Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 526

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (629828) datée du
6 décembre 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Jean Yves Bastien
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 21 mars 2024
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 22 mars 2024
Numéro de dossier : GE-24-131

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant a perdu son emploi. Son employeur a affirmé l’avoir congédié pour inconduite parce qu’il a enfreint le code d’éthique de l’entrepriseNote de bas de page 2, ainsi que la politique pour les fournisseurs de logiciels en ce qui concerne les lois sur la concurrence et les opérations équitablesNote de bas de page 3. L’employeur a déclaré que l’appelant [traduction] « a volé des données clients, a mis sur pied une entreprise rivale et est allé vers un concurrent directNote de bas de page 4 ».

[4] Même si l’appelant ne conteste pas qu’il a été congédié, il affirme qu’il n’a commis aucune inconduite. L’appelant a déclaré qu’en fait, l’employeur l’a congédié parce qu’il éprouvait du ressentiment.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a donnée. Elle a conclu que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6] Je dois décider si les actions de l’appelant au moment où il travaillait pour l’employeur constituent une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Question en litige

[7] L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] Pour décider si l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois évaluer deux choses. D’abord, je dois établir la raison de sa perte d’emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

[9] J’estime que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il a sollicité un ancien client de l’employeur au nom de sa propre entreprise, son [traduction] « petit à-côté » comme il l’appelle. Les actions de l’appelant étaient contraires aux intérêts de l’employeur et compromettaient la relation entre l’employeur et son principal partenaire commercial et fournisseur.

[10] L’appelant et la Commission ne s’entendent pas sur la raison de la perte d’emploi. La Commission soutient que l’employeur a donné la vraie raison du congédiement. L’employeur a dit à la Commission que l’appelant exploitait sa propre entreprise qui entrait en concurrence avec lui. L’employeur a déclaré que l’appelant s’est emparé de données confidentielles sur sa clientèle et ses partenaires commerciaux (des renseignements tarifaires) et les a dévoilées contre les intérêts de l’entreprise et à son propre avantageNote de bas de page 5. L’employeur fait valoir que les actions de l’appelant contrevenaient au code de conduite et d’éthique, ainsi qu’à la politique pour les fournisseurs de logiciels en ce qui concerne les lois sur la concurrence et les opérations équitables.

[11] L’appelant n’est pas d’accord. Il affirme qu’il n’y avait aucune modalité d’exclusivité dans son contrat de travailNote de bas de page 6. L’appelant a déclaré que la vraie raison de sa perte d’emploi est que l’employeur était [traduction] « offensé par le fait qu’[il] avait un à-côté et que [sa] vie ne dépendait pas de [son] employeur ». Il a aussi mentionné que le fournisseur de logiciels était très sensible à la concurrence, quelle qu’elle soit.

[12] Cependant, l’appelant ne nie pas qu’il avait sa propre entreprise de services d’approvisionnement. Il a expliqué que son objectif était d’aider la clientèle à épargner de l’argent dans les dépenses commerciales, comme les services logiciels. Il a déclaré que son entreprise est devenue active seulement au début de 2023. Il avait alors décidé qu’il avait besoin d’un petit boulot pour gagner plus d’argent. Mais l’appelant affirme que son entreprise n’a jamais généré de revenus. Il dit avoir envoyé [traduction] « seulement 10 courriels en tout ».

[13] L’appelant a admis à la Commission qu’il avait envoyé un courriel à un ancien client de l’employeur au sujet de sa propre entreprise et que ce client avait transféré son courriel à l’employeur en pensant qu’il provenait de lui. L’appelant a dit que son employeur avait vu le courriel et qu’il avait été congédié sur-le-champ.

[14] Lorsque la Commission a demandé à l’appelant si son employeur avait une politique sur les conflits d’intérêts, il a répondu que ce n’était [traduction] « pas un conflit d’intérêts ». La Commission a aussi demandé à l’appelant s’il avait [traduction] « besoin d’une autorisation avant d’occuper un deuxième emploi ou de faire un travail indépendant », ce à quoi il a répondu que [traduction] « non, [il] n’avait jamais signé ce genre de politiqueNote de bas de page 7 ».

[15] L’appelant a déclaré qu’il ne croyait pas que son entreprise était source de [traduction] « tant de conflits ». Il ajoute qu’il n’a jamais signé la politique pour les fournisseurs de logiciels en ce qui concerne les lois sur la concurrence et les opérations équitables.

[16] L’employeur a fourni à la Commission son code de conduite et d’éthiqueNote de bas de page 8, ainsi que la politique pour les fournisseurs de logiciels en ce qui concerne les lois sur la concurrence et les opérations équitablesNote de bas de page 9. L’employeur a souligné que la politique pour les fournisseurs de logiciels indique que [traduction] » [les partenaires commerciaux] qui enfreignent ces lois risquent l’interruption immédiate de leur relation avec [le fournisseur de logiciels]Note de bas de page 10 ». Alors, lorsque l’appelant a [traduction] « dévoilé à tort des renseignements délicats d’un point de vue concurrentiel », il a enfreint la politique pour les fournisseurs de logiciels, ce qui aurait pu avoir de graves conséquences sur l’employeur. En effet, son fournisseur de logiciels aurait pu le laisser tomber.

La raison du congédiement est-elle une inconduite selon la loi?

[17] Selon la loi, la raison du congédiement de l’appelant est une inconduite.

[18] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 11. L’inconduite peut aussi se présenter comme une conduite si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 12. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 13.

[19] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 14.

[20] La Commission doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 15.

[21] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que l’appelant a enfreint le code de conduite et d’éthique de l’employeur lorsqu’il a créé une entreprise personnelle tout en exploitant les renseignements obtenus de son employeur. Cet acte constituait par sa nature un conflit d’intérêts. La Commission fait valoir que les actions de l’appelant constituent une inconduite parce que son utilisation de renseignements confidentiels a compromis l’intégrité de son employeur et a mis en péril son avantage concurrentiel et le partenariat d’affaires avec son fournisseur de logiciels. L’employeur a déclaré à la Commission que [traduction] « les actions du client étaient tellement ignobles qu’elles auraient pu lui faire perdre la totalité de son contrat avec [le fournisseur de logiciels]Note de bas de page 16 ».

[22] Voici ce que la Commission a ajouté : [traduction] « le prestataire exploitait son entreprise personnelle pendant les heures de travail pour son employeur. La Commission n’accepte pas la déclaration du prestataire selon laquelle il ne savait pas qu’il faisait quelque chose de mal. S’il était si certain que son entreprise ne représentait aucune menace pour son employeur, il aurait dû être transparent et faire part de ses démarches à son employeurNote de bas de page 17. »

[23] L’appelant a déclaré à la Commission [traduction] « qu’il y avait peut-être un chevauchement de 2 à 5 % entre son entreprise et celle de son employeurNote de bas de page 18 ». Mais il soutient qu’il n’y a eu aucune inconduite de sa part parce qu’il n’était pas en conflit d’intérêts avec son employeur lorsqu’il exploitait sa propre entreprise. L’appelant affirme qu’il travaillait sur son entreprise seulement lorsqu’il avait terminé tout son travail pour l’employeur. Il fait valoir qu’il n’a commis aucun acte répréhensible et que son congédiement est injusteNote de bas de page 19. Il a déclaré qu’il n’a jamais signé de code de conduite et d’éthique. Il ajoute qu’il n’a jamais reçu d’avertissement verbal ou écrit qui lui aurait permis de corriger la situation qui a entraîné son congédiementNote de bas de page 20.

[24] Je considère qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant connaissait le code de conduite et d’éthique de l’employeur. En effet, l’employeur avait un programme de formation en ligne pour l’ensemble du personnel au sujet de ce code. L’employeur consignait les progrès de chaque membre du personnel au fil du programme de formation et savait quand une personne avait terminé tous les modules. L’appelant ne conteste pas qu’il connaissait le code de conduite de l’employeur; il dit seulement qu’il [traduction] « n’a rien signé ». Un programme en ligne ne nécessite pas la signature d’une attestation papier. Je juge alors que le fait que l’appelant [traduction] « n’a rien signé » ne signifie pas qu’il ignorait le code de l’employeur.

[25] Je considère qu’il est plus improbable que probable que l’appelant était au courant de la politique pour les fournisseurs de logiciels en ce qui concerne les lois sur la concurrence et les opérations équitablesNote de bas de page 21. L’employeur a fourni à la Commission une copie de cette politique pour les fournisseurs de logiciels, mais la Commission ne donne aucune preuve que l’appelant connaissait ou aurait dû connaître cette politique. L’appelant a déclaré qu’il ne connaissait pas la politique, et je le crois.

[26] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait un code de conduite et d’éthique, qui se trouvait sur le site Web de l’entreprise. L’ensemble du personnel devait suivre une formation en ligne à ce sujet. L’entreprise conservait des rapports électroniques sur les progrès accomplis et l’achèvement de la formation. Il n’était pas nécessaire de signer un document papier.
  • Dans la section sur la protection des biens de l’entreprise, le code de conduite et d’éthique de l’employeur prévoit clairement ce qui suit : [traduction] « Le personnel est tenu de traiter l’ensemble des biens de l’entreprise, qu’ils soient matériels ou immatériels, avec respect et avec soinNote de bas de page 22. » On prévoit aussi que [traduction] « [le personnel] est tenu de respecter tout type de biens incorporels, comme les marques de commerce, le droit d’auteur et toute autre propriété (renseignements, rapports, etc.). Le personnel doit les utiliser exclusivement pour réaliser leurs tâches de travailNote de bas de page 23. »
  • Les documents de l’employeur contiennent aussi une section sur les conflits d’intérêts qui prévoit ceci : [traduction] « Nous nous attendons à ce que les membres du personnel évitent tout conflit d’intérêts personnel, financier ou autre qui pourrait nuire à leur capacité ou à leur volonté de réaliser leurs tâches. Tout conflit d’intérêts peut entraîner des mesures disciplinaires ou le congédiementNote de bas de page 24. »
  • L’appelant connaissait ou aurait dû connaître le code de conduite et d’éthique de l’employeur.
  • Le code de conduite et d’éthique de l’employeur prévoit que « tout conflit d’intérêts peut entraîner des mesures disciplinaires ou le congédiement ». Par conséquent, l’appelant savait ou aurait dû savoir qu’il risquait d’être congédié s’il contrevenait au code de conduite et d’éthique.
  • L’appelant a déclaré à la Commission qu’il n’avait reçu aucun avertissement verbal ou écrit avant d’être congédié. Mais l’appelant a transmis les tarifs du fournisseur de l’employeur à sa propre clientèle. C’est une erreur monumentale et insouciante.
  • En tant que vendeur, l’appelant savait ou aurait dû savoir, même en l’absence d’avertissement, qu’il était strictement interdit de communiquer les renseignements tarifaires des fournisseurs à autrui. Pourtant, l’appelant a transmis volontairement des renseignements confidentiels et délicats à sa propre clientèle, contrairement au code de conduite et d’éthique de l’employeur.

Alors, l’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[27] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. 

[28] Voici les raisons de ma décision :

  • L’employeur avait un code de conduite et d’éthique.
  • L’appelant connaissait ou aurait dû connaître ce code.
  • L’appelant savait ou aurait dû savoir qu’il risquait d’être congédié s’il contrevenait au code, puisque cette sanction est mentionnée dans le code.
  • Malgré tout, l’appelant a communiqué de façon volontaire et insouciante des données tarifaires, confidentielles et très délicates, avec sa propre clientèle au détriment des intérêts de son employeur.

Conclusion

[29] La Commission a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[30] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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