Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 341

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance emploi du Canada (631269) datée du
29 novembre 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Elyse Rosen
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 2 février 2024
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 3 février 2024
Numéro de dossier : GE-24-100

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant n’a pas prouvé qu’il satisfait aux conditions pour faire antidater sa demande de renouvellement de prestations régulières.

Aperçu

[3] Le 12 juin 2023, l’appelant a présenté une demande initiale de prestations de maladie de l’assurance-emploi. Il s’est blessé en novembre 2022 et n’a pu travailler qu’à compter du 7 mai 2023. La demande a pris effet le 20 novembre 2022.

[4] Le 21 septembre 2023, l’appelant a demandé à la Commission de l’assurance‑emploi du Canada de convertir la demande en demande de prestations régulières. Il requiert que sa demande de prestations régulières prenne effet le 7 mai 2023. Il affirme qu’il s’agissait de la date à laquelle il est devenu capable de travailler et disponible à cette fin.

[5] La Commission a refusé de traiter sa demande comme si elle avait été présentée le 7 mai 2023. Elle indique que l’appelant n’a pas de motif valable justifiant le retard à présenter sa demande de prestations régulières. Elle soutient qu’une personne raisonnable se serait renseignée sur ses droits et obligations concernant les prestations régulières et aurait présenté la demande plus tôt.

[6] L’appelant croit qu’il a un motif valable justifiant le retard.

[7] Il soutient qu’en tant que nouvel arrivant au Canada, il ne connaissait pas du tout le concept de l’assurance‑emploi. Ce concept n’existe pas dans son pays. Il n’avait donc aucun moyen de savoir qu’il devrait s’informer de ses droits et obligations à l’égard de l’assurance‑emploi.

[8] Il soutient que le retard dans la présentation de sa demande est attribuable à la Commission.

[9] Il croit que lorsqu’il a appelé la Commission pour en apprendre davantage au sujet des prestations de maladie, celle‑ci aurait dû l’informer qu’une fois rétabli, il pourrait être admissible à des prestations régulières.

[10] À la fin de juin ou au début de juillet, un ami lui a appris l’existence des prestations régulières. Il a tout de suite appelé la Commission pour savoir s’il était admissible et quand il devait présenter une demande. Il soutient que l’agente avec laquelle il s’est entretenu lui a dit qu’il avait jusqu’au 17 novembre 2023 pour présenter une demande. Il affirme que s’il n’avait pas été mal informé par l’agente, il aurait présenté une demande plus tôt.

[11] Il soutient que, comme la Commission a antidaté sa demande de prestations de maladie sans qu’il en ait fait la demande, il a supposé que toutes les demandes pouvaient l’être à la date d’admissibilité. Il a donc conclu qu’il n’était pas urgent de présenter une demande plus tôt qu’il ne l’avait fait.

Question en litige

[12] La demande de prestations de l’appelant peut-elle être antidatée à une date antérieure?

Analyse

[13] La loi permet à une partie prestataire de demander qu’une demande, autre qu’une demande initiale de prestations, soit traitée comme si elle avait été présentée à une date antérieureNote de bas de page 1. C’est ce qu’on appelle l’antidatation de la demandeNote de bas de page 2.

[14] Pour que sa demande soit antidatée, une personne doit prouver qu’elle a un motif valable justifiant le retard à présenter sa demande pendant toute la période du retard (c’est-à-dire la période entre le jour où la personne veut que sa demande soit antidatée et le jour où elle a présenté sa demande)Note de bas de page 3.

[15] Dans le cas de l’appelant, cette période s’échelonne du 7 mai au 21 septembre 2023.

[16] Pour prouver qu’il avait un motif valable, l’appelant doit démontrer qu’il a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable et prudente dans des circonstances semblablesNote de bas de page 4. Autrement dit, il doit démontrer qu’il a fait preuve du même niveau de soin, d’attention et de bon sens dont quiconque se trouvant dans une situation semblable aurait fait preuve.

[17] L’appelant doit également démontrer qu’il a rapidement pris des mesures pour comprendre son admissibilité aux prestations d’assurance‑emploi et la façon et le moment de les demanderNote de bas de page 5. Cela signifie que l’appelant doit démontrer qu’il a tenté de connaître ses droits et ses responsabilités en vertu de la loi dès que possible et du mieux qu’il le pouvait. Si l’appelant n’a pas pris de telles mesures, il doit démontrer que des circonstances exceptionnelles l’en ont empêchéNote de bas de page 6.

[18] Le fardeau de la preuve incombe à l’appelant. C’est donc dire qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait un motif valable pour lequel il n’a pas présenté sa demande plus tôt.

[19] Le motif valable justifiant le retard est interprété très strictementNote de bas de page 7. Cela s’explique par le fait qu’il est difficile pour la Commission d’administrer les demandes et d’examiner correctement l’admissibilité d’une partie prestataire à des prestations lorsque sa demande de prestations n’est pas présentée rapidementNote de bas de page 8. Donc, une demande peut être antidatée seulement dans des circonstances exceptionnelles.

L’appelant a‑t‑il démontré qu’il avait un motif valable justifiant son retard?

[20] Je conclus que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant le retard à demander des prestations régulières.

[21] L’appelant soulève trois arguments principaux pour soutenir qu’il avait un motif valable justifiant la raison pour laquelle il n’a pas présenté sa demande de prestations régulières plus tôt :

  • l’ignorance de la loi
  • le défaut de la Commission de lui fournir des renseignements complets au sujet du régime d’assurance‑emploi
  • les renseignements trompeurs fournis par la Commission au sujet de la période du retard au cours de laquelle il a dû demander des prestations régulières.

[22] L’appelant soutient également que l’application par la Commission de l’exception relative à l’antidatation est incohérente. Il est illogique pour lui que la Commission ait antidaté de sa demande de prestations de maladie sans même le lui demander, alors que la seule raison du retard était l’ignorance de la loi. Pourtant, la Commission refuse maintenant d’antidater sa demande de prestations régulières même si l’appelant a été induit en erreur par la Commission au sujet de cette demande.

[23] À son avis, l’exception doit être appliquée de façon uniforme et la Commission doit accepter d’antidater également sa demande de prestations régulières.

Ignorance de la loi

[24] L’appelant affirme qu’il ignorait l’existence des prestations d’assurance‑emploi.

[25] Je suis sensible à son argument selon lequel il est un nouvel arrivant au Canada et selon lequel il ne connaît pas la loi du pays. Cependant, selon la jurisprudence, l’ignorance de la loi ne constitue pas un motif valable pour retarder le dépôt d’une demande de prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 9. Et je ne suis pas en mesure de conclure que le statut de nouvel arrivant constitue une circonstance exceptionnelle. Les nouveaux arrivants doivent tout mettre en œuvre pour apprendre les lois du Canada.

[26] L’appelant a déclaré qu’il avait vu que des prestations d’assurance‑emploi étaient déduites de ses chèques de paie, mais qu’il ignorait à quoi elles s’appliquaient. À mon avis, une personne raisonnable se serait renseignée. S’il l’avait fait, il aurait appris l’existence du régime d’assurance‑emploi et aurait pu s’informer davantage sur son fonctionnement.

[27] De plus, l’appelant a pris connaissance des prestations de maladie de l’assurance‑emploi en mai 2023. À mon avis, une personne raisonnable qui se renseignait pour la première fois sur l’assurance‑emploi aurait été invitée à poser des questions sur d’autres prestations éventuelles qu’elle ne connaissait peut-être pas, ou à effectuer des recherches pour elle-même. Si l’appelant l’avait fait, il aurait appris qu’il pourrait avoir droit à des prestations régulières et à des prestations de maladie.

Défaut de la Commission de fournir des renseignements complets

[28] L’appelant affirme que dès qu’il a pris connaissance des prestations de maladie de l’assurance‑emploi, il a appelé la Commission pour en apprendre davantage au sujet de ces prestations et de ce qu’il devait faire pour les obtenir.

[29] L’appelant soutient qu’au cours de cet appel, la Commission aurait également dû l’informer de son droit à des prestations régulières. Je ne suis pas d’accord.

[30] L’appelant a appelé la Commission pour s’informer au sujet des prestations de maladie en juin 2023. À l’époque, il était déjà assez bien pour reprendre le travail et avait commencé à chercher du travail. Toutefois, l’appelant n’a pas communiqué ces faits à l’agente à ce moment‑là. Il n’y avait donc aucun moyen pour l’agente de savoir que l’appelant pourrait également être admissible à des prestations régulières. Ils n’avaient aucune raison d’offrir des renseignements au sujet des prestations régulières.

[31] Dans tous les cas, même si l’appelant avait communiqué ces renseignements à l’agente, la jurisprudence estime que les agents de la Commission n’ont pas l’obligation de traiter de façon proactive tous les droits et obligations éventuels d’un prestataireNote de bas de page 10. Il incombait à l’appelant de poser des questions directes pour obtenir les renseignements dont il avait besoin pour comprendre tous ses droits et obligations en vertu de la loi.

[32] De plus, l’appelant a déclaré qu’il n’a parlé à la Commission qu’en juin 2023. Donc, même si la Commission avait informé l’appelant de ses droits et obligations à l’égard des prestations régulières à ce moment‑là, et même si l’appelant avait donné suite à ces renseignements, la période de retard entre le 7 mai 2023 et le moment de cet appel téléphonique n’aurait pas été expliquée pour autant. En vertu de la loi, l’appelant doit démontrer qu’il a un motif valable pour toute la période du retard pour pouvoir faire antidater sa demande.

Renseignements trompeurs

[33] Après avoir appris l’existence des prestations régulières d’assurance‑emploi, l’appelant a déclaré qu’il a appelé la Commission au début de juillet pour savoir s’il était admissible.

[34] On lui a dit qu’il est devenu admissible à des prestations régulières à partir du moment où il est devenu en mesure de travailler et où il a commencé à chercher du travail.

[35] L’appelant a également demandé quand il devait présenter une demande de prestations régulières. Selon ce qu’il affirme, on lui a dit qu’il pouvait demander des prestations régulières en tout temps avant le 17 novembre 2023. Après cette date, il devrait accumuler 700 heures d’emploi assurable pour présenter une demande.

[36] Il affirme avoir été mal informé et s’être fié à ces renseignements à ses dépens.

[37] Cependant, l’appelant n’a pas été mal informé. Les renseignements fournis par l’agente sont exacts. Il pouvait demander des prestations régulières en tout temps au cours de la période de prestations qui a commencé le 20 novembre 2022.

[38] Toutefois, les renseignements fournis par l’agente étaient peut‑être incomplets. Il semble que l’agente n’ait peut-être pas dit à l’appelant qu’il ne recevrait des prestations qu’à partir du moment de sa demandeNote de bas de page 11. Il semble également qu’elle n’ait rien dit à l’appelant au sujet des conditions d’antidatation d’une demande.

[39] Cependant, comme je l’ai déjà expliqué, les agents de la Commission n’ont aucune obligation de prendre l’initiative de fournir aux parties prestataires des renseignements qu’ils n’ont pas expressément demandés.

[40] L’appelant a confirmé qu’il n’avait rien demandé à l’agente au sujet de la nécessité d’antidater sa demande pour la rendre effective à compter du 7 mai 2023. Il affirme qu’il a simplement supposé que la demande serait antidatée parce que c’est ce qui s’est produit avec sa demande de prestations de maladie.

[41] Bien que je puisse comprendre pourquoi l’appelant a interprété à tort ce qu’on lui a dit comme signifiant qu’il avait jusqu’au 17 novembre pour demander des prestations régulières, et bien que je puisse également comprendre pourquoi il a supposé que sa demande serait automatiquement antidatée, je crois qu’une personne raisonnable dans sa situation aurait vérifié sa compréhension et posé d’autres questions.

[42] C’est d’autant plus vrai que l’appelant a déclaré que les renseignements qu’il a obtenus de la Commission étaient rarement cohérents. Il dit qu’un agent lui dirait une chose et qu’un autre lui dirait quelque chose de complètement différent en réponse à la même question.

[43] Il me semble qu’une personne qui a conclu que les renseignements reçus de la Commission étaient incohérents aurait pris des mesures supplémentaires pour s’assurer que l’explication obtenue au sujet du retard à demander des prestations régulières était correcte.

[44] Contrairement à ce qu’il soutient, l’appelant n’a pas été mal informé par la Commission. Il en est arrivé à une conclusion erronée, en partie parce qu’il croyait que sa demande de prestations régulières serait antidatée et en partie parce qu’il n’a pas posé de questions qui lui auraient permis de clarifier sa compréhension du délai dans lequel il devait présenter sa demande de prestations régulièresNote de bas de page 12.

[45] S’il avait demandé à l’agente de confirmer son hypothèse selon laquelle sa demande serait automatiquement antidatée, il aurait appris que son hypothèse était erronée et qu’il devrait présenter sa demande de prestations régulières dès que possible, au lieu d’attendre jusqu’au 21 septembre 2023.

Application incohérente des règles sur l’antidatation

[46] L’appelant affirme que la Commission semble appliquer les règles relatives à l’antidatation au hasard.

[47] Il souligne qu’il n’avait pas de meilleure raison de retarder sa demande de prestations de maladie qu’en ce qui concerne sa demande de prestations régulières. En fait, il a maintenant de meilleures raisons parce qu’il croit avoir été mal informé. Pourtant, sa demande de prestations de maladie a été antidatée automatiquement, sans même qu’il soit nécessaire de demander une antidatation. En outre, sa demande d’antidatation de sa demande de prestations régulières a été refusée. Il ne peut pas comprendre la base d’un tel traitement différent.

[48] La Commission a expliqué qu’elle a permis une antidatation dans le cas de la demande de prestations de maladie en raison de la nature de la demande et d’une politique plus clémente en ce qui concerne les demandes de prestations spéciales.

[49] D’après la preuve au dossier, je conviens avec l’appelant qu’il n’avait pas de meilleurs motifs d’obtenir une antidatation à l’égard de sa demande de prestations de maladie qu’à l’heure actuelle.

[50] Toutefois, le fait que la Commission ait autorisé quelque chose qui, en droit, n’aurait pas dû l’être selon mes conclusions ne signifie pas que l’appelant devrait avoir droit à une antidatation dans des circonstances où l’antidatation n’est pas justifiée pour une deuxième fois.

[51] Je peux comprendre la frustration de l’appelant concernant le traitement incohérent de ses demandes de prestations de maladie et de prestations régulières. Je reconnais que ce traitement lui a donné l’impression que la Commission applique la loi à son gré. Toutefois, je dois appliquer la loi, qu’elle ait été appliquée de façon appropriée ou non par la Commission dans le passé.

[52] Je ne suis donc pas d’accord avec l’appelant pour dire que sa demande d’antidatation doit être accueillie cette fois parce qu’elle l’a été la dernière fois.

Conclusion

[53] Je conclus que l’appelant ne satisfait pas aux conditions requises pour que sa demande de prestations régulières soit antidatée. Il n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant le retard dans la présentation de sa demande pendant toute la période du retard.

[54] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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