Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 259

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. R.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de
l’assurance emploi du Canada (443625) datée du
2 novembre 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Bret Edwards
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 1er février 2024
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 8 février 2024
Numéro de dossier : GE-23-3562

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelante ne doit pas rembourser l’avance de 1 000 $ reçue dans le cadre de la prestation d’assurance-emploi d’urgence (PAEU).

Aperçu

[3] Au début de la pandémie de COVID-19, une nouvelle prestation appelée « prestation d’assurance-emploi d’urgence » a été crééeNote de bas de page 1. Le montant versé dans le cadre de cette prestation était de 500 $ par semaineNote de bas de page 2. Cependant, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé de verser quatre semaines de prestations à l’avance (2 000 $) aux personnes demandant la PAEU pour la première fois.

[4] L’appelante a demandé la PAEU le 25 mai 2020. Par la suite, la Commission lui a versé l’avance de 2 000 $. La Commission a aussi versé à l’appelante 17 semaines de PAEU. Au total, l’appelante a reçu 10 500 $ de PAEU.

[5] Je dois décider si l’appelante doit rembourser l’avance de 1 000 $ qu’elle a reçue dans le cadre de la PAEU.

[6] La Commission affirme que l’appelante a reçu 1 000 $ de trop parce qu’elle n’a pas reçu la PAEU pendant suffisamment longtemps pour que la Commission puisse recouvrer le reste de l’avance de 2 000 $.

[7] L’appelante n’est pas d’accord. Elle affirme que le trop-payé n’est pas de sa faute. Elle affirme aussi qu’elle n’a actuellement pas les moyens de rembourser 1 000 $.

Question que je dois d’abord examiner

J’ai accepté les documents soumis après l’audience

[8] L’appelante a présenté des documents après l’audienceNote de bas de page 3. Je les ai acceptées parce qu’ils concernent une question que la Commission a soulevée dans ses observations, plus précisément l’admissibilité potentielle de l’appelante à d’autres semaines de PAEU. Comme il en sera discuté plus en détail ci-dessous, je conclus que ma compétence me permet d’examiner cette question dans le cadre de l’appel.

Ma compétence

[9] La Commission affirme que l’appelante doit rembourser l’avance de 1 000 $ reçue dans le cadre de la PAEU. Cependant, elle affirme qu’elle réexaminera également la demande de l’appelante pour décider si elle est admissible à la PAEU pour d’autres semaines, qui peuvent ensuite être appliquées au trop-payé. Elle soutient que je devrais rejeter l’appel de l’appelante et que l’appelante devrait ensuite fournir à la Commission des déclarations pour la période du 19 avril 2020 au 23 mai 2020 afin que la Commission puisse réexaminer sa demandeNote de bas de page 4.

[10] Ma compétence découle de la décision de révision de la Commission. Si la Commission n’a pas réexaminé une question, je ne peux pas l’examinerNote de bas de page 5.

[11] La Cour d’appel fédérale a suggéré que le Tribunal adopte une approche large à l’égard de sa compétence, dans les limites de la loi, pour gérer les appels de façon équitable et efficace et déterminer la portée du nouvel examenNote de bas de page 6.

[12] De plus, dans une décision récente, la division d’appel du Tribunal fait également la même déclaration et cite la même jurisprudence que je viens de mentionnerNote de bas de page 7.

[13] Je ne suis pas lié par les autres décisions du Tribunal, mais je suis convaincu par le raisonnement de la division d’appel, particulièrement parce qu’il s’inspire de ce que la Cour d’appel fédérale a déjà affirmé. Cela signifie que je suivrai également sa décision dans la présente affaire.

[14] Si je dois suivre le raisonnement de la Cour d’appel fédérale et de la division d’appel et adopter une approche large dans la présente affaire, je conclus que cela signifie que je peux examiner toute question sur laquelle la Commission semble s’être penchée lors de son réexamen.

[15] Dans la présente affaire, j’estime que la Commission semble s’être penchée, lors de son réexamen, sur la question de savoir si l’appelante serait admissible à la PAEU pour d’autres semaines.

[16] Je reconnais que la Commission n’a pas pu effectuer une enquête auprès de l’appelante lors de son réexamen. Elle a communiqué avec l’appelante à plusieurs reprises, mais l’appelante n’était pas disponible et ne pouvait pas lui parler, ou n’était pas disposée à lui parler parce qu’elle pensait qu’il s’agissait d’un appel frauduleuxNote de bas de page 8.

[17] Cependant, je note que la Commission déclare ce qui suit dans ses observations : [traduction] « Il est possible que d’autres semaines soient appliquées au trop-payé […] L’agent chargé du réexamen aurait demandé des déclarations à l’appelante pour voir si d’autres semaines répondaient aux critères pour permettre un rajustement supplémentaire du trop-payéNote de bas de page 9 ».

[18] Je conclus que le fait que la Commission affirme expressément que l’agent chargé du réexamen aurait interrogé l’appelante au sujet de son admissibilité à la PAEU pour d’autres semaines s’il avait été en mesure d’effectuer une enquête m’amène à penser que l’agent était prêt à examiner cette question, ce qui signifie qu’il s’était penché sur la question.

[19] Je note également que la Commission a inclus dans ses observations un tableau de toute la période de prestations visée par la demande de PAEU (de la semaine du 15 mars 2020 à la semaine du 27 septembre 2020). Le tableau montre les semaines précises au cours desquelles l’appelante a reçu la PAEU. Le tableau indique également les autres semaines potentielles pour lesquelles l’appelante pourrait être admissible à la PAEU au cours de la période de prestations, plus précisément de la semaine commençant le 19 avril 2020 à la semaine commençant le 17 mai 2020Note de bas de page 10.

[20] Je conclus que le fait que le tableau de la Commission souligne clairement d’autres semaines potentielles pour lesquelles l’appelante pourrait être admissible à la PAEU montre que la Commission s’était penchée sur cette question lors de son réexamen. Autrement, je ne vois pas pourquoi elle aurait inclus ces autres semaines dans le tableau.

[21] Dans l’ensemble, je conclus que la Commission semble s’être penchée, lors de son nouvel examen, sur la question de savoir si l’appelante était admissible à la PAEU pour d’autres semaines.

[22] Par conséquent, étant donné que la Commission semble s’être penchée sur la question de savoir si l’appelante était admissible à la PAEU pour d’autres semaines, je peux également examiner cette question.

Questions en litige

[23] L’appelante est-elle admissible à la PAEU pour d’autres semaines?

[24] L’appelante doit-elle rembourser l’avance de 1 000 $ reçue dans le cadre de la PAEU?

Analyse

L’appelante est-elle admissible à la PAEU pour d’autres semaines?

[25] Oui, l’appelante est admissible à la PAEU pour d’autres semaines.

[26] En raison de la pandémie de COVID-19, le gouvernement du Canada a modifié la loi pour créer une nouvelle prestation : la PAEU. Elle est entrée en vigueur le 15 mars 2020.

[27] En règle générale, les parties prestataires qui ont présenté une demande et qui étaient admissibles à l’un des différents types de prestations d’assurance-emploi entre le 15 mars 2020 et le 3 octobre 2020 ont plutôt reçu la PAEU.

[28] L’appelante a présenté une demande de prestations de maladie de l’assurance‑emploi le 25 mai 2020Note de bas de page 11. Elle a automatiquement reçu plutôt la PAEU aux termes de la version de la loi qui était en vigueur à l’époque.

[29] L’appelante était admissible à la PAEU et a reçu cette prestation de la semaine du 24 mai 2020 à la semaine du 27 septembre 2020Note de bas de page 12. La PAEU a pris fin après la dernière semaine.

[30] Comme il a été mentionné ci-dessus, la Commission affirme que l’appelante pourrait être admissible à la PAEU pour d’autres semaines avant qu’elle ne présente sa demande, plus précisément de la semaine du 19 avril 2020 à la semaine du 17 mai 2020. Je peux examiner cette question moi-même parce que je conclus que la Commission semble avoir examiné cette question lors du nouvel examen.

[31] Lorsque j’examine la preuve de l’appelante, je conclus qu’elle est admissible à la PAEU pour d’autres semaines, plus précisément de la semaine du 26 avril 2020 à la semaine du 17 mai 2020.

[32] Premièrement, je conclus que l’appelante répond à la définition de « prestataire » afin d’être admissible à la PAEU pour les semaines susmentionnées.

[33] Je note qu’aucune des parties ne conteste que l’appelante est généralement admissible à la PAEU. La Commission a déjà versé à l’appelante 17 semaines de PAEU et une avance de 2 000 $ dans le cadre la PAEU. J’accepte donc que l’appelante soit généralement admissible à la PAEU.

[34] La loi prévoit également qu’une personne est « prestataire » de la PAEU si elle « aurai[t] pu voir établie à [son] profit une période de prestations à partir du 15 mars 2020 à l’égard de l’une des prestations visées à l’alinéa (3)a) », qui sont des prestations « prévues aux termes de l’article 152.03 ou sous réserve de la partie INote de bas de page 13 ».

[35] Je juge que l’appelante répond à la définition ci-dessus de « prestataire » aux fins de la PAEU.

[36] J’estime que la preuve démontre que la période de prestations établie de l’appelante aurait pu inclure l’une des semaines susmentionnées.

[37] L’appelante a témoigné qu’elle avait cessé de travailler le 17 avril 2020 en raison d’une maladie. Elle avait des problèmes de santé mentale qui se sont aggravés avec l’arrivée de la pandémie de COVID-19 et après que son ancien employeur ait refusé d’adopter des protocoles de sécurité dans les semaines qui ont suivi.

[38] J’estime que l’appelante est crédible. Son témoignage était clair, direct et détaillé. Étant donné que je l’estime crédible, je n’ai aucune raison de douter de son témoignage concernant les raisons pour lesquelles elle a cessé de travailler.

[39] Le relevé d’emploi de l’appelante indique également que sa dernière journée de travail était le 17 avril 2020 et que la raison d’être de la délivrance du relevé d’emploi était une [traduction] « maladie ou blessureNote de bas de page 14 ».

[40] Par conséquent, compte tenu de cette preuve, je conclus que l’appelante a cessé de travailler le 17 avril 2020 en raison d’une maladie. Je ne vois aucune preuve qui m’amènerait à tirer une conclusion différente.

[41] Je conclus donc que la preuve démontre que l’appelante aurait pu avoir une période de prestations établie si elle avait présenté une demande au cours de la période de la semaine du 26 avril 2020 à la semaine du 17 mai 2020. Je ne vois aucune preuve qui m’amènerait à tirer une conclusion différente.

[42] Deuxièmement, je conclus qu’en tant que « prestataire » de la PAEU, l’appelante est admissible à la PAEU pour d’autres semaines.

[43] La loi précise que l’appelante répond à la définition de « prestataire » et est admissible à la PAEU si elle « n’a aucun revenu provenant d’un emploi qu’[elle] exerce – ou d’un travail qu’[elle] exécute pour son compte –, pendant au moins sept jours consécutifs compris dans la période de deux semaines pour laquelle [elle] demande la prestationNote de bas de page 15 ».

[44] Je juge que l’appelante remplit cette condition pour la semaine du 26 avril 2020 à la semaine du 17 mai 2020.

[45] L’appelante a témoigné qu’elle n’avait pas pu travailler et qu’elle n’avait obtenu aucun revenu du moment où elle a cessé de travailler le 17 avril 2020 jusqu’au moment où elle a présenté sa demande de prestations le 25 mai 2020. Elle a témoigné en détail des raisons pour lesquelles elle ne pouvait pas travailler, à savoir ses problèmes de santé mentale. Étant donné que je l’estime crédible, je n’ai aucune raison de douter de son témoignage.

[46] Je conclus que l’appelante a également fourni d’autres preuves étayant son témoignage.

[47] Plus précisément, l’appelante a fourni une note d’un médecin datée du 21 mai 2020. Cette note indique que [traduction] « pour des raisons de santé », elle est [traduction] « inapte à réaliser un travail régulier pour le moment ». Elle indique également que l’appelante doit être dispensée de travail du [traduction] « 9 mai 2020 au 30 juin 2020, inclusivement, pour des raisons de santéNote de bas de page 16 ».

[48] Je reconnais que la note médicale de l’appelante n’indique pas expressément qu’elle ne pouvait pas travailler en raison d’une maladie pendant toute la période du 18 avril 2020 au 24 mai 2020. Cependant, je conclus que cela montre clairement qu’elle n’a pas pu travailler en raison d’une maladie à partir du 9 mai 2020, ce qui renforce son témoignage déjà crédible.

[49] De plus, comme il a été discuté ci-dessus, je conclus qu’il y a d’autres preuves qui m’amènent à conclure que l’appelante n’a pas pu travailler en raison d’une maladie du 18 avril 2020 au 24 mai 2020 et qu’elle n’a reçu aucun revenu pendant cette période. Son relevé d’emploi indique expressément qu’elle a cessé de travailler le 17 avril 2020 en raison d’une maladieNote de bas de page 17, et sa demande du 25 mai 2020 visait des prestations de maladieNote de bas de page 18.

[50] Par conséquent, je juge que l’appelante a cessé de travailler le 17 avril 2020 et qu’elle n’a pas travaillé ou obtenu un revenu depuis le 18 avril 2020.

[51] Étant donné que l’appelante ne travaillait pas ou n’avait obtenu aucun revenu depuis le 18 avril 2020, je conclus que cela signifie qu’elle n’a eu aucun revenu pendant au moins sept jours consécutifs en date du 25 avril 2020. Cela la rend admissible à la PAEU pour la semaine du 26 avril 2020. Cela la rend également admissible à la PAEU pour les trois semaines suivantes, jusqu’à la présentation de sa demande de prestations et jusqu’au moment où elle a commencé à recevoir la PAEU.

[52] Je conclus donc que l’appelante est admissible à la PAEU pour d’autres semaines, plus précisément de la semaine du 26 avril 2020 à la semaine du 17 mai 2020.

L’appelante doit-elle rembourser l’avance de 1 000 $ reçue dans le cadre de la PAEU?

[53] Non, l’appelante ne doit pas rembourser l’avance de 1 000 $ reçue dans le cadre de la PAEU.

[54] Entre le 15 mars 2020 et le 3 octobre 2020, les parties prestataires pouvaient présenter une demande de PAEU toutes les deux semainesNote de bas de page 19. La loi permettait à la Commission de verser la PAEU aux parties prestataires avant qu’elle n’effectue les versements habituelsNote de bas de page 20.

[55] La Commission a versé à l’appelante l’avance de 2 000 $ le 1er juin 2020Note de bas de page 21. Cela équivalait à quatre semaines de PAEU. La Commission prévoyait recouvrer cette avance en retenant quatre semaines de prestations ultérieurement, généralement les 13e, 14e, 18e et 19e semaines de prestations visées par la demandeNote de bas de page 22.

[56] Je conclus que la Commission a déjà recouvré la moitié de l’avance (1 000 $) auprès de l’appelante, plus précisément pendant la semaine du 16 août 2020 et la semaine du 23 août 2020 (les 13e et 14e semaines visées par la demande de PAEU de l’appelante)Note de bas de page 23. Les parties ne contestent pas ce point.

[57] La Commission affirme qu’elle n’a pas pu recouvrer l’autre moitié de l’avance de l’appelante parce que l’appelante est arrivée à la fin de sa demande de PAEU le 3 octobre 2020, avant les 18e et 19e semaines de cette demandeNote de bas de page 24. C’est la raison du trop-payé de 1 000 $.

[58] Cependant, comme il a été discuté ci-dessus, la Commission affirme également qu’elle examinera la question de savoir si l’appelante est admissible à la PAEU pour d’autres semaines, de sorte que la Commission puisse ainsi recouvrer l’autre moitié de l’avance. De plus, je peux examiner cette question moi-même parce que la Commission semble l’avoir examinée lors de son nouvel examen.

[59] De plus, comme il a été discuté ci-dessus, je conclus que l’appelante est en fait admissible à la PAEU pour d’autres semaines, plus précisément de la semaine du 26 avril 2020 à la semaine du 17 mai 2020.

[60] Étant donné que l’appelante est admissible à la PAEU pour d’autres semaines, je conclus que la Commission peut donc recouvrer, pendant ces semaines, l’autre moitié de l’avance.

[61] Cela signifie que l’appelante n’a pas à rembourser l’avance de 1 000 $ reçue dans le cadre de la PAEU.

[62] L’appelante peut aussi se demander si cela signifie qu’elle a le droit de recevoir plus de PAEU. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Selon la loi, toute demande de PAEU devait être présentée au plus tard le 2 décembre 2020Note de bas de page 25, de sorte qu’il est maintenant trop tard pour que l’appelante reçoive plus de PAEU. Je n’ai examiné ici que son admissibilité à recevoir la PAEU pour d’autres semaines afin de décider si elle doit rembourser l’autre moitié de l’avance ou si la Commission peut la recouvrer d’une autre façon, ce qu’elle peut maintenant faire.

Conclusion

[63] L’appelante est admissible à la PAEU pour d’autres semaines et n’a pas à rembourser l’avance de 1 000 $ reçue dans le cadre de la PAEU. La Commission peut recouvrer ce montant pendant les autres semaines pour lesquelles l’appelante est admissible.

[64] Cela signifie que l’appel est accueilli.

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