, l’appelante n’a pas perdu son emploi de façon involontaire. En effet, elle a choisi de ne pas respecter les exigences de la politique que l’employeuse a adoptée dans la foulée de l’ordonnance provinciale de santé publique. C’est ce qui a mené à sa suspension, puis à son congédiement. L’appelante a agi de façon délibérée.

[54] L’appelante a été suspendue à compter du 26 octobre 2021. Elle a été congédiée le 18 novembre 2021. La date du début de sa période de prestations a été avancée au 31 octobre 2021. L’appelante est donc inadmissible pendant la suspension, c’est‑à-dire du 26 octobre 2021 au 17 novembre 2021Note de bas de page 23. Son emploi a pris fin le 18 novembre 2021. Par conséquent, elle est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 14 novembre 2021, soit le dimanche de la semaine où elle a été congédiéeNote de bas de page 24.

Conclusion

[55] L’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. En conséquence, elle est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi et exclue du bénéfice.

[56] L’appel est rejeté.

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