Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 2036

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (563750) datée du 13 janvier 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Katherine Parker
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 3 mai 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 17 juillet 2023
Numéro de dossier : GE-23-335

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté, avec modification.

[2] Je conclus que la Commission de l’assurance-emploi du Canada a exercé judiciairement son pouvoir discrétionnaire en décidant de vérifier et de réexaminer la demande de prestations de l’appelanteNote de bas de page 1. La Commission a donc agi correctement lorsqu’elle a déterminé rétroactivement que l’appelante n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[3] Je conclus que l’appelante a démontré qu’elle était disponible pour travailler pendant qu’elle suivait un programme d’études entre le 7 septembre 2020 et le 26 août 2021, inclusivementNote de bas de page 2.

[4] Je conclus que l’appelante n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler après le 26 août 2021.

[5] Je conclus que l’appelante a quitté volontairement son emploi sans justification le 6 octobre 2021.

Aperçu

[6] La Commission a rendu une décision le 28 octobre 2022, qui a donné lieu à un trop-payé de 18 438 $Note de bas de page 3.

[7] Elle a décidé que l’appelante n’était pas admissible aux prestations du 7 septembre 2020 au 22 avril 2022. Elle a déclaré que l’appelante suivait un programme d’études à temps plein et qu’elle ne cherchait aucun emploi, ce qui signifie qu’elle n’avait pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler.

[8] La Commission affirme qu’elle s’est fondée sur les articles 18 et 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) pour décider que l’appelante n’avait pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler. Elle soutient qu’en vertu de l’article 153.161(2) de la LoiNote de bas de page 4, elle peut vérifier, à tout moment après le versement des prestations, qu’une personne est admissible aux prestations en exigeant la preuve qu’elle était capable de travailler et disponible à cette fin pour tout jour ouvrable de sa période de prestations.

[9] Elle a également décidé que l’appelante n’était pas admissible aux prestations régulières de l’assurance-emploi à compter du 3 octobre 2021 parce qu’elle a quitté volontairement son emploi sans justification le 6 octobre 2021.

[10] Le 7 décembre 2022, l’appelante a demandé la révision de ces deux décisions ainsi que de la décision exigeant le remboursement des 18 438 $. La Commission a confirmé sa décision le 13 janvier 2023.

[11] L’appelante a présenté une demande initiale de prestations le 15 mars 2021. Elle a cessé de travailler en raison d’une éclosion de COVID-19 dans son milieu de travail et n’a pas été rémunérée pour la semaine du 15 mars 2021 au 20 mars 2021. Elle a continué de travailler pour son employeur, mais selon un horaire réduit en raison de la pandémie, et ce, jusqu’au 27 avril 2021, date à laquelle elle a été mise à pied en raison d’un manque de travail. Elle occupait un emploi saisonnier et elle était habituellement mise à pied pendant les mois d’été.

[12] Elle est retournée au travail le 26 août 2021 pour commencer la nouvelle saison, mais elle a de nouveau travaillé selon un horaire réduit la fin de semaine. L’appelante a quitté son emploi le 6 octobre 2021.

[13] Lorsque l’appelante a présenté sa demande, elle était étudiante à temps plein, et ce, depuis septembre 2020. Elle travaillait à temps plein pendant qu’elle assistait à ses cours. Elle pouvait le faire parce que ses cours étaient à 50 % en ligne. Elle travaillait tous les jours de la semaine de 16 h à 20 h, plus deux quarts de huit heures la fin de semaine. Elle avait le même horaire de travail que lorsqu’elle a travaillé pour ce même employeur pendant sa dernière année d’études secondaires, en 2017-2018.

[14] La Commission a appris que l’appelante suivait un programme d’études et lui a demandé de remplir un questionnaire sur la formation, que la Commission a reçu le 5 avril 2021. La Commission demande un questionnaire sur la formation une fois qu’elle est informée qu’une personne suivra ou a l’intention de suivre une formation. La personne est informée qu’elle doit prouver qu’elle est prête à travailler tous les jours, qu’elle est capable de le faire et qu’elle effectue des démarches pour trouver un emploi. L’appelante a rempli un autre questionnaire sur la formation le 10 septembre 2021.

[15] Le 12 mai 2021, la Commission a reçu un relevé d’emploi pour la demande déposée le 15 mars 2021, après le versement des prestations. La dernière journée de travail ne correspondait pas à la dernière journée de travail indiquée par l’appelante dans sa demande du 15 mars 2021.

[16] Le 13 décembre 2021, la Commission a reçu un relevé d’emploi de l’employeur de l’appelante, qui indiquait qu’elle avait quitté son emploi le 6 octobre 2021.

[17] On a communiqué avec l’employeur le 23 décembre 2021 pour vérifier les détails de la demande de prestations de mars 2021 parce que les dates ne correspondaient pas. L’appelante a reçu des prestations entre le 13 mars 2021 et le 27 avril 2021, même si sa dernière journée de travail était le 27 avril 2021. Elle a déclaré ses heures chaque semaine pour cette période.

[18] Le 26 octobre 2022, la Commission a communiqué avec l’appelante pour discuter de son départ volontaire et du programme de formation qui a commencé le 6 septembre 2020 et qui a pris fin le 22 avril 2022.

[19] Le 28 octobre 2022, la Commission a rendu sa décision selon laquelle l’appelante était exclue du bénéfice des prestations à compter du 3 octobre 2021 parce qu’elle avait quitté volontairement son emploi sans justification. Elle a également décidé que l’appelante n’était pas admissible aux prestations du 7 septembre 2020 au 22 avril 2022 parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler.

Questions en litige

[20] La Commission a-t-elle agi correctement lorsqu’elle est revenue sur sa décision et a décidé que l’appelante n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi du 7 septembre 2020 au 22 avril 2022 (en d’autres termes, a-t-elle agi judiciairement)? Dans la négative, je peux soit annuler la décision de la Commission, soit rendre la décision que la Commission aurait dû rendre.

[21] L’appelante est-elle inadmissible aux prestations entre le 7 septembre 2020 et le 22 avril 2022 parce qu’elle n’était pas disponible?

[22] L’appelante a-t-elle quitté volontairement son emploi le 6 octobre 2021? Dans l’affirmative, ce départ était-il justifié?

Analyse

La Commission a-t-elle le pouvoir de vérifier et de réexaminer rétroactivement la demande de prestations de l’appelante?

[23] L’appelante a soulevé la question de savoir pourquoi la Commission a réexaminé rétroactivement son dossier. Elle a affirmé qu’elle ne pensait pas que la Commission pouvait revenir deux ans en arrière et annuler son admissibilité. Elle a affirmé qu’elle avait soumis ses déclarations chaque semaine et qu’elle avait indiqué honnêtement ses heures de cours et de travail. Dans ses formulaires de formation, elle a indiqué qu’elle travaillait. Elle a affirmé que la Commission n’aurait pas dû lui accorder des prestations si elle n’y avait pas droit. Elle n’a fourni aucun nouveau renseignement lorsque la Commission a communiqué avec elle pour la première fois le 26 octobre 2022.

[24] La Commission a déclaré que sa décision était de déclarer l’appelante inadmissible pour ne pas avoir été disponible pour travailler au titre de la mesure temporaire établie à l’article 153.161(2) de la Loi. Elle a déclaré qu’il s’agissait d’une décision relative à l’admissibilité, et non d’une décision de révision ou de réexamen. Cette mesure temporaire donnait à la Commission une large marge de manœuvre pour décider quand vérifier des demandes antérieures.

[25] La Commission déclare que les décisions relatives à l’admissibilité fondées sur la disponibilité, rendues en vertu de l’article 153.161(2) de la Loi, ne sont pas des décisions de réexamen ou de révision rendues en vertu des articles 52 ou 112 de la Loi.

[26] Les pouvoirs de réexamen de la Commission sont énoncés à l’article 52 de la Loi. Cet article prévoit que la Commission peut examiner de nouveau une demande de prestations dans les 36 mois suivant le versement des prestationsNote de bas de page 5.

[27] La jurisprudence a établi que la seule restriction au pouvoir de réexamen de la Commission au titre de l’article 52 de la Loi est le temps.

[28] La Commission peut donc examiner de nouveau une demande en vertu de l’article 52 même s’il n’y a aucun fait nouveau. Autrement dit, elle peut retirer son approbation antérieure et exiger que les prestataires remboursent les prestations qui leur ont été versées en vertu de cette approbationNote de bas de page 6.

[29] Pendant la pandémie, le gouvernement a modifié temporairement la Loi. L’article 153.161 a été ajouté à la Loi et est entré en vigueur le 27 septembre 2020. Cette disposition s’applique à l’appelante, qui a présenté une demande initiale de prestations d’assurance-emploi le 15 mars 2021.

[30] L’article 153.161 de la Loi indique ce qui suit :

Disponibilité

Cours ou programme d’instruction ou de formation non dirigé

153.161 (1) Pour l’application de l’alinéa 18(1)a), le prestataire qui suit un cours ou programme d’instruction ou de formation pour lequel il n’a pas été dirigé conformément aux alinéas 25(1)a) ou b) n’est pas admissible au versement des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là, capable de travailler et disponible à cette fin.

Vérification

(2) La Commission peut vérifier, à tout moment après le versement des prestations, que le prestataire visé au paragraphe (1) est admissible aux prestations en exigeant la preuve qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin pour tout jour ouvrable de sa période de prestations.

[31] Cette disposition temporaire prévoit que, pour l’application de l’article 18(1)a) de la Loi, la Commission peut vérifier si une personne est admissible à des prestations en exigeant la preuve qu’elle est disponible pour travailler à tout moment après le versement des prestations. Par conséquent, la vérification de la disponibilité peut ne pas avoir eu lieu en même temps que le versement des prestations.

[32] L’article 52 de la Loi est rédigé différemment. Il prévoit que la Commission peut examiner de nouveau toute demande de prestations dans les 36 mois suivant une approbation antérieure.

[33] La Commission soutient que l’admissibilité de l’appelante n’a été vérifiée que le 26 octobre 2022. Toutefois, rien dans la preuve ne suggère que la décision relative à l’admissibilité était tardive. En fait, la preuve de l’appelante montre qu’elle a toujours déclaré suivre un programme d’études, ainsi que les sommes d’argent qu’elle avait reçues pendant qu’elle suivait le programme d’études. Il semble que la Commission ait déjà vérifié l’admissibilité de l’appelante avant de lui verser ses prestations.

[34] Cela dit, la division d’appel a rendu des décisions selon lesquelles l’article 153.161 doit être lu conjointement avec l’article 52 de la LoiNote de bas de page 7. Un article permet à la Commission de vérifier l’admissibilité aux prestations si elle ne l’avait pas fait, et l’autre article permet à la Commission de réexaminer sa décision si elle avait déjà vérifié l’admissibilité aux prestations. Les deux articles visent à récupérer les sommes que les prestataires n’auraient pas dû recevoir.

[35] De plus, la décision de demander une vérification en vertu de l’article 153.161 ou d’examiner de nouveau une demande en vertu de l’article 52 est une décision discrétionnaire. Cela signifie que, bien que la Commission ait le pouvoir de demander la vérification de l’admissibilité ou de réexaminer une demande, elle n’a pas à le faire.

[36] La loi prévoit que les pouvoirs discrétionnaires doivent être exercés judiciairement. Cela signifie que, lorsque la Commission décide d’examiner de nouveau une demande, elle ne peut pas agir de mauvaise foi, dans un but illégitime ou pour un motif illégitime, tenir compte d’un facteur non pertinent ou ignorer un facteur pertinent, ou agir de manière discriminatoireNote de bas de page 8.

[37] La Commission a élaboré une politique pour l’aider à exercer son pouvoir discrétionnaire pour réexaminer ses décisions en vertu de l’article 52 de la Loi. La Commission affirme que la raison d’être de la politique est « d’assurer une application uniforme et équitable de l’article 52 de la [Loi] et d’empêcher la création de dettes lorsque le prestataire a été payé en trop sans qu’il y ait eu faute de sa part ». La politique prévoit qu’une demande sera réexaminée seulement dans les cas où :

  • il y a un moins-payé de prestations;
  • des prestations ont été versées contrairement à la structure de la Loi;
  • des prestations ont été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse;
  • la personne aurait dû savoir qu’elle recevait des prestations auxquelles elle n’était pas admissibleNote de bas de page 9.

[38] La politique indique qu’une période de non-disponibilité n’est pas une situation où des prestations ont été versées contrairement à la structure de la LoiNote de bas de page 10.

La Commission a-t-elle agi correctement (judiciairement) lorsqu’elle a réexaminé la disponibilité de l’appelante?

[39] Dans une décision récente, la division d’appelNote de bas de page 11 a conclu que, sans l’article 153.161 de la Loi, la Commission aurait dû tenir compte des facteurs susmentionnés et de sa propre politique au moment de décider, de façon discrétionnaire, d’examiner de nouveau la demande de l’appelante.

[40] Elle a conclu que, dans le cadre des mesures temporaires mises en place pendant la pandémie, la décision discrétionnaire de la Commission de réexaminer ou non une demande devait être prise en tenant compte de l’intention législative liée à l’article 153.161 de la Loi.

[41] La décision de la division d’appel indiquait qu’en mettant en œuvre cet article pendant la pandémie, le législateur voulait manifestement insister sur le pouvoir de la Commission de vérifier qu’une personne qui suivait un cours ou un programme d’instruction ou de formation était admissible à des prestations d’assurance-emploi, même après le versement des prestations. Je suis convaincue par la conclusion de la division d’appel selon laquelle cela signifie que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire selon les paramètres établis par le législateur pendant la pandémieNote de bas de page 12.

[42] L’appelante n’a fait aucune déclaration fausse ou trompeuse et n’aurait pu savoir qu’elle n’avait pas droit aux prestations qu’elle avait reçues.

[43] Je n’ai aucun doute que l’appelante a agi de bonne foi et a déclaré sa formation à plusieurs reprises à la Commission. La Commission a examiné de nouveau la demande en fonction des faits dont elle disposait au moment où la décision initiale relative à l’admissibilité a été rendue et où les prestations ont été versées.

[44] Compte tenu des facteurs susmentionnés, je conclus que la Commission a exercé judiciairement son pouvoir et qu’elle a donc agi correctement lorsqu’elle a déterminé rétroactivement que l’appelante n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi.

Disponibilité à travailler pendant le programme d’études

[45] Deux articles différents de la loi exigent que les parties appelantes démontrent qu’elles sont disponibles pour travailler. La Commission a décidé que l’appelante n’était pas admissible en vertu des deux articles. L’appelante doit donc satisfaire aux critères des deux articles pour obtenir des prestations.

[46] Premièrement, la Loi prévoit qu’une partie appelante doit prouver qu’elle effectue des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 13. Le Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement) énonce les critères qui aident à expliquer ce que signifie l’expression « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 14 ». J’examine ces critères ci-dessous.

[47] Deuxièmement, la Loi prévoit qu’une partie appelante doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle n’est pas en mesure de trouver un emploi convenableNote de bas de page 15. La jurisprudence indique que la partie appelante doit prouver trois éléments pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 16. J’examine ces facteurs ci-dessous.

[48] La Commission a décidé que l’appelante n’était pas admissible aux prestations parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler au sens de deux articles de loi.

[49] De plus, la Cour d’appel fédérale a déclaré que les parties appelantes qui étudient à temps plein sont réputées ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas de page 17. C’est ce qui s’appelle la « présomption de non-disponibilité ». Cela signifie qu’il est possible de présumer que les personnes qui étudient ne sont pas disponibles pour travailler lorsque la preuve montre qu’elles suivent un programme d’études à temps plein.

[50] Je commencerai par examiner la question de savoir si je peux présumer que l’appelante n’était pas disponible pour travailler. J’examinerai ensuite la question de savoir si elle était disponible au sens des deux articles de la loi relatifs à la disponibilité.

Présumer que les personnes aux études à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler

[51] La présomption voulant que les personnes aux études ne soient pas disponibles pour travailler ne s’applique qu’à celles qui étudient à temps plein.

L’appelante étudiait à temps plein

[52] L’appelante était étudiante à temps plein, mais la présomption voulant que les étudiantes et les étudiants ne soient pas disponibles pour travailler peut être réfutée (c’est-à-dire qu’il peut être démontré qu’elle ne s’applique pas). Si la présomption est réfutée, elle ne s’applique pas.

[53] L’appelante peut réfuter la présomption de deux façons. Elle peut démontrer qu’elle a déjà travaillé à temps plein pendant qu’elle suivait également un programme d’étudesNote de bas de page 18, ou elle peut démontrer qu’il y a des circonstances exceptionnelles qui s’appliquent à son casNote de bas de page 19.

[54] L’appelante affirme qu’elle a travaillé à temps plein au cours de sa dernière année d’études secondaires. Elle travaillait tous les jours de 16 h à 20 h, ainsi que deux quarts de huit heures la fin de semaine. Elle travaillait sept jours par semaine. Elle a également travaillé à temps plein entre le 7 septembre 2020 et le 13 mars 2021, tout en étudiant à temps plein. Elle a affirmé que ses cours étaient offerts en ligne 50 % du temps au début à cause de la pandémie.

[55] La Commission déclare que l’appelante était étudiante et qu’elle n’occupait aucun autre emploiNote de bas de page 20. Elle a déclaré qu’elle avait travaillé à temps plein, mais qu’elle n’avait travaillé que les fins de semaine. Elle a soulevé la présomption de non-disponibilité parce que l’appelante était étudiante à temps plein, et elle n’a fourni aucune analyse de la disponibilité.

[56] Je conclus que l’appelante a prouvé qu’elle a travaillé à temps plein pendant ses études secondaires et qu’elle pouvait assumer la pleine charge de travail d’un programme d’études lorsqu’elle a commencé son programme d’études le 7 septembre 2020. Elle a fourni une preuve dans son formulaire de formation le 5 avril 2021; elle a déclaré qu’elle était employéeNote de bas de page 21.

[57] L’appelante a réfuté la présomption voulant qu’elle ne soit pas disponible pour travailler.

La présomption est réfutée

[58] Réfuter la présomption signifie seulement qu’il est impossible de présumer que l’appelante n’était pas disponible. Je dois tout de même examiner les deux articles de loi qui s’appliquent dans la présente affaire et décider si l’appelante est réellement disponible.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[59] Le premier article de loi que j’examinerai indique que les parties appelantes doivent prouver que leurs démarches pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 22.

[60] La loi énonce les critères que je dois prendre en considération pour décider si les démarches de l’appelante étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 23. Je dois examiner la question de savoir si ses démarches étaient soutenues et si elles visaient à trouver un emploi convenable. En d’autres termes, l’appelante doit continuer ses tentatives de trouver un emploi convenable.

[61] J’ai également considéré les démarches de l’appelante pour trouver un emploi. Le Règlement énumère neuf activités de recherche d’emploi que je dois prendre en considération. En voici quelques exemplesNote de bas de page 24 :

  • l’évaluation des possibilités d’emploi;
  • le réseautage;
  • la communication avec des employeurs qui peuvent embaucher.

[62] La Commission déclare que l’appelante n’en a pas fait assez pour tenter de trouver un emploi, mais elle n’a pas analysé la disponibilité.

[63] L’appelante n’est pas d’accord. Elle a travaillé à temps plein jusqu’au 13 mars 2021. Elle a été mise à pied pendant des éclosions de COVID-19 dans son milieu de travail, de sorte qu’elle n’a reçu aucune rémunération au cours de la semaine du 15 mars 2021. Elle est ensuite retournée au travail selon un horaire réduit, et ce, jusqu’au 27 avril 2021, date à laquelle elle a été mise à pied pour l’été. Elle était une employée saisonnière et avait l’attente raisonnable d’être rappelée au travail.

[64] L’appelante affirme que ses démarches étaient suffisantes pour prouver qu’elle était disponible pour travailler.

[65] Je suis d’avis que l’appelante était disponible pour travailler et qu’elle a effectué les heures requises jusqu’à sa mise à pied le 27 avril 2021. Elle a ensuite continué de chercher un emploi durant les mois d’été jusqu’à son rappel au travail le 26 août 2021. J’estime que ses démarches ont été soutenues jusqu’au 27 août 2021. Ensuite, elle acceptait de travailler seulement durant les fins de semaine pour pouvoir suivre son programme d’études à temps plein.

[66] L’appelante a prouvé que ses démarches pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnables jusqu’à son rappel au travail le 27 août 2021. Après son retour aux études à temps plein, elle a accepté de ne travailler qu’à temps partiel les fins de semaine. Elle n’a pas cherché un autre emploi.

Capable de travailler et disponible à cette fin

[67] J’ai également examiné la question de savoir si l’appelante était capable de travailler et disponible à cette fin, mais qu’elle n’était pas en mesure de trouver un emploi convenableNote de bas de page 25. La jurisprudence énonce trois facteurs que je dois prendre en considération pour trancher cette question. L’appelante doit établir les trois éléments suivantsNote de bas de page 26 :

  1. a) Elle voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable serait disponible.
  2. b) Elle a effectué des démarches pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Elle n’a pas établi des conditions personnelles qui auraient pu indûment (ou trop) limiter ses chances de retourner au travail.

[68] Lorsque j’examine chacun de ces facteurs, je dois tenir compte de l’attitude et de la conduite de l’appelanteNote de bas de page 27.

Vouloir retourner au travail

[69] L’appelante n’a pas démontré que, lorsqu’elle est retournée au travail après le 26 août 2021, elle voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable serait disponible.

[70] Lorsqu’elle est retournée à l’école en septembre 2021, elle a limité sa disponibilité aux fins de semaine. Elle s’est engagée à respecter un horaire à temps plein avec des cours maintenant offerts en personnes 60 % du temps. La distance qui séparait son travail et son établissement scolaire n’était pas gérable et elle ne pouvait pas accepter les quarts de soir sans abandonner un cours. C’est un objectif louable. En se concentrant sur ses études, elle a atteint ses objectifs et a réussi à trouver une nouvelle carrière.

Effectuer des démarches pour trouver un emploi convenable

[71] L’appelante a effectué suffisamment de démarches pour trouver un emploi convenable avant le 27 août 2021. Par la suite, elle voulait se concentrer sur ses études et a affirmé dans ses questionnaires sur la formation et devant la Commission qu’elle ne serait pas en mesure d’accepter un emploi avant d’avoir obtenu son diplôme en avril 2022.

[72] J’ai tenu compte de la liste susmentionnée d’activités de recherche d’emploi pour trancher ce deuxième facteur. Pour ce facteur, cette liste n’est qu’à titre indicatifNote de bas de page 28.

[73] Les démarches de l’appelante pour trouver un nouvel emploi comprenaient du réseautage par l’entremise de ses stages et des demandes d’emploi qui pourraient mener à un emploi dans son nouveau domaine d’expertise. J’ai expliqué ces motifs ci-dessus dans mon examen de la question de savoir si l’appelante a effectué des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi.

[74] Ces démarches étaient suffisantes pour satisfaire aux exigences de ce deuxième facteur parce que l’appelante cherchait un nouvel emploi dans son domaine, qu’elle a démontré qu’elle avait fait du réseautage et qu’elle a finalement trouvé un nouvel emploi grâce à ses stages.

Limiter indûment les chances de retourner au travail

[75] L’appelante a établi des conditions qui peuvent avoir indûment limité ses chances de retourner au travail.

[76] L’appelante affirme qu’elle n’a pas agi ainsi parce qu’elle voulait se concentrer sur son programme d’études. Elle ne pouvait pas se rendre au travail pendant la semaine sans compromettre ses études, et elle se consacrait à son programme d’études.

[77] La Commission affirme que l’appelante n’était pas disponible en semaine lorsqu’elle est retournée à ses études en septembre 2021. Il s’agit d’une exigence de l’évaluation de la disponibilité.

[78] Je conclus que l’appelante a établi des conditions personnelles qui ont pu limiter ses chances de retourner au travail lorsqu’elle a restreint sa disponibilité aux fins de semaine seulement. Cela s’applique à son retour aux études après le 27 août 2021.

L’appelante était-elle donc capable de travailler et disponible à cette fin?

[79] Compte tenu de mes conclusions sur les trois facteurs, je conclus que l’appelante n’a pas démontré qu’elle était capable de travailler et disponible à cette fin après le 27 août 2021.

L’appelante a-t-elle quitté volontairement son emploi sans justification?

[80] Pour répondre à cette question, je dois d’abord examiner le départ volontaire de l’appelante. Je dois ensuite décider si l’appelante était fondée à quitter son emploi.

[81] Les parties ont convenu que l’appelante avait quitté volontairement son emploi le 6 octobre 2021. L’appelante admet qu’elle a démissionné. Rien dans la preuve ne le contredit.

Les parties ne sont pas d’accord que l’appelante était fondée à quitter son emploi

[82] Les parties ne sont pas d’accord pour dire que l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi lorsqu’elle l’a fait.

[83] La loi indique qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 29. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour établir l’existence d’une justification.

[84] La loi explique ce que signifie le mot « justification ». La loi indique qu’une personne est fondée à quitter son emploi si le départ constituait la seule solution raisonnable. Elle indique qu’on doit tenir compte de toutes les circonstancesNote de bas de page 30.

[85] Il incombe à l’appelante d’établir qu’elle était fondée à quitter son emploi. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que sa seule option raisonnable était de quitter son emploi.

[86] Pour décider si l’appelante avait une justification, je dois examiner toutes les circonstances qui existaient au moment où l’appelante a quitté son emploi. La loi énonce certaines des circonstances que je dois examinerNote de bas de page 31.

[87] Une fois que j’ai décidé quelles circonstances s’appliquent à l’appelante, elle doit démontrer que son départ constituait la seule solution raisonnable à ce moment-làNote de bas de page 32.

Les circonstances au moment de la démission

[88] L’appelante affirme que deux des circonstances énoncées dans la loi s’appliquent. Plus précisément, elle affirme qu’elle a été harcelée sexuellement et qu’elle a dû démissionner pour prendre soin d’un enfant.

[89] L’appelante a soutenu que les articles 29c)(i) et (v) de la Loi s’appliquaient à sa situation lorsqu’elle a quitté volontairement son emploi.

  • L’appelante a déclaré qu’elle a subi du harcèlement sexuel de la part de ses supérieurs qui occupaient des postes de chefs. Ils l’ont régulièrement touchée et ont formulé des commentaires inappropriés.
  • Les chefs criaient régulièrement après elle et l’humiliaient.
  • Elle commençait un stage à temps plein dans le cadre de ces études, et elle ne pouvait plus travailler les fins de semaine parce qu’elle avait besoin de s’occuper de son enfant. Elle est mère célibataire.

[90] Je conclus que le milieu de travail n’était pas idéal, mais la véritable raison de son départ était qu’elle avait peu de temps pour travailler parce qu’elle commençait un stage à temps plein. Son stage était une exigence importante et essentielle pour obtenir son diplôme. Bien que la poursuite d’études supérieures et de nouvelles formations soit louable, l’appelante a quitté son emploi volontairement pour des raisons personnelles.

L’appelante avait d’autres solutions raisonnables

[91] Je dois maintenant examiner la question de savoir si le départ de l’appelante constituait la seule solution raisonnable à ce moment-là.

[92] L’appelante affirme qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable parce que le milieu de travail était intolérable en raison du harcèlement et de la gestion toxique. Elle avait besoin de temps pour s’occuper de son enfant. Autrement, elle aurait été séparée de son enfant sept jours sur sept. On ne lui donnait que des quarts de fin de semaine, ce qui n’était pas acceptable.

[93] La Commission n’est pas d’accord et déclare que l’appelante aurait pu continuer à travailler parce qu’elle travaillait là depuis déjà quatre ans. Elle a déclaré que l’appelante aurait dû trouver un autre emploi avant de quitter son emploi. Elle a déclaré que l’appelante aurait pu faire part de ses préoccupations à la direction, à une ou un médecin ou au syndicat. Elle a déclaré que l’appelante aurait pu demander un congé.

[94] Je conclus que l’appelante n’a pas cherché d’autres solutions raisonnables. Je conviens avec la Commission que l’appelante avait d’autres solutions qu’elle n’avait pas utilisées et qui auraient pu changer son milieu de travail. Il est évident que l’appelante a choisi de quitter son emploi pour effectuer un stage, qui était requis pour obtenir son diplôme. Le stage lui offrait un réseautage précieux et des possibilités d’emploi dans son nouveau domaine d’expertise.

[95] Compte tenu des circonstances qui existaient lorsque l’appelante a démissionné, son départ ne constituait pas la seule solution raisonnable.

[96] Par conséquent, l’appelante n’était pas fondée à démissionner.

Conclusion

[97] Je conclus que la Commission a exercé judiciairement son pouvoir discrétionnaire en vertu des articles 52 et 153.161 de la Loi lorsqu’elle a décidé que l’appelante était inadmissible parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler.

[98] Je conclus que l’appelante n’est pas inadmissible pour la période du 7 septembre 2020 au 13 mars 2021 parce qu’elle n’a reçu aucune prestation d’assurance-emploi à la suite d’une demande pendant cette période.

[99] Je conclus que l’appelante n’est pas inadmissible pour la période du 13 mars 2021 au 26 août 2021.

[100] Je conclus que l’appelante est inadmissible pour la période du 27 août 2021 au 6 octobre 2021.

[101] Je conclus que l’appelante a quitté volontairement son emploi sans justification le 6 octobre 2021.

[102] Par conséquent, l’appel est rejeté, avec modification. La demande est renvoyée à la Commission pour recalculer le trop-payé.

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