Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NG c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2024 TSS 218

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Appelant : N. G.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentant : Kevin Goodwin

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 16 septembre 2023
(GE-23-1701)

Membre du Tribunal : Elizabeth Usprich
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 27 février 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’intimée
Date de la décision : Le 5 mars 2024
Numéro de dossier : AD-23-937

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] La division générale a commis une erreur de droit. Il y a aussi eu un manquement à la justice naturelle. L’affaire doit être renvoyée à la division générale pour révision.

Aperçu

[3] N. G. est le prestataire. Il travaillait dans l’industrie du camionnage.

[4] Le prestataire affirme qu’il y avait une pénurie de travail et que son employeur l’a ensuite licencié. Son employeur a dit qu’il avait démissionné. La division générale a décidé que le prestataire avait démissionné.

[5] Le prestataire affirme que son audience n’a pas été équitable parce que la division générale n’a pas entendu son témoin. Il dit aussi que la division générale n’a pas tenu compte de la preuve dont elle disposait.

[6] Je suis d’accord pour dire que la division générale a commis des erreurs. J’ai décidé que cette affaire doit être renvoyée à la division générale pour une nouvelle audience.

Questions en litige

[7] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de tenir compte du harcèlement comme circonstance du départ volontaire au titre de l’article 29c)(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi)?
  2. b) La division générale a-t-elle omis d’offrir une audience équitable en n’ajournant pas l’audience ou en ne convoquant pas de nouveau l’audience pour que le témoin du prestataire puisse témoigner?
  3. c) Dans l’affirmative, comment l’erreur devrait-elle être corrigée?

Analyse

[8] Je ne peux intervenir que si la division générale a commis une erreur. Je ne peux tenir compte que de certaines erreursNote de bas de page 1. En bref, les erreurs que je peux prendre en considération sont les suivantes :

  • La Division générale a agi injustement d’une façon ou d’une autre.
  • Elle a tranché une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher ou elle n’a pas tranché une question qu’elle était censée trancher.
  • Elle a commis une erreur de droit, comme celle de ne pas appliquer le critère juridique complet.
  • Elle a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

[9] En l’espèce, le prestataire soutient que la division générale n’a pas agi équitablement ni n’a tenu compte de l’ensemble de sa preuve.

La division générale a commis une erreur de droit en omettant de tenir compte de toutes les circonstances du départ volontaire

[10] Le prestataire affirme qu’il y avait une pénurie de travail ou qu’il a été congédié de son emploi. L’employeur et la Commission ont dit que le prestataire avait démissionné.

[11] La division générale a décidé que le prestataire avait démissionné. Cela signifie qu’elle a conclu que le prestataire avait quitté volontairement son emploi.

[12] Selon la Loi, un prestataire est « fondé » à quitter son travail si, « compte tenu de toutes les circonstances », son départ constituait la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 2.

[13] L’une des circonstances énumérées est le « harcèlement, de nature sexuelle ou autre »Note de bas de page 3. Le prestataire a soulevé cette question à plusieurs reprises au cours de son audience devant la division généraleNote de bas de page 4. Cette dernière s’est pourtant concentrée sur les questions touchant le camion du prestataire et sa rémunération et elle n’a pas mentionné la question du harcèlement dans sa décision.

[14] Par exemple, le prestataire a formulé les commentaires suivants au sujet du harcèlement :

[Traduction]
C’était la même chose à laquelle je devais faire face lorsque je me faisais harceler, puis ça se passait indirectement dans mon dos, mais tout de même à mon sujet et, essentiellement, ils m’appelaient « bébé pleurnicheur » et utilisaient des mots vulgaires et des choses comme çaNote de bas de page 5.

La dernière fois que j’ai assisté à une réunion, je me suis fait coincer par « R », « A » et « D ». D était notre directeur général, R est le propriétaire/directeur, c’est le fils du propriétaire – quel que soit le nom que vous voulez lui donner, et A était le responsable de la sécurité. Eh bien, tous les trois m’ont coincé au bureau et m’ont intimidé. C’était comme fou. Ce jour‑là, j’ai quitté le travail et, je ne suis pas, je suis un mec assez gros, je peux en prendre beaucoup, j’ai des épaules assez larges, mais j’ai quitté le travail presque en larmes parce que je me demandais, mais qu’est‑ce que c’est que ça? Qu’est-ce qui vient de se passer? Et un des autres gars m’a dit : « Ne les laisse pas faire ça la prochaine fois, fais‑toi accompagner par un autre chauffeur. » Et il m’a dit : « La prochaine fois, emmène‑moi, je vais m’asseoir là et je vais veiller à ce qu’ils ne te fassent pas ça. » Parce qu’il a dit : « C’est ce qu’ils vont faire. Ils vont te piéger, ils vont t’intimider parce qu’ils veulent que tu croies qu’ils ont raison dans ce qu’ils ont fait ou peu importe. » J’ai été traité d’idiot encore et encore sans raison précise. C’est à ce moment‑là qu’on m’a fait venir pour discuter du harcèlement et de la rémunération. Je me suis fait traiter d’idiot, je ne sais pas combien de fois par le même gars, dont je me plaignais au sujet du harcèlement; c’était D, et il me traitait d’idiot devant les deux autres.Note de bas de page 6

Il (R) a dit : [traduction] « Il semble que vous ayez trop de problèmes avec nous ici », autrement dit que j’avais trop de problèmes en ce qui concerne ma paie, le camion et la direction.Note de bas de page 7

[15] Une fois qu’elle a décidé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi, la division générale devait examiner toutes les circonstances qui existaient au moment de son départ. Elle n’a tenu compte que de certaines des circonstances concernant le prestataire. Le prestataire a dit à plusieurs reprises qu’il avait été harcelé au travail. Il a dit que c’était l’une des raisons pour lesquelles il ne voulait pas aller au bureau. Cela signifie que cette circonstance devait être prise en compte. Des éléments de preuve ayant été présentés sur cette circonstance, la division générale a commis une erreur de droit en n’en tenant pas compte.

Le prestataire n’a pas eu une audience équitable parce que son témoin n’a pas pu témoigner

[16] Le prestataire a mentionné à l’audience qu’il avait un témoin qui n’était pas en mesure d’assister à celle‑ci parce qu’il travaillaitNote de bas de page 8.

[17] La division générale a offert de donner au témoin le temps d’envoyer par écrit des « choses » sur ce qu’il aurait dit s’il avait assisté à l’audienceNote de bas de page 9. Le prestataire a dit qu’il pouvait parler à son témoin pour voir si cela était possible.

[18] Le prestataire aurait appelé le Tribunal après l’audience et la division générale lui a écrit au sujet du témoinNote de bas de page 10. La division générale souligne expressément qu’une mesure d’adaptation a été offerte pour permettre au témoin de fournir des renseignements par écrit. La division générale note que le témoin du prestataire ne voulait pas fournir de renseignements par écrit et qu’il préférait avoir une conversation avec le membre de la division générale qui tenait l’audience. La division générale a rejeté la demande du prestataire.

[19] La division générale aurait dû se demander s’il aurait été logique d’ajourner ou de convoquer à nouveau l’audience du prestataire. Le prestataire a expliqué en détail ce dont le témoin aurait témoigné. Il soutient que son audience était injuste parce que son témoin avait une preuve directe à présenter en lien avec bon nombre des questions en litige.

[20] La division générale aurait dû envisager d’ajourner ou de convoquer à nouveau l’audience pour permettre le témoignage sous serment. De toute évidence, c’était ce que le prestataire préférait. En outre, la division générale aurait ainsi pu poser des questions à son témoin. Cette option n’a pas été examinée par la division générale à l’audience. Il y a eu manquement à la justice naturelle. Le prestataire aurait dû être informé de ses options, puisqu’il a dit en des termes clairs qu’il voulait que son témoin témoigne.

Réparation

[21] Comme j’ai trouvé des erreurs, il y a deux façons principales de les corriger. Je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Je peux également renvoyer l’affaire à la division générale si l’audience de la division générale n’était pas équitableNote de bas de page 11.

[22] Le prestataire a dit que, parce que son témoin n’a pas témoigné, toute la preuve n’a pas été présentée à la division générale. Il affirme que l’affaire devrait être renvoyée à la division générale pour révision.

[23] La Commission a dit qu’elle ne croyait pas qu’il y ait eu des erreurs, mais que si j’en trouvais une, je devrais simplement substituer ma décision à celle de la division générale.

[24] J’accepte l’argument du prestataire selon lequel son témoin détient des renseignements de première main sur le harcèlement et d’autres problèmes auxquels le prestataire dit avoir été confronté.

[25] Je conclus que la seule façon de corriger l’erreur est de renvoyer l’affaire à la division générale.

Conclusion

[26] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de droit et a omis de suivre une procédure équitable. Cela signifie que l’affaire doit être renvoyée devant la division générale pour une nouvelle audience.

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