Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : WG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 467

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : W. G.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 8 mars 2024
(GE-24-8)

Membre du Tribunal : Stephen Bergen
Date de la décision : Le 2 mai 2024
Numéro de dossier : AD-24-261

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Décision

[1] Je refuse la permission de faire appel. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] W. G. est le demandeur dans cette affaire. Je l’appellerai « prestataire » parce que ma décision concerne la demande de prestations parentales de l’assurance-emploi que lui et son épouse ont présentée.

[3] L’enfant du prestataire est né le 30 décembre 2022. Son épouse a demandé des prestations de maternité et des prestations parentales à la défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada. Elle a choisi l’option des prestations parentales prolongées.

[4] La Loi sur l’assurance-emploi permet aux parents de partager les semaines de prestations parentales. Lorsqu’ils choisissent les prestations prolongées, ils ont droit à 69 semaines. Dans sa demande du 10 janvier 2023, l’épouse du prestataire a demandé 35 semaines de prestations parentales prolongées. Le 12 janvier 2023, le prestataire a demandé les 34 semaines de prestations restantes.

[5] Le prestataire prévoyait de diviser ses 35 semaines en deux périodes. Il a pris un congé parental initial de 10 semaines du 8 janvier au 18 mars 2023. Il avait l’intention de prendre les 24 autres semaines plus tard.

[6] Quand il a demandé de commencer son deuxième congé parental en janvier 2024, son employeur l’a informé qu’il ne pouvait pas le faire. En effet, la loi provinciale sur les normes d’emploi l’empêchait de diviser son congé parental en périodes distinctes. Par conséquent, il ne pouvait pas recevoir toutes les semaines de prestations prolongées qu’il avait prévues. Son épouse et lui ont alors demandé à la Commission de modifier leur choix pour passer du taux de prestations prolongées au taux plus élevé des prestations standards. La Commission a refusé. Lorsque le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision, elle l’a maintenue.

[7] Le prestataire a fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, mais celle-ci a rejeté son appel. Il demande maintenant la permission de faire appel à la division d’appel.

[8] Je refuse la permission de faire appel. Le prestataire n’a aucun argument défendable qui lui permet de soutenir que la division générale a commis une erreur d’équité procédurale ou de droit.

Questions préliminaires

[9] Lorsque des parents partagent les prestations parentales, le parent qui présente la demande en premier peut choisir l’option des prestations parentales standards ou prolongées. Le choix du premier parent lie l’autre parent.

[10] Dans la présente affaire, l’épouse du prestataire a présenté sa demande en premier et a choisi les prestations prolongées. Toutefois, le prestataire a découvert qu’il ne pouvait pas recevoir toutes les prestations prolongées. Le prestataire et son épouse ont donc décidé qu’ils voulaient modifier leur choix pour que toutes leurs prestations soient versées au taux normal. Les deux ont fait appel à la division générale lorsque la Commission a rejeté leur demande, et les deux ont porté leurs décisions de la division générale en appel à la division d’appel.

[11] La preuve, le droit, les questions en litige et l’analyse sont essentiellement les mêmes dans les deux appels.

[12] J’ai rendu une décision distincte pour chaque appel, mais les deux décisions et les motifs sont identiques, excepté les modifications que j’ai faites pour adapter chaque décision à la bonne personne.

Question en litige

[13] Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur d’équité procédurale, car elle aurait tranché cette affaire différemment des affaires semblables?

[14] Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que le prestataire ne pouvait pas modifier son choix?

[15] Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de fait, car elle aurait ignoré que le prestataire avait entendu de la part d’autres sources que des exceptions permettaient d’annuler son choix?

Je n’accorde pas la permission de faire appel

Principes généraux

[16] Pour que j’accorde au prestataire la permission de faire appel, ses motifs doivent correspondre aux « moyens d’appel » possibles. Les moyens d’appel sont les types d’erreurs dont je peux tenir compte.

[17] Je peux examiner seulement les erreurs suivantes :

  1. a) La procédure de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. b) La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a décidé d’une question qui dépassait sa compétence (erreur de compétence).
  3. c) La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. d) La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droitNote de bas de page 1.

[18] Pour accueillir une demande de permission de faire appel et permettre à un appel d’aller de l’avant, je dois conclure qu’au moins un des moyens d’appel a une chance raisonnable de succès. Les tribunaux ont assimilé une chance raisonnable de succès à une « cause défendable »Note de bas de page 2.

Équité procédurale

[19] Le seul moyen d’appel que le prestataire a sélectionné quand il a rempli sa demande à la division d’appel concerne l’équité procédurale.

[20] Toutefois, il n’a pas démontré que l’on pouvait soutenir que la division générale avait agi de manière inéquitable sur le plan procédural.

[21] L’équité procédurale concerne le caractère équitable de la procédure comme telle. Toute partie qui se présente devant la division générale a droit à des garanties procédurales, dont le droit d’être entendue, de connaître les arguments avancés contre elle et d’obtenir une décision rendue par une personne impartiale. L’équité procédurale ne concerne pas le caractère équitable du résultat de la décision.

[22] Le prestataire a assisté à l’audience de la division générale. Il n’a pas dit qu’il n’avait pas eu une chance équitable de se préparer à l’audience. Il n’a pas dit non plus qu’il ne comprenait pas ce qui se passait à l’audience. Il n’a pas dit qu’il n’avait pas eu une réelle occasion de présenter ses arguments ou de répondre à ceux de la Commission. Il n’a pas avancé que la membre de la division générale avait un parti pris ou qu’elle semblait avoir jugé l’affaire d’avance.

[23] Lorsque j’ai lu la décision et examiné le dossier d’appel, je n’ai rien vu qui m’amène à douter de l’équité de la procédure en raison de quelque chose que la division générale aurait fait ou aurait omis de faire.

[24] Le prestataire a entendu dire que des exceptions ont déjà permis à des prestataires de modifier leur choix de prestations parentales. Il s’est dit préoccupé par l’iniquité d’un système qui accorderait des exceptions à certaines personnes, mais pas à lui et à son épouse.

[25] S’il parle des procédures de la Commission, celles-ci ne sont pas en cause dans le présent appel. Je ne peux pas dire si la Commission permet parfois aux prestataires d’annuler leur choix.

[26] La division générale a conclu que pour des raisons juridiques, le prestataire et son épouse ne pouvaient pas annuler leur choix. Même si le Tribunal peut faire des erreurs, il est tenu de respecter la loi.

[27] La question est de savoir si la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a établi que les prestataires ne pouvaient pas modifier leur choix de prestations une fois que les versements avaient commencéNote de bas de page 3 .

Erreur de droit

[28] Dans le formulaire de demande à la division d’appel, le prestataire a dû expliquer l’origine de l’erreur de la division générale. Il a affirmé que l’erreur concernait l’équité procédurale, mais son explication donne à penser qu’il croyait que la division générale avait commis d’autres erreurs. L’une d’elles est une erreur de droit.

[29] Le prestataire semble croire que la loi permet aux prestataires d’annuler leur choix dans certaines circonstances. Je vais évaluer si la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a établi que les prestataires ne peuvent pas annuler leur choix.

[30] On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de droit.

[31] La Loi sur l’assurance-emploi est claire : le choix devient irrévocable (définitif) dès que le premier versement de prestations parentales est faitNote de bas de page 4. Je ne vois aucune décision du Tribunal ou d’une cour qui arrive à une autre conclusion.

[32] Le prestataire pense peut-être aux décisions où le Tribunal a examiné si les prestataires avaient bien sélectionné l’option de prestations qu’ils pensaient avoir choisie. Dans ces décisions, le Tribunal a reconnu que le choix dépendait de la compréhension que les prestataires avaient des options de prestations et de ce qu’ils voulaient faire. Dans certaines circonstances, le Tribunal a considéré que l’erreur des prestataires était telle que l’option choisie n’était pas celle sélectionnée dans leur demande.

[33] Le Tribunal n’a pas pu arriver à cette conclusion dans la présente affaire. Les tribunaux ont rejeté cette approche et clarifié le sens du mot « choix ». La Cour d’appel fédérale affirme que le « choix » d’une personne est l’option qu’elle a sélectionnée dans son formulaire de demande, peu importe si elle s’est trompée en raison de renseignements incorrects ou si elle avait l’intention de choisir l’autre optionNote de bas de page 5. La Cour a aussi confirmé qu’une décision de la Cour fédérale a établi qu’il n’existe aucun recours juridique pour les prestataires qui ont fondé leur choix sur une mauvaise compréhension du régime de prestations parentalesNote de bas de page 6.

[34] Quoi qu’il en soit, la situation du prestataire est différente. Il a fait appel à la division générale parce que son employeur l’avait induit en erreur et lui avait dit qu’il pouvait prendre une deuxième période de congé parental. Le prestataire et son épouse n’ont pas choisi la mauvaise option parce qu’ils ont mal compris le régime de prestations. Leur choix de prestations était en fait logique dans le cadre du régime, en fonction de ce que le prestataire savait de sa situation d’emploi. Malheureusement, ils ont mal compris sa situation, ce qui ne leur permet pas de démontrer qu’ils devraient pouvoir modifier leur choix de prestations parentales. Comme la division générale l’a souligné dans ses motifs, la Cour fédérale a déclaré que la Commission n’est pas responsable des renseignements fournis par un employeurNote de bas de page 7.

[35] Je remarque que le prestataire a aussi fait valoir devant la division générale que la Commission avait l’obligation de l’aviser, lui ou son épouse, que leur plan visant à diviser le congé en deux périodes pouvait entrer en conflit avec une loi provinciale.

[36] Je suis d’avis que les prestataires peuvent raisonnablement s’attendre à ce que la Commission connaisse les choix offerts par le régime de prestations. Toutefois, je doute que la Commission ait l’obligation de connaître les conséquences juridiques ou financières de ces choix ou d’offrir des conseils en la matière.

[37] Peu importe ce que la Commission peut ou doit dire aux prestataires, les décisions de la Cour d’appel fédérale intitulées Pettinger, Johnson et Jeffers ne laissent aucun doute sur le caractère absolu de la règle interdisant l’annulation du choixNote de bas de page 8. Dans la décision Jeffers, la prestataire a fait valoir qu’elle avait fondé son choix sur des renseignements trompeurs de la Commission. Ces renseignements soi-disant erronés concernaient le fonctionnement du régime de prestations lui-même. La Cour a tout de même conclu que la prestataire ne pouvait pas annuler son choix.

[38] Je comprends que le prestataire et son épouse auraient choisi l’autre option s’ils avaient eu plus d’information au moment où le choix de l’épouse a été fait. Je comprends aussi que le prestataire trouve injuste de ne pas avoir reçu toutes les prestations auxquelles il avait droit.

[39] Cependant, les décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale lient la division générale et la division d’appel. En d’autres mots, le Tribunal est obligé de suivre l’exemple des cours fédérales. La loi est maintenant très claire. Le choix d’une personne correspond à l’option de prestations parentales qu’elle a sélectionnée dans sa demande. Et une fois que le premier versement de prestations parentales est fait, le choix ne peut plus être annulé. Ni la Commission ni le Tribunal ne peuvent modifier le type de prestations choisies.

[40] On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de droit.

Erreur de fait

[41] Lorsque le prestataire a expliqué ses motifs d’appel, il a aussi dit que la division générale avait ignoré certains éléments de preuve. Il a souligné que la décision ne mentionnait pas ce qu’il avait entendu d’autres sources. Le prestataire ou son épouse avait parlé au Bureau de la satisfaction des clients et à une personne responsable des prestations d’une unité régionale de Service Canada. Le prestataire affirme s’être fait dire que des exceptions étaient possibles pour permettre d’annuler un choix et de modifier les prestations.

[42] La division générale commet une erreur de fait importante si elle fonde sa décision sur une conclusion qu’elle a tirée après avoir ignoré ou mal interprété des éléments de preuve pertinents ou sur une conclusion sans lien rationnel avec la preuveNote de bas de page 9.

[43] Dans la présente affaire, on ne peut pas soutenir que la division générale a ignoré la preuve du prestataire.

[44] Selon la loi, le choix est irrévocable. Ni la Commission ni qui que ce soit d’autre n’ont le pouvoir discrétionnaire de permettre aux prestataires d’annuler leur choix. Quelle que soit l’information au sujet des « exceptions » que le prestataire a entendue de la part du Bureau de la satisfaction des clients et d’une personne responsable des prestations de Service Canada, il s’agit simplement d’une opinion sur l’interprétation de la loi. C’était peut-être un « argument », mais ce n’était pas une preuve.

[45] La division générale n’était pas obligée de se référer à ce que le prestataire avait entendu de la part d’autres sources au sujet de la loi. Elle a tiré sa propre conclusion en suivant la loi, et je n’ai trouvé aucune erreur dans son interprétation.

[46] L’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[47] Je refuse la permission de faire appel. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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