Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 294

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de prolongation
de délai et de permission de faire appel

Partie demanderesse : A. K.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du
30 novembre 2023
(GE-23-1404)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 21 mars 2024
Numéro de dossier : AD-24-74

Sur cette page

Décision

[1] Une prolongation du délai pour présenter une demande à la division d’appel est accordée. L’autorisation (permission) de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse, A. K. (la prestataire) demande une prolongation du délai pour déposer sa demande auprès de la division d’appel. Elle demande également l’autorisation (la permission) de faire appel de la décision de la division générale.

[3] La division générale a conclu que la prestataire avait demandé des prestations d’assurance‑emploi tardivement. Elle a également conclu qu’elle n’avait pas de motif valable — une explication que la loi accepte — pour expliquer le retard pendant toute la période où elle était en retard. Cette période s’est déroulée du 1er octobre 2017 au 3 novembre 2022. Comme la division générale a conclu qu’elle n’avait pas de motif valable, elle n’a pas traité sa demande comme si elle l’avait présentée plus tôt. La division générale n’a donc pas antidaté sa demande au 1er octobre 2017.

[4] La prestataire était également en retard lorsqu’elle a déposé sa demande auprès de la division d’appel. Comme la demande de la prestataire à la division d’appel est tardive, je dois décider s’il y a lieu d’accorder une prolongation de délai. Je dois être convaincue que l’explication de la prestataire pour son retard est raisonnable. Si elle n’a pas d’explication raisonnable, cela met fin à l’appel. La prestataire affirme qu’elle a une explication raisonnable du retard.

[5] Si j’accorde une prolongation de délai, je dois quand même établir si l’appel a une chance raisonnable de succès. Autrement dit, il doit y avoir une cause défendable en droitNote de bas de page 1. Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, cela met fin à l’affaireNote de bas de page 2.

[6] La prestataire a une explication raisonnable pour justifier son retard. Toutefois, l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, je ne donne pas à la prestataire la permission d’aller de l’avant avec son appel.

Questions en litige

[7] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

  1. a) La demande présentée à la division d’appel était‑elle tardive?
  2. b) Si la demande l’était, devrais‑je prolonger le délai pour la déposer?
  3. c) Si j’accorde une prolongation de délai, peut‑on soutenir qu’il y a eu violation des principes de justice naturelle?

Analyse

La demande était tardive

[8] La prestataire reconnaît qu’elle était en retard lorsqu’elle a déposé sa demande. Le Tribunal de la sécurité sociale a envoyé par courriel une copie de la décision de la division générale à la prestataire et à sa conseillère le 1er décembre 2023. (La prestataire compte sur une conseillère des Services canadiens de l’ouïe pour obtenir du soutien en matière de communications et d’alphabétisation. La prestataire est sourde et l’anglais n’est pas sa langue maternelle. Les documents sont traduits de l’anglais écrit en langue des signes américaine pour la prestataire.)

[9] La prestataire est réputée avoir reçu une copie de la décision de la division générale le jour ouvrable suivant, soit le 4 décembre 2023Note de bas de page 3.

[10] Après avoir obtenu la décision de la division générale, la prestataire disposait de 30 jours pour déposer une demande de permission de faire appel auprès de la division d’appelNote de bas de page 4. Elle aurait dû déposer une demande au plus tard le 3 janvier 2024. Mais elle ne l’a fait que le 17 janvier 2024. Elle était en retard de 14 jours.

[11] Comme la prestataire n’a pas déposé sa demande à temps, elle doit obtenir une prolongation de délai.

Je prolonge le délai pour déposer la demande

[12] Pour décider s’il convient d’accorder une prolongation du délai, je dois établir si la prestataire a une explication raisonnable pour justifier son retardNote de bas de page 5.

[13] La prestataire affirme qu’elle était en retard parce que sa conseillère n’était pas disponible pour l’aider avant la date limite de dépôt. La conseillère de la prestataire a communiqué avec le Tribunal le 3 janvier 2024 et a demandé une prolongation. Elles se sont ensuite rencontrées pour discuter de son appel. La prestataire affirme que sa conseillère a déposé la demande tout de suite après leur rencontre pour discuter de l’appel.

[14] Je suis convaincue que la prestataire a une explication raisonnable du retard. Sa conseillère n’était pas disponible. La demande a été déposée dès après la rencontre avec sa conseillère. J’accorde une prolongation de délai.

[15] Je dois ensuite décider s’il convient d’accorder à la prestataire la permission de faire appel.

Je n’accorde pas à la prestataire la permission de faire appel

[16] La division d’appel rejette la demande de permission de faire appel si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Il y a une chance raisonnable de succès si la division générale a pu commettre une erreur de compétence, de procédure, de droit ou un certain type d’erreur de faitNote de bas de page 6. Concernant ces types d’erreurs de fait, la division générale devait avoir fondé sa décision sur une erreur commise de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissance.

La prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a enfreint les principes de justice naturelle

[17] La prestataire fait valoir qu’il y a eu un manquement aux principes de justice naturelle. Elle affirme qu’elle n’a pas reçu de copies de tous les dossiers entre le 1er octobre 2017 et le 2 novembre 2022. Elle dit notamment que le service canadien de relais vidéo n’a pas divulgué entièrement les dossiers de ses appels téléphoniques avec Service Canada.

[18] La prestataire affirme en outre que la défenderesse, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (par l’entremise de Service Canada), n’a pas divulgué tous ses dossiers entre le 1er octobre 2017 et le 2 novembre 2022.

[19] La prestataire soutient que les dossiers indiqueraient qu’elle a tenté d’appeler Service Canada plus souvent que ce que le dossier indique actuellement. Selon ce qu’elle affirme, cela laisse entendre que le fait qu’elle ait communiqué avec Service Canada démontre qu’elle n’était pas au courant du processus de demande d’assurance‑emploi.

[20] La division générale a tenté de contribuer à la production de documents dans la présente affaire en demandant à la Commission de produire ses documents qui, selon la prestataire, étaient pertinents et n’avaient pas déjà été produitsNote de bas de page 7.

[21] J’ai également demandé à la Commission de confirmer s’il y avait d’autres documents qu’elle n’avait pas déjà produits pour cette période.

[22] La Commission confirme avoir déjà produit tous les documents dont elle dispose pour la période s’échelonnant du 1er octobre 2017 au 2 novembre 2022 inclusivement. Elle confirme aussi qu’elle n’a pas de dossiers qui consignent les appels téléphoniques pour les autres datesNote de bas de page 8. En ce qui concerne la Commission, elle a divulgué tout le dossier de la demande.

[23] Si le service canadien de relais vidéo n’a pas communiqué les documents, la division générale n’en est pas responsable. La division générale ne possède pas le pouvoir de contraindre des parties ou de les amener à produire des documents qu’elle pourrait avoir en sa possession ou à sa disposition. Il n’était donc pas contesté que la division générale n’a pas ordonné au service canadien de relais vidéo de produire ses documents.

[24] La prestataire n’a pas signalé d’erreurs éventuelles au sens de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social que la division générale aurait pu commettre. Une partie prestataire n’est pas fondée à faire appel si la division générale n’a vraisemblablement pas commis d’erreurs de compétence, de procédure, de droit ou certains types d’erreurs de fait, ou si des erreurs ont été commises par d’autres parties ou des tiers non liés à l’appel.

[25] Je ne suis pas convaincue que la prestataire puisse soutenir que la division générale a commis une erreur de procédure ou qu’elle n’a pas observé un principe de justice naturelle.

La prestataire ne peut soutenir que la division générale a commis des erreurs de fait

La division générale a conclu que la prestataire avait un motif valable justifiant le retard entre 2017 et le 13 décembre 2021

[26] J’ai également examiné le dossier pour m’assurer que la division générale n’a ni négligé ni mal interprété l’un ou l’autre des éléments de preuve.

[27] Je note que la prestataire n’a pas eu à prouver qu’elle a communiqué avec la Commission entre 2017 et le 13 décembre 2021 pour démontrer qu’elle avait un motif valable justifiant son retard. La division générale a accepté que la prestataire ait eu un motif valable justifiant le retard de 2017 au 13 décembre 2021.

La division générale a conclu que la prestataire n’avait pas de motif valable après le 13 décembre 2021

[28] La division générale a conclu que la prestataire n’avait pas de motif valable après le 13 décembre 2021. Elle a constaté qu’au milieu de 2021, la prestataire était au courant du processus de demande de prestations d’assurance‑emploi. Après tout, elle avait présenté une demande différente en juillet 2021. La division générale a également conclu que la prestataire avait accès à des méthodes de communication avec la Commission au milieu de 2021Note de bas de page 9.

[29] La conseillère de la prestataire a résumé l’historique de l’appel de la prestataire. Elle a écrit :

[Traduction] 

Juillet 2021 — [la prestataire] a pris un congé de maladie et a appris à présenter une demande en ligne auprès d’une autre conseillère du Service canadien de l’ouïe. Elle a reçu un code et a réfléchi à son congé pour raisons médicales en 2017 et à la façon dont un code a été reçu maintenant, mais non en 2017.

Elle n’a pas abordé la question avant que les choses soient réglées en raison d’un congé pour raisons médicales.

19 octobre 2022 — Demande de service en ligne auprès d’une conseillère de la Société canadienne de l’ouïe

Premier appel — il faut revoir les dates inscrites au dossierNote de bas de page 10.

[30] La preuve appuie les conclusions de la division générale selon lesquelles la prestataire n’a pris aucune mesure pendant plusieurs mois et selon lesquelles elle n’avait donc pas de motif valable après le 13 décembre 2021.

[31] La prestataire nie qu’elle était au courant du processus d’assurance‑emploi ou qu’elle n’a pas été en mesure de communiquer avec la Commission sans l’aide de sa conseillère. Toutefois, comme l’a expliqué la conseillère, la prestataire ne s’est pas occupée de sa demande [traduction] « jusqu’à ce que les choses soient réglées par un congé pour raisons médicales »Note de bas de page 11. Ce n’est qu’à ce moment-là — après plusieurs mois déjà — qu’elle a communiqué avec les Services canadiens de l’ouïe pour obtenir de l’aide afin de poursuivre sa demande.

Conclusion

[32] Une prolongation de délai est accordée. La permission de faire appel est refusée parce que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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