Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 2039

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. J.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (555734) en date du 30 novembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Paul Dusome
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 16 mars 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 31 mars 2023
Numéro de dossier : GE-23-8

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] L’appelant se trouvait à l’étranger. Il n’a pas démontré qu’il était admissible à des prestations d’assurance-emploi plus longtemps que la semaine autorisée par la Commission de l’assurance-emploi du Canada alors qu’il était à l’étranger. Il ne peut donc pas bénéficier de prestations d’assurance-emploi pendant son séjour à l’étranger. L’appelant n’a pas non plus prouvé qu’il avait été disponible pour travailler pendant qu’il était à l’étranger. 

Aperçu

[3] L’appelant a commencé à recevoir des prestations d’assurance-emploi en septembre 2021. À la fin de novembre 2021, il s’est rendu au Pakistan pour s’occuper de sa mère malade, qui a été hospitalisée pendant l’essentiel de son absence. L’appelant avait informé la Commission de son départ avant de partir au Pakistan. Il est revenu au Canada à la fin de septembre 2022. 

[4] Habituellement, une personne qui est à l’étranger ne peut pas toucher de prestations d’assurance-emploi. Une exception d’une semaine est toutefois prévue si la personne doit visiter un membre de sa famille immédiate qui est gravement malade.

[5] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que cette exception s’appliquait à l’appelant pour la première semaine de son absence. Il se prévalait ainsi de l’exception pour rendre visite à un membre de sa famille gravement malade. Toutefois, la Commission a décidé que l’appelant ne pouvait pas recevoir de prestations pour le reste de son séjour à l’étranger.

[6] La Commission a également décidé que l’appelant n’était pas admissible à des prestations d’assurance-emploi du fait qu’il n’avait pas prouvé sa disponibilité pour travailler pendant qu’il était à l’étranger. 

[7] L’appelant n’est pas d’accord. Il affirme que l’exception s’applique à lui puisqu’il visitait sa mère hospitalisée gravement malade. Il cherchait aussi du travail pendant qu’il était au Pakistan. Ce qu’il voulait vraiment, c’était continuer de recevoir des prestations d’assurance-emploi à son retour au Canada. 

[8] Je dois décider si l’appelant a prouvé qu’il était à l’étranger pour rendre visite à un membre de sa famille d’une manière qui suscite l’application de l’exception. Je dois aussi décider s’il était disponible pour travailler pendant cette semaine-là.

Questions que je dois examiner en premier

Les questions dont je peux traiter dans le présent appel

[9] L’appelant a demandé à la Commission de lui verser le reste des prestations comprises dans sa période de prestations. Il avait reçu environ 15 semaines de prestations avant de quitter le Canada. Il dit qu’il devrait recevoir 50 semaines de prestations au total. Il lui resterait donc 35 semaines de prestations. Celles-ci devraient lui être versées pour les semaines suivant son retour au Canada. 

[10] La Commission soutient que le Tribunal n’est pas saisi de la question de savoir si des prestations sont payables après son retour au Canada (page GD4-4 du dossier d’appel). En effet, le Tribunal peut seulement examiner une décision de la Commission une fois que deux étapes ont été franchies. D’abord, la Commission doit avoir rendu une décision initiale sur la question en cause. Ensuite, la Commission doit avoir rendu une seconde décision à la suite d'une demande de révisionNote de bas de page 1. Dans la présente affaire, la décision initiale et la décision de révision de la Commission portent strictement sur la question de l’absence de l’appelant et sur la question de sa disponibilité pour travailler.

[11] Ainsi, la Commission n’a jamais rendu de décision initiale ni de décision de révision sur la question de savoir si des prestations devaient être versées à l’appelant à son retour au Canada. En termes techniques, il serait donc question de prolonger sa période de prestations, au-delà de la période habituelle de 52 semainesNote de bas de page 2. Comme l’appelant l’a déclaré, la Commission lui a dit de vive voix, le 28 septembre 2022, que sa période de prestations de 52 semaines avait pris fin en août 2022. La Commission n’a pas précisé qu’elle refusait de prolonger sa période de prestations. Elle n’a pas non plus rendu de décision sur cette question à la suite de sa révision, même si l’appelant avait dit croire qu’il devrait recevoir le reste de ses semaines de prestations à son retour au Canada. Le Tribunal ne peut donc pas rendre une décision sur la prolongation de sa période de prestations dans le présent appel. Même si je pouvais me prononcer sur cette question, il serait préjudiciable à l’appelant de décider sans preuve s’il a droit à une prolongation. Dans ses observations, la Commission a déclaré qu’elle examinerait la question de la prolongation de sa période de prestations, une fois que seront d’abord réglées les questions de son absence et de sa disponibilité (page GD4-4 du dossier d’appel). L’appelant pourra alors demander une révision si la Commission lui refuse une prolongation, et faire appel au besoin. 

Documents à déposer par l’appelant après l’audience

[12] Durant l’audience, l’appelant a témoigné sur ses recherches d’emploi. Il a dit que tous les renseignements étaient consignés sur le site Web Indeed, y compris son curriculum vitae, et qu’ils montrent les recherches d’emploi qu’il a menées pendant son séjour à l’étranger. J’ai accordé à l’appelant un délai de 10 jours pour soumettre au Tribunal ces documents pour examen. L’appelant a déposé des documents, et ceux-ci ont été considérés aux fins de la présente décision.

Question en litige

[13] La situation de l’appelant correspondait-elle à l’exception permettant de rendre visite à un proche parent gravement malade?

[14] L’appelant était-il disponible pour travailler alors qu’il était à l’étranger?

Analyse

La situation de l’appelant correspondait à l’exception lui permettant de visiter un membre de sa famille gravement malade

[15] Je conclus que l’appelant a démontré qu’il peut se prévaloir de cette exception à l’inadmissibilité. J’explique mon raisonnement ci-dessous.

[16] En règle générale, une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi quand elle est à l’étrangerNote de bas de page 3. Cependant, des exceptions sont prévues à la loi. Ainsi, il est possible de recevoir des prestations d’assurance-emploi si le séjour à l’étranger sert à visiter un proche parent gravement malade.

[17] Pour que cette exception s’applique, deux conditions doivent être remplies. Premièrement, la personne visitée doit être un membre de la famille immédiate. Deuxièmement, cette personne doit être gravement malade ou blessée. Si ces conditions sont remplies, l’exception s’applique pendant une période maximale de sept jours consécutifsNote de bas de page 4.

[18] L’appelant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il répond aux conditions lui permettant de se prévaloir de l’exceptionNote de bas de page 5. Autrement dit, il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il y répond.

[19] D’après le témoignage de l’appelant et sa preuve documentaire, je conclus qu’il a prouvé que sa situation est celle de l’exception.

[20] La première condition est remplie, car la mère de l’appelant est une membre de sa famille immédiate au sens de l'exceptionNote de bas de page 6.

[21] La deuxième condition est aussi remplie. L’appelant avait soumis à la Commission ses billets d’avion à l’étape de la révision. Ils montrent qu’il a quitté le Canada le 29 novembre 2021 et qu’il y est revenu le 26 septembre 2022. L’appelant a également soumis des dossiers médicaux pour les soins hospitaliers de sa mère et des photographies de sa mère dans un lit d’hôpital. Ces documents confirment que sa mère était traitée pour un problème cardiaque. Cette preuve lui permet de remplir la condition nécessitant que la personne visitée soit gravement malade.

[22] Même si l’appelant a prouvé qu’il peut se prévaloir de l’exception, cette conclusion ne change pas le résultat de l’appel. En effet, il devait aussi prouver sa disponibilité pour travailler pendant la période d’une semaine visée par l’exception, et il ne l’a pas fait. J’explique pourquoi dans la rubrique qui suit.

L’appelant n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler

[23] Je conclus que l’appelant n’a pas démontré qu’il remplissait l’exigence en matière de disponibilité pendant qu’il était à l’étranger. Voici pourquoi.

[24] Même si une personne remplit les conditions permettant une exception à son inadmissibilité durant un séjour à l’étranger, elle doit aussi satisfaire à l’exigence en matière de disponibilitéNote de bas de page 7 prévue par la loiNote de bas de page 8. 

[25] Ainsi, l’appelant doit également prouver qu’il était disponible pour travailler pendant qu’il était à l’étrangerNote de bas de page 9. Il doit le prouver pour la période visée par l'exception. Une fois cette période terminée, l’appelant est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi du fait qu’il était à l’étranger, et ce, même s’il prouvait sa disponibilité après la fin de l’exemptionNote de bas de page 10. 

[26] L’appelant auquel j’ai affaire se trouvait à l’étranger pour une raison précise. Je dois donc interpréter la disponibilité en fonction du contexteNote de bas de page 11. En effet, quand un appelant bénéficie d’une exception à la règle générale pour un séjour à l’étranger, sa disponibilité doit être évaluée au cas par casNote de bas de page 12.

[27] Je conclus que l’appelant n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler. Il devait démontrer sa disponibilité sur la base de trois facteurs, mais a seulement réussi à en prouver un. Cette conclusion est fondée sur les incohérences dans la preuve de l’appelant, comme nous le verrons ci-dessous.

[28] L’appelant n’a pas soumis ses déclarations hebdomadaires durant son séjour à l’étranger. Il a soumis sa dernière déclaration le 27 novembre 2021. En octobre 2022, en parlant au téléphone avec la Commission, il a dit qu’il avait pris les dispositions nécessaires pour être joint pour toute question d’emploi. Il a aussi dit qu’il pourrait revenir au Canada dans un délai de 48 heures s’il était avisé d’une occasion d’emploi. Il n’a aucunement précisé ce qu’il faisait pour trouver du travail au Canada pendant qu’il était à l’étranger. Il a dit qu’il était disponible à compter du 26 septembre 2022, soit la date de son retour au Canada. Il a également convenu qu’il n’était pas admissible aux prestations pendant sa période d’absence. 

[29] Lors de son témoignage à l’audience, l’appelant a d’abord déclaré qu’il n’avait pas cherché de travail pendant toute la période où il avait été à l’étranger. Il s’est ensuite ravisé pour dire qu’il avait cherché du travail durant cette période. Il a aussi déclaré qu’il avait présenté de nombreuses demandes d’emploi. Si on lui avait offert un emploi, il l’aurait accepté. Il aurait embauché une personne pour s’occuper de sa mère. Lui et d’autres membres de sa famille auraient payé les services d’un soignant. L’appelant est seulement resté auprès de sa mère parce qu'il n’avait pas d’emploi lui permettant de payer un soignant.

[30] En déclarant qu’il avait cherché du travail pendant qu’il était à l’étranger, l’appelant a contredit d’autres déclarations qu’il avait faites. Dans sa demande de révision, l’appelant a affirmé qu’il avait soumis sa dernière déclaration hebdomadaire le 27 novembre 2021 et qu’il n’en avait soumis aucune à l’étranger. Il n’est pas cohérent de ne pas soumettre de déclarations pour une période où il aurait cherché un emploi et où ces déclarations étaient nécessaires. L’appelant a également déclaré dans sa demande qu’il avait communiqué avec la Commission à son retour au Canada pour que les 35 semaines de prestations restantes lui soient versées. La Commission lui a dit que sa période de prestations d’un an avait pris fin en août 2022, et qu’il ne recevrait donc plus de prestations au titre de cette période. Il n’est pas logique que l’appelant ait cherché du travail durant son séjour à l’étranger s’il croyait qu’il pouvait mettre ses prestations en attente pendant un an et recommencer à les toucher à son retour au Canada.

[31] Dans son avis d’appel, l’appelant a déclaré qu’il n’avait pas d’autre choix que de quitter le Canada pour prendre soin de sa mère malade. Elle est atteinte d’un grave problème cardiaque et de diabète. Personne d’autre ne pouvait s’occuper d’elle. Elle avait été admise aux soins intensifs de l’hôpital plusieurs fois pendant son séjour. Son traitement et son rétablissement avaient pris neuf mois. Une fois sa mère remise, il était revenu au Canada. L’appelant ne demande pas de prestations pour la période où il était à l’étranger. Il demande une prolongation de sa période de prestations. Ces déclarations montrent que de l’appelant, pendant qu’il était à l’étranger, se concentrait sur sa mère. Il avait d’abord prévu rester deux mois, mais il a fini par rester plus longtemps parce que sa mère avait fait plusieurs rechutes. Ce dévouement envers sa mère, combiné à sa conviction qu’il pouvait mettre ses prestations d’assurance-emploi en attente, n’est pas cohérent avec le fait qu’il aurait cherché un emploi pendant qu’il était à l’étranger. Cette conclusion, à savoir que l’appelant ne cherchait pas de travail pendant son séjour à l’étranger, est corroborée par sa déclaration voulant qu’il ne demandait pas de prestations à l’égard de cette période d’absence. 

[32] Pour prouver sa disponibilité à travailler, l’appelant doit prouver les trois facteurs suivantsNote de bas de page 13 :

  1. a) Il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert;
  2. b) Il a fait des efforts pour trouver un emploi convenable;
  3. c) Il n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire beaucoup trop) ses chances de retourner travailler.

[33] Je dois tenir compte de l’attitude et de la conduite de l’appelant lorsque j’examine chacun de ces facteursNote de bas de page 14.

[34] Je conclus que l’appelant n’a pas prouvé que le premier et le troisième de ces trois facteurs étaient présents. Pour ce qui est du premier facteur, je ne peux pas conclure qu’il voulait revenir travailler dès qu’un emploi convenable lui aurait été offert. En effet, l’appelant croyait qu’il pouvait mettre ses prestations d’assurance-emploi en attente pendant qu’il était à l’étranger. Cette croyance montre qu’il ne voulait pas revenir travailler pendant cette période. Il voulait prendre soin de sa mère et ne voulait pas la quitter avant qu’elle se soit rétablie, ce qui a pris neuf mois. Quant au troisième facteur, l’appelant avait établi une condition personnelle qui limitait indûment ses chances de retourner travailler : prendre soin de sa mère jusqu’à son rétablissement.

[35] Pour ce qui est du second facteur, l’appelant a démontré qu’il a fait certains efforts pour trouver un emploi au Canada pendant son absence. Compte tenu de l’examen de la preuve qui précède, j’étais sceptique quant à son témoignage voulant qu’il cherchait du travail pendant qu’il était à l’étranger. L’appelant a soumis des copies de courriels confirmant les demandes d’emploi qu’il a présentées par l’entremise d’Indeed, du 6 novembre 2021 au 26 mai 2022. Les 34 demandes présentées durant cette période concernent des emplois au Canada. La période en cause, celle que je dois examiner dans le cadre de cet appel, est la semaine du 29 novembre au 6 décembre 2021. Il s’agit de la semaine visée par l’exception lui permettant de visiter un membre de sa famille gravement malade. C’est pour cette période que l’appelant doit prouver sa disponibilité. Au terme de cette semaine visée par l’exception, l’appelant est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi du fait qu’il est à l’étranger, et ce, même s’il démontrait sa disponibilité au-delà de la semaine permise. Pour la semaine visée par l’exception, l’appelant a présenté une demande d’emploi le 6 décembre. Ici, je dois interpréter la disponibilité en tenant compte de la situation de l’appelant. Dans un contexte normal, une unique demande d’emploi n’attesterait pas d’efforts suffisants pour trouver un emploi convenable. Le contexte, ici, est toutefois une période d’une semaine où l’appelant a fait un long voyage, a dû se remettre du décalage horaire et s'est consacré sa mère. Il a quitté le Canada dans la soirée du 29 novembre 2021 et est arrivé au Pakistan le 1er décembre 2021 au matin, après une escale de 12 heures au Moyen-Orient. Dans ce contexte, je considère que l’appelant a fait des efforts suffisants pour chercher du travail pendant cette semaine. Malgré tout, l’appelant n’a pas prouvé sa disponibilité pour cette semaine-là, puisqu’il n’a pas prouvé la présence des premier et troisième facteurs mentionnés plus haut. Il lui fallait effectivement faire la preuve des trois facteurs pour démontrer sa disponibilité. 

Conclusion

[36] L’appelant a démontré qu’il était à l’étranger pour visiter un proche parent gravement malade, de façon à bénéficier de l’exception d’une semaine prévue à cet effet. Ainsi, je constate que l’appelant serait admissible à des prestations d’assurance-emploi pour la première semaine de son séjour l’étranger, moyennant qu’il prouve sa disponibilité pour travailler. Néanmoins, comme il n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler, l’appelant n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi pour toute la période où il était à l’étranger, soit du 29 novembre 2021 au 26 septembre 2022.   

[37] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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