Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : FY c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2024 TSS 316

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : F. Y.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 9 novembre 2023
(GE-23-2823)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 26 mars 2024
Numéro de dossier : AD-23-1102

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Décision

[1] L’autorisation (permission) de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur, F. Y. (le prestataire), demande l’autorisation de faire appel de la décision rendue par la division générale. La division générale a conclu que le prestataire était exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi parce qu’il avait quitté volontairement son emploi sans justification. La division générale a conclu que le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi.

[3] Le prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de procédure et de fait. Il affirme notamment que la membre avait fait preuve de partialité à son égard. Le prestataire soutient également que la division générale n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve dont elle disposait. Le prestataire ajoute que sa demande a fait l’objet d’un délai déraisonnable, ce qui a nui à sa capacité de recueillir des renseignements pour son dossier.

[4] Le prestataire affirme que si la division générale n’avait pas fait preuve de partialité ni n’avait commis d’erreurs de fait, il aurait eu l’occasion de présenter sa cause de façon juste. Il ajoute que la division générale aurait alors accepté qu’il fût fondé à démissionner.

[5] Avant que le prestataire puisse aller de l’avant avec son appel, je dois décider si celui‑ci a une chance raisonnable de succès. Autrement dit, il doit y avoir une cause défendable en droitNote de bas de page 1. Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, cela met fin à l’affaireNote de bas de page 2.

[6] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je ne donne pas au prestataire la permission d’aller de l’avant avec son appel.

Questions en litige

[7] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. (a) Peut-on soutenir que la division générale a commis des erreurs de procédure?
  2. (b) Peut‑on soutenir que la membre de la division générale a causé un délai déraisonnable?
  3. (c) Peut‑on soutenir que la membre de la division générale a fait preuve de partialité ou qu’il existait une crainte raisonnable de partialité?
  4. (d) Peut-on soutenir que la division générale a commis des erreurs de fait importantes?

Je n’accorde pas au prestataire la permission de faire appel

[8] La division d’appel rejette la demande de permission de faire appel si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Il y a une chance raisonnable de succès si la division générale a pu commettre une erreur de compétence, de procédure, de droit ou un certain type d’erreur de faitNote de bas de page 3.

[9] Concernant ces types d’erreurs de fait, la division générale devait avoir fondé sa décision sur une erreur commise de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissanceNote de bas de page 4.

Le prestataire ne peut soutenir que la division générale a commis des erreurs de procédure

[10] Une erreur de procédure met en cause le caractère équitable du processus suivi par la division générale. Il ne s’agit pas de savoir si une partie estime que la décision est injuste. Les parties devant la division générale jouissent de droits à certaines protections procédurales, comme le droit d’être entendues, de connaître la preuve qu’elles doivent réfuter, de recevoir un avis d’audience en temps opportun et le droit à un décideur impartial.

[11] Le prestataire soutient que la membre de la division générale a fait preuve de partialité ou qu’il y avait une crainte raisonnable de partialité. Le prestataire estime qu’il n’a pas obtenu une audience équitable. Il soutient également que la membre a commis plusieurs erreurs de procédure, dont les suivantes :

  • Elle n’a généralement pas respecté les Règles de procédure du Tribunal de la sécurité sociale (Règles).
  • Elle n’est pas arrivée à l’heure pour l’audience; celle‑ci devait commencer à 11 h 30. L’avis d’audience lui demandait d’arriver 30 minutes avant l’heure de début de l’audience. Il est arrivé à 11 h. Il a remarqué que la membre est arrivée à 11 h 20.
  • N’a pas enregistré l’audience dans son intégralité; il affirme que la membre aurait dû préserver le caractère intact des renseignements de l’enregistrement audio et [traduction] qu’« elle n’aurait pas dû redémarrer l’enregistreur audio comme elle l’avait prévu »Note de bas de page 5.
  • N’a pas veillé à ce qu’il y ait une preuve documentaire complète; le prestataire a déposé des arguments et des éléments de preuve (document GD8) la veille de l’audience devant la division générale du 7 novembre 2023. Le prestataire affirme que la membre a nié avoir reçu ce document même s’il a obtenu la confirmation que le Tribunal de la sécurité sociale avait reçu le document le 6 novembre 2023. Il affirme également que la membre a refusé de faire une copie de son document.
  • A omis d’écouter et d’examiner l’ensemble de la preuve et des faits et d’en tenir compte avant l’audience; par exemple, la membre a dû lui demander le nom de son superviseur, même s’il affirme que ce renseignement figurait au dossier. De plus, il affirme que la membre lui a demandé de peaufiner ses arguments et de ne présenter que les arguments et éléments de preuve importants, « et non tous les faits et éléments de preuve du document GD08 »Note de bas de page 6.
  • N’a pas accepté son document GD9.

La membre n’est pas arrivée 30 minutes avant l’audience

[12] Le prestataire soutient que la membre de la division générale a enfreint les principes de justice naturelle parce qu’elle n’est pas arrivée 30 minutes avant l’heure prévue du début de l’audience. Cela donne à penser que la membre était en retard et qu’il n’a donc pas eu une chance équitable de présenter ses arguments.

[13] Les membres de la division générale (ou, d’ailleurs, de la division d’appel) n’ont pas à se présenter 30 minutes avant une audience en personne. Par courtoisie professionnelle, les membres arrivent généralement tôt pour s’assurer d’être prêts à commencer à l’heure prévue. Les heures d’arrivée peuvent varier d’un membre à l’autre. Toutefois, des retards sont parfois inévitables et indépendants de leur volonté. Ce qui importe, c’est que le prestataire a eu une audience équitable.

[14] Dans cette affaire, je ne vois pas d’indication que l’audience n’a pas commencé à temps ou, si elle a été retardée, que cela a nui d’une façon ou d’une autre au prestataire ou au caractère équitable de l’audience. Je ne vois pas d’indication que le prestataire s’est déjà opposé, à ce moment ou à n’importe quel autre moment au cours de l’audience, en faisant valoir qu’il avait subi un préjudice ou qu’il n’avait pas obtenu une audience équitable parce qu’il estimait que la membre aurait dû arriver plus tôt qu’elle ne l’a fait.

[15] L’avis d’audience indique que la durée de l’audience avait été établie à 60 minutes. Je constate que l’audience a duré environ 17,5 minutes de plus que la période prévue. Et, à environ 1 h 13 min 35 s de l’audience, la membre a demandé au prestataire s’il avait quelque chose à ajouter avant qu’elle ne mette fin à l’audience. Il n’avait rien à ajouter. De plus, je constate que la membre a également donné au prestataire l’occasion de déposer des documents après l’audience. J’en déduis que la membre de la division générale a donné au prestataire une occasion équitable de présenter ses arguments.

[16] Je ne suis pas convaincue que le prestataire puisse soutenir que la division générale a commis une erreur de procédure en ne se présentant pas dans les 30 minutes précédant l’heure prévue du début de l’audience.

La membre n’a pas consigné toutes les discussions avec le prestataire

[17] Le prestataire soutient que la membre de la division générale a enfreint les Règles de procédure du Tribunal parce qu’elle n’a pas tout consigné. Les Règles de procédure n’exigent pas que les audiences soient enregistrées. En général, les membres de la division générale et de la division d’appel enregistrent toutefois les audiences. Toutefois, il arrive que des défaillances d’équipement ou de la technologie nuisent à la capacité d’un membre d’enregistrer.

[18] Le prestataire soutient, semble‑t‑il, que la membre de la division générale aurait dû enregistrer les discussions sur certains documents qu’elle a eues avec lui avant l’audience. En théorie, les membres s’abstiennent de toute discussion liée à l’appel avant une audience. Cependant, les prestataires amorcent parfois des discussions avant que les membres puissent réagir. J’ignore si c’était le cas ici. Toutefois, rien ne laisse croire que la membre a dit quelque chose d’inapproprié ou de préjudiciable au prestataire.

[19] Dans cette affaire, la membre a noté que le prestataire l’avait informée avant l’audience qu’il avait déposé le document GD8 auprès du Tribunal la veilleNote de bas de page 7. Si le prestataire s’était, d’une façon ou d’une autre, opposé au résumé de ce dont il a discuté avec la membre, il aurait dû s’exprimer ou s’opposer à ce moment‑là.

[20] Le prestataire n’a pas démontré comment un enregistrement incomplet a affecté ses droits procéduraux. Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale a enfreint les principes de justice naturelle en n’enregistrant pas tout, y compris les discussions qui ont eu lieu avant le début officiel de l’audience.

Le prestataire affirme que la membre n’avait pas de copie du document GD8

[21] Le prestataire soutient que la membre a enfreint les Règles de procédure du Tribunal parce qu’elle n’avait pas de copie de l’un de ses documents (GD8) avant le début de l’audience. Il se demande comment il se fait qu’elle n’ait pas pu le recevoir à temps pour l’audience étant donné qu’il a envoyé le document au Tribunal la veille de l’audience. Il affirme qu’elle aurait dû au moins faire une copie de son document lorsqu’il le lui a offert, mais il soutient qu’elle a refusé.

[22] Pendant l’audience, la membre a examiné les documents au dossier. Elle a également noté que le prestataire l’avait informée qu’il avait déposé le document GD8 au Tribunal la veilleNote de bas de page 8. De toute évidence, cette conversation a eu lieu avant le début officiel de l’audience. Elle a également déclaré qu’elle avait maintenant une copie du document, car il lui en avait remis une.

[23] Comme le prestataire a remis une copie du document à la membre de la division générale pendant l’audience, on ne peut soutenir que la membre n’avait pas de copie du document en sa possession pendant l’audience. De plus, même si la membre n’avait pas de copie du document à ce moment-là, elle en connaissait l’existence et aurait pu y avoir accès après l’audience.

[24] La membre a également laissé le prestataire parler du document. Elle a laissé le prestataire expliquer le document et résumer les éléments de preuve et les arguments qui, selon lui, étaient essentiels à son dossier.

[25] Pour ces raisons, je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale a enfreint les principes de justice naturelle.

Le prestataire affirme que la membre n’a pas examiné le dossier avant l’audience

[26] Le prestataire soutient que la membre de la division générale a enfreint les principes de justice naturelle parce qu’elle n’a pas examiné le dossier avant le début de l’audience. Pour étayer son affirmation, il dit que la membre lui a demandé le nom de son superviseur et l’endroit où ce renseignement pouvait se trouver dans le dossier d’audience.

[27] La membre a posé cette question au prestataire, mais cela ne démontre pas forcément qu’elle n’a pas lu tous les documents avant l’audience. Comme c’est souvent le cas, un membre a lu le dossier, mais a simplement oublié certains détails plus précis ou l’endroit où ces détails peuvent se trouver. La membre n’a peut-être pas non plus établi de numéro d’onglet pour cette partie du document.

[28] Il est clair que la membre avait examiné le dossier avant l’audience. Elle connaissait bien les enjeux et les faits. Elle a examiné ce qu’elle a désigné comme étant les enjeux et les faits principaux. Par exemple, elle a souligné que le litige portait sur la question de savoir si le prestataire avait quitté volontairement son emploi et s’il avait un motif valable ou d’autres solutions raisonnables que son départ. Elle a indiqué quand le contrat de travail du prestataire a pris fin. Elle connaissait la nature de l’emploi du prestataireNote de bas de page 9. Cela montre que la membre avait lu le dossier.

[29] Même si la membre n’avait pas lu une partie ou la totalité des documents du dossier avant l’audience, il n’en découle pas une violation des principes de justice naturelle. Ce qui importe, c’est que la membre connaissait bien tous les éléments de preuve importants et les arguments des parties lorsqu’elle a finalement rendu sa décision. Par conséquent, il est toujours bon que les parties soulignent les éléments de preuve qu’elles jugent importants pour établir leur cause, surtout lorsque le dossier d’audience est volumineux et s’étend sur plusieurs centaines de pages (bien que ce ne soit pas le cas dans cette affaire).

[30] Si la membre a négligé l’un ou l’autre des éléments de preuve, il vaut mieux aborder cette question comme une erreur de fait, ce dont je discuterai ci‑après.

Le prestataire soutient que la membre ne l’a pas laissé passer en revue tous les faits et les éléments de preuve contenus dans le document GD8

[31] Le prestataire soutient que la membre de la division générale ne l’a pas laissé passer en revue tous les faits et les éléments de preuve énoncés dans le document GD8. En fait, la preuve n’appuie pas les arguments du prestataire sur ce point.

[32] La membre de la division générale a demandé au prestataire : [traduction] « Voulez-vous m’expliquer autre chose, peut-être les documents que vous m’avez remis, vos arguments et votre preuve? Y a-t-il d’autres choses dont vous voulez me parlerNote de bas de page 10? » Il a répondu que si elle lisait tout, il n’aurait rien à dire. La membre a répondu qu’elle lirait ce qu’il avait déposé dans son dossier. Elle a ajouté que comme elle ne comprenait peut-être pas ce qu’il essayait de dire, elle l’invitait à passer le tout en revue avec elle et à souligner ce qu’il croyait importantNote de bas de page 11. Il a répondu que tout importait. La membre a répondu qu’elle examinerait tout.

[33] Une partie importante du rôle d’un membre consiste à gérer l’audience et à s’assurer que les parties ont une chance équitable de présenter leurs affaires respectives. Cela ne signifie pas que les parties doivent lire tous leurs documents et arguments ou qu’elles doivent se répéter. Il n’était pas nécessaire pour le prestataire de lire complètement le document GD8, car la membre avait accès au document et pouvait l’examiner après l’audience. La membre de la division générale a tenté d’amener le prestataire à se concentrer sur ce qu’il estimait particulièrement important.

[34] Les parties doivent faire preuve de discernement quant à leur utilisation du temps. Il est presque toujours dans l’intérêt supérieur d’une partie de présenter des arguments succincts et de se concentrer sur ses arguments les plus solides. La membre a invité le prestataire à souligner tout ce qu’il estimait important. Je ne vois rien d’inapproprié dans la façon dont la membre de la division générale a traité le document.

[35] Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale n’a pas observé les principes de justice naturelle en ne permettant pas au prestataire de lire tout le document GD8.

Le prestataire soutient que la membre n’a pas accepté son document GD9

[36] Le prestataire soutient qu’il n’a pas eu une chance équitable de présenter sa preuve parce que la division générale a refusé d’accepter l’un de ses documents.

[37] Le prestataire a déposé le document GD9 au Tribunal après l’audience. Le document comporte quatre parties :

  • La première partie est une copie du courriel du prestataire daté du 25 janvier 2023. La division générale a accepté cette partie du document.
  • La deuxième partie a réitéré et clarifié les propos qu’il a tenus à l’audience.
  • La troisième partie traite de la demande du prestataire en vue d’obtenir une copie du texte et de l’enregistrement audio de l’audience. (Le Tribunal ne transcrit pas les enregistrements audios, de sorte qu’ils ne sont pas disponibles. Le Tribunal a envoyé au prestataire une copie de l’enregistrement audio le 10 novembre 2023.)
  • La quatrième partie traite de la demande du prestataire au sujet des motifs de la division générale. Cette quatrième partie ne pose aucun problème.

[38] En ce qui concerne la deuxième partie du document GD9, la division générale n’avait pas demandé au prestataire de présenter d’autres observations ou éléments de preuve après l’audience. Une fois l’audience terminée, la membre de la division générale avait le pouvoir discrétionnaire d’admettre en preuve cette partie du document. La membre a examiné l’exposé circonstancié et a conclu qu’il répétait et résumait surtout les éléments de preuve que le prestataire avait déjà fournis à l’audience. Elle a constaté que cette partie du document n’ajoutait rien au dossier. Par conséquent, elle a préféré se fonder sur le témoignage du prestataire.

[39] Le prestataire n’a pas expliqué pourquoi la deuxième partie du document était nécessaire pour étayer sa cause. Il ne conteste pas la décision de la division générale selon laquelle elle a répété ce qu’il avait déjà dit à l’audience et qu’elle n’a fait avancer sa cause d’aucune façon.

[40] La deuxième partie du document traitait de la charge de travail très lourde et des défis du prestataire et du fait qu’il avait soulevé ces préoccupations auprès de son employeur. Je conviens avec la division générale que le prestataire avait déjà soulevé ces points et que la discussion était très répétitive. En effet, il a même dit qu’il [traduction] « aimerait réitérer et clarifier »Note de bas de page 12.

[41] Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la membre de la division générale n’a pas observé les principes de justice naturelle en n’acceptant pas le document du prestataire après l’audience. Je ne suis pas convaincue non plus que l’on puisse soutenir que le prestataire n’a pas eu l’occasion de présenter fidèlement sa preuve lorsque la division générale n’a pas admis le document en preuve. Il avait eu la chance de déposer des documents jusqu’à la date de l’audience. La division générale a accepté la partie du document qui comprenait la copie d’un courriel.

Le prestataire ne peut soutenir que la membre de la division générale a causé un délai déraisonnable

[42] Le prestataire ne peut soutenir que la membre de la division générale a causé un délai déraisonnable. Le prestataire soutient qu’il y a eu un délai déraisonnable dans son cas. Il affirme que le délai a causé un préjudice, en ce sens qu’il a nui à sa capacité de recueillir des faits. Toutefois, les arguments du prestataire concernant le retard sont axés sur Service Canada plutôt que sur la division générale ou le Tribunal.

[43] Pour qu’il y ait une cause défendable en vertu de l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, le défaut d’observer un principe de justice naturelle doit avoir été commis par la division générale et non par d’autres entités. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la membre de la division générale a causé un délai déraisonnable.

Le prestataire ne peut pas soutenir que la membre de la division générale a fait preuve de partialité ou qu’il y avait une crainte raisonnable de partialité

[44] Le prestataire soutient que la membre de la division générale a fait preuve de partialité à son égard. Il affirme que c’était évident lors de l’audience. Il dit que la membre a refusé d’examiner des questions importantes parce qu’elle les considérait comme des « questions techniques »Note de bas de page 13. Il affirme en outre que la membre s’est fondée sur des preuves qui, selon lui, étaient manifestement fausses et inexactesNote de bas de page 14.

[45] Toute allégation de partialité est grave et ne doit pas être formulée à la légère. Dans la décision Committee for Justice and Liberty c L’Office national de l’énergie, Note de bas de page 15la Cour suprême du Canada énonce le critère de la crainte raisonnable de partialité. Elle mentionne l’opinion dissidente du juge Grandpré à la Cour d’appel fédérale :

[C]e critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision justeNote de bas de page 16? »

[46] Le seuil pour satisfaire à ce critère est élevé. Comme l’ont dit les tribunaux, « [u]ne allégation de partialité doit être étayée par des preuves matérielles et ne peut être fondée sur de simples soupçons, conjectures ou impressions à l’égard d’un demandeurNote de bas de page 17 ».

Le prestataire affirme que la division générale s’est fondée sur de faux renseignements

[47] Le prestataire affirme que le fait que la membre de la division générale s’appuie sur les documents GD3-15 et GD3-16 démontre de la partialitéNote de bas de page 18. Il dit que tel est le cas parce que les documents contenaient des renseignements manifestement faux. Il ajoute que la membre a accepté les faux renseignements seulement parce qu’elle faisait preuve de partialité à son égard.

a) Le document GD3-15 est constitué de notes que la défenderesse, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada, a préparées. La Commission a écrit qu’elle avait communiqué avec le prestataire les 16 et 18 mai 2023. Elle a constaté que la boîte aux lettres du prestataire était pleine, de sorte qu’elle n’a pu laisser aucun message.

Le prestataire nie que la Commission ait déjà communiqué avec lui aux dates et heures décrites dans le document GD3-15. Il affirme qu’il ne peut trouver de preuve dans ses relevés téléphoniques que la Commission a communiqué avec lui à ces dates et heures.

Les renseignements figurant au document GD3-15 sont sans conséquence. Rien ne repose sur le fait que la Commission a consigné qu’elle n’était pas en mesure de parler au prestataire ou de lui laisser des messages vocaux.

La Commission a commenté le document « Départ volontaire », mais la division générale ne s’est pas fondée sur ce commentaire lorsqu’elle a examiné si le prestataire avait quitté volontairement son emploi et s’il était fondé à quitter son emploi. La division générale n’a tout simplement pas fait référence aux appels téléphoniques des 16 et 18 mai 2023 dans sa décision. Autrement dit, la division générale n’a pas conclu que le commentaire de la Commission était déterminant pour établir si le prestataire avait quitté volontairement son emploi.

La division générale a examiné la preuve dont elle disposait. La membre s’est penchée sur la preuve, y compris le témoignage et les observations du prestataire. La membre a noté que le prestataire avait convenu qu’il avait reçu une offre de son employeur, mais qu’il l’avait refusée, car elle ne répondait pas adéquatement à ses préoccupations ni ne les réglait. C’est sur ce fondement que la membre a décidé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi.

b) Le document GD3-16 contient des notes établies par la Commission de son appel téléphonique du 18 mai 2023 avec l’employeur du prestataire. Le prestataire ne faisait pas partie de la discussion téléphonique. Je ne vois donc pas comment il peut dire que l’employeur n’a pas fait ces déclarations à la Commission ou que celle‑ci a mal enregistré la conversation.

L’employeur aurait déclaré que le prestataire avait refusé de renouveler son contrat qui a pris fin le 13 février 2023. L’employeur aurait également déclaré qu’il lui avait offert un autre contrat, mais qu’il avait refusé de prendre l’offre. Le prestataire affirme que les renseignements sont incomplets, car ils ne montrent pas pourquoi il a refusé de renouveler le contrat.

Toutefois, les renseignements en tant que tels ne sont pas inexacts ou trompeurs. Le prestataire n’a pas renouvelé le contrat ni accepté l’offre de son employeur. Ces renseignements n’auraient pas changé, même s’il y avait eu une explication de la raison pour laquelle le prestataire n’a pas renouvelé le contrat.

Le prestataire a écrit à son employeur le 10 février 2013 pour confirmer ce qui suit : [traduction] « mon contrat prendra fin le 13 février 2023, lundi prochain, date que j’accepte telle quelle […] Pourriez‑vous m’aider à obtenir la lettre de cessation d’emploiNote de bas de page 19? » Le prestataire a écrit dans son résumé qu’il [traduction] « ne peut accepter le contrat de renouvellement »Note de bas de page 20. Il a expliqué qu’il n’était pas en mesure de l’accepter parce qu’il avait depuis longtemps certaines préoccupations qu’il voulait dissiper.

Le prestataire a également écrit à son employeur le 13 février 2023. Il a écrit : [traduction] « Je n’accepterai pas le plus récent contrat ou renouvellement, et j’ai également des préoccupations au sujet de certaines modalités qui ne reflètent pas entièrement mes fonctions, mes situations et mes conditions de travail actuelles […]Note de bas de page 21 »

Le prestataire affirme aussi que la conversation téléphonique entre la Commission et son employeur a duré 2,5 heures. Les notes de la Commission sont brèves. Autrement dit, il affirme qu’elles ne sont pas fiables parce qu’il doit manquer des renseignements dans celles‑ci. Il soutient donc que la division générale faisait preuve de partialité en se fondant sur les notes de l’appel téléphonique.

Le fait que le document indique « soumis le 18 mai 2023 à 2 h 22 min 7 s » ne constitue pas une preuve définitive que l’appel téléphonique a duré aussi longtemps. Toutefois, comme je l’ai mentionné précédemment, rien n’indique que la division générale s’est fondée sur les notes de l’appel téléphonique entre la Commission et l’employeur du prestataire pour décider si le prestataire a quitté volontairement son emploi. Quoi qu’il en soit, il n’est pas contesté que le prestataire n’a pas renouvelé son contrat.

c) Les pages GD3-38 à GD3-40 sont des notes prises par la Commission de son appel téléphonique avec le prestataire le 14 septembre 2023. Il affirme que la division générale a accepté que les notes représentent fidèlement ce dont il a discuté avec la Commission. Selon lui, les notes sont cependant inexactes. Il nie avoir soulevé des préoccupations au sujet de ses conditions de travail seulement après avoir déjà quitté son emploi. Il affirme qu’il a souvent fait part de ses préoccupations à son employeur tout au long de sa période de travail.

En fait, la division générale ne s’est pas fondée sur les notes de la Commission. La division générale a préféré le témoignage du prestataire sur ce point. Au paragraphe 51, la division générale a écrit ce qui suit : [traduction] « L’appelant insiste pour affirmer qu’il n’a parlé à son employeur qu’après avoir pris la décision de ne pas renouveler son contrat. Je le crois. »

[48] Le prestataire soutient que la division générale s’est fondée sur des renseignements faux. Certains de ces éléments de preuve étaient exacts, mais quoi qu’il en soit, la division générale ne s’est tout simplement pas fondée sur ces éléments de preuve. Aucun élément de preuve n’appuie les allégations de partialité du prestataire de manière à satisfaire au critère établi par la Cour suprême du Canada.

Le prestataire ne peut soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée

Demande de documents de la division générale présentée au prestataire

[49] Le prestataire affirme que la division générale a mal décrit ce qui s’est passé. La division générale a écrit ce qui suit : [traduction] « Il m’a dit qu’il m’enverrait une copie du courriel qu’il avait envoyé à son superviseur pour lui demander si son contrat serait renouvelé. » Le prestataire affirme que c’est bien la membre qui lui a demandé une copie du courriel. Bien que cela puisse être le cas, rien ne confirme cette description. Cela n’a aucune incidence sur la question de savoir si le prestataire a quitté volontairement son emploi.

Relevé téléphonique du 14 septembre 2023

[50] La division générale n’a pas négligé le document aux pages GD 3-38 à GD 3-40Note de bas de page 22, qui forment les notes de l’appel téléphonique de la Commission avec le prestataire le 14 septembre 2023. La division générale a tout simplement conclu que les notes n’étaient pas fiables parce que la Commission avait mal compris ce que le prestataire tentait de dire.

[51] Le prestataire affirme que le document démontre la partialité de la Commission à son égard. Il dit que si la division générale n’avait pas négligé ce document, elle aurait accepté que la Commission fût partiale. Il affirme en outre qu’elle aurait ensuite rejeté les arguments de la Commission selon lesquels le prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification.

[52] La Commission a préparé des dossiers de l’appel téléphonique de son agent avec le prestataire le 14 septembre 2023. Lors de cet appel, l’agent aurait posé au prestataire les questions ci‑après et ce dernier aurait répondu de la façon indiquée :

Q : Avez-vous parlé de ces préoccupations à votre employeur avant la fin de votre contrat?

R : J’ai parlé aux ressources humaines au moins deux fois après la fin de mon contrat.

[…]

Q : Avez-vous parlé à votre employeur de ces questions particulières avant la fin de votre contrat?

R : Encore une fois, j’ai parlé aux ressources humaines à deux reprises après la fin de mon contrat.

Q : Pourquoi n’avez-vous pas communiqué avec les ressources humaines avant la fin de votre contrat si vous aviez des préoccupations en milieu de travail?

R : Je ne savais pas si les ressources humaines pouvaient résoudre mes problèmesNote de bas de page 23.

[53] La Commission s’est fondée sur cet appel téléphonique entre son agent et le prestataire pour tenter de démontrer que ce dernier n’avait pas parlé à son employeur des conditions de travail avant de quitter son emploi.

[54] Le prestataire nie avoir donné ces réponses. Il soutient que la Commission a falsifié à dessein ses déclarations. Il affirme que la division générale aurait dû rejeter ces déclarations parce qu’elles étaient fausses.

[55] La division générale a reconnu les arguments du prestataire selon lesquels la Commission était partiale à son égard. Toutefois, la division générale ne croyait pas que la Commission était partiale. Elle a conclu que la Commission [traduction] « a tout simplement mal compris [le prestataire] »Note de bas de page 24 parce que l’anglais n’est pas sa langue maternelle.

[56] En fin de compte, la division générale n’a pas accepté les notes de l’appel téléphonique de la Commission datées du 14 septembre 2023. La division générale a conclu que les notes ne démontraient pas que le prestataire avait parlé pour la première fois à son employeur de ses conditions de travail après avoir quitté son emploi.

[57] La division générale a conclu que la Commission avait mal compris le prestataire. La division générale a accepté que le prestataire ait parlé à son superviseur des conditions de travail avant de quitter son emploi.

[58] La membre de la division générale a écrit ce qui suit : [traduction] « Il ressort clairement de la preuve dont je suis saisie que l’appelant a parlé à son superviseur de ses conditions de travail difficiles à plusieurs reprises avant de décider de ne pas renouveler son contrat. Il l’a fait pour qu’un superviseur réponde à ses préoccupations au sujet de la charge de travailNote de bas de page 25. »

[59] La membre a également écrit ce qui suit : [traduction] « L’appelant a tenté de nouveau, lorsqu’il a reçu le projet de renouvellement du contrat, de régler ces problèmes. [Citation à la page GD 3-18.] Il a rappelé à son superviseur qu’il tentait depuis un certain temps de les réglerNote de bas de page 26. »

[60] La division générale n’a pas négligé la preuve qui laisse entendre que le prestataire n’a parlé à son employeur des conditions de travail qu’après avoir quitté son emploi. Il est clair que la division générale a abordé cette preuve, mais a conclu qu’elle ne correspondait pas aux propos du prestataire.

[61] De plus, la division générale n’a pas fondé sa décision sur les déclarations aux pages GD 3-38 à GD 3-40. Elle a conclu que les déclarations étaient inexactes. La division générale croyait que l’agent ne comprenait pas tout à fait le prestataire, ce qui a donné lieu à des déclarations inexactes.

[62] Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale a négligé cette preuve ou a tiré une conclusion de façon abusive ou arbitraire relativement à une conversation téléphonique que le prestataire a eue avec la Commission le 14 septembre 2023. La division générale a rejeté la preuve. Elle a conclu que d’autres éléments de preuve appuyaient la position du prestataire selon laquelle il avait discuté de ses conditions de travail avec son employeur avant de quitter son emploi. Tout compte fait, la preuve favorisait le prestataire.

[63] Bien que la division générale ait donné raison au prestataire au sujet de cette preuve, le prestataire affirme toujours que la division générale avait tort de ne pas avoir conclu que les notes téléphoniques démontraient de la partialité. Le prestataire affirme que la membre de la division générale a formulé une hypothèse erronée selon laquelle l’anglais n’est pas sa langue maternelle, ce qui a mené l’agent de la Commission à un malentendu. Il affirme que l’hypothèse de la membre au sujet de son anglais ne comporte pas de fondement probatoire et que l’agent a falsifié les déclarations du prestataire.

[64] Toutefois, cette question n’est pas pertinente. La question de savoir si la Commission était partiale ou non n’avait aucune incidence sur la question de savoir si le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi. Il avait déjà quitté son emploi avant de parler à la Commission. La division générale devait examiner si le prestataire était fondé à quitter son emploi, et non comment la Commission aurait pu agir envers lui une fois qu’il avait déjà quitté son emploi.

[65] De plus, la division générale n’avait pas compétence pour offrir une mesure de redressement même si la Commission avait fait preuve de partialité.

[66] Cependant, plus important encore, la division générale n’a pas fondé sa décision globale sur les notes de l’agent ou sur la question de savoir si l’anglais est la langue maternelle du prestataire.

Le prestataire affirme que la division générale s’est fondée sur de faux renseignements

[67] Le prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de fait parce qu’elle s’est fondée sur [traduction] « des renseignements faux et fabriqués dans des documents de Service Canada ». Le prestataire renvoie aux notes de la Commission sur les conversations téléphoniques avec l’employeur du prestataire, aux pages GD 3-16 et GD 8-4 à GD8-5. Le prestataire affirme que la Commission aurait dû vérifier les renseignements de l’employeur auprès de lui.

[68] Le prestataire affirme que la Commission a communiqué avec son employeur et lui a parlé pendant près de 2,5 heures. Il affirme que la preuve de la durée de l’appel téléphonique peut être calculée. Il dit que l’appel téléphonique a commencé à 11 h 57 et s’est terminé à 14 h 22 min 7 s. Pourtant, il mentionne que la Commission n’a enregistré que trois lignes de texte, dont une comportant de faux renseignements. Il affirme que la Commission a fabriqué des renseignements.

[69] Ce sont des allégations très graves contre la Commission. Toutefois, à moins que le prestataire n’ait été en mesure de fournir une preuve crédible à l’appui de ses allégations, la division générale était tout à fait en droit de rejeter les sous-entendus du prestataire selon lesquels la Commission a faussé ou fabriqué des éléments de preuve.

[70] Par exemple, le prestataire n’a fourni aucun affidavit de son employeur qui aurait pu réfuter les notes de la Commission sur l’objet de la discussion entre la Commission et l’employeur. La division générale devait donc s’en remettre aux notes de la Commission.

[71] Le prestataire n’est manifestement pas d’accord avec la preuve de la Commission. Il incombait encore à la division générale d’évaluer et de soupeser la preuve. Par conséquent, s’il y avait des éléments de preuve contradictoires, la division générale devait décider quels éléments de preuve elle préférait et expliquer sa préférence, tout en rejetant d’autres éléments de preuve.

[72] La division générale aurait pu conclure que la preuve n’était pas fiable, par exemple dans les cas où la Commission a pu mal comprendre le prestataire sur la question de savoir s’il avait parlé des conditions de travail à son employeur avant de quitter son emploi.

[73] Je ne suis pas convaincue que la division générale ait commis une erreur de fait en se fondant sur ce qu’il considère comme faux et sur des renseignements inventés.

Conclusion

[74] L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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