Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : EK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 514

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : E. K.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (621820) datée du 18 janvier 2024 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Elyse Rosen
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 14 mars 2024
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 15 mars 2024
Numéro de dossier : GE-24-546

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler du 29 juin 2023 au 31 août 2023.

Aperçu

[3] L’appelante travaille dans une école en éducation de la petite enfance (EPE). Le 29 juin 2023, elle a été mise à pied pour les vacances scolaires d’été, comme chaque année. Sa date prévue de rappel était le 31 août 2023. Elle a demandé des prestations d’assurance-emploi.

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a dit qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations parce qu’elle suivait des cours, qu’elle ne cherchait pas de travail et qu’elle n’avait pas prévu de services de garde.

[5] L’appelante affirme que rien de tout cela n’est exact.

[6] Elle dit suivre des cours à temps partiel et ce, depuis quelques années. Elle a toujours combiné ses cours et le travail à temps plein.

[7] Elle affirme qu’elle cherchait du travail, mais que personne ne voulait l’embaucher seulement pour l’été.

[8] Elle soutient qu’elle aurait pu facilement trouver des services de garde d’enfants si elle avait trouvé un emploi. La seule raison pour laquelle elle ne l’avait pas fait est qu’elle n’arrivait pas à trouver de travail.

[9] Elle dit qu’elle est mise à pied chaque été et qu’elle retourne au travail chaque automne. Elle reçoit toujours des prestations d’assurance-emploi pendant les vacances d’été. Elle n’est pas enseignante et n’est pas payée pour cette période. Elle ne comprend pas pourquoi elle a soudainement de la difficulté à toucher des prestations d’assurance-emploi.

[10] Je dois décider si l’appelante a prouvé qu’elle était disponible pour travailler pendant sa mise à pied.

Question que je dois trancher en premier

[11] L’appelante affirme avoir demandé des copies des enregistrements de ses conversations téléphoniques avec la Commission, mais ne pas les avoir encore reçus. Elle dit qu’ils montreront clairement que l’agent de révision avec qui elle a parlé a d’abord approuvé sa demande, puis a changé d’avis.

[12] J’ai décidé de rendre ma décision sans attendre les enregistrements.

[13] Comme je l’ai expliqué à l’appelante, il s’agit d’une audience de novo (autrement dit, je décide moi-même si elle était disponible pour travailler selon ma propre évaluation de la preuve). Par conséquent, il importe peu que l’agent de révision ait d’abord dit à l’appelante qu’il approuvait sa demande. Même s’il l’avait fait, cela n’aurait aucune incidence sur ma décision.

Question en litige

[14] L’appelante était-elle disponible pour travailler pendant les vacances d’été?

Analyse

[15] Les personnes qui ne travaillent pas ne peuvent pas toutes recevoir des prestations d’assurance-emploi. Pour recevoir des prestations, il faut remplir certaines conditions. Selon la loi, l’une des conditions pour recevoir des prestations est d’être disponible pour travailler.

[16] Deux articles de loi différents prévoient qu’une personne qui demande des prestations doit démontrer qu’elle est disponible pour travaillerNote de bas de page 1. L’un de ces articles s’applique seulement lorsque la Commission demande à la partie prestataire de fournir une preuve de sa recherche d’emploi. Puisque dans la présente affaire, la Commission a seulement demandé à l’appelante de prouver sa recherche d’emploi après son retour au travailNote de bas de page 2, je ne tiendrai pas compte de cet article de loi. Elle ne s’applique pas à sa disponibilité pendant les vacances d’été.

[17] La loi prévoit qu’une personne qui demande des prestations d’assurance-emploi doit démontrer qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 3.

[18] La jurisprudence (c’est-à-dire les décisions des tribunaux) explique qu’il y a trois choses qu’une partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est disponible pour travailler. Je vais les examiner ci-dessous.

[19] D’autres conditions s’appliquent également à la disponibilité des personnes qui étudient à temps plein.

[20] La loi prévoit que les personnes qui demandent des prestations d’assurance-emploi et qui sont aux études ou qui suivent une formation à temps plein sont présumées (c’est-à-dire « considérées comme ») ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas de page 4. C’est ce qu’on appelle une présomption de non-disponibilité. Cela signifie qu’on peut supposer qu’une partie prestataire n’est pas disponible pour travailler lorsqu’elle étudie ou suit une formation à temps plein.

[21] Pour décider si l’appelante était disponible pour travailler, je vais d’abord voir si je peux présumer qu’elle n’était pas disponible pour travailler pendant ses études. Si je conclus que la présomption s’applique, je vais voir si l’appelante peut réfuter la présomption selon laquelle elle n’était pas disponible. Si la présomption ne s’applique pas, je vais voir si l’appelante peut prouver qu’elle était disponible pour travailler.

L’appelante est-elle présumée ne pas être disponible pour travailler?

[22] Non. Elle n’est pas présumée comme n’étant pas disponible pour travailler.

[23] Comme je l’ai déjà expliqué, si une personne est aux études ou en formation à temps plein, il est présumé qu’elle n’est pas disponible pour travailler. Cependant, il faut que la personne soit aux études ou en formation à temps plein pour que la présomption s’applique.

[24] L’appelante a déclaré qu’elle suivait trois cours par trimestre. Il s’agit d’une charge de cours à temps partiel (elle dit qu’une charge de cours complète est de six cours par trimestre). Ses études prennent de 15 à 24 heures de son temps par semaine, selon le nombre de tests, de devoirs et de lectures qu’elle a à faire. Les cours sont en ligne et autodirigés. Elle peut les faire quand cela lui convient. Il n’y a pas de cours. Elle a seulement des lectures à faire. Une fois qu’elle termine une lecture, elle répond à un questionnaire ou rédige un document pour montrer qu’elle a appris le matériel.

[25] Je conclus que l’appelante n’est pas aux études à temps plein. C’est pourquoi je conclus que la présomption de non-disponibilité ne s’applique pas à elle.

[26] Dans tous les cas, la présomption peut être renversée si la personne démontre qu’elle a déjà travaillé en étant aux études à temps pleinNote de bas de page 5. L’appelante fait cela depuis plus de deux ans. Elle suit trois cours chaque trimestre, y compris de septembre à juin, pendant qu’elle travaille du lundi au vendredi, de 8 h 30 à 16 h 30.

[27] Si j’avais conclu que la présomption de non-disponibilité s’appliquait à l’appelante, étant donné qu’elle a déjà travaillé durant l’année scolaire, elle aurait été en mesure de la surmonter.

[28] Par conséquent, il n’est pas présumé que l’appelante n’est pas disponible.

[29] Je vais maintenant voir si elle peut démontrer qu’elle était disponible pour travailler.

L’appelante était-elle disponible pour travailler?

[30] Non. Je conclus que l’appelante n’était pas disponible pour travailler.

[31] Comme je l’ai mentionné plus haut, la jurisprudence établit trois éléments dont je dois tenir compte pour décider si une personne qui demande des prestations est disponible pour travaillerNote de bas de page 6. Ces trois éléments sont les suivants :

  1. i. Désir de retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable est offert.
  2. ii. Faire des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable.
  3. iii. Ne pas établir de conditions personnelles qui limiteraient excessivement les chances de trouver un emploi convenable.

[32] Les trois conditions doivent être remplies pour que je puisse conclure que l’appelante était disponible pour travailler. C’est à l’appelante de prouver qu’elle remplit les trois conditions.

[33] Pour décider si elle remplit les trois conditions, je dois examiner à la fois l’attitude de l’appelante et ce qu’elle a fait (ou omis de faire) pour se rendre disponible pour travailler.

a) Vouloir retourner travailler

[34] L’appelante a déclaré qu’elle voulait travailler pendant les vacances d’été et qu’elle serait prête à accepter un emploi convenable dès qu’il serait disponible. Cependant, je ne l’ai pas jugée crédible.

[35] Comme je l’explique plus en détail ci-dessous, elle n’a pas démontré qu’elle voulait vraiment travailler. Son attitude et ses gestes portent à croire le contraire.

b) Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[36] J’estime que l’appelante n’a pas fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable.

[37] Même si la jurisprudence précise qu’une partie prestataire n’a pas toujours à chercher immédiatement un autre emploi lorsqu’elle est mise à pied si elle s’attend raisonnablement à être rappelée, cette jurisprudence ne s’applique pas dans la présente affaireNote de bas de page 7. L’appelante savait très bien qu’elle ne serait pas rappelée avant le 31 août 2023. C’est le cas chaque année. Comme elle savait qu’elle serait sans emploi du 29 juin au 31 août 2023, elle avait l’obligation d’essayer de trouver du travail pendant cette période.

[38] L’appelante a déclaré qu’elle cherchait du travail, mais que personne ne voulait l’embaucher. Je ne l’ai pas jugée crédible.

[39] En juillet 2023, l’appelante a rempli un questionnaire dans lequel elle écrit ne pas avoir fait de recherche d’emploi parce qu’elle était aux études et qu’elle n’avait personne pour garder les enfantsNote de bas de page 8. Elle l’a confirmé lors d’une conversation avec la Commission en septembre 2023Note de bas de page 9. Par la suite, elle est revenue sur sa réponse. Elle a dit qu’elle n’avait pas compris la questionNote de bas de page 10. Elle dit qu’elle croyait que c’était lié à la période précédant sa mise à pied.

[40] Je ne crois pas qu’elle n’ait pas compris la question. D’abord, elle ne nie pas qu’on lui a demandé si elle avait fait des recherches d’emploi depuis le début de son cours ou depuis qu’elle était en chômageNote de bas de page 11. Deuxièmement, sa réponse était qu’elle n’avait personne pour garder les enfantsNote de bas de page 12. Elle ne pouvait donc pas raisonnablement comprendre qu’on lui demandait de parler de la période précédant sa mise à pied. Pendant l’année scolaire, pendant qu’elle travaillait, ses enfants étaient à l’école. Trouver une personne pour les garder n’aurait donc pas été un problème pendant cette période.

[41] Lorsque la Commission a interrogé l’appelante en septembre 2023Note de bas de page 13, elle a déclaré ce qui suit :

  • ses démarches de recherche d’emploi se limitaient à s’inscrire au Guichet-Emplois pour recevoir des alertes concernant les postes à pourvoir en éducation de la petite enfance;
  • elle cherchait seulement des postes en éducation de la petite enfance;
  • elle n’a reçu aucun avis d’emploi en éducation de la petite enfance pendant l’été;
  • elle n’avait pas postulé pour des emplois parce qu’elle savait qu’il n’y en aurait pas durant l’été qui lui rapporteraient autant qu’elle gagnait à son emploi en éducation de la petite enfance;
  • elle n’était pas disposée à envisager d’autres postes que ceux en éducation de la petite enfance.

[42] Lorsqu’elle a appris qu’elle ne recevrait pas de prestations, l’appelante a changé d’histoire. Elle affirme maintenant qu’après avoir cherché un emploi en éducation de la petite enfance pendant deux semaines, elle a élargi sa recherche et a postulé chez Walmart, Home Hardware, Winners/Homesense et le YMCA.

[43] Je ne la crois pas. J’accorde plus d’importance à ce qu’elle a dit avant de savoir que sa demande de prestations avait été rejetée.

[44] L’appelante affirme que l’agent à qui elle a parlé en septembre 2023 n’a pas consigné avec exactitude ce qu’elle lui avait dit dans le registre des appels. Dans la mesure où il y a peut-être eu des inexactitudes dans le registre d’appelsNote de bas de page 14, l’appelante ne m’a pas convaincue qu’elle n’a pas dit à l’agent qu’elle avait limité sa recherche à des emplois en éducation de la petite enfance et qu’elle n’avait postulé à aucun emploi à partir de cette conversation de septembreNote de bas de page 15.

[45] De plus, au cours du processus de révision, on a demandé à l’appelante de fournir une preuve des emplois pour lesquels elle avait postulé, mais elle ne l’a jamais faitNote de bas de page 16.

[46] Par conséquent, je ne crois pas que l’appelante a fait plus que s’inscrire au Guichet-Emplois pour recevoir des alertes concernant les postes en éducation de la petite enfance. Et je juge que ce n’était pas une recherche d’emploi suffisante.

[47] Quoi qu’il en soit, la recherche d’emploi que l’appelante a décrite après avoir appris que sa demande avait été rejetée ne suffirait toujours pas à démontrer qu’elle était disponible pour travailler (même si je devais le croire).

[48] Elle a déclaré qu’elle a parlé à la garderie de son école et à deux autres garderies pour voir si elles avaient des postes d’été. Cependant, elle dit que les garderies n’ont normalement pas de postes disponibles pendant l’été. Leur personnel travaille généralement à l’année.

[49] Elle affirme qu’après avoir cherché un emploi en éducation de la petite enfance sans succès pendant deux semaines, elle a élargi sa recherche pour inclure Walmart, Home Hardware, Winners/HomeSense et le YMCANote de bas de page 17. Elle dit qu’elle a présenté son curriculum vitae, mais qu’on lui a dit qu’ils n’étaient pas intéressés si elle était disponible seulement jusqu’au début de l’année scolaire.

[50] À mon avis, le fait de postuler pour des emplois pour lesquels on sait qu’il est peu probable que l’on soit embauché ne démontre pas que l’on fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable.

[51] Il y a de nombreux emplois saisonniers, par exemple dans un centre de jardinage, dans un camp d’été ou dans une installation de loisirs en plein air. L’appelante ne prétend pas s’être renseignée sur de tels emplois.

[52] Ainsi, même si j’avais cru que l’appelante faisait plus que simplement chercher du travail en éducation de la petite enfance, ce qu’elle affirmait avoir fait lorsqu’elle a parlé à la Commission en septembre 2023, j’aurais conclu qu’elle ne répondait pas à ce critère.

c) Limiter excessivement ses chances de retourner travailler

[53] J’estime que l’appelante a limité excessivement ses chances de trouver du travail pendant les vacances d’été en imposant des conditions personnelles à sa recherche.

[54] Comme je l’ai mentionné plus haut, l’appelante cherchait seulement des emplois qu’elle savait, ou aurait dû savoir, qu’elle n’obtiendrait pas.

[55] De plus, lors d’une conversation avec la Commission en septembre 2023, l’appelante a déclaré qu’elle n’était pas prête à accepter un emploi moins rémunérateur que son emploi actuel en éducation de la petite enfance et qu’elle ne travaillerait dans aucun autre domaineNote de bas de page 18.

[56] J’estime qu’en imposant ces conditions et en cherchant des emplois peu susceptibles de lui être offerts, elle a limité excessivement ses chances de retourner travailler.

[57] La Commission affirme que l’appelante a également limité ses chances de retourner travailler parce qu’elle n’avait personne pour s’occuper des enfants. Je ne suis pas d’accord sur ce point.

[58] L’appelante dit que son fils aîné n’avait pas besoin de se faire garder. Et elle aurait facilement pu trouver un programme d’été pour son fils cadet si elle avait trouvé un emploi. Je n’ai aucun élément de preuve qui contredit cette affirmation, et je l’accepte comme un fait.

[59] À la lumière de mes conclusions concernant les trois conditions que l’appelante doit remplir pour démontrer sa disponibilité, je conclus qu’elle n’a pas démontré qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était disponible pour travailler pendant les vacances d’été.

[60] Le fait que l’appelante ait pu recevoir des prestations pendant les vacances d’été des années précédentes n’est pas pertinent. Chaque fois qu’une demande est présentée, une partie prestataire doit démontrer qu’elle est admissible aux prestations. Pour la période en cause dans le présent appel, l’appelante ne l’a pas fait.

Conclusion

[61] L’appel est rejeté.

[62] Je conclus que l’appelante n’était pas disponible pour travailler du 29 juin au 31 août 2023. Elyse Rosen Membre de la division générale, section de l’assurance-emploi

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