Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : HH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 461

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : H. H.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (642612) datée du 31 janvier 2024 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Nathalie Léger
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 26 mars 2024
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 28 mars 2024
Numéro de dossier : GE-24-812

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations. Autrement dit, le prestataire n’a pas fourni une explication acceptable selon la loi. Par conséquent, sa demande ne peut pas être traitée comme ayant été présentée plus tôtNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi le 14 novembre 2023. Il demande maintenant que la demande soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 1er octobre 2023. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a déjà rejeté cette demande.

[4] Je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il avait un motif valable de ne pas demander des prestations plus tôt.

[5] La Commission affirme que le prestataire n’avait pas de motif valable parce qu’il n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans des circonstances semblables. La Commission ajoute que l’ignorance de la loi n’est pas une raison que la loi considère comme valide pour accorder une antidatation.

[6] Le prestataire n’est pas d’accord et affirme qu’il ne savait pas qu’il devait demander des prestations en respectant un certain délai. Il ajoute que si la Commission avait accepté de recevoir sa demande de prestations lorsqu’il s’est rendu en personne dans un bureau de Service Canada, il ne se retrouverait pas dans cette situation. Pour lui, c’est le fait qu’il ait eu tellement de difficultés avec sa demande en ligne qui l’a amené à la déposer après la date limite.

Question en litige

[7] La demande de prestations du prestataire peut-elle être traitée comme si elle avait été présentée le 1er octobre 2023? C’est ce qu’on appelle « antidater » la demande.

Analyse

[8] Pour que la demande de prestations d’une personne soit antidatée, elle doit prouver les deux choses suivantesNote de bas de page 2 :

  1. a) Elle avait un motif valable justifiant son retard durant toute la période écoulée. Autrement dit, elle avait une explication acceptable selon la loi.
  2. b) Elle remplissait les conditions requises à la date antérieure (c’est-à-dire la date à laquelle elle souhaite que sa demande soit antidatée).

[9] Dans la présente affaire, les principaux arguments portent sur la question de savoir si le prestataire avait un motif valable. Je vais donc commencer par cette question.

[10] Pour prouver qu’il avait un motif valable, le prestataire doit démontrer qu’il a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable et prudente dans des circonstances semblablesNote de bas de page 3. Autrement dit, il doit démontrer qu’il a agi de façon raisonnable et prudente, comme toute autre personne l’aurait fait si elle s’était trouvée dans une situation semblable.

[11] Le prestataire doit démontrer qu’il a agi de cette façon pendant toute la période du retardNote de bas de page 4. Cette période va du jour où il veut que sa demande soit antidatée à celui où il a présenté sa demande. Par conséquent, la période de retard du prestataire va du 1er octobre 2023 au 14 novembre 2023.

[12] Le prestataire doit aussi démontrer qu’il a vérifié assez rapidement son droit à des prestations et les obligations que lui impose la loiNote de bas de page 5. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il a fait de son mieux pour essayer de s’informer de ses droits et responsabilités dès que possible. Si le prestataire ne l’a pas fait, il doit alors démontrer que des circonstances exceptionnelles l’en ont empêchéNote de bas de page 6.

[13] Le prestataire doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait un motif valable justifiant son retard.

[14] La Commission affirme que le prestataire n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant son retard parce qu’il a attendu quelques semaines avant de se rendre dans un bureau de Service Canada pour déposer une demande de prestationsNote de bas de page 7.

[15] Elle soutient également que l’appelant n’a pas agi comme une personne raisonnablement prudente l’aurait fait dans les circonstances parce qu’il avait déjà fait une demande d’antidatation. Par conséquent, il aurait dû savoir que des délais s’appliquaient à sa demande. Cependant, même en sachant cela, il n’a pas essayé de savoir à quelle date il devait déposer sa demande de prestations. La Commission soutient que l’ignorance de la loi ne suffit pas à prouver l’existence d’un motif valableNote de bas de page 8.

[16] Le prestataire affirme qu’il avait un motif valable justifiant son retard parce qu’il est un travailleur étranger temporaire et qu’il ne connaît pas le système d’assurance-emploi. Il ne savait pas que sa demande de prestations devait être présentée dans un certain délai.

[17] Il ajoute que dès qu’il a perdu son emploi, il a commencé à en chercher un autre, tout en essayant de convaincre son employeur de le reprendreNote de bas de page 9. Son employeur lui a demandé d’attendre, et il affirme qu’il s’agissait d’une raison légitime de ne pas déposer sa demande de prestations d’assurance-emploi tout de suite. Il a admis qu’il avait attendu de voir s’il pouvait travailler de nouveau pour cet employeur et qu’il ne s’était pas informé de ses droits et obligations pendant cette période.

[18] L’appelant a également décrit de façon détaillée à l’audience tout ce qui a rendu plus difficile la présentation de sa demande. Premièrement, il affirme que la Commission aurait dû accepter qu’il soumette sa demande à l’aide d’un formulaire papier au lieu de l’envoyer chez lui la présenter en ligne. Il a dit que lorsqu’il a essayé d’accéder à son compte MonServiceCanada, il n’avait pas le code d’accès pour le faire. Par la suite, il a dû faire plusieurs démarches pour résoudre ce problème. Il a déclaré avoir reçu son code d’accès seulement le 6 décembre 2023Note de bas de page 10.

[19] À la question de savoir pourquoi il pensait devoir demander de l’assurance-emploi à l’aide de ce compte, il n’a pas vraiment pu répondre. Il a admis ne pas avoir fait de recherche sur Google pour connaître la meilleure manière de demander de l’assurance-emploi; il a tenu pour acquis que c’était la façon de faire. Il a également admis qu’il n’avait pas appelé la Commission ni posé de question d’une autre manière.

[20] Ce n’est que le 14 novembre 2023 qu’il est retourné dans un centre Service CanadaNote de bas de page 11. Il s’y est rendu parce que son nouvel employeur lui avait dit que son numéro d’assurance sociale était expiré depuis 2019 et qu’il devait le renouvelerNote de bas de page 12. Une agente ou un agent lui a ensuite montré comment renouveler son numéro d’assurance sociale et demander des prestations d’assurance-emploi en ligne.

[21] L’appelant a admis à l’audience que rien ne l’a empêché de s’informer davantage sur la façon appropriée de présenter une demande de prestations pendant la période écoulée. Il a dit qu’il ne l’avait pas fait pour la simple raison qu’il concentrait ses efforts sur la recherche d’un nouvel emploi, ce qui n’est pas facile pour une personne ayant un permis de travail limité. Il a également fait valoir avec force que si la Commission lui avait permis de présenter sa demande sur papier, il ne serait pas en retard.

[22] Je suis d’avis que le prestataire n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant son retard à demander des prestations parce qu’il n’a pas agi comme une personne raisonnablement prudente l’aurait fait si elle s’était trouvée dans des circonstances semblables. Premièrement, une simple recherche sur Internet lui aurait fourni le bon formulaire à remplir pour présenter une demande d’assurance-emploi en ligne. Il a admis qu’il ne l’avait pas fait. Il a dit qu’il avait toujours fait ses demandes sur papier et que c’était sa manière de faire habituelle. Au lieu de cela, il a essayé par lui-même et a laissé tomber quand cela n’a pas fonctionné. Il n’a pas téléphoné à la Commission pour s’informer de ses droits ou pour savoir si quelqu’un pouvait l’aider.

[23] L’appelant a déclaré qu’il attendait que son numéro d’assurance sociale soit émis et que son code d’accès lui soit envoyé. Il dit qu’il ne savait pas que son numéro d’assurance sociale était expiré puisque son ancien employeur n’avait jamais soulevé la question. Cependant, lorsqu’un numéro d’assurance sociale est envoyé à un travailleur étranger temporaire, le document indique clairement jusqu’à quand le numéro est valide. L’appelant aurait dû savoir quand il a expiré. Il avait la responsabilité de le faire renouveler à temps, tout comme il a la responsabilité de renouveler son permis de travail avant son expiration.

[24] Enfin, il prétend essentiellement que l’assurance-emploi devrait être là pour aider les travailleuses et travailleurs et non pour leur imposer le fardeau. Le régime devrait avoir toute la souplesse voulue quant à la façon et au moment pour les parties prestataires de demander des prestations. Faire autrement n’est pas juste et, par conséquent, il devrait pouvoir faire antidater sa demande.

[25] Comme je l’ai expliqué à l’appelant à l’audience, ce n’est pas parce qu’une loi accorde des prestations qu’elle doit le faire sans contraintes. Dans la présente affaire, le Règlement sur l’assurance-emploi précise clairement à quel moment une partie prestataire doit présenter sa demande, et les tribunaux ont toujours maintenu que l’ignorance de la loi, même de bonne foi, n’est pas un motif valable au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

[26] J’ai également expliqué que je n’ai pas le pouvoir de modifier la loi ou de l’ignorer parce que je peux penser qu’elle est injuste. Mon seul pouvoir est d’appliquer la loi telle qu’elle est écrite. Malheureusement, dans la présente affaire, je dois conclure que l’appelant n’a pas agi comme une personne raisonnablement prudente l’aurait fait dans les circonstances.

[27] Comme j’ai conclu que l’appelant n’avait pas démontré qu’il avait un motif valable, je n’ai pas à vérifier s’il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations à la date antérieure. Si le prestataire n’a pas de motif valable, sa demande ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.

Conclusion

[28] Le prestataire n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations durant toute la période écoulée.

[29] L’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.