Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

L’appelante est une infirmière autorisée qui vit à X. Elle est sortie de sa retraite en mars 2021 pour travailler pour X, à la clinique de vaccination. Elle avait beaucoup moins de quarts de travail après août 2022, mais elle a continué à y travailler occasionnellement jusqu’en février 2023. Elle a aussi accepté des quarts de travail à l’unité de chimiothérapie de l’hôpital de X, où elle travaillait auparavant.

L’appelante a demandé des prestations d’assurance-emploi en août 2022. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a établi une période de prestations au nom de l’appelante débutant le 11 septembre 2022, mais elle ne lui a pas versé de prestations. La Commission a décidé que l’appelante n’y avait pas droit parce qu’elle avait dit qu’elle était à la retraite. Elle a maintenu sa décision après révision. L’appelante a fait appel de la décision de la Commission devant la division générale. Celle-ci était d’accord avec la Commission pour dire que l’appelante n’était pas disponible, donc elle a rejeté son appel. L’appelante a ensuite fait appel de la décision de la division générale devant la division d’appel.

La division d’appel a conclu que la division générale a commis une erreur de droit en appliquant le critère juridique énoncé dans la décision Faucher c Canada (A-56-75, A-57-96). La division générale n’a pas tenu compte de l’ensemble des trois éléments et s’est plutôt fondée exclusivement sur les démarches de recherche d’emploi de la prestataire. La division d’appel a conclu que la division générale a commis une autre erreur lorsqu’elle a examiné le troisième facteur de la décision Faucher. Celui-ci ne signifie pas qu’une personne n’a pas le droit d’établir une quelconque condition quant au type d’emploi qu’elle serait prête à accepter. Ce facteur précise plutôt qu’elle ne peut pas établir de conditions qui limitent « indûment » (ou déraisonnablement) ses chances de réemploi. La division générale n’a pas donné son interprétation des conditions personnelles de l’appelante. Elle n’a pas non plus examiné si ces conditions étaient « indûment limitantes ».

La division d’appel a décidé que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a conclu que l’appelante n’a pas fait de démarches pour trouver un travail non occasionnel. La division générale a ignoré la preuve selon laquelle l’appelante a dit à la Commission qu’elle avait cherché d’autres postes d’infirmière à temps plein, mais que rien n’avait été affiché sur les sites d’emploi qu’elle regardait habituellement.

La division d’appel a décidé que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a déclaré qu’il y avait un bon nombre d’emplois affichés dans la région du village, mais pas en soins infirmiers. La division générale n’a pas expliqué comment elle en est arrivée à cette conclusion; rien dans la preuve ne l’appuie. Il est possible que son avis selon lequel des emplois autres qu’en soins infirmiers étaient offerts dans le village ait affecté la conclusion que l’appelante n’a pas fait des démarches de recherche d’emploi adéquates. Il en va de même pour la conclusion qu’elle a établi des conditions personnelles indûment limitantes.

La division d’appel a accueilli l’appel et renvoyé l’affaire à la division générale pour réexamen en lui demandant d’aborder certains points.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : SC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 419

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : S. C.
Représentante ou représentant : R. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Kevin Goodwin

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 10 novembre 2023 (GE-23-2190)

Membre du Tribunal : Stephen Bergen
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 17 avril 2024

Personnes présentes à l’audience :

Appelante
Représentant de l’appelante
Représentant de l’intimée

Date de la décision : Le 23 avril 2024
Numéro de dossier : AD-23-1072

Sur cette page

Décision

[1] J’accueille l’appel. La division générale a commis des erreurs de droit et de fait. Je lui renvoie l’affaire avec certaines directives pour qu’elle fasse un nouvel examen. Elle devra examiner les perspectives d’emplois convenables dans la région de la prestataire.

Aperçu

[2] S. C. est l’appelante dans cette affaire. Je l’appellerai « prestataire » parce que ma décision concerne sa demande de prestations d’assurance-emploi.

[3] La prestataire est une infirmière autorisée qui vit à X (son « village »). En mars 2021, elle a mis sa retraite sur pause afin de travailler pour X (une « autorité sanitaire »), où elle a fourni ses services à la clinique de vaccination. Après le mois d’août 2022, ses quarts de travail ont beaucoup diminué, mais elle a continué à travailler de façon occasionnelle à la clinique jusqu’en février 2023. Elle a aussi accepté des quarts de travail à l’unité de chimiothérapie de l’hôpital de X (dans la « ville » où elle travaillait auparavant).

[4] En août 2022, elle a demandé des prestations d’assurance-emploi. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a établi une période de prestations qui débutait le 11 septembre 2022, mais n’a pas versé de prestations à la prestataire. La Commission a décidé que la prestataire n’avait pas droit aux prestations parce qu’elle avait dit qu’elle était à la retraite.

[5] La prestataire n’était pas d’accord et a demandé une révision. Elle a dit qu’elle était restée disponible pour travailler. Elle a précisé qu’elle était toujours infirmière sur demande et qu’elle suivait de près les offres d’emploi de l’autorité sanitaire de sa région.

[6] La Commission n’a pas modifié sa décision, alors la prestataire a fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale était d’accord avec la Commission : elle a conclu que la prestataire n’était pas disponible. Elle a donc rejeté son appel. La prestataire a ensuite porté la décision de la division générale en appel devant la division d’appel.

[7] J’accueille l’appel parce que la division générale a commis des erreurs de droit et de fait. Toutefois, le dossier n’est pas assez complet pour que je rende la décision que la division générale aurait dû rendre. Je lui renvoie donc l’affaire pour réexamen.

Question préliminaire

[8] La prestataire a fourni des éléments de preuve qui montrent qu’elle a suivi des cours liés aux soins infirmiers du 1er avril 2021 au 1er avril 2022Note de bas de page 1. Elle affirme que ces cours constituent une preuve supplémentaire de ses démarches pour trouver du travailNote de bas de page 2.

[9] Ces renseignements sont de nouveaux éléments de preuve que la division générale n’avait pas. Je ne peux pas examiner de nouveaux éléments de preuve, même si j’estime que la décision de la division générale aurait pu être différente si elle avait eu ces éléments de preuve supplémentairesNote de bas de page 3.

Questions en litige

[10] Voici les questions à trancher :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle :
    1. i. a omis de tenir compte de tous les éléments du critère juridique sur la disponibilité;
    2. ii. a omis de décider si la prestataire avait limité « indûment » (c’est-à-dire trop) ses chances de trouver du travail?
  2. b) La division générale a-t-elle commis une erreur de fait lorsqu’elle :
    1. i. a omis de mentionner la preuve qui montre que la prestataire a mis à jour son curriculum vitæ;
    2. ii. a établi que la prestataire cherchait seulement du travail à l’autorité sanitaire;
    3. iii. a établi que la prestataire cherchait seulement un emploi occasionnel;
    4. iv. a établi qu’il y avait un certain nombre d’offres d’emploi en ville?

Analyse

[11] La division d’appel peut seulement tenir compte des erreurs qui correspondent à l’un des moyens d’appel suivants :

  1. a) La procédure de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. b) La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a décidé d’une question qui dépassait sa compétence (erreur de compétence).
  3. c) La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.
  4. d) La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 4.

Erreur de droit

Ne pas tenir compte de tous les éléments de la décision Faucher

[12] J’ai accordé à la prestataire la permission de faire appel parce que la division générale avait peut-être commis une erreur de droit dans l’application du critère juridique sur la disponibilité.

[13] Il faut évaluer la disponibilité en fonction des trois éléments suivants :

  1. a) si la personne désire retourner travailler dès qu’un emploi convenable lui est offert;
  2. b) si la personne a exprimé ce désir par des démarches de recherche d’emploi;
  3. c) si la personne a établi des conditions personnelles qui limitent indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[14] Je vais appeler ces énoncés les « éléments de la décision Faucher » parce qu’ils ont été décrits dans une décision de la Cour d’appel fédérale qui s’intitule FaucherNote de bas de page 5. La division générale a bien énuméré les éléments de la décision Faucher. Elle a aussi reconnu qu’il fallait tenir compte des trois éléments.

[15] Cependant, elle n’a pas tenu compte des trois éléments.

[16] La division générale a conclu que la prestataire n’avait pas démontré le désir de retourner travailler. Toutefois, elle a fondé cette conclusion uniquement sur ses démarches de recherche d’emploi.

[17] La division générale a aussi conclu que la prestataire avait établi des conditions personnelles qui limitaient indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. Elle a fondé cette conclusion sur le fait que la prestataire attendait d’être rappelée pour travailler à titre occasionnel et sur sa propre opinion selon laquelle elle ne cherchait pas un autre emploi.

[18] Je conviens que la nature et l’étendue d’une recherche d’emploi peuvent être la preuve d’un désir de retour au travail, mais la recherche d’emploi d’une personne n’équivaut pas à son désir de travailler. En effet, les « démarches de recherche d’emploi » font partie d’un élément distinct et sont considérées indépendamment du désir. Il est possible qu’une partie prestataire ait le désir de retourner travailler, alors que sa situation l’empêche de chercher activement du travail.

[19] La division générale a fait la même chose lorsqu’elle a analysé le troisième élément de la décision Faucher sur les conditions personnelles. La division générale a conclu que la prestataire avait établi des conditions personnelles parce qu’elle ne cherchait pas un emploi autre que « le possible emploi occasionnel à la clinique de vaccination ou pour [l’autorité sanitaire] en général ». Son analyse portait seulement sur les démarches de recherche d’emploi de la prestataire. Ce sur quoi la prestataire s’est concentrée dans sa recherche d’emploi est différent du type de travail qu’elle accepterait si une offre se présentait.

[20] La Commission a convenu que la division générale n’avait pas analysé le premier élément de la décision Faucher indépendamment du deuxième et qu’elle n’avait donc pas bien examiné tous les éléments. La Commission a aussi convenu que la division générale avait commis une erreur concernant le deuxième élément de la décision Faucher, même si elle a relevé une erreur dans ce qu’elle croyait être une mauvaise focalisation sur le caractère convenable des emplois offertsNote de bas de page 6. Toutefois, la Commission a affirmé que la division générale avait bien analysé le troisième élément de la décision Faucher et que la prestataire n’avait pas cherché de travail autre que le possible emploi occasionnel à la clinique de vaccination ou pour l’autorité sanitaire en général. Selon la Commission, cet énoncé incluait implicitement les autres conclusions de la division générale sur la recherche d’emploi de la prestataire, où l’on disait qu’elle n’avait pas la formation nécessaire pour postuler à des postes à temps plein dans d’autres secteurs de l’hôpitalNote de bas de page 7. La Commission a souligné que la prestataire pourrait être exclue du bénéfice des prestations dès qu’elle ne répondrait pas à un élément de la décision Faucher.

[21] Je dois rectifier cette affirmation. Une personne « peut » être exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle ne répond pas à un élément de la décision Faucher, mais elle n’est pas nécessairement exclue. Dans l’affaire Faucher, la Cour d’appel fédérale a déclaré que les prestataires ne pouvaient pas être déclarés indisponibles seulement en fonction du troisième élément. Par conséquent, la décision de la division générale aurait pu être différente si elle avait bien examiné les deux autres éléments.

[22] De plus, la division générale a continué de se concentrer sur les démarches de recherche d’emploi, même en analysant le troisième élément de la décision Faucher. Les « conditions personnelles » du troisième élément sont des conditions dans lesquelles une partie prestataire est disposée à travailler, et non des conditions qui limitent sa recherche d’emploi. On veut dire qu’une personne pourrait exclure de façon déraisonnable certains types ou certaines modalités de travail qui seraient convenables selon le contexte.

[23] La division générale a commis une erreur de droit dans l’application du critère découlant de la décision Faucher. Elle n’a pas bien tenu compte des trois éléments et s’est plutôt appuyée exclusivement sur les démarches de recherche d’emploi.

Ne pas décider si les conditions personnelles de la prestataire limitaient « indûment » ses chances de trouver du travail

[24] La division générale a commis une autre erreur lorsqu’elle a examiné le troisième élément de la décision Faucher. Il n’est pas interdit aux prestataires d’établir une condition quant au type de travail qu’ils accepteraient. Le troisième élément signifie plutôt qu’une personne ne peut pas établir de conditions qui limitent « indûment » (ou déraisonnablement) ses chances de trouver du travail.

[25] La division générale n’a pas défini ce qu’elle croyait être les conditions personnelles de la prestataire. Elle ne s’est pas non plus demandé si ses conditions « limitaient indûment » ses chances.

[26] Soit la division générale a mal appliqué le troisième élément de la décision Faucher en englobant toutes les conditions (pas seulement les conditions déraisonnables), soit elle n’a pas décidé si les conditions personnelles de la prestataire limitaient « indûment » ses chances, ce qu’elle devait absolument analyser. Quoi qu’il en soit, la division générale a commis une erreur de droit.

Erreur de fait

Preuve de la mise à jour du curriculum vitæ

[27] Lorsque la division générale a examiné la recherche d’emploi de la prestataire, elle a conclu qu’elle n’avait fait aucune démarche pour trouver du travail, sauf auprès de l’autorité sanitaire de la région.

[28] Les « démarches de recherche d’emploi » d’une partie prestataire peuvent comprendre des activités autres que l’examen de possibilités d’emploi, la présentation de demandes d’emploi et la participation à des entrevues. La prestataire a déclaré qu’elle avait mis à jour son curriculum vitæ. Cette initiative peut être considérée comme une démarche de recherche d’emploi.

[29] La Commission a reconnu que la division générale n’avait pas mentionné le fait que la prestataire avait mis à jour son curriculum vitæ et a laissé entendre que la division générale avait peut-être omis de tenir compte de ses initiatives liées à son curriculum vitæNote de bas de page 8.

[30] Je suis d’accord que la mise à jour d’un curriculum vitæ est une « démarche de recherche d’emploi ». Cependant, je ne pense pas qu’il s’agisse d’une erreur de fait importante.

[31] Généralement, on présume que la division générale examine tous les éléments de preuve portés à sa connaissance. Et elle n’est pas obligée de tous les mentionner individuellementNote de bas de page 9. La preuve qui montrait que la prestataire avait mis à jour son curriculum vitæ n’était pas si importante que la division générale devait démontrer qu’elle en avait tenu compte.

[32] La division générale a reconnu que la prestataire cherchait un emploi au sein de l’autorité sanitaire (laquelle semble gérer tous les soins de santé dans la région de la prestataire). Toutefois, la division générale n’a pas reconnu qu’elle répondait au critère sur la recherche d’emploi parce que ses démarches ne s’étendaient pas à d’autres types d’emplois.

[33] Aucune preuve ne montrait comment la prestataire avait mis à jour son curriculum vitæ ou quel était son objectif. Le simple fait qu’elle l’ait mis à jour l’aidait à démontrer qu’elle faisait des démarches pour trouver du travail, mais ne l’aidait pas à démontrer que ces démarches allaient au-delà de la recherche d’un emploi au sein de l’autorité sanitaire. Son curriculum vitæ mis à jour ne lui permet pas de prouver quoi que ce soit que la division générale n’a pas déjà accepté.

[34] Le fait de ne pas mentionner la mise à jour du curriculum vitæ n’était pas une erreur de fait importante de la part de la division générale.

Restriction de la recherche d’emploi

[35] La prestataire a fait valoir qu’elle n’a pas restreint sa recherche d’emploi au domaine des soins de santé ou aux soins infirmiers occasionnelsNote de bas de page 10. Toutefois, elle n’a fait référence à aucune preuve que la division générale aurait pu utiliser pour dire qu’elle avait élargi sa recherche d’emploi à d’autres types de travail.

[36] Je ne vois aucune preuve qui indique qu’elle cherchait un emploi en dehors des soins de santé. Toutefois, le dossier contient des éléments de preuve qui montrent que la prestataire craignait de ne pas être capable d’avoir des quarts de travail en soins infirmiers si elle trouvait un autre type d’emploiNote de bas de page 11. D’après elle, un emploi à temps plein ailleurs aurait sérieusement nui à sa capacité de remplir les conditions de son emploi occasionnel d’infirmièreNote de bas de page 12. Cela m’indique qu’elle ne cherchait pas d’autres types de travail.

[37] La division générale n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que la prestataire n’avait fait aucune démarche pour obtenir un emploi autre qu’à l’autorité sanitaire.

[38] Cependant, la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a conclu que la prestataire n’avait fait aucune démarche pour trouver un emploi qui n’était pas occasionnel.

[39] La division générale a ignoré la preuve qui montre que la prestataire a dit à la Commission qu’elle cherchait d’autres postes d’infirmière à temps plein, mais qu’elle n’avait vu aucune offre affichée là où elle cherchait habituellementNote de bas de page 13.

Possibilités d’emplois autres qu’en soins infirmiers

[40] L’époux de la prestataire a témoigné au sujet des emplois dans la région. Il a dit qu’il y avait des emplois seulement en soins de santé, en éducation et à la fonction publique. Il n’y avait pas d’usine de traitement du poisson, pas de magasins, pas de Walmart ou quoi que ce soit d’autre. Il a dit que le seul autre type de travail était en mer. Sa preuve était la seule dont disposait la division générale au sujet des conditions du marché du travail localNote de bas de page 14.

[41] La prestataire avait travaillé et continuait de travailler dans une ville d’environ 3 500 habitants, située à 30 kilomètres de son village. On pourrait s’attendre à ce qu’une ville de 3 500 habitants compte plus d’employeurs potentiels que ce que l’époux de la prestataire a laissé entendre.

[42] Il est possible que l’époux décrivait le marché du travail dans la région de leur village, sans inclure la ville où la prestataire travaillait. Il semble que la division générale ait compris la preuve ainsiNote de bas de page 15.

[43] Cependant, son époux n’a pas dit qu’il excluait la ville. Sa preuve selon laquelle les seuls emplois locaux se trouvaient en soins de santé, en éducation et à la fonction publique donne à penser qu’il incluait une région plus vaste que leur village. Le membre de la division générale ne lui a pas demandé de préciser s’il parlait de la région de leur village seulement ou d’une région plus vaste qui incluait la ville.

[44] La division générale a déclaré qu’il y avait « un certain nombre d’offres d’emploi [aux alentours de la ville], mais celles-ci [n’étaient] pas dans le domaine des soins infirmiers ».

[45] C’était une erreur de fait. La division générale ne dit pas comment elle est arrivée à cette conclusion, mais je ne vois rien dans la preuve à ce sujet. L’opinion de la division générale selon laquelle il y avait des emplois autres qu’en soins infirmiers dans la ville l’a peut-être amenée à conclure que la prestataire n’avait pas fait de démarches de recherche d’emploi appropriées. Cette opinion a peut-être aussi influencé sa conclusion concernant les conditions personnelles trop restrictives.

Résumé

[46] J’ai établi que la division générale avait commis des erreurs de droit et de fait. Maintenant, je dois décider ce que je peux faire pour corriger ces erreurs. J’ai le pouvoir de renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen ou de rendre la décision qu’elle aurait dû rendreNote de bas de page 16.

Réparation

[47] La prestataire aimerait que je rende la décision que la division générale aurait dû rendre. Elle ne veut pas rallonger la procédure inutilement et aimerait avoir une décision le plus tôt possible.

[48] La Commission laisse entendre que le dossier est complet et que j’aurais donc tout le nécessaire pour rendre une décision. Elle m’a aussi demandé de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Toutefois, elle a également indiqué qu’elle ne s’opposerait pas à ce que l’affaire soit renvoyée à la division générale pour réexamen.

Je renvoie l’affaire à la division générale

[49] Je comprends que la décision et le processus d’appel ont été difficiles pour la prestataire. Malheureusement, je n’ai pas tous les éléments de preuve dont j’ai besoin pour rendre une décision.

[50] Lorsque la Commission a conclu initialement que la prestataire n’était pas disponible, elle avait compris que celle-ci était à la retraite. Lorsqu’elle a maintenu sa décision après révision, elle semble s’être fondée sur les limites de la recherche d’emploi qui n’allait pas au-delà des soins infirmiers.

[51] Toutefois, la Commission n’a pas justifié sa décision de révision par des renseignements sur le marché du travail local. La seule preuve que la division générale avait sur les possibilités d’emplois autres qu’en soins infirmiers provenait du témoignage de l’époux de la prestataire. Ce témoignage n’était ni clair ni précis. L’époux a déclaré qu’il y avait peu d’employeurs sans toutefois mentionner le nombre de postes vacants. Au sujet du manque d’employeurs, il n’a pas précisé s’il parlait de la situation dans la région de leur village ou s’il incluait la ville où la prestataire travaillait parfois.

[52] Dans une décision intitulée Page, la Cour d’appel fédérale a souligné que « la jurisprudence […] commande une analyse nuancée de la situation des prestatairesNote de bas de page 17 ». À mon avis, les éléments de preuve qu’avait la division générale soulevaient des questions importantes sur les circonstances entourant la disponibilité de la prestataire. Les possibilités d’autres emplois convenables dans la région de la prestataire sont pertinentes pour savoir si celle-ci satisfaisait à chacun des éléments énoncés dans la décision Faucher.

[53] La prestataire est infirmière de profession. Elle a continué de travailler comme infirmière sur demande pour l’autorité sanitaire même pendant la période où la Commission a dit qu’elle n’était pas disponible. La preuve confirme que la prestataire essayait de trouver plus de travail à l’autorité sanitaire, qui semble être le seul employeur pour le personnel infirmier de la région. Rien n’indique qu’elle a envisagé de travailler dans un autre domaine, et elle a dit à la Commission qu’elle risquait de perdre son poste si elle avait un autre emploi et qu’elle ne pouvait pas se libérer quand on l’appellerait pour faire un quart de travail en soins infirmiersNote de bas de page 18.

[54] Comme la prestataire était une infirmière qui essayait d’obtenir plus de travail dans son domaine, sa disponibilité dépendait de ce qui suit :

  • si elle pouvait démontrer qu’elle voulait retourner travailler « dès qu’un emploi convenable lui serait offert » sans chercher du travail en dehors des soins infirmiers;
  • si une recherche d’emploi limitée aux soins infirmiers était suffisante;
  • si sa volonté de travailler uniquement en soins infirmiers ou en soins de santé était une restriction excessive.

La prestataire peut-elle limiter sa recherche à son occupation ordinaire?

[55] Toute partie prestataire peut chercher ou accepter uniquement un travail considéré comme « convenable ». Selon les articles 6(4)(c) et 6(5) de la Loi sur l’assurance-emploi, un emploi d’un genre différent de celui que la partie prestataire exerce d’habitude n’est pas considéré comme convenable pendant un « délai raisonnableNote de bas de page 19 ».

[56] La prestataire a 36 ans d’expérience comme infirmière autorisée et a mis sa retraite sur pause pour retourner dans son rôle d’infirmière. Son occupation ordinaire était en soins infirmiers. Elle a continué à travailler comme infirmière en prenant tous les quarts de travail possibles, et elle cherchait plus de travail dans ce domaine, voire un poste à temps plein d’infirmière.

[57] Ni la Commission ni la division générale n’ont évalué si la prestataire était disponible pendant une certaine période initiale lorsqu’elle cherchait un emploi en soins infirmiers. Devant la division d’appel, la Commission a soutenu que la question de la période initiale ne devrait pas s’appliquer parce que la preuve donnait à penser que la prestataire aurait eu de la difficulté à obtenir plus de travail à titre d’infirmière.

[58] Toutefois, l’application de l’article 6(4)(c), ainsi que la durée du « délai raisonnable », dépendrait des perspectives d’emploi dans le domaine habituel de la prestataire par rapport aux perspectives en dehors de son occupation ordinaire.

Qu’est-ce qu’une recherche d’emploi suffisante dans les circonstances?

[59] Je reconnais que la prestataire vit dans une région canadienne peu peuplée et défavorisée sur le plan économique. À mon avis, pour voir si sa recherche d’emploi (limitée au travail d’infirmière) est suffisante, il faut encore une fois évaluer les perspectives d’emploi dans d’autres domaines.

[60] La prestataire a une formation pointue et une vaste expérience en soins infirmiers, mais rien ne prouve qu’elle est outillée pour occuper d’autres emplois spécialisés. Elle a mis sa retraite sur pause après une longue carrière, alors je présume qu’elle est assez âgée. Ce facteur pourrait limiter les emplois convenables sur le plan physique, en particulier le nombre d’emplois non spécialisés.

La prestataire était-elle trop restrictive en voulant travailler seulement comme infirmière?

[61] Comme je l’ai mentionné, la division générale ne s’est pas penchée sur cette question. On pourrait dire que la prestataire a établi une condition personnelle en voulant travailler seulement en soins infirmiers, mais c’était peut-être raisonnable dans les circonstances. Le raisonnement ici dépend en partie du nombre et de la nature des autres emplois convenables offerts. La prestataire craignait de ne pas être capable d’avoir des quarts de travail en soins infirmiers si elle avait une autre occupation, alors la stabilité des autres emplois pourrait aussi entrer en ligne de compte.

[62] Je ne peux répondre à aucune de ces questions de façon satisfaisante sans avoir une preuve des conditions du marché du travail local au moment où la prestataire a demandé des prestations. La division générale sera mieux placée pour répondre à ces questions parce qu’elle peut obtenir des preuves sur les possibilités d’emplois convenables en dehors des soins infirmiers dans la région de la prestataire.

Conclusion

[63] J’accueille l’appel. La division générale a commis des erreurs de droit et de fait. Je lui renvoie l’affaire avec certaines directives pour qu’elle fasse un nouvel examen. Elle devra en particulier se pencher sur les points suivants :

  1. a) évaluer les perspectives d’emplois autres qu’en soins infirmiers dans la petite communauté de la prestataire et dans sa région (y compris la ville où elle travaillait comme infirmière);
  2. b) évaluer sa disponibilité pour travailler à la lumière des perspectives d’emplois convenables autres qu’en soins infirmiersNote de bas de page 20;
  3. c) voir si les articles 6(4)(c) et 6(5) de la Loi sur l’assurance-emploi autorisaient la prestataire à limiter sa recherche d’emploi à son occupation ordinaire pendant un délai raisonnable. Si oui, évaluer la durée de ce délai raisonnable.
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