Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 2041

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. R.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (599049) rendue le 28 juillet 2023 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : John Rattray
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 12 octobre 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 26 octobre 2023
Numéro de dossier : GE-23-2385

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant a perdu son emploi de préposé aux services de soutien à la personne dans un établissement de soins de longue durée. Son employeur a expliqué qu’il a été congédié parce qu’il a enfreint les politiques et les procédures de sécurité de l’entreprise.

[4] Selon l’appelant, on ne lui a jamais dit qu’il faisait quelque chose de mal. Il ajoute que l’employeur l’a congédié parce que son syndicat ne l’a pas représenté comme il se doit et n’a pas déposé de grief sur son congédiement et les suspensions qu’il avait subies au préalable.

[5] La Commission a accepté la raison fournie par l’employeur pour expliquer le congédiement. Elle a décidé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle a donc conclu qu’il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question que je dois examiner en premier

[6] Après l’audience, l’appelant a déposé des documents inattendus. J’ai dit que je les acceptais parce que, dans l’un d’eux, l’appelant révise sa position sur le moment où il a reçu un avertissement verbal. Le deuxième document est une copie de la déclaration écrite que l’appelant a lue à l’audience à titre d’observations. Je conclus que l’admission de ces documents ne cause aucun préjudice.

Question en litige

[7] L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] Pour savoir si l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois déterminer la raison pour laquelle il a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

[9] Je conclus que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il a enfreint les politiques de sécurité même après avoir suivi une formation, assisté à une séance d’orientation, reçu des avertissements et subi des suspensionsNote de bas de page 2. Contrairement aux politiques de sécurité de l’employeur, l’appelant a emporté une boîte de gants dans une chambre protégée par un avertissement de risque d’infection, puis il est sorti de la chambre avec la boîte. Ce qu’il a fait est enregistré sur vidéo.

[10] L’appelant et la Commission ne s’entendent pas sur la raison pour laquelle l’appelant a perdu son emploi. Selon la Commission, la raison fournie par l’employeur est la véritable raison du congédiement. L’employeur lui a dit que l’appelant a été congédié parce qu’il n’avait pas respecté les politiques de sécurité de l’employeur ni rempli ses obligations aux termes de ces politiquesNote de bas de page 3.

[11] L’appelant convient qu’il a été congédié en raison des protocoles de prévention et de contrôle des infectionsNote de bas de page 4. Cependant, il dit qu’il ignorait qu’il ne fallait pas emporter une boîte de gants dans une chambre visée par un avertissement de risque d’infection et en ressortir avec la boîte. Il ajoute que rien ne prouve que la boîte était contaminée.

[12] L’appelant fait aussi valoir que son syndicat ne l’a pas représenté comme il se doit et n’a pas présenté de griefs sur son congédiement et les suspensions qu’il a subies auparavant.

[13] Je préfère la preuve de la Commission (qui provient de l’employeur) au témoignage de l’appelant. Je n’ai aucune raison de douter de la raison que l’employeur a donnée à la Commission et qui figure dans la lettre de congédiement. Elle est logique et concorde avec les événements et les documents.

[14] Je conclus que l’appelant a été congédié pour avoir enfreint les politiques de sécurité de l’employeur. Il n’a pas respecté les politiques et les protocoles de sécurité. La question de savoir si la boîte de gants était réellement contaminée n’est pas pertinente. Il faut plutôt savoir s’il a enfreint les politiques et les protocoles de sécurité.

La raison du congédiement est-elle une inconduite au sens de la loi?

[15] La raison pour laquelle l’appelant a été congédié est une inconduite au sens de la loi.

[16] Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il faut que la conduite soit délibérée. En d’autres termes, il faut que la conduite soit consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 5. Une inconduite, c’est aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 6. Il n’est pas nécessaire que la personne ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 7.

[17] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et que la possibilité de se faire renvoyer pour cette raison était bien réelleNote de bas de page 8.

[18] La Commission doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 9.

[19] Selon la Commission, il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’appelant a enfreint les politiques de sécurité de l’entreprise, y compris la politique de prévention et de contrôle des infections et la politique sur l’usage des gants et l’hygiène des mains, il a enfreint le code de conduite du personnel, il a violé la charte des droits des résidentes et résidents, et il a commis un abus de confiance.
  • L’appelant n’a pas respecté les politiques et les protocoles de sécurité, ce qui aurait pu entraîner une grave contamination de l’établissement où il travaillait et avoir des répercussions sur les personnes âgées.
  • Il avait déjà été averti et suspendu pour violation des politiques et des protocoles de l’employeur et il savait donc qu’il risquait de subir d’autres mesures disciplinaires pour ses manquements.
  • Le billet médical recommandant le port des gants a été fourni par l’appelant après son congédiement et ne confirme pas le non-respect des politiques et des protocoles de sécurité.
  • L’appelant avait le droit de porter des gants.
  • L’appelant s’inquiète de la façon dont son syndicat l’a représenté lors de suspensions antérieures, mais cette question n’est pas en litige dans la présente affaire.
  • Il n’y a aucun grief syndical ou arbitrage en cours pour son congédiement.

[20] Selon l’appelant, il n’y a pas eu d’inconduite pour les raisons suivantes :

  • Il avait compris que les avertissements sur le non-respect des politiques et des protocoles de sécurité étaient des rappels, et non pas des mesures disciplinaires.
  • Il croyait que, s’il désinfectait la surface où il déposait la boîte de gants dans la salle de bain, il respectait les politiques de sécurité.
  • Personne ne lui avait dit d’arrêter d’emporter les boîtes de gants dans les chambres de la résidence.
  • L’employeur n’a pas prouvé que la boîte de gants était contaminée quand le prestataire l’a emportée dans la chambre et qu’il est ressorti avec la boîte.
  • Il avait déjà parlé à l’employeur de sa dermatite de contact, qui l’obligeait à porter des gants, mais il a fourni le billet médical seulement après son congédiement.
  • Il ne se lavait pas les mains quand il portait des gants.
  • Le syndicat l’a mal représenté et n’est pas allé en arbitrage pour contester son congédiement.

[21] J’accepte la preuve de l’appelant selon laquelle il a toujours cru qu’il protégeait les résidentes et résidents s’il utilisait des désinfectants et des produits nettoyants. Je juge cependant que son témoignage voulant qu’il respectait les politiques et protocoles de l’employeur n’était pas crédible, car il avait déjà reçu des avertissements et subi des suspensions dans le passé.

[22] Je juge que la preuve de l’appelant manque de cohérence. Dans les observations écrites qu’il a déposées avant l’audience et lors de ses discussions avec la Commission, il a précisé avoir reçu un avertissement verbal sur l’usage des gants en février 2023Note de bas de page 10. Mais après l’audience, il a envoyé un document indiquant que l’avertissement verbal remontait à 2021Note de bas de page 11.

[23] Voici pourquoi je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite :

  • L’appelant et la Commission s’entendent pour dire que l’appelant avait déjà subi trois suspensions et reçu un avertissement verbal pour non-respect des politiques de l’employeurNote de bas de page 12.
  • Les lettres de suspension avisaient l’appelant que tout autre [traduction] « problème dans l’exécution de ses tâches pourrait entraîner d’autres mesures disciplinaires progressives pouvant aller jusqu’au congédiement motivéNote de bas de page 13 ».
  • La preuve de l’employeur était cohérente et crédible. Elle démontrait que l’appelant connaissait les politiques et les protocoles de sécurité de l’employeur, mais ne les respectait pas.
  • L’appelant a assisté à une séance d’orientation et reçu de la formation sur les politiques et les protocoles de sécurité de l’employeur.
  • Le code de conduite adopté par l’employeur exige le respect des règles et des pratiques de santé et de sécurité. Il dit au personnel qu’en cas de doute sur ce qu’il faut faire, mieux vaut [traduction] « poser la question avant d’agirNote de bas de page 14 ».
  • La charte des droits des résidentes et résidents précise que les personnes qui résident dans l’établissement ont le droit de recevoir les soins appropriés et d’obtenir l’aide des prestataires de soins de façon soutenue et sécuritaireNote de bas de page 15.
  • La façon dont l’appelant a décrit l’avertissement verbal qu’il a reçu en février 2023, c’est-à-dire comme étant plus un rappel qu’un avertissement sur le respect des politiques de sécurité, n’est pas crédible étant donné la preuve.
  • Après l’avertissement verbal, si l’appelant n’était pas certain de la façon de se conformer aux politiques et aux protocoles de l’employeur, il aurait dû au moins demander des précisions à la direction.
  • L’appelant admet avoir emporté une boîte de gants dans une chambre visée par un avertissement de risque d’infection et être ressorti de la chambre avec la boîte.
  • La preuve de l’employeur veut que la façon dont l’appelant a manipulé la boîte de gants contrevenait à ses politiques et protocoles de sécurité, dont la politique de prévention et de contrôle des infections et le protocole sur le port des gants et l’hygiène des mains, ainsi qu’au code de conduite du personnel et à la charte des droits des résidentes et résidents.
  • Je préfère la preuve de la Commission à celle de l’appelant, qui portait surtout sur la question de savoir si l’employeur avait prouvé que la boîte de gants était contaminée plutôt que sur la question du respect des politiques de sécurité.
  • Le billet du médecin concernant l’usage des gants a été présenté après le congédiement de l’appelant et n’a pas établi de motif justifiant la violation des politiques et des protocoles de sécurité.

Autres questions soulevées par l’appelant

[24] Durant l’audience, j’ai expliqué à l’appelant que la compétence du Tribunal se limitait à la décision de la Commission dont il faisait appel. Ses allégations de diffamation, de médisance, de calomnie et de congédiement injustifié ne sont pas des questions que je peux régler. De même, j’estime que ses arguments sur la piètre représentation offerte par son syndicat n’ont rien à voir avec les questions que je dois trancher aux termes de la loi.

[25] L’appelant a confirmé que son congédiement ne fait l’objet d’aucun grief ou arbitrage en cours. Ainsi, je n’ai pas à attendre la conclusion d’une autre procédure avant de décider s’il a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Somme toute, l’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[26] Compte tenu des conclusions que je viens de tirer, je juge que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[27] La Commission a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Il est donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[28] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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