Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 2015

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelant : D. M.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (607668) datée du 6 septembre 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Angela Ryan Bourgeois
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 29 novembre 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 11 décembre 2023
Numéro de dossier : GE-23-2865

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec l’appelant.

[2] L’appelant a démontré qu’il avait un motif valable justifiant son retard à demander des prestations. Autrement dit, l’appelant a donné une explication que la loi accepte. Cela signifie que la demande de l’appelant sera traitée comme si elle avait été présentée plus tôtNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant a demandé des prestations de pêcheur de l’assurance‑emploi le 5 juillet 2023Note de bas de page 2. Dans son formulaire de demande, il a demandé à la Commission de commencer sa demande de prestations de pêcheur pour une période de pêche hivernale le 28 mai 2023Note de bas de page 3.

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a refusé de commencer sa période de prestations le 28 mai 2023. Elle l’a commencée le 2 juillet 2023Note de bas de page 4.

[5] Je dois décider si l’appelant a prouvé qu’il avait un motif valable de ne pas demander de prestations plus tôt.

[6] La Commission affirme que l’appelant n’avait pas de motif valable parce qu’une personne raisonnable aurait fait sa demande en temps opportun après la fin de son voyage de pêche le 27 mai 2023, mais que l’appelant ne l’a pas fait. Elle dit que l’appelant aurait pu communiquer avec elle pour dissiper ses doutes quant à son admissibilité à des prestations, mais qu’il n’a pris aucune mesure pour s’informer de ses droits et obligations sous le régime de la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi)Note de bas de page 5.

[7] L’appelant affirme que la saison de pêche en question a été mauvaise et qu’il a subi beaucoup de stress. Il n’a jamais raté la date limite auparavant et il ne la ratera plusNote de bas de page 6.

Question en litige

[8] La demande de prestations de l’appelant peut‑elle être traitée comme si elle avait été présentée le 28 mai 2023? C’est ce qu’on appelle l’antidatation de la demande.

Analyse

[9] Pour que sa demande de prestations soit antidatée, une personne doit prouver les deux éléments suivantsNote de bas de page 7 :

  1. a) Elle avait un motif valable justifiant son retard durant toute la période de celui-ci. Autrement dit, elle a une explication qui est acceptable selon la loi.
  2. b) Elle était admissible aux prestations à cette date antérieure (soit la date à laquelle elle souhaite que sa demande soit antidatée).

[10] Il n’est pas contesté que l’appelant était admissible à des prestations à cette date antérieure.

[11] La question à trancher dans le présent appel est celle de savoir si l’appelant avait un motif valable justifiant son retard.

[12] Pour prouver qu’il avait un motif valable, l’appelant doit démontrer qu’il a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable et prudente dans des circonstances semblablesNote de bas de page 8. En d’autres termes, il doit démontrer qu’il a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable et réfléchie si elle s’était trouvée dans une situation semblable.

[13] L’appelant doit démontrer qu’il a agi ainsi pour toute la période du retardNote de bas de page 9. Cette période va de la date à laquelle il veut que sa demande soit antidatée à la date à laquelle il a réellement présenté sa demande. Ainsi, pour l’appelant, la période du retard va du 28 mai 2023 au 5 juillet 2023. Il a raté d’une semaine et demie la période visée par la règle des quatre semaines suivie par la CommissionNote de bas de page 10.

[14] L’appelant doit également démontrer qu’il a rapidement pris des mesures pour comprendre son admissibilité aux prestations et les obligations que lui impose la loiNote de bas de page 11. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il a tenté de connaître ses droits et ses responsabilités dès que possible et du mieux qu’il le pouvait. Si l’appelant n’a pas pris de telles mesures, il doit démontrer que des circonstances exceptionnelles l’en ont empêchéNote de bas de page 12.

[15] L’appelant doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait un motif valable justifiant le retard.

[16] L’appelant affirme qu’il avait un motif valable justifiant le retard parce qu’il a raté la date limite par erreur. Ça a été une saison de pêche stressante. Il a oublié de faire sa demande en plein milieu de la saison de pêche, mais il a fait sa demande dès que celle‑ci a été terminée.

[17] L’appelant m’a dit qu’il savait qu’il y avait des dates précises pour présenter une demande de prestations de pêcheur pour une période de pêche hivernale. Il ne connaissait pas la règle de la période de quatre semaines dans laquelle il fallait présenter une demande de prestations de pêcheur de l’assurance‑emploi. Il pêche et demande des prestations de pêcheur de l’assurance‑emploi depuis plus de 45 ans. Il n’a jamais raté la date limite.

[18] L’appelant a expliqué que lorsqu’il a écrit dans sa demande de révision qu’il ne savait pas s’il serait admissible à des prestations d’assurance‑emploi, il voulait dire qu’au tout début de la saison, alors que la pêche était si mauvaise, il ne savait pas s’il pourrait pêcher suffisamment pour être admissible. Il savait qu’il serait admissible au moment où il a obtenu son relevé d’emploi.

[19] La Commission affirme que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant son retard. Elle ajoute qu’une mauvaise saison de pêche ne démontre pas l’existence d’un motif valableNote de bas de page 13. Elle soutient que rien n’a empêché l’appelant de faire une demande; il a simplement oublié de le faireNote de bas de page 14. La Commission affirme que l’appelant n’a pris aucune mesure pour communiquer avec elle au sujet de son admissibilité à des prestations d’assurance‑emploi avant le 5 juillet 2023, ce qui démontre qu’il n’a pas agi comme le ferait une personne raisonnable dans sa situation. Elle dit que son inaction témoigne d’une absence d’intérêt ou d’effort pour savoir s’il serait admissible ou ce qu’il devait faireNote de bas de page 15.

[20] Je conclus que l’appelant a démontré qu’il avait un motif valable de demander des prestations en retard. Voici mes motifs.

[21] En général, une personne raisonnable et prudente aurait appelé Service Canada ou se serait rendue dans un Centre Service Canada pour s’informer de son admissibilité à des prestations d’assurance‑emploi. Toutefois, compte tenu de la situation de l’appelant, je conclus qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente même s’il n’en a rien fait. Sans savoir qu’il devait faire une demande dans un délai de quatre semaines, l’appelant demande des prestations d’assurance‑emploi dans les délais prescrits depuis plus de 40 ans. Compte tenu de ces circonstances, il était raisonnable pour lui de croire qu’il pouvait présenter une demande lorsqu’il l’a fait. Il était raisonnable pour lui de ne pas communiquer avec Service Canada. Compte tenu de son expérience, même une personne prudente n’aurait pas cru nécessaire de demander plus de renseignements à Service Canada.

[22] Je ne suis pas d’accord avec l’affirmation de la Commission selon laquelle l’inaction de l’appelant témoigne d’un manque d’intérêt ou d’effort pour savoir s’il était admissible et ce qu’il devait faire. Je conclus que l’appelant a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable et prudente dans sa situation. Une telle personne, recevant des prestations de pêcheur de l’assurance‑emploi depuis 40 ans, n’aurait pas eu besoin d’appeler Service Canada pour s’informer de son admissibilité à des prestations. Il savait que la rémunération figurant sur son relevé d’emploi lui donnerait droit à des prestations d’assurance‑emploi.

[23] L’appelant n’a pas pris de mesures raisonnablement rapides pour se renseigner sur ses droits et obligations sous le régime de la Loi. Mais il n’y a rien de mal à cela, car des circonstances exceptionnelles expliquent son retard. Il demande des prestations de pêcheur de l’assurance‑emploi dans les délais depuis plus de 40 ans, même s’il n’était pas au courant de la règle de la période de quatre semaines. Compte tenu de cette expérience de plusieurs décennies, il aurait été extraordinaire pour lui de penser qu’il avait besoin de plus de renseignements.

Conclusion

[24] L’appelant a démontré qu’il avait un motif valable justifiant son retard à demander des prestations pendant toute la période du retard. Cela signifie que sa demande de prestations sera traitée comme si elle avait été faite le 28 mai 2023.

[25] Le régime d’assurance‑emploi, surtout en ce qui concerne les prestations de pêcheur de l’assurance‑emploi, est complexe et évolue au fil du temps. Par conséquent, si l’appelant présente une nouvelle demande de prestations d’assurance‑emploi, je l’encourage à demander des renseignements et des conseils à Service Canada au sujet de ses droits et obligations sous le régime de la LoiNote de bas de page 16.

[26] L’appel est accueilli.

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