Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TK c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2023 TSS 544

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance‑emploi

Décision

Appelant : T. K.
Intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (495522) datée du 15 juillet 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Teresa M. Day
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 23 novembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 30 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-2726

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Aucun changement ne sera apporté aux trois décisions défavorables relatives à cette demande.

[2] Le prestataire (qui est l’appelant dans le présent appel) est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi du 26 décembre 2021 au 2 avril 2022 parce qu’il a été suspendu de son emploi en raison de son inconduite.

[3] Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 3 avril 2022 parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification lorsqu’il a refusé de retourner au travail.

[4] Il est également inadmissible aux prestations d’assurance-emploi à compter du 27 décembre 2021 parce qu’il n’a pas prouvé sa disponibilité pour travailler pendant sa période de prestations.

[5] Cela signifie que le prestataire ne peut recevoir de prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[6] Le prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi le 6 janvier 2022. Selon son relevé d’emploi (RE), son dernier jour de travail rémunéré était le 19 décembre 2021 et il a abandonné son emploi le 31 mars 2022.

[7] L’intimée (Commission) a enquêté sur les raisons pour lesquelles l’appelant a cessé de travailler.

[8] L’employeur a déclaré que le prestataire avait été mis en congé sans solde le 19 décembre 2021 parce qu’il ne s’est pas conformé à sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 (politique). Lorsque le prestataire a refusé de reprendre son emploi après la levée de la politique, l’employeur a modifié le RE pour indiquer la démission du prestataire.

[9] Celui-ci a déclaré qu’il avait été congédié parce qu’il avait refusé de se conformer à la politique. Il a également dit à la Commission qu’il n’avait postulé aucun emploi parce qu’il était incapable d’obtenir du travail en raison de son statut vaccinal.

[10] La Commission a décidé que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 1. Cela signifiait qu’il était inadmissible aux prestations d’assurance-emploi pendant sa suspensionNote de bas de page 2.

[11] La Commission a également décidé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification lorsqu’il a refusé de reprendre le travailNote de bas de page 3. Cela signifie qu’il a été exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 3 avril 2022Note de bas de page 4.

[12] La Commission a également vérifié si le prestataire était disponible pour travailler.

[13] En vertu de la loi, le prestataire doit être disponible pour travailler pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploiNote de bas de page 5. La disponibilité est une exigence continueNote de bas de page 6. Par conséquent, un prestataire doit être à la recherche d’un emploi à temps plein et ne peut établir de conditions personnelles qui limiteraient indûment sa capacité de retourner au travail.

[14] La Commission a décidé que le prestataire ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi à compter du 27 décembre 2021 parce qu’il n’avait pas effectué une recherche d’emploi adéquate et qu’il n’avait pas prouvé sa disponibilité pour travaillerNote de bas de page 7.

[15] Le prestataire a interjeté appel des trois décisions défavorables concernant sa demande devant le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

[16] Je confirme les trois décisions. Voici les raisons qui expliquent ma décision.

Questions en litige

[17] Comme il a été mentionné précédemment, trois décisions défavorables ont été rendues concernant la demande du prestataire. Il a interjeté appel dans chaque cas.

[18] Je dois donc trancher les questions suivantes :

  1. a) Le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi en raison de son inconduite?
  2. b) Le prestataire a-t-il quitté volontairement son emploi sans justification lorsqu’il a refusé de reprendre le travail le 4 avril 2022?
  3. c) Le prestataire était-il disponible pour travailler à compter du 27 décembre 2021?

Analyse

Question en litige no 1 : Le prestataire a-t-il été suspendu en raison de son inconduiteNote de bas de page 8?

[19] Pour répondre à cette question, je dois trancher deux questions. Premièrement, je dois établir pourquoi le prestataire a été suspendu de son emploi. Je dois ensuite décider si, selon la Loi sur l’assurance-emploi (Loi), ce motif constitue une inconduite.

A) Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi?

[20] Le prestataire a été suspendu parce qu’il a refusé de fournir une preuve de vaccination comme l’exige la politique et parce qu’il n’avait pas obtenu d’exemption approuvée.

[21] L’employeur a dit à la Commission que le prestataire avait été mis en congé sans solde le 19 décembre 2021 pour non-respect de la politiqueNote de bas de page 9. La politique était en place jusqu’au 4 avril 2022.

[22] Le prestataire a exprimé son désaccord à la Commission au sujet de la politique. Il a ajouté qu’il avait fait un choix personnel de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19Note de bas de page 10. Il s’est dit conscient que ce choix lui ferait perdre son emploi. Il n’a pas demandé à être exempté de la politique pour des raisons médicales ou religieuses.

[23] Il a fourni les documents suivants à la Commission :

  • Une copie de la FAQ originale de l’employeur sur la COVID-19 datée de mai 2021Note de bas de page 11.
  • Une copie du courriel de l’employeur daté du 23 septembre 2021 indiquant la mise en œuvre de la politique. Celle-ci exigeait que tout le personnel soit entièrement vacciné contre la COVID-19 au plus tard le 1er décembre 2021Note de bas de page 12.
  • Une copie du courriel de l’employeur daté du 22 octobre 2021 dans laquelle celui-ci conseille au prestataire de soumettre son dossier d’immunisation avec preuve de vaccination ou comme indication qu’il était en voie d’être immunisé contre la COVID-19Note de bas de page 13.
  • Une copie du courriel de l’employeur daté du 23 novembre 2021. Celui-ci informe le prestataire qu’il devait présenter une preuve qu’il avait reçu au moins une dose d’un vaccin contre la COVID-19 au plus tard le 1er décembre 2021 pour avoir accès au lieu de travailNote de bas de page 14, sans quoi il serait suspendu avec solde à compter du 1er décembre 2021. Le prestataire s’est également fait dire qu’il devait présenter une preuve qu’il avait reçu sa deuxième dose de vaccin au plus tard le 21 décembre 2021, sinon il serait suspendu sans solde à compter du 22 décembre 2021.
  • Une copie de la lettre de suspension du 21 décembre 2021 envoyée au prestataireNote de bas de page 15.

[24] Le prestataire a déclaré ce qui suit à l’audience :

  • L’employeur a mentionné au départ dans la FAQ initiale de mai 2021 qu’il n’instaurerait pas « une exigence vaccinale ».
  • Il s’est cependant ravisé en septembre 2021. L’employeur a commencé à exiger des masques et des tests. Toutefois, les membres du personnel qui ont fourni une preuve de vaccination n’avaient pas à subir de test.
  • L’employeur n’a fourni aucun renseignement au sujet de l’innocuité et de l’efficacité des vaccins contre la COVID-19.
  • Le prestataire savait qu’il serait mis en congé sans solde pour ne pas avoir attesté de son statut vaccinal.
  • Il a fait le choix personnel de ne pas se faire vacciner.
  • Il n’a pas attesté de son statut vaccinal avant la date limite du 21 décembre 2021 ni n’a demandé à être exempté de la politique. Il a été mis sur-le-champ en congé sans solde de son emploi pour non-respect de la politique.

[25] La preuve démontre que le prestataire a été suspendu de son emploi parce qu’il n’a pas fourni de preuve de vaccination alors que la politique l’exige ou qu’il n’a pas obtenu une exemption approuvée avant la date limite du 21 décembre 2021.

B) Le motif de la suspension du prestataire constitue-t-il une inconduite selon la loi?

[26] Oui, le motif de la suspension du prestataire est une inconduite aux fins des prestations d’assurance-emploi.

[27] Pour qu’il y ait une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 16. L’inconduite comprend également une conduite à ce point insouciante (ou négligente) qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 17 (ou qui démontre un mépris délibéré des répercussions de ses actes sur son rendement au travail).

[28] Le prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, il n’est pas nécessaire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 18.

[29] Il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers l’employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit suspenduNote de bas de page 19.

[30] La Commission doit prouver que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 20. Elle s’appuie sur la preuve que les représentants de Service Canada obtiennent de l’employeur et du prestataire pour le faire.

[31] La preuve de l’employeur est énoncée précédemment à la première question A) ci-dessus.

[32] Le prestataire a dit à la Commission que la politique de l’employeur était illégale et violait bon nombre de ses droits, y compris son droit de donner un consentement éclairé à un traitement médical et ses droits garantis en vertu de la Charte canadienne des droits et libertésNote de bas de page 21. Il a également dit avoir fait l’objet d’un congédiement déguisé.

[33] À l’audience, le prestataire a fait valoir ce qui suitNote de bas de page 22 :

  • La politique séparait les membres du personnel en groupes vaccinés et non vaccinés. Cette catégorisation contrevenait à la politique de prévention du harcèlement et de la violence en milieu de travail de l’employeur.
  • La politique violait son droit de faire un choix éclairé quant à un traitement médical à recevoir (c’est-à-dire les vaccins contre la COVID-19). Un tel choix doit reposer sur « tous les faits », mais ils ne lui ont jamais été présentés. Les renseignements de l’employeur étaient plutôt « de base » et « génériques » et ne faisaient nullement état des ingrédients ou des essais du vaccin. L’employeur a dit : « Faites confiance à la science ». Cela constituait une « conformité forcée ». Lorsque vous pensez faire un choix, mais que vous êtes amené par la ruse à effectuer un choix qui serait considéré comme conforme, il s’agit de conformité forcée.
  • Pour qu’il y ait une conclusion d’inconduite de la part de l’employé, il devait avoir un véritable choix en matière de vaccination, et ce n’était pas le cas.
  • Certaines mesures de sécurité sont valables, comme le port de bottes de sécurité au travail. Ces mesures ne blessent pas l’employé et peuvent être retirées lorsqu’il n’est pas au travail. La situation est cependant différente dans le cas des vaccins. Les vaccins contre la COVID-19 sont toujours considérés comme des « médicaments expérimentaux ». L’employeur ne peut pas contraindre le prestataire à prendre quelque chose qui pourrait altérer son ADN.
  • « L’inconduite suppose une réciprocité. » L’employeur a [traduction] « inversé » la signification de l’inconduite et [traduction] et [traduction] « l’a utilisée de façon outrageante » à son égard en menaçant sa santé et son bien-être par la conformité forcée.
  • Il ne devrait pas être puni pour avoir exercé ses droits lorsque l’employeur contraignait les employés à se faire vacciner en les menaçant de perdre leur emploi.
  • L’employeur a également commis un acte de « terrorisme » contre lui en lui faisant craindre qu’il perde son emploi pour l’amener à choisir ce qu’il ne veut pas choisir, soit la vaccination.
  • La mise en œuvre de la politique plaçait les dirigeants de l’employeur en conflit d’intérêts. Le « comité de direction » voulait améliorer le « score social de l’employeur en tant qu’entreprise » et, ainsi, sa propre rémunération. Les membres de la direction se plaçaient en conflit d’intérêts en disant au personnel de se faire vacciner lorsque leurs primes étaient directement liées à « l’exigence de vaccination » et à la conformité du personnel.
  • L’inconduite ne constituait pas un facteur dans sa suspension parce que c’est l’employeur qui s’est livré à une inconduite.

[34] Le Tribunal n’a pas compétence pour interpréter ou appliquer un contrat de travailNote de bas de page 23. Le Tribunal n’a pas non plus le pouvoir légal d’interpréter ou d’appliquer les lois sur la protection de la vie privée, les lois sur les droits de la personne, le droit international, le Code criminel ou d’autres lois aux décisions prises en vertu de la LoiNote de bas de page 24.

[35] Autrement dit, il n’appartient pas au Tribunal de décider si la politique de l’employeur était raisonnable ou juste, ou si elle violait le contrat de travail. Le Tribunal ne peut pas non plus décider si la sanction de mise en congé sans solde était trop sévère. Le Tribunal doit se concentrer sur la raison pour laquelle l’emploi du prestataire a pris fin et décider si la conduite qui a entraîné sa suspension constitue une inconduite au sens de la Loi.

[36] J’ai déjà conclu que la conduite qui a mené à la suspension du prestataire était son défaut de fournir une preuve de vaccination ou d’obtenir une exemption approuvée avant la date limite du 21 décembre 2021 prévue dans la politique.

[37] La preuve non contestée obtenue de l’employeur ainsi que le témoignage du prestataire à l’audience me permettent de tirer les conclusions supplémentaires suivantes :

  1. a) Le prestataire a été mis au courant de la politique de vaccination obligatoire et a eu le temps de s’y conformerNote de bas de page 25.
  2. b) Son refus de se conformer à la politique était voulu et intentionnel, et donc délibéré.
  3. c) Il savait que son refus de se faire vacciner et d’en fournir la preuve, sans exemption approuvée, pourrait entraîner sa suspension, ce qui signifie qu’il acceptait les conséquencesNote de bas de page 26.
  4. d) Son refus de se conformer à la politique était la cause directe de sa suspension.

[38] L’employeur a le droit d’établir des politiques en matière de sécurité au travail. Ces politiques peuvent être modifiées au fil du temps. L’argument du prestataire selon lequel la politique de vaccination obligatoire ne faisait pas partie de son contrat de travail n’est pas convaincant parce qu’il n’y avait pas de pandémie de COVID-19 à ce moment-là et que l’employeur est en droit d’établir des politiques de santé et de sécurité au travail selon l’évolution des circonstances.

[39] Le prestataire a toujours eu le droit de refuser de se conformer à la politique. En choisissant de ne pas se faire vacciner (et, par conséquent, en ne présentant pas de preuve de son statut de personne entièrement vaccinée) en l’absence d’une exemption approuvée, il a pris une décision personnelle qui a entraîné des conséquences prévisibles sur son emploi.

[40] La division d’appel du Tribunal a confirmé à maintes reprises qu’il importe peu que cette décision du prestataire soit fondée sur des croyances religieuses, des préoccupations relatives à la vie privée, des problèmes de santé ou une autre raison personnelle. Le choix voulu de ne pas se conformer à une politique sur la sécurité au travail liée à la COVID-19 est considéré comme délibéré et constitue une inconduite aux fins des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 27.

[41] La jurisprudence de la Cour d’appel fédérale selon laquelle une violation voulue de la politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 28 étaye ces affaires.

[42] Je conclus donc que le refus délibéré du prestataire de se faire vacciner et de fournir une preuve de vaccination conformément à la politique – en l’absence d’une exemption approuvée – constitue une inconduite au sens de la Loi.

[43] Le prestataire croit qu’il avait un droit de refuser de se faire vacciner et de refuser d’attester son statut vaccinal. Il estime que la politique a violé ses droits de la personne et ses droits constitutionnels. Il affirme que la politique et les conséquences du non-respect de celle-ci ne faisaient pas partie de son contrat de travail et violaient le code de conduite de l’employeur, ainsi que diverses autres lois internationales et nationales.

[44] Toutefois, je n’ai pas le pouvoir de décider si l’employeur a contrevenu au contrat de travail ou à l’un des droits fondamentaux ou constitutionnels du prestataire lorsqu’il l’a mis en congé sans solde en raison de son manquement à la politique. Je n’ai pas non plus le pouvoir de décider si le processus de demande de mesures d’adaptation de l’employeur était approprié, ou si l’employeur avait la possibilité d’offrir au prestataire d’autres mesures d’adaptation.

[45] Le recours du prestataire concernant ses plaintes à l’égard de la politique et les mesures de l’employeur consiste à présenter ces demandes devant une cour ou un autre tribunal qui traite de ces questions.

[46] Par conséquent, je ne tire aucune conclusion à l’égard de l’une ou l’autre de ses allégations, et le prestataire demeure libre de présenter ces arguments aux organismes décisionnels compétents et de leur demander réparationNote de bas de page 29.

[47] Toutefois, aucun des arguments ni aucune des observations du prestataire ne modifie le fait que la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’il ait été suspendu en raison d’une conduite considérée comme une inconduite au sens de la Loi.

[48] Il n’a donc pas droit à des prestations d’assurance-emploi pendant sa suspension.

C) Conclusion

[49] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu en raison de son inconduite.

[50] Par conséquent, il est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi pendant la période de suspension, soit du 26 décembre 2021 au 2 avril 2022Note de bas de page 30.

Question en litige no 2 : Le prestataire a-t-il quitté volontairement son emploi sans justification lorsqu’il a refusé de reprendre le travailNote de bas de page 31?

[51] Pour répondre à cette question, je dois trancher deux questions. Premièrement, je dois décider si le prestataire a quitté volontairement son emploi (départ volontaire). Je dois ensuite décider s’il était fondé à quitter son emploi.

A) Le prestataire a-t-il quitté volontairement son emploi?

[52] Oui, il l’a fait.

[53] Selon la loi, le départ volontaire d’un emploi comprend le refus de reprendre le travail lorsqu’une offre de rappel est présentéeNote de bas de page 32.

[54] L’employeur a affirmé ce qui suit à la CommissionNote de bas de page 33 :

  • Le prestataire a été suspendu sans solde à compter du 19 décembre 2021 parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique.
  • Le 25 mars 2022, le personnel a été informé que la politique était annulée et que le personnel non vacciné pouvait reprendre le travail le 4 avril 2022.
  • On a demandé au prestataire de retourner au travail lorsque l’exigence de vaccination a pris fin.
  • Le 25 mars 2022, l’employeur a envoyé une lettre de rappel au prestataire lui demandant de reprendre le travail le 4 avril 2022. La lettre a été envoyée par courriel et par courrier recommandé. Le prestataire a « refusé » le courrier recommandé.
  • Le prestataire n’a pas répondu à la lettre de rappel ni communiqué avec l’employeur. Il ne s’est tout simplement pas présenté au travail. L’employeur ne sait pas pourquoi.
  • Lorsque le prestataire ne s’est pas présenté au travail le 4 avril 2022 ou après cette date, l’employeur a estimé qu’il avait démissionné.
  • Le 27 avril 2022, l’employeur a produit un relevé d’emploi modifié pour abandon de posteNote de bas de page 34.

[55] Le prestataire a dit ce qui suit à la CommissionNote de bas de page 35 :

  • Il a été suspendu pour non-respect de la politique en date du 19 décembre 2021.
  • Environ 3 mois plus tard, il a été contacté pour un retour au travail le 4 avril 2022.
  • Il n’a pas répondu au rappel parce qu’il estimait avoir été congédié définitivement en décembre 2021.
  • Lorsqu’il a été suspendu, on lui a fait croire que la politique allait être permanente. Il croyait qu’il ne reprendrait jamais le travail chez cet employeur parce qu’il n’est pas prêt à divulguer son statut vaccinal.
  • Il avait compris que la politique avait changé au moment du rappel. Cependant, il n’a pas communiqué avec l’employeur pour clarifier la situation parce qu’il estimait avoir fait l’objet d’un congédiement déguisé.
  • Il était toujours sans emploi à la date du rappel, mais il n’a pas repris le travail.

[56] Le prestataire a affirmé ce qui suit à l’audience :

  • Il n’a pas repris le travail lorsqu’il a été rappelé.
  • Il n’a pas non plus communiqué avec l’employeur pour discuter de la lettre de rappel.
  • Il a plutôt « retenu les services d’un avocat » et a intenté une poursuite pour « congédiement injustifié, dommages moraux et indemnité de départ »Note de bas de page 36.

[57] Le prestataire a amorcé la cessation de la relation d’emploi lorsqu’il ne s’est pas présenté au travail le 4 avril 2022 ou par la suite. Ce faisant, il a refusé de reprendre son emploi à un moment où l’employeur avait du travail pour lui. Je conclus donc qu’il a quitté volontairement son emploi le 4 avril 2022Note de bas de page 37.

B) Le prestataire était-il fondé à quitter son emploi volontairement?

[58] Non, il ne l’était pas.

[59] La loi prévoit qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi s’il n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi lorsqu’il l’a faitNote de bas de page 38.

[60] Le fait d’avoir une bonne raison de quitter un emploi n’est pas suffisant pour prouver l’existence d’une justification.

[61] La loi explique ce qu’elle entend par « justification ». Elle prévoit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas.

[62] Il appartient au prestataire de prouver qu’il avait une justificationNote de bas de page 39.

[63] Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Par conséquent, il doit démontrer qu’il est plus probable que le contraire que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas le 4 avril 2022.

[64] Avant de décider s’il était fondé à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances au moment de son départNote de bas de page 40.

[65] Le prestataire a dit ce qui suit à la Commission :

  • On lui a demandé de reprendre le travail une fois que l’exigence de vaccination aura été levée.
  • Il devait recommencer à travailler le 4 avril 2022, mais il a choisi de ne pas revenir et a plutôt démissionné.
  • Il estimait avoir été congédié de façon déguisée lorsqu’il a été suspendu parce qu’il considérait que les gestes de l’employeur étaient coercitifs et abusifs. Les gestes de l’employeur ont également créé un environnement de travail hostile.
  • Il croyait que son retour au travail pourrait entraîner son congédiement sans motif et l’impossibilité de poursuivre l’employeur devant les tribunaux.
  • Il a cependant compris que s’il ne revenait pas, il y aurait également des conséquences.

[66] Dans son avis d’appel, le prestataire a déclaré que la confiance entre le personnel et l’employeur était rompue et que le milieu de travail hostile créé par l’employeur était irréparable. Il a également dit craindre des représailles de la part de l’employeur pour avoir refusé de se conformer à la politique.

[67] Le prestataire a déclaré ce qui suit à l’audience :

  • Selon son expérience, lorsque les gens reprennent le travail « après avoir fait l’objet de mesures disciplinaires – pour quelque raison que ce soit », ils seraient licenciés rapidement par la suite afin d’éliminer toute réclamation pour congédiement injustifié ou indemnité de départ.
  • Il n’est pas retourné au travail lorsqu’il a été rappelé parce qu’il [traduction] « craignait » un licenciement pour non-respect de la politique antérieure.
  • Il serait considéré comme « un paria et un trouble-fête » et l’employeur chercherait une excuse pour le congédier.
  • Il a donc plutôt retenu les services d’un avocat et a poursuivi l’employeur pour congédiement injustifié, dommages moraux et indemnité de départ.
  • Il compte aussi déposer une plainte en matière de droits de la personne auprès de l’Alberta Human Rights Commission.
  • Pour lui, il n’était pas raisonnable de retourner au travail parce qu’il craignait des « représailles » sous forme de licenciement motivé qui nuirait à sa capacité de poursuivre l’employeur et d’être embauché ailleurs.
  • Il est très reconnaissant de ses 12 années passées chez cet employeur. Il s’est fait beaucoup d’amis et est « très triste » que ça ait dû se terminer ainsi.
  • Cependant, son objectif consiste à sensibiliser le public à ce qui lui est arrivé et à montrer à autrui comment « ne pas laisser les entreprises piétiner vos droits ».

[68] Le prestataire affirme que les mesures prises par l’employeur dans la mise en œuvre de la politique et la suspension d’employés comme lui ont créé un environnement de travail hostile qui lui a donné une justification de quitter son emploi. Il affirme également que sa crainte de représailles pour non-respect de la politique lorsque la vaccination obligatoire était en place signifiait qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de démissionner.

[69] La Commission affirme qu’une solution de rechange raisonnable au départ aurait été que le prestataire reprenne le travail et vérifie l’existence ou non de répercussions en cas de non-respect de la politique. Une autre solution raisonnable aurait été de parler à l’employeur de ses préoccupations pour voir si elles étaient fondées ou non.

[70] Je conviens avec la Commission que le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait (le 4 avril 2022).

[71] La question ne consiste pas à savoir s’il était compréhensible que le prestataire quitte son emploi, mais bien de savoir si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas. La Commission a prouvé que le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de démissionner lorsqu’il l’a fait.

[72] J’aborderai à tour de rôle les arguments du prestataire.

Hostilité au travail

[73] Des conditions de travail insatisfaisantes ne justifient un départ volontaire que si elles sont si manifestement intolérables que le prestataire n’avait d’autre choix que de partir lorsqu’il l’a faitNote de bas de page 41. Cependant, avant de partir, un prestataire est fortement tenu de chercher des solutions à des conditions intolérablesNote de bas de page 42.

[74] Je conclus que, pour l’appelant, de telles circonstances n’existaient pas le 4 avril 2022.

[75] Le prestataire était fortement en désaccord avec la politique et profondément mécontent d’avoir été suspendu en raison de celle-ci. Je reconnais qu’il aurait pu y avoir de l’hostilité et du stress en milieu de travail lorsque la politique a été mise en œuvre et au cours de la période ayant mené à la date limite de conformité.

[76] Cependant, la politique qui, selon le prestataire, a causé ces tensions a été annulée et n’était pas en vigueur le 4 avril 2022. Il s’agit de la date dont je dois tenir compte. Il n’existe aucune preuve, quelle qu’elle soit, sur le milieu de travail à cette date – encore moins une preuve de conditions en milieu de travail qui pourraient être considérées comme manifestement intolérables – parce que le prestataire n’a pas repris le travail après la levée de la politique.

[77] Aucun exemple n’établit que le prestataire a été traité comme un [traduction] « paria » ou un [traduction] « trouble-fête » au 4 avril 2022 ni que l’employeur cherche des excuses pour le congédier. Le prestataire suppose que le lieu de travail était devenu toxique à cause de la politique et des suspensions. Toutefois, il n’a pas repris le travail pour vérifier l’exactitude de ses suppositions. De plus, il n’a pris aucune mesure pour remédier à la possibilité de conditions de travail insatisfaisantes avant de quitter son emploi.

[78] Je reconnais les raisons pour lesquelles le prestataire a voulu éviter les hostilités éventuelles de la part de collègues ou de la direction après avoir refusé de se conformer à la politique. Cependant, je ne peux ignorer qu’il s’est volontairement mis en situation de chômage sans d’abord avoir pris des mesures pour conserver son emploi.

[79] Il aurait été raisonnable que le prestataire parle à son superviseur ou à son gestionnaire pour les informer de ses préoccupations avant de reprendre le travail et donne à l’employeur l’occasion de régler le problème. Il n’a pas permis à l’employeur d’apaiser ses préoccupations, ce qui témoigne du manque d’intérêt du prestataire à conserver cet emploi.

[80] Je conclus donc que l’appelant ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de prouver qu’il vivait des conditions de travail hostiles si manifestement intolérables que son départ le 4 avril 2022 constituait la seule solution raisonnable. Cela signifie qu’il n’a pas prouvé qu’il était fondé à quitter son emploi parce que son milieu de travail était devenu intolérable.

[81] Une décision de quitter un emploi pour des raisons personnelles, comme le fait de vouloir éviter d’être perçu négativement en raison du non-respect antérieur d’une politique en milieu de travail (comme le décrit le prestataire), pourrait bien constituer un motif valable de quitter un emploi. Toutefois, la Cour d’appel fédérale a jugé clairement qu’un motif valable de quitter un emploi n’équivaut pas à la condition prévue dans la loi de « justification »Note de bas de page 43, et qu’il est possible qu’un prestataire ait un motif valable de quitter son emploi sans avoir de « justification » au sens de la loiNote de bas de page 44.

[82] En outre, la Cour d’appel fédérale a statué sans équivoque que le fait de quitter son emploi pour améliorer sa situation – qu’il s’agisse de la nature du travail, de la rémunération ou d’autres facteurs liés au mode de vie – ne constitue pas une justification au sens de la loiNote de bas de page 45.

[83] Je conclus que le prestataire a pris la décision personnelle de quitter son emploi. Je reconnais son désir de mettre la politique et la suspension derrière lui et d’éviter la possibilité d’avoir des interactions négatives (par exemple en se faisant traiter de paria ou de trouble-fête) en raison de sa non-conformité. Cependant, il ne peut s’attendre à ce que les cotisants à la caisse d’assurance-emploi assument les coûts de sa décision unilatérale de quitter son emploi à cette fin.

[84] Au départ, il aurait été raisonnable d’informer le directeur général de ses préoccupations et de permettre à l’employeur de traiter et régler ses préoccupations. Il aurait également été raisonnable de reprendre le travail le 4 avril 2022 et de continuer à travailler jusqu’à ce qu’il trouve un emploi convenable ailleurs.

[85] Le prestataire n’a pas envisagé l’une ou l’autre de ces solutions raisonnables.

[86] Je conclus donc qu’il ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de prouver que ses préoccupations personnelles au sujet de l’hostilité en milieu de travail étaient telles que son départ le 4 avril 2022 constituait la seule solution raisonnable dans son cas. Cela signifie qu’il n’a pas prouvé qu’il était fondé à quitter son emploi.

[87] Cela signifie en outre qu’il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Crainte de représailles

[88] L’employeur a annulé la politique et a rapidement invité le prestataire à reprendre le travail. Cela montre que l’employeur a apprécié la relation d’emploi avec le prestataire et qu’il était prêt à envisager l’avenir au-delà de la suspension.

[89] Le prestataire a pris la décision voulue et intentionnelle de ne pas reprendre le travail lorsqu’il a choisi de ne pas répondre à la lettre de rappel ou de ne pas se présenter au travail le 4 avril 2022 (ou par la suite).

[90] Je ne vois aucune preuve d’hostilité de la part de l’employeur ni ne constate que celui-ci avait l’intention de licencier le prestataire après son rappel. De plus, je ne vois aucun fondement à la crainte de représailles du prestataire, et encore moins à un niveau tel qu’il appuierait son départ sans même qu’il réponde à la lettre de rappel ou qu’un dialogue soit engagé pour apaiser ses préoccupations au sujet du rappel.

[91] Je conclus que le prestataire a pris la décision personnelle de quitter son emploi. Il ne voulait pas reprendre le travail après avoir été suspendu conformément à une politique avec laquelle il était en désaccord et qu’il croyait abusive, et ce même une fois que la politique a cessé d’être en vigueur. Il croyait que le licenciement était inévitable et a plutôt décidé de démissionner afin d’éviter une tache éventuelle dans son dossier et de donner suite à sa poursuite pour congédiement injustifié.

[92] Comme il a été mentionné précédemment, il ne suffit pas d’avoir de bonnes raisons personnelles de quitter un emploi pour prouver une justification à cet égard. Le prestataire aurait peut-être voulu éviter la possibilité de représailles en raison de sa non-conformité antérieure à la politique et tenir l’employeur responsable au moyen de diverses poursuites judiciaires. Cependant, il ne peut s’attendre à ce que les cotisants à la caisse d’assurance-emploi assument les coûts de sa décision unilatérale de quitter son emploi à cette fin.

[93] Si le prestataire avait des préoccupations au sujet de la reprise de son emploi après sa suspension, il lui incombait de protéger son emploi en répondant à la lettre de rappel et en prenant des dispositions pour discuter à fond avec l’employeur de ses préoccupations.

[94] Compte tenu des circonstances existantes en date du 4 avril 2022, le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi :

  1. a) Il aurait pu répondre au courriel du 25 mars 2022 et à la lettre de rappel et demander à l’employeur à quoi ressemblerait le milieu de travail pour le personnel non vacciné (ou n’ayant pas donné d’attestation) qui reprend le travail après une suspension.
  2. b) Il aurait pu demander à rencontrer son superviseur ou son gestionnaire avant la date de retour au travail du 4 avril 2022 pour régler ses préoccupations concernant des représailles pour non-respect de la politique lorsqu’elle était en vigueur.
  3. c) Il aurait pu reprendre le travail le 4 avril 2022 et chercher un autre emploi tout en tentant de résoudre les problèmes en milieu de travail (le cas échéant). C’est particulièrement le cas étant donné que la politique avait été levée et que le point de vue du prestataire ne repose sur rien d’autre que sur ses propres suppositions selon lesquelles le retour au travail se serait révélé problématique pour lui.

[95] Je ne tire aucune conclusion quant à savoir si le prestataire a été congédié de façon abusive ou déguisée. Il est libre de poursuivre l’employeur.

[96] Cependant, sa démission ne constituait pas sa seule solution raisonnable. Il n’a pas appliqué l’une ou l’autre des solutions raisonnables que j’ai énumérées.

[97] Je conclus donc qu’il ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de prouver que ses préoccupations personnelles au sujet de la crainte de représailles en milieu de travail étaient telles que son départ le 4 avril 2022 constituait la seule solution raisonnable dans son cas. Cela signifie qu’il n’a pas prouvé qu’il était fondé à quitter son emploi.

[98] Cela signifie en outre qu’il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

C) Conclusion

[99] Le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi le 4 avril 2022. Il ne s’est pas prévalu de ces solutions raisonnables et n’a donc pas prouvé qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi.

[100] Cela signifie qu’il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 3 avril 2022Note de bas de page 46.

Question en litige no 3 : Le prestataire a-t-il prouvé qu’il était disponible pour travaillerNote de bas de page 47?

[101] Non, il ne l’a pas prouvé.

Question préliminaire

[102] Compte tenu de mes conclusions aux questions 1 et 2 ci-dessus, le prestataire ne peut recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi pour la demande qu’il a déposée le 6 janvier 2022.

[103] Par conséquent, je ne suis pas strictement tenue de rendre une décision sur la disponibilité du prestataire parce que ma décision – que ce soit en faveur ou à l’encontre du prestataire – ne peut changer le fait qu’il n’a pas droit à des prestations régulières d’assurance-emploi pour sa demande. Autrement dit, mes conclusions sur la question de la disponibilité du prestataire à travailler n’ont aucune incidence sur mes conclusions selon lesquelles le prestataire n’a pas droit à des prestations d’assurance-emploi pour les motifs énoncés en réponse aux questions 1 et 2 qui précèdent.

[104] Toutefois, étant donné que le prestataire a abordé la question de la disponibilité dans ses documents d’appel et à son audience, je procéderai à l’analyse de la disponibilité à des fins d’exhaustivité.

Analyse de la disponibilité

[105] En vertu de la loi, pour être considéré comme étant disponible pour travailler aux fins des prestations régulières d’assurance-emploi, le prestataire doit démontrer qu’il est capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 48.

[106] Le prestataire a témoigné à l’audience qu’il n’était capable de travailler qu’à compter du 16 janvier 2022Note de bas de page 49. J’accepte ce témoignage et je conclus que le prestataire n’était pas capable de travailler du 27 décembre 2021Note de bas de page 50 au 16 janvier 2022.

[107] Je vais maintenant analyser la disponibilité pour évaluer son admissibilité à des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 27 décembre 2021Note de bas de page 51.

[108] La Cour d’appel fédérale a affirmé que la disponibilité doit se vérifier par l’analyse de trois éléments :

  1. a) Le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert.
  2. b) L’expression de ce désir par des efforts pour se trouver un emploi convenable.
  3. c) Le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travailNote de bas de page 52.

[109] Ces trois éléments sont communément appelés les « éléments de l’arrêt Faucher », d’après l’affaire dans laquelle la Cour les a énoncés pour la première fois. Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois tenir compte de l’attitude et de la conduite du prestataireNote de bas de page 53.

[110] La Cour a également déclaré que la disponibilité est établie pour chaque jour ouvrable d’une période de prestationsNote de bas de page 54.

[111] Je conclus que le prestataire n’a satisfait à aucun des éléments de l’arrêt Faucher à compter du 27 décembre 2021.

a) Désir de retourner sur le marché du travail

[112] Dans son avis d’appel, le prestataire a déclaré qu’il n’était pas disponible pour travailler du 24 novembre 2021 à la fin de mars 2022Note de bas de page 55 parce qu’il s’occupait de son épouse qui était malade. Il l’a confirmé à l’audience lorsqu’il a déclaré qu’il devait s’occuper de son épouse [traduction] « 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et qu’il ne pouvait pas travailler » pendant cette période.

[113] Je conclus donc que le prestataire n’avait pas le désir de reprendre le travail dès qu’un emploi convenable était disponible, à compter du 27 décembre 2021Note de bas de page 56 et jusqu’à la fin de mars 2022, parce qu’il ne voulait pas travailler pendant qu’il prenait soin de son épouse qui était maladeNote de bas de page 57.

[114] J’admets que les responsabilités d’aidant naturel du prestataire ont cessé à la fin de mars 2022 et qu’il souhaitait reprendre un emploi à temps plein à partir de ce moment. Pour satisfaire au premier élément de l’arrêt Faucher, le prestataire doit prouver qu’il voulait reprendre le travail dès qu’un emploi convenable serait offert. Pour ce faire, il doit démontrer qu’il avait le désir de retourner au travail pour chaque jour ouvrable de sa période de prestations.

[115] Je ne peux ignorer que le prestataire a refusé l’offre de rappel de son ancien employeur. L’offre a été faite pendant que le prestataire était toujours sans emploi et, si elle avait été acceptée, il aurait été de retour au travail à compter du 4 avril 2022. Sa décision de ne pas accepter l’offre de rappel démontre qu’il ne désirait pas reprendre le travail dès qu’un emploi convenable était disponible.

[116] Je conclus donc que le prestataire n’a pas satisfait au premier élément de l’arrêt Faucher.

b) Désir de retourner sur le marché du travail

[117] Pour satisfaire au deuxième élément de l’arrêt Faucher, le prestataire doit prouver qu’il faisait suffisamment de démarches pour trouver un emploi convenable pour chaque jour ouvrable pendant sa période de prestations, à compter du 27 décembre 2021.

[118] Il ne l’a pas fait.

[119] Le prestataire a témoigné qu’il ne cherchait pas de travail pendant qu’il s’occupait de son épouse entre le 24 novembre 2021 et la fin de mars 2022. Il a mis ses démarches de recherche d’emploi en suspens pendant qu’il s’occupait de son épouse. Il estimait qu’il était inutile de chercher du travail tant qu’il devait s’occuper de son épouse pendant sa maladie.

[120] Le prestataire a également témoigné ce qui suit :

  • Il a mis à jour son curriculum vitæ en janvier 2022.
  • Il travaille en « génie électrique – 3e classe » et aimerait travailler à temps plein.
  • Une personne-ressource chez un employeur éventuel (X) lui a dit qu’une offre d’emploi était « à venir » et qu’elle l’informerait de la date d’affichage.
  • Il a postulé l’emploi X le 4 mai 2022 dès qu’il a été affiché.
  • Il a également consulté le site d’emplois en ligne « Indeed », mais n’a rien vu dans son domaine qui aurait pu l’amener à postuler avant le 29 mai 2022.
  • Il a postulé 6 emplois entre le 4 mai 2022 et le 9 août 2022Note de bas de page 58.
  • X l’a appelé à la mi-juillet 2022 pour qu’il se présente pour une entrevue, mais la fin de semaine précédente, il a obtenu un résultat positif à son test de dépistage de la COVID-19. X lui a dit de ne pas se présenter. Il a ajouté qu’ils appelleraient le prestataire pour fixer un autre rendez-vous, « mais il n’y a jamais eu d’appel ».
  • Le 8 et le 30 septembre 2022, il a postulé des emplois affichés chez X.
  • Cependant, la seule demande d’entrevue a été faite par X. Elle a été annulée lorsque le prestataire a contracté la COVID. L’entrevue n’a jamais été reprogrammée.
  • Il reste également en contact avec son fils, qui réside en Colombie-Britannique. Son fils a un ami qui pourrait ouvrir une entreprise de construction dans laquelle le prestataire pourrait travailler. Il devrait cependant déménager en Colombie-Britannique.
  • Il n’a présenté aucune demande d’emploi dans le domaine de la construction en Alberta.
  • « C’est tout. » Ce sont ses démarches de recherche d’emploi jusqu’à maintenant.

[121] D’après la jurisprudence, le facteur déterminant dans l’évaluation de la disponibilité est une recherche d’emploi active, sérieuse, continue et intensive, démontrée par un relevé vérifiable des demandes d’emploiNote de bas de page 59.

[122] La preuve ne permet pas de conclure que les démarches de recherche d’emploi du prestataire ont déjà atteint ce niveau à compter du 27 décembre 2021.

[123] Le prestataire n’a présenté aucune demande d’emploi avant le 4 mai 2022. Il a soumis seulement 8 demandes au total au cours des 4 mois compris entre le 4 mai 2022 et le 3 septembre 2022. On ne peut pas dire que le prestataire a effectué des démarches soutenues ou qu’elles démontrent des efforts continus pour trouver un emploi pour chaque jour ouvrable de sa période de prestations. Le fait que l’une de ses possibilités d’emploi l’aurait obligé à changer de province ne démontre pas non plus qu’il cherchait un emploi convenable pour chaque jour ouvrable de sa période de prestations, d’autant plus qu’il ne cherchait pas ce type de travail (construction) dans sa province d’origine.

[124] Je conclus donc que le prestataire n’a pas satisfait au deuxième élément de l’arrêt Faucher.

c) Limiter indûment les chances de retourner au travail

[125] Pour satisfaire au troisième élément, le prestataire doit prouver qu’il n’a pas établi de conditions personnelles limitant indûment ses chances de retourner au travail pour chaque jour ouvrable de sa période de prestations, et ce à compter du 27 décembre 2021.

[126] Il ne l’a pas fait.

[127] Le prestataire s’occupait de son épouse « 24 heures par jour, 7 jours par semaine » entre le 24 novembre 2021 et la fin de mars 2022. Il a dit qu’il n’était pas en mesure de présenter une demande d’emploi ou de reprendre le travail pendant cette période. Je conclus donc que les responsabilités de soignant du prestataire constituaient une condition personnelle qui limitait ses chances de reprendre le travail jusqu’après la fin de mars 2022.

[128] Le prestataire a également déclaré que son statut vaccinal l’empêchait de trouver un emploi.

[129] Il a dit ce qui suit dans son témoignage :

  • Son statut vaccinal limite les possibilités d’emploi auxquelles il peut postuler. Il connaît suffisamment bien les lieux d’emploi dans son domaine pour savoir lesquels nécessitent une preuve de vaccination pour être sur place.
  • C’est une partie du problème dans le cas de ses demandes d’emploi chez X.
  • Il « s’expose » comme non vacciné dès qu’il donne la date de son dernier jour de travail (19 décembre 2021) parce que cela indique à l’industrie pétrolière en Alberta qu’il s’agit d’une personne qui n’a pas attesté être entièrement vaccinée contre la COVID-19.
  • Son curriculum vitæ informe les employeurs éventuels du fait qu’il ne s’est pas conformé à l’exigence de vaccination de son employeur précédent, de sorte qu’ils ne communiqueront avec lui que selon leurs propres règles en matière de vaccination.
  • Il sait que son statut vaccinal fait partie de la raison pour laquelle il n’obtient aucune entrevue d’embauche. Il sait « par le bouche-à-oreille » qu’il est plus facile pour les employeurs « d’embaucher une personne plus jeune et vaccinée ».
  • À son avis, c’est vrai même si les exigences vaccinales sont levées.
  • X n’avait jamais imposé d’obligation de porter un masque ou de se faire vacciner, alors l’emploi chez X pour lequel il a postulé aurait « été agréable ». Cependant, ils n’ont jamais reprogrammé son entretien.
  • Il espère toujours que quelque chose sera de nouveau offert chez X, d’autant plus que ce n’est qu’à 30 minutes de chez lui et qu’il n’a besoin que de 2 années supplémentaires de travail jusqu’à sa retraite.

[130] La disponibilité d’un emploi convenable est une question objective. Elle ne peut dépendre des raisons précises fournies par le prestataire pour restreindre sa disponibilité, même si celles-ci peuvent susciter des préoccupations favorables ou si le prestataire croyait de bonne foi qu’il était incapable de travaillerNote de bas de page 60.

[131] En choisissant de ne pas divulguer son statut vaccinal, le prestataire se limitait aux employeurs et aux postes sans exigence de vaccination – à un moment où, de son propre aveu, la plupart (sinon la totalité) des employeurs qu’il ciblait exigeaient que les candidats soient vaccinés. Cela signifiait que le prestataire n’était pas admissible aux emplois qu’il considérait comme acceptables parce qu’il avait choisi personnellement de ne pas fournir de preuve qu’il était entièrement vacciné. Peu importe qu’il ait cru avoir des raisons personnelles valables pour faire ce choix. Tout ce qui compte, c’est que le choix personnel qu’il a fait limitait les emplois pour lesquels il pouvait postuler.

[132] Je conclus donc que le choix du prestataire de ne pas divulguer son statut vaccinal était une condition personnelle qui restreignait et limitait indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[133] Cela signifie qu’il n’a pas satisfait au troisième élément de l’arrêt Faucher à compter du 27 décembre 2021.

d) Conclusion au sujet des éléments de l’arrêt Faucher

[134] Le prestataire doit satisfaire aux trois éléments de l’arrêt Faucher pour prouver sa disponibilité sous le régime de l’article 18 de la Loi. D’après mes conclusions, il n’a pas satisfait aux trois éléments depuis la date de début de l’inadmissibilité.

[135] Je conclus donc que le prestataire n’a pas démontré qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable à compter du 27 décembre 2021. Cela signifie qu’il n’a pas droit aux prestations d’assurance-emploi qu’il demande.

[136] Je reconnais la déception du prestataire de ne pas pouvoir recevoir de prestations d’assurance-emploi alors qu’il a besoin d’aide financière. Toutefois, il ne suffit pas de cotiser au régime d’assurance-emploi. Tous les prestataires doivent respecter les modalités de la Loi pour recevoir des prestations. Et si un prestataire ne peut prouver sa disponibilité pour travailler, il sera inadmissible aux prestations d’assurance-emploi, peu importe le nombre d’années pendant lesquelles il a cotisé au programme.

[137] Enfin, je m’excuse auprès du prestataire d’avoir pris plus de temps que prévu pour rendre cette décision. Cela était dû à des circonstances imprévues et à des événements indépendants de ma volonté. Je le remercie de sa patience.

[138] Le prestataire a communiqué récemment avec le Tribunal pour lui demander une mise à jour sur son appel. La présente décision constitue la réponse du Tribunal à sa demande de renseignements.

Conclusion

[139] Le prestataire est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi du 26 décembre 2021 au 2 avril 2022 parce qu’il a été suspendu de son emploi en raison de son inconduite.

[140] Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 3 avril 2022 parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification lorsqu’il a refusé de reprendre le travail.

[141] Il est également inadmissible aux prestations d’assurance-emploi à compter du 27 décembre 2021 parce qu’il n’a pas prouvé sa disponibilité pour travailler pendant sa période de prestations.

[142] Cela signifie que le prestataire ne peut recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[143] L’appel est rejeté.

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