Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TK c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2023 TSS 543

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission d’en appeler

Demandeur : T. K.
Défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 30 janvier 2023
(GE-22-2726)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 28 avril 2023
Numéro de dossier : AD-23-211

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a été suspendu de son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 (politique) de l’employeur. Il n’a pas obtenu d’exemption. Lorsque l’employeur a rappelé le prestataire au travail, ce dernier a refusé d’y retourner.

[3] La défenderesse a décidé que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison de son inconduite. Elle a également établi que le prestataire a quitté volontairement son emploi sans justification lorsqu’il a refusé de reprendre le travail. La Commission a jugé que le prestataire n’était pas disponible pour travailler à compter du 27 décembre 2021.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi à la suite de son refus de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Il n’a pas obtenu d’exemption. Elle a conclu que le prestataire savait que l’employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

[5] La division générale a conclu que le prestataire a quitté son emploi lorsqu’il a refusé de reprendre le travail. Elle a conclu que le prestataire avait des solutions de rechange raisonnables autres que de démissionner lorsqu’il l’a fait. La division générale a jugé que la prestataire n’était pas disponible pour travailler à compter du 27 décembre 2021.

[6] Le prestataire demande la permission d’en appeler de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. Le prestataire soutient que le fait de contraindre une personne à se faire vacciner constitue une agression en vertu du Code criminel canadien. Il prétend qu’il n’a pas cessé de travailler en raison d’une inconduite.

[7] Le prestataire soutient qu’il cherchait du travail après son congédiement déguisé par l’employeur. Il soutient qu’il a été harcelé avant le congédiement déguisé et qu’il lui était impossible de reprendre le travail dans ces circonstances.

[8] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur susceptible de révision commise par la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli.

[9] Je refuse la permission d’en appeler parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[10] Le prestataire soulève-t-il une erreur susceptible de révision commise par la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli? 

Analyse

[11] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social énonce les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Les erreurs susceptibles de révision sont les suivantes :

  1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale ne s’est pas prononcée sur une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[12] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audition sur le fond de l’affaire. Il s’agit d’une première étape que le prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui dont il devra s’acquitter à l’audience relative à l’appel sur le fond. À l’étape de la permission d’en appeler, le prestataire n’a pas à prouver le bien‑fondé de ses prétentions, mais il doit établir que l’appel a une chance raisonnable de succès compte tenu d’une erreur susceptible de révision. En d’autres termes, il doit établir que l’on peut soutenir qu’il y a une erreur susceptible de révision sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli.

[13] Par conséquent, avant que je puisse accorder la permission d’interjeter appel, je dois être convaincu que les motifs d’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés précédemment et qu’au moins l’un des motifs a une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur susceptible de révision de la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli?

[14] Le prestataire soutient que le fait de contraindre une personne à se faire vacciner constitue une agression en vertu du Code criminel canadien. Il prétend qu’il n’a pas cessé de travailler en raison d’une inconduite. Le prestataire soutient qu’il cherchait du travail après son congédiement déguisé par l’employeur. Il prétend qu’il a été harcelé avant le congédiement déguisé et qu’il lui était impossible de reprendre le travail dans ces circonstances.

Inconduite

[15] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite.

[16] La notion d’inconduite ne signifie pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif découle d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été délibéré ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a délibérément décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[17] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ou d’établir si l’employeur a été coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de sorte que sa suspension était injustifiée, mais bien de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspensionNote de bas de page 1.

[18] Compte tenu de la preuve, la division générale a conclu que le prestataire a été suspendu parce qu’il a refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Il a été informé de la politique et a eu le temps de s’y conformer. Il n’a pas obtenu d’exemption. Le prestataire a refusé intentionnellement; ce refus était délibéré. Il a été la cause directe de sa suspension. La division générale a conclu que le prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner sa suspension.

[19] La division générale a conclu à partir de la preuve prépondérante que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[20] Il est bien établi que le non‑respect voulu de la politique de l’employeur est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi)Note de bas de page 2. Le non‑respect d’une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une industrie est également considéré comme une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 3.

[21] Nul ne conteste le fait que l’employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de son personnel au travail. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi les recommandations d’Alberta Public Health (Santé publique Alberta) afin de mettre en œuvre sa propre politique visant à protéger la santé de l’ensemble du personnel pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été suspendu.

[22] Le Tribunal n’a pas compétence pour décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[23] La question de savoir si l’employeur a violé le contrat de travail du prestataire ou si l’employeur a violé ses droits de la personne et ses droits constitutionnels relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas l’instance par laquelle le prestataire peut obtenir la réparation qu’il rechercheNote de bas de page 4.

[24] La Cour fédérale a rendu récemment la décision Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’un prestataire de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur ne constitue pas une inconduite. Il n’a pas été prouvé que le vaccin était sûr et efficace, a‑t‑il avancé. Le prestataire s’est senti victime de discrimination en raison de son choix médical personnel. Il a fait valoir qu’il a le droit de décider de sa propre intégrité corporelle et que ses droits ont été violés sous le régime du droit canadien et internationalNote de bas de page 5.

[25] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, en vertu de la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions. La Cour a convenu qu’en effectuant un choix personnel et voulu de ne pas respecter la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers l’employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 6. La Cour a déclaré que le prestataire dispose d’autres recours dans le cadre du système judiciaire pour faire valoir ses allégations.

[26] Dans l’affaire Paradis, antérieure, le prestataire s’est fait refuser des prestations d’assurance‑emploi en raison d’une inconduite. Il a fait valoir qu’il n’y avait eu aucune inconduite parce que la politique de son employeur portait atteinte aux droits que lui confère l’Alberta Human Rights Act. La Cour fédérale a conclu que l’affaire relevait d’une autre instance.

[27] La Cour fédérale a affirmé que, pour sanctionner le comportement de l’employeur, il existait d’autres recours qui permettent d’éviter que le programme d’assurance‑emploi fasse les frais de ce comportement.

[28] Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, le rôle de la division générale n’est pas d’établir si l’employeur a été coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de sorte que sa suspension était injustifiée, mais bien de décider si le prestataire s’était rendu coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension.

[29] La preuve prépondérante dont dispose la division générale montre que le prestataire a fait le choix personnel et voulu de ne pas se conformer à la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension.

[30] Selon moi, la division générale n’a commis aucune erreur susceptible de révision lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 7.

[31] Je suis tout à fait conscient que le prestataire peut demander réparation à une autre instance si une violation est établieNote de bas de page 8. Cela ne change rien au fait que, en vertu de la Loi, la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire ait été suspendu en raison de l’inconduite.

Départ volontaire

[32] La division générale a conclu que le prestataire a quitté volontairement son emploi lorsqu’il a refusé de retourner travailler chez son employeur.

[33] La division générale a conclu que le prestataire n’avait pas repris le travail pour vérifier l’exactitude de ses hypothèses. Elle a jugé qu’il aurait été raisonnable que le prestataire parle à son superviseur ou à son gestionnaire pour les informer de ses préoccupations avant de reprendre le travail et de donner à l’employeur l’occasion de régler les problèmes.

[34] Il aurait également été raisonnable pour le prestataire de reprendre le travail le 4 avril 2022 et de continuer à travailler jusqu’à ce qu’il trouve un emploi convenable ailleurs, plutôt que de demeurer sans travail.

[35] La preuve prépondérante présentée à la division générale démontre que le prestataire, qui a fortement insisté sur le fait que son employeur a piétiné ses droits, ne voulait pas reprendre le travail pour ne pas nuire à sa réclamation contre l’employeur pour congédiement injustifié.

[36] Comme il a été mentionné par la division générale, il ne suffit pas d’avoir de bonnes raisons personnelles de quitter un emploi pour prouver une justification en vertu de la Loi. Le prestataire voulait peut‑être tenir l’employeur responsable par diverses poursuites en justice, mais il ne peut s’attendre à ce que les cotisants à la caisse d’assurance‑emploi assument les coûts de sa décision unilatérale de quitter son emploi à cette fin.

Disponibilité

[37] La division générale a conclu que le prestataire ne voulait pas retourner au travail le plus tôt possible et qu’il n’a pas fait assez de démarches pour trouver un emploi. Elle a conclu que le prestataire a imposé des conditions personnelles qui limitaient indûment ses chances de retourner sur le marché du travail en refusant de divulguer son statut vaccinal. La division générale a conclu que le prestataire n’était pas disponible pour travailler au sens de la loi.

[38] Pour être considéré comme disponible pour travailler, le prestataire doit démontrer qu’il est capable de travailler et disponible à cette fin, et incapable d’obtenir un emploi convenable.

[39] La disponibilité doit être déterminée en analysant trois éléments :

  1. Le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert.
  2. L’expression de ce désir par des efforts pour se trouver un emploi convenable.
  3. Le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail.

[40] De plus, la disponibilité est établie pour chaque jour ouvrable d’une période de prestations pour laquelle le prestataire peut prouver qu’il était, ce jour-là, capable de travailler, disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable.

[41] La division générale a tenu compte du fait que, dans son avis d’appel, le prestataire a mentionné qu’il s’occupait de son épouse qui était malade jusqu’à la fin de mars 2022Note de bas de page 9. Il l’a confirmé à l’audience lorsqu’il a déclaré qu’il devait s’occuper de son épouse [traduction] « 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et qu’il ne pouvait pas travailler » pendant cette période.

[42] La division générale a considéré que le prestataire avait refusé l’offre de rappel de son employeur. L’offre a été faite pendant que le prestataire était toujours sans emploi et, si elle avait été acceptée, il aurait été de retour au travail à compter du 4 avril 2022. La division générale a estimé que le prestataire n’avait fait aucune demande d’emploi avant le 4 mai 2022.

[43] La division générale a tenu compte de l’aveu même du prestataire selon lequel son choix de ne pas divulguer son statut vaccinal limitait ses possibilités d’emploi.

[44] La preuve et la jurisprudence appuient la conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler et incapable d’obtenir un emploi convenable en vertu de la Loi.

Conclusion

[45] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission d’en appeler, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[46] La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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