Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 455

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (641586) datée du 26 janvier 2024 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Susan Stapleton
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 2 avril 2024
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 5 avril 2024
Numéro de dossier : GE-24-717

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] La loi ne permet pas à l’appelant de modifier son choix et de passer des prestations parentales standards aux prestations parentales prolongées.

[3] L’appelant peut seulement recevoir des prestations pendant sa période de prestations parentales qui a pris fin le 9 décembre 2023.

Aperçu

[4] L’enfant de l’appelant est né le 7 décembre 2022. L’appelant a demandé 12 semaines de prestations parentales standards le 27 novembre 2023.

[5] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que l’appelant avait droit aux prestations parentales standards et lui a versé des prestations le 8 décembre 2023 pour la semaine du 3 au 9 décembre 2023. L’appelant a reçu des prestations seulement pour cette semaine-là.

[6] Le 27 décembre 2023, l’appelant a demandé à la Commission que son choix soit modifié pour passer des prestations parentales standards aux prestations parentales prolongées, afin de lui permettre de recevoir des prestations après le 9 décembre 2023.

[7] En raison de la date de naissance de l’enfant, la Commission a décidé que l’appelant pouvait seulement recevoir des prestations parentales jusqu’au 9 décembre 2023. Sa période de prestations parentales se terminait à cette date. La Commission a aussi établi que l’appelant ne pouvait pas modifier son choix et passer des prestations parentales standards aux prestations parentales prolongées, parce qu’il avait déjà reçu un versement de prestations parentales le 8 décembre 2023.

[8] La Commission fait remarquer que le choix des prestations parentales standards est devenu irrévocable (définitif) le 8 décembre 2023, c’est-à-dire dès que des prestations parentales ont été verséesNote de bas de page 1.

[9] La Commission affirme que la période de prestations parentales de l’appelant se terminait le 9 décembre 2023, soit 52 semaines après la naissance de son enfant, le 7 décembre 2022. Même si l’appelant était admissible à 12 semaines de prestations parentales standards, il ne peut pas en recevoir après la fin de sa période de prestations parentales, soit le 9 décembre 2023. Selon la Commission, l’appelant ne remplit aucune des conditions prévues par la loi qui lui permettraient de prolonger sa période de prestations parentalesNote de bas de page 2.

[10] L’appelant n’est pas d’accord. Il dit qu’il a fait une erreur quand il a choisi les prestations parentales standards. Lorsqu’il a présenté sa demande, il n’a pas réalisé qu’il recevrait seulement une semaine de prestations parentales standards et que, s’il avait choisi les prestations parentales prolongées, il recevrait 12 semaines de prestations. Il aurait corrigé son erreur plus tôt, mais il a reçu une lettre de la Commission indiquant que sa demande avait été approuvée pour 12 semaines de prestations. Il s’est rendu compte seulement à la mi-décembre 2023 qu’un seul versement avait été fait. C’était la première fois qu’il présentait une demande d’assurance-emploi. Il cotise à l’assurance-emploi depuis 2012, soit l’année où il a commencé à travailler. Il veut modifier son choix et passer aux prestations parentales prolongées pour pouvoir recevoir 12 semaines de prestationsNote de bas de page 3.

Questions en litige

[11] Le choix de l’appelant peut-il être modifié pour qu’il passe des prestations parentales standards aux prestations parentales prolongées?

[12] L’appelant peut-il recevoir des prestations parentales après le 9 décembre 2023?

Analyse

Question no 1 : Le choix de l’appelant peut-il être modifié pour qu’il passe des prestations parentales standards aux prestations parentales prolongées?

[13] Toute personne qui remplit une demande de prestations parentales de l’assurance-emploi doit choisir entre deux options : l’« option standard » et l’« option prolongée »Note de bas de page 4.

[14] L’option standard permet de recevoir un maximum de 35 semaines de prestations au taux normal. L’option prolongée permet de recevoir la même somme totale, mais à un taux moins élevé et pendant un maximum de 61 semaines.

[15] Une fois que les versements commencent, les personnes ne peuvent plus changer d’optionNote de bas de page 5.

[16] Dans sa demande, l’appelant a choisi les prestations parentales standardsNote de bas de page 6. Il a reçu des prestations parentales standards le 8 décembre 2023 pour la semaine du 3 au 9 décembre 2023Note de bas de page 7. Le 27 décembre 2023, il a demandé à la Commission que son choix soit modifié pour obtenir des prestations parentales prolongées, afin de lui permettre de recevoir des prestations après le 9 décembre 2023.

[17] L’appelant a dit à la Commission qu’il avait mal compris le site Web. Il pensait recevoir des prestations parentales standards jusqu’à la fin de la première année, lesquelles seraient ensuite converties en prestations parentales prolongées. S’il avait su, il aurait demandé des prestations prolongéesNote de bas de page 8.

[18] Après le rejet de sa demande de révision, l’appelant a avisé la Commission qu’il avait fait une erreur en demandant des prestations parentales standards. Il a dit qu’il était admissible à 12 semaines de prestations, mais qu’il n’en avait reçu qu’une seule. Il voulait rembourser les prestations reçues et faire une nouvelle demande. Le personnel de la Commission l’a informé qu’il ne pouvait pas modifier son choix de prestations standards pour passer aux prestations prolongées et qu’il ne pouvait pas rembourser les prestations reçues pour faire une nouvelle demande de prestations prolongéesNote de bas de page 9.

[19] L’appelant a déclaré ce qui suit :

  • Il a fait une erreur quand il a choisi l’option standard dans sa demande de prestations.
  • Il pensait que s’il prenait un congé parental de moins de 52 semaines, il était censé choisir l’option standard.
  • Il pensait que s’il prenait un congé parental à compter de la date de naissance de son enfant, pendant plus de 52 semaines, il était censé choisir l’option prolongée.
  • Comme il prenait un congé parental de 12 semaines de son travail, il croyait devoir choisir l’option standard.
  • Toute la famille avait prévu des mois à l’avance qu’il prendrait un congé parental de 12 semaines. Son épouse n’était pas admissible aux prestations parentales de l’assurance-emploi, alors il était le seul parent à demander des prestations.
  • Il a choisi de prendre un congé parental lorsque son enfant aurait un an. Jusque-là, son épouse et lui avaient des membres de famille qui les aidaient à prendre soin de leur enfant. Il était donc logique pour lui d’attendre et de demander des prestations parentales au bout d’un an.
  • Il n’a pas pris de congé parental après la naissance de son premier enfant. Il n’avait donc aucune expérience de demande de prestations parentales de l’assurance-emploi.
  • Son employeur lui fournissait des prestations complémentaires aux prestations parentales de l’assurance-emploi. Qu’il reçoive ses prestations parentales au taux de l’option standard ou de l’option prolongée n’avait pas d’importance : son employeur allait verser le même complément. Il ne pensait donc pas que l’option de prestations parentales choisie était importante, parce qu’il prévoyait de recevoir 12 semaines de prestations parentales, auxquelles s’ajoutait le complément de son employeur d’une façon ou d’une autre.
  • Il a demandé 12 semaines de prestations parentales standards. Il n’a pas réalisé qu’il ne recevrait pas 12 semaines de prestations en choisissant cette option.
  • Après avoir présenté sa demande, il a vu une confirmation dans son compte de Service Canada qui disait qu’il avait demandé 12 semaines de prestations. Il a cru que c’était une approbation et qu’il recevrait 12 semaines de prestations. Rien dans son compte ne disait qu’il recevrait des prestations seulement jusqu’au 9 décembre 2023 en raison de son choix. S’il y avait eu une telle mention, il aurait communiqué immédiatement avec la Commission pour corriger son erreur.
  • Il a reçu un versement de prestations parentales le 8 décembre 2023. Comme il n’a pas reçu de deuxième versement, il a téléphoné à la Commission le 27 décembre 2023. On lui a répondu qu’il n’y avait pas eu de deuxième versement parce qu’il devait présenter une déclaration. Quand il a vérifié son compte de Service Canada le 27 décembre 2023, il avait un message l’avisant qu’il devait produire une déclaration. Pourtant, dans sa demande de prestations, il avait demandé d’être exempté de l’exigence relative aux déclarations. La personne à qui il a parlé à la Commission lui a dit qu’elle avait mis à jour son dossier et que les versements devraient recommencer. Comme il n’avait toujours pas reçu de versement quatre ou cinq jours plus tard, il a rappelé la Commission. On lui a alors répondu que sa période de prestations était terminée. Après cette conversation, un message dans son compte de Service Canada disait que son dernier versement avait été effectué.
  • Il est convaincu qu’il devrait pouvoir modifier son choix pour passer des prestations parentales standards aux prestations parentales prolongées parce que son intention était très claire. Il n’aurait pas pris un congé parental de 12 semaines s’il avait su qu’il ne recevrait pas de prestations pendant toute cette période.
  • Il a même offert de rembourser les prestations reçues, d’annuler sa demande et d’en faire une nouvelle, mais la Commission lui a dit que ce n’était pas possible.
  • Le site Web de Service Canada comporte une section sur les erreurs possibles. L’appelant estime qu’il devrait y avoir une marge de manœuvre en cas d’erreur. Il considère que la Commission le juge de façon radicale, alors qu’il a simplement choisi la mauvaise option par erreur.

[20] La Commission soutient que le choix des prestations parentales standards est devenu irrévocable le 8 décembre 2023, c’est-à-dire dès que des prestations parentales ont été verséesNote de bas de page 10.

[21] L’appelant comprend que la loi ne permet pas de changer l’option de prestations parentales choisie une fois que des prestations ont été versées. Il peut comprendre qu’il aurait été impossible de changer d’option s’il avait reçu des prestations pendant une longue période. Mais il a reçu des prestations seulement pendant moins d’une semaine. Il veut que sa demande soit remplacée par des prestations parentales prolongées pour pouvoir recevoir des prestations pendant ses 12 semaines de congé parentalNote de bas de page 11.

[22] Je reconnais que l’appelant a pris un congé parental de 12 semaines de son travail et qu’il croyait pouvoir recevoir 12 semaines de prestations parentales de l’assurance-emploi. Je comprends ce qu’il veut dire quand il explique qu’il n’aurait pas pris un congé de 12 semaines s’il avait su qu’il recevrait des prestations d’assurance-emploi pendant une semaine seulement. Je suis aussi consciente qu’il ne savait pas que son choix de prestations parentales standards signifiait qu’il ne pourrait pas recevoir de prestations après le 9 décembre 2023. Je suis sensible à sa situation. Cependant, il est lié par son choix de prestations parentales standards. Ce choix est devenu irrévocable dès qu’il a reçu des prestations parentales le 8 décembre 2023.

[23] Le Tribunal a déjà annulé certaines décisions en appel concernant le choix de prestations parentales. Toutefois, la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont depuis rendu des décisions qui établissent un précédent et qui orientent l’analyse du Tribunal en la matièreNote de bas de page 12.

[24] La Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont déclaré que le choix de prestations parentales inscrit dans la demande d’assurance-emploi correspond réellement au choix de la personne, et que ce choix ne peut pas être modifié après le début du versement des prestations. La loi est claire : une fois que des prestations parentales sont versées à la suite d’une demande, le choix de prestations standards ou prolongées devient irrévocable. Par conséquent, après le 8 décembre 2023, l’appelant ne pouvait plus passer de l’option standard à l’option prolongée. C’est à cette date qu’il a reçu le versement de prestations parentales et qu’il est donc devenu lié par son choix de prestations parentales standards.

Question no 2 : L’appelant peut-il recevoir des prestations parentales après le 9 décembre 2023?

[25] Les prestations parentales peuvent être versées pendant une certaine période suivant la date de naissance de l’enfantNote de bas de page 13. C’est ce qu’on appelle la « période de prestations parentales ». Cette période pour les deux types de prestations parentales commence soit la semaine de la naissance de l’enfant, soit la semaine où l’enfant est placé chez la partie prestataire en vue de son adoptionNote de bas de page 14. La période de prestations parentales standards se termine 52 semaines plus tardNote de bas de page 15. Si la partie prestataire choisit l’option prolongée, la période de prestations parentales est prolongée de 26 semainesNote de bas de page 16.

[26] L’enfant de l’appelant est né le 7 décembre 2022. L’appelant a demandé des prestations parentales standards le 27 novembre 2023. Lorsqu’il a rempli sa demande de prestations, il a compris que comme la durée totale de ses prestations serait inférieure à 52 semaines (12 semaines dans son cas), il pouvait demander et recevoir des prestations standards jusqu’à 78 semaines à partir de la naissance de son enfant. Il pensait donc avoir droit à des prestations pendant les 12 semaines où il serait en congé de son travail.

[27] Comme je l’ai mentionné plus haut, les prestations parentales peuvent seulement être versées pendant la période de prestations parentales. L’appelant a choisi de recevoir des prestations parentales standards. Par conséquent, sa période de prestations parentales se terminait le 9 décembre 2023, c’est-à-dire 52 semaines après la semaine de la naissance de son enfant.

[28] Rien ne montre que l’appelant remplissait les conditions requises pour que sa période de prestations parentales soit prolongéeNote de bas de page 17. L’appelant ne répond pas aux exigences permettant de prolonger sa période de prestations parentales, et il ne conteste pas ce fait.

[29] L’appelant ne peut donc pas recevoir de prestations parentales après le 9 décembre 2023.

[30] Je comprends sa frustration. Cependant, je n’ai rien sur quoi me fonder en droit pour ordonner la modification du choix qu’il a fait dans sa demande de prestations. Son choix de prestations est irrévocable. Comme il a choisi les prestations standards, sa période de prestations a pris fin le 9 décembre 2023, soit 52 semaines après la semaine de la naissance de son enfant.

[31] Lorsque le résultat peut sembler injuste à première vue, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

[…] des règles rigides sont toujours susceptibles de donner lieu à des résultats sévères qui paraissent en contradiction avec les objectifs du régime législatif. Toutefois, aussi tentant que cela puisse être dans certains cas (et il peut bien s’agir en l’espèce de l’un de ces cas), il n’est pas permis aux arbitres de réécrire la loi ou de l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaireNote de bas de page 18.

Conclusion

[32] La loi ne permet pas à l’appelant de modifier son choix et de passer des prestations parentales standards aux prestations parentales prolongées.

[33] L’appelant peut seulement recevoir des prestations pendant sa période de prestations parentales qui a pris fin le 9 décembre 2023.

[34] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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